Le carnaval des élections présidentielles 2007

Que le spectacle commence !

I Le régime présidentiel : « pour quelle démocratie ? »

II Les marxistes-léninistes et les élections en général

III Les marxistes-léninistes et les élections : « participation ou boycott ? »

IV La tactique des marxistes-léninistes face aux élections présidentielles 2007

Notes

 

Que le spectacle commence !

Autrefois tous les sept ans, et depuis 2002 tous les cinq ans, la bourgeoisie française offre au peuple et aux travailleurs de France un spectacle unique. Il faut dire que c’est un spectacle qui met en branle l’ensemble des acteurs de la scène politique française. Il ne s’agit pas d’un opéra ou d’une pièce de théâtre, consciencieusement préparés et répétés. Non, le spectacle dont nous parlons est plutôt de ces spectacles « paillettes et poudre aux yeux », digne des plus beaux carnavals vénitiens et brésiliens.

Ici donc, pas d’orchestre jouant à l’unisson un air mélodieux, mais une fanfare ! Et déjà on entend le bourdonnement lointain de cette fanfare qui répète !

Qu’on tende un peu l’oreille et on pourra discerner les cuivres qui s’époumonent et les tambours qui battent la mesure.

Qu’on en vienne à s’approcher un peu et on pourra avoir la chance de voir les chars commencer à s’avancer et à se mettre en bon ordre, tandis qu’au sein de certaines formations politiques on se dispute encore parfois pour savoir à qui reviendra la conduire du char. De tous côtés, on voit certains élaborer et travailler le texte qu’ils vont jouer, tandis qu’on en entend d’autres, déjà au point, déclament leurs tirades. Il faut dire que la récompense en fait saliver plus d’un et vaut bien quelques mois d’efforts et de « bains de foule » : pour le meilleur de ces acteurs c’est en effet l’assurance d’occuper pendant 5 ans le siège juché tout en haut du char présidentiel et d’en faire profiter les « bons copains » de sa formation politique.

Au milieu des fausses notes et des premiers « canards », parfois dans la cacophonie la plus complète quand elle ne s’est pas encore trouvé de bon chef d’orchestre, chaque fanfare se fait la supportrice de son « poulain » et dans ce carnaval, où le costume et les apparences importent plus que le contenu, c’est à qui jouera la plus belle mélodie. Ce carnaval fait partie de ces spectacles qui se veulent sérieux, mais qui tournent inévitablement à la farce tragi-comique. A la farce et à la comédie de par le caractère d’extrême indigence de pensée des « débats » et des idées avancées par l’ensemble de la scène politique. A la tragédie parce que ce spectacle amène beaucoup des travailleurs les plus politiquement conscients, à rejeter toute forme de politique tout en laissant le champ libre à ces piètres acteurs.

C’est l’un de ces spectacles qui nous sera donné en 2007 et qui occupe déjà les pensées de toute la classe politique bourgeoise : il n’est pas de parti politique bourgeois ou petit-bourgeois qui ne participe pas à cette mascarade grotesque, le PCF et les trotskistes de la LCR et de LO compris.

Mais que ce cache-t-il réellement dans les coulisses de ce spectacle des élections qui revient de manière cyclique sur la scène politique française ?

 

I Le régime présidentiel : « pour quelle démocratie ? »

Nous nous attacherons dans cette partie non pas à critiquer la démocratie bourgeoise en général, dont le caractère formel, limité, tronqué et illusoire a si bien été analysé par Marx et ses successeurs.1 Il est en effet évident que même le parlementarisme le plus pur restera toujours sous le capitalisme une des formes de la dictature exercée par les classes exploiteuses sur le prolétariat, puisque quand bien même la constitution bourgeoise garantit les « libertés individuelles », le « droit d’expression » ou le « droit au travail », ces droits politiques n’en restent pas moins lettre morte dans la pratique (celle de la vie économique et sociale), puisque l’exploitation économique des travailleurs s’oppose quotidiennement à l’exercice de ces droits. Quelles « libertés individuelles » ou quel « droit au travail » possède un chômeur, sinon le droit qui lui est accordé par les exploiteurs de pouvoir cherché à participer au libre esclavage de soi-même sous peine de ne pouvoir être en mesure de « gagner sa croûte » ? De quel droit d’expression réel disposent les travailleurs pour s’exprimer dans la presse et des médias dits « libres » mais en fait détenus par le Capital ? D’aucun ! A moins évidemment de n’adresser au système que des critiques très « mesurées » (à l’exemple de celles qu’adressent ordinairement les partis de « l’opposition » à ceux de la « majorité »2) et de ne pas remettre en cause le principe de la « démocratie » bourgeoise : l’exploitation du travail salarié par une minorité détenant les moyens de production.

« L’idéal » abstrait de la démocratie bourgeoise (« Etat arbitre, arbitre au dessus des classes ») qui constitue la base des aspirations formulées par la petite bourgeoisie et les révisionnistes reste éloigné de la réalité des formes de gouvernement adoptés de nos jours par la bourgeoisie, non seulement française, mais même internationale.  Bien sûr cela ne veut pas dire qu’il faille essayer d’adapter la réalité à cet « idéal » : cette réalité a une base économique objective — l’impérialisme en tant que stade suprême du capitalisme et conséquemment la domination des monopoles sur l’ensemble de la vie économique et sociale — qui rend vain tout espoir de transformation en profondeur du caractère de classe de la démocratie bourgeoise, cette démocratie étant condamnée à végéter dans les contradictions insolubles du mode de production capitaliste. Nous critiquons le caractère limité et illusoire de la démocratie et du parlementarisme bourgeois, qui malgré le suffrage universel ne peuvent pas représenter la volonté des travailleurs. Pour autant ne sommes pas opposés dans l’absolu à l’élection d’organismes représentatifs, du moment que ces organismes dits « représentatifs » restent réellement représentatifs et ne dégénèrent pas en bastions du lobbying des classes possédantes comme c’est le cas sous le capitalisme. Pour nous, et à l’inverse des fascistes,

« le moyen de sortir du parlementarisme ne consiste pas à détruire les organismes représentatifs et le principe électif, mais à transformer ces moulins à paroles que sont les organismes représentatifs en assemblées « agissantes ». »3

Nous n’oublions pas les critiques que Lénine adressait même à la plus « démocratique » des démocraties bourgeoises et à son parlementarisme, critiques qui nous indiquent ce que doit être la démocratie prolétarienne :

« Au parlementarisme vénal, pourri jusqu'à la moelle, de la société bourgeoise, la Commune substitue des organismes où la liberté d'opinion et de discussion ne dégénère pas en duperie, car les parlementaires doivent travailler eux-mêmes, appliquer eux-mêmes leurs lois, en vérifier eux-mêmes les effets, en répondre eux-mêmes directement devant leurs électeurs. Les organismes représentatifs demeurent, mais le parlementarisme comme système spécial, comme division du travail législatif et exécutif, comme situation privilégiée pour les députés, n'est plus. Nous ne pouvons concevoir une démocratie, même une démocratie prolétarienne, sans organismes représentatifs ; mais nous pouvons et devons la concevoir sans parlementarisme (…) « La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. » Un organisme « non parlementaire mais agissant », voilà qui s'adresse on ne peut plus directement aux parlementaires modernes et aux « toutous » parlementaires de la social-démocratie ! Considérez n'importe quel pays parlementaire, depuis l'Amérique jusqu'à la Suisse, depuis la France jusqu'à l'Angleterre, la Norvège, etc., la véritable besogne d'« Etat » se fait dans la coulisse ; elle est exécutée par les départements, les chancelleries, les états-majors. Dans les parlements, on ne fait que bavarder, à seule fin de duper le « bon peuple ». Cela est si vrai que, même dans la République russe, république démocratique bourgeoise, tous ces vices du parlementarisme sont apparus aussitôt, avant même qu'elle ait eu le temps de constituer un véritable Parlement. »3

Dans nos « démocraties modèles », la réaction politique caractéristique de l’impérialisme a déjà opté pour des formes de gouvernement qui lui permettent de prendre en main plus directement les affaires du Capital (sans pour autant avoir encore jeté aux orties ses intermédiaires « démocratiquement élus », c’est-à-dire avoir opté pour le fascisme et la dictature terroriste ouverte du Capital) et fait voler en éclats toutes les illusions entretenues par les démocrates bourgeois sur le rôle « d’arbitre au-dessus des classes » de l’Etat dit de « démocratie représentative », et verrouillé toute possibilité de « réformer pacifiquement » (même au moyens de « réformettes ») le système (thèmes chers aux révisionnistes) dans un sens qui ne soit pas celui des grandes entreprises monopolistes, mais celui des travailleurs.

L’évolution du régime présidentiel a été marquée depuis l’avènement de la IVème République et encore plus particulièrement de la Vème République, par le renforcement du pouvoir exécutif présidentiel au détriment du pouvoir législatif de l’Assemblée bourgeoise.

Depuis la constitution gaulliste de 1958, le président de la république a vu ses pouvoirs renforcés : outre ses pouvoirs de nomination étendus (ministres, préfets), il donne les grandes orientations de l’action du gouvernement, il jouit de l’exercice du droit de dissolution de l’Assemblée nationale et possède des attributions fortes en matière diplomatique et militaire.

Le régime républicain bourgeois, particulièrement en France, a donc fait du présidentiable un « homme providence » paré de toutes les vertus, dont on « goûte » les promesses et dont on attend « grâces et miracles ». C’est bien évidemment compter sans l’incapacité totale du républicanisme bourgeois en général (même à dominante parlementaire) à s’attaquer à la racine des problèmes économiques, sociaux et politiques : à savoir l’oppression exercée par le capitalisme sur toutes les sphères de la société.

Si l’on ajoute à ceci le fait que les gouvernements bourgeois sont de plus en plus amenés à gouverner par décrets pour éviter toute forme d’opposition (même verbale et formelle dans les débats qui ont cours habituellement entre les partis de la « majorité » et ceux de « l’opposition »), il est évident qu’il ne reste plus grand-chose du démocratisme bourgeois dont la « représentativité » est réduite à la portion congrue : pour beaucoup d’électeurs ce choix est de plus en plus vécu comme un non-choix — c’est-à-dire comme nous l’avons déjà dit non pas le choix du « meilleur candidat », mais celui du « moins mauvais »…

Plus encore que toute autre élection dans un pays de « démocratie » bourgeoise, les élections présidentielles font partie de ces mystifications des masses populaires dont la bourgeoisie raffole.

Assurément cette réalité bourgeoise de la « démocratie pour tous » tranche de manière incontestable avec la démocratie authentique — la démocratie socialiste — sous laquelle selon les propres termes de Staline (suivant les recommandations de Marx et Lénine sur le nécessaire contrôle populaire sur les permanents de l’appareil d’Etat), les citoyens ont le droit et le devoir de rappeler avant le terme de son mandat tout représentant du peuple qui ne satisfait pas à ses obligations et à ses engagements !

« … comparer ces institutions-là [le pouvoir des Soviets] aux nôtres, c'est vraiment se moquer du monde »4, lançait Henri Barbusse à la face des détracteurs de la démocratie prolétarienne !

Que la bourgeoisie ne s’offusque pas du caractère « arbitraire » de ce « contrôle par la bas », elle qui pratique à si grande échelle la « corruption (et donc le contrôle) par le haut » ! En effet c’est ce contrôle « d’en bas » qui lui seul permet de garantir la véritable démocratie pour les travailleurs, à la condition qu’ils détiennent le pouvoir économique.

Cette réalité du caractère tronqué et mystificateur du « gouvernement démocratiquement élu » au travers d’ « élections représentatives » dessille de plus en plus aux yeux de la grande masse des exploités et des travailleurs.

« Prenez le parlement bourgeois. Peut‑on admettre que le savant Kautsky n'ait jamais ouï‑dire que plus la démocratie est puissamment développée, et plus la Bourse et les banquiers se soumettent les parlements bourgeois ? »5

Il n’appartient pas aux marxistes-léninistes de la cacher ou de prétendre essayer (à la manière des démocrates bourgeois) d’améliorer le fonctionnement des institutions de la « démocratie représentative » bourgeoise, mais au contraire de la dénoncer, non pas comme étant « non-conforme aux principes de la république démocratique » (quel que soit le masque dont on les affuble), mais au contraire comme étant parfaitement conforme avec le régime économique et social oppresseur qu’est le capitalisme, même quand il revêt son habit le plus « démocratique » en se parant de la toge de la démocratie bourgeoise. Hélas ! « L’habit ne fait le moine », et il ne suffit pas que les politiciens bourgeois aidés par leurs médias se proclament « élus démocratiquement par la volonté populaire » pour qu’ils le soient réellement ! (Sauf évidemment si l’on entend « dépit et désespoir » à la place de « volonté »…)

Les élections présidentielles de 2002 ont mis en évidence cette réalité de manière particulièrement évidente, créant un véritable séisme politique. Si un tel séisme venait à se reproduire en 2007, il ne fait pas de doute qu’on entendra s’élever un concert de voix de « bons » démocrates bourgeois réclamant l’avènement d’une VIème république renouant davantage avec le « dialogue social » et avec la « représentativité » républicaine.

Le régime présidentiel est un régime ultraréactionnaire, même si on reste cantonné dans le cadre étroit du démocratisme bourgeois : 1° puisque pour pouvoir se présenter, les candidats doivent prouver qu’ils ont le soutien de 500 élus — « officiellement » pour éviter les candidatures « fantaisistes » ! Les « citoyens » de la « république modèle » qu’est censée être la France sont-ils à ce point immatures qu’ils ne sont pas eux-mêmes en mesure de juger si une candidature est « fantaisiste », où bien les acteurs de la scène théâtrale politique française sont-ils à ce point peu convaincus par la véracité de leurs textes et de leur déclarations qu’ils redouteraient de voir des comiques de profession leur voler la vedette ?6 —, et que pour s’assurer de ce soutien il leur faut disposer de moyens financiers qui ne peuvent être qu’à la disposition des partis politiques bourgeois et petits-bourgeois, ceci étant renforcé par le mode de financement des campagnes électorales qui ne rembourse une grande partie des frais de la campagne électorale qu’aux candidats qui ont recueilli plus de 5 % des suffrages ; 2° puisqu’il ouvre la voie aux « figures providentielles » que les médias parent de toutes les vertus et dont la bourgeoisie a toujours su user à l’occasion pour faciliter le recours aux méthodes fascistes de gouvernement ; 3° puisqu’il ne garantit même pas le fonctionnement « indépendant » du parlement bourgeois et limite donc de son utilisation comme une tribune d’agitation révolutionnaire.

Il ne faut pas oublier que tout ceci s’ajoute à l’existence du Sénat qui détient le pouvoir législatif concurremment avec l’Assemblée nationale. Le Sénat est élu au suffrage indirect par un collège d’électeurs appartenant dans son immense majorité aux permanents de l’appareil d’Etat bourgeois, c’est-à-dire aux représentants des classes exploiteuses (ce collège de 150 000 « grands électeurs » est constitué de députés, de conseillers généraux, de conseillers régionaux et principalement de maires, maires-adjoints et conseillers municipaux).

Cette division du pouvoir législatif entre deux assemblées dont au moins une n’est pas élue au suffrage universel direct, mais par le biais de « grands électeurs » semble être une constante au sein des « démocraties » des pays impérialistes, notamment les plus anciens ayant une longue tradition « démocratique » — c’est-à-dire une grande expérience dans le domaine de la duperie des travailleurs. Le Sénat des Etats-Unis constitue ainsi l’une des deux chambres du Congrès américain. Au Japon, le Sénat — appelé Chambre des Conseillers — partage également le pouvoir législatif avec la Chambre des Représentants. De même au Royaume Uni, le Sénat — appelé Chambre des Lords — partage le pouvoir législatif avec la Chambre des Communes. De même en Italie ou en Allemagne où le Bundesrat (Conseil Fédéral) joue le rôle du Sénat en partageant le pouvoir législatif avec le Bundestag. En Belgique, le Sénat constitue lui aussi avec la Chambre des Représentants une des deux chambres du parlement fédéral belge. Dans tous les cas, le Sénat des « démocraties » bourgeoises a sensiblement les mêmes attributions que son homologue français. Pour la bourgeoisie impérialiste, cette forme de gouvernement mêlant un pouvoir exécutif fort (souvent de type présidentiel) à un pouvoir législatif bicaméral (où l’une des deux chambres dégénère systématiquement en un bastion de la réaction politique) semble représenter le panacée, c’est-à-dire le juste milieu entre la nécessité de donner aux couches populaires une illusion de « démocratie représentative » et la tendance constante à la réaction politique sous l’impérialisme — réaction qui se traduit outre la tendance à la militarisation de la vie sociale et économique, par un lobbying constant auprès des permanents de l’appareil d’Etat de la part des classes exploiteuses pour la défense de leurs intérêts. (Ce lobbying fournit la base objective aux magouilles et autres affaires occultes dont fourmille la scène politique bourgeoise).

Le mode de scrutin indirect fait du Sénat un haut lieu de la réaction politique et sociale, une des places fortes du lobbying des intérêts de la bourgeoisie monopoliste : sous la Vème République, le Sénat est constamment resté sous la domination des partis politiques bourgeois dits de droite et centristes, ignorant l’alternance droite/« gauche » — c’est-à-dire le changement périodique de la composition de l’attelage gouvernemental bourgeois dans un sens de sa plus grande adaptabilité et modularité face aux conditions économiques et sociales favorables (croissance) ou défavorables (récession, crise).

Le rôle du Sénat est loin d’être négligeable, puisqu’il est à l’origine d’environ 90 % des projets de lois qui sont soumises à l’Assemblée nationale. En outre dans le cas d'un projet de révision constitutionnelle, le gouvernement et l’Assemblée nationale ne peuvent passer outre à l'opposition du Sénat.

Le régime présidentiel est donc un régime ultraréactionnaire, même si on reste cantonné dans le cadre étroit du démocratisme bourgeois.

Tous ces points confèrent à l’appareil d’Etat bourgeois une force d’inertie colossale, du moins quand il s’agit d’aller contre les intérêts des classes dominantes, car quand c’est pour défendre leurs intérêts cet appareil sait faire preuve d’une bien plus grande souplesse…

On comprend de ce fait la dangerosité des illusions sur la conquête « pacifique » du pouvoir par la voie législative dont les révisionnistes font leur cheval de « bataille » et qui ne peuvent profiter qu’à la réaction bourgeoise en lui laissant tout le loisir de s’organiser en vue 1° du changement des lois du jeu électoral — notamment en ce qui concerne le mode de scrutin (majoritaire, proportionnel ou mixte) ; c’est ainsi que le PCF — massivement contaminé par le crétinisme parlementaire — fut rejeté au second plan dans l’immédiate après-guerre par De Gaulle7 — et 2° en vue d’organiser la répression armée des aspirations démocratiques des travailleurs si les magouilles et tripatouillages autour du mode de scrutin se sont révélés insuffisants et échouent !

 

II Les marxistes-léninistes et les élections en général

Marx et Lénine ont insisté sur le fait qu’à travers les élections, le seul choix qui était réellement laissé aux travailleurs était celui de

« Décider périodiquement, pour un certain nombre d'années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l'essence véritable du parlementarisme bourgeois non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques. »3

Pour le commun des travailleurs la victoire de la droite comme celle de la « gauche » ne se traduit jamais par une amélioration réelle de leurs conditions économiques et sociales.

Une part croissante des travailleurs en fait quotidiennement l’expérience depuis des décennies, et ce de manière particulièrement sensible depuis le début des années 1970 qui a marqué le début d’une récession économique durable. « Que peuvent faire les politiciens de droite ou de « gauche » face au lobbying du patronat » ? Rien, sinon donner aux exploiteurs plus de « commodités » ou de « souplesse », en espérant retirer de ces sacrifices à « court terme » (devant évidemment être consentis par les travailleurs), des avantages à « long terme » en termes de compétitivité et donc de croissance économique et d’emploi. Tel est la maxime de l’économisme vulgaire dont les conceptions dominent, tant à droite qu’à « gauche ».

A « l’extrême gauche », on substitue à ces conceptions une autre illusion : celle que la hausse des salaires serait le « moteur de la croissance et de l’emploi ». Mais le patronat est bien plus censé et lucide : augmenter les salaires dans le contexte de la production marchande internationale, c’est augmenter le coût de la force de travail et donc des marchandises ; c’est donc en définitive perdre des débouchés sur ce marché face à une concurrence disposant d’une main d’œuvre plus souple et meilleure marché !

Sur le marché économique mondial, le fait que chaque nation bourgeoise s’efforce d’aggraver les conditions de travail et donc d’augmenter le taux d’exploitation des travailleurs, suffit à montrer le fossé béant entre la réalité économique et sociale d’une part (cette réalité faite de labeur éreintant, de chômage, d’abrutissement quotidien, de guerres de rapine), et les promesses et les vœux pieux de ces démocrates petit- ou grand-bourgeois d’autre part (« la démocratie, la croissance et le progrès ») !

Certes les discours optimistes des politiciens bourgeois parviennent encore à tromper une grande partie des masses exploitées et à leur cacher la véritable nature de classe de la république « démocratique » bourgeoise et de son parlementarisme. Mais de plus en plus, l’ensemble des partis politiques bourgeois tendent à apparaître comme un tout unique au service du patronat, car prônant directement les idées libérales ou opérant de manière détournée en jetant le discrédit sur toute réelle alternative sociale.8 Ainsi les désaccords sur les points de détails se gomment tandis que les convergences sur l’essentiel (leur socle anti-ouvrier et anticommuniste commun) apparaissent au grand jour ; ainsi le clivage « droite/« gauche » » traditionnel tend à s’estomper…

Dans ce contexte de fusion croissante des idéologies qui pouvaient autrefois apparaître opposées, pour une part croissante des travailleurs et de la jeunesse prolétarienne, le « choix des urnes » apparaît de plus en plus comme un non choix : « nous voudrions pouvoir choisir le meilleur mais cette « démocratie » nous contraint à devoir choisir le « moins » mauvais » ! « Devoir faire un choix entre la peste et le choléras, c’est un non choix ! »

C’est en somme dans cet état d’esprit que beaucoup de travailleurs se sont sentis obligés de reconduire Chirac aux présidentielles précédentes, en 2002. Et attention aux dégoûtés qui voulaient malgré tout montrer leur mécontentement : mettre une épingle sur le nez était interdit ! Comment ne pas comprendre le dégoût légitime croissant de beaucoup de travailleurs pour ce genre de mascarades « démocratiques » ?

Il est vrai qu’il y a quelque chose de sain dans le phénomène abstentionniste : « pourquoi aller voter puisque l’issue du vote n’apportera de toute façon rien de bon aux travailleurs, puisque le véritable pouvoir n’est pas celui des urnes, mais celui de ceux qui détiennent le pouvoir économique » ?

On nous rétorquera peut-être que la grande masses des travailleurs « place toujours des espoirs dans la démocratie représentative bourgeoise » (sans guillemets) et qu’il faut encore par conséquent bataille sur le terrain de celle-ci. En bref, que nous sommes des « gauchistes irresponsables » qui n’arriveront qu’à se couper des masses avec leurs mots d’ordre révolutionnaires. Il s’en trouvera certainement pour recracher par cœur les remarques que Lénine adressait aux communistes de gauche d’Europe sur la nécessité d’utiliser autant les armes légales (comme les élections) qu’illégales. Mais qu’en est-il réellement des critiques que Lénine adressait aux communistes de gauche ? Ceux-là n’en ont-ils pas gardé que les bribes tronquées qui leur conviennent ?

« Le doctrinarisme de gauche s'obstine dans la négation absolue d'anciennes formes déterminées, sans voir que le nouveau contenu s'ouvre un chemin à travers toutes les formes possibles, que notre devoir de communistes est de nous rendre maîtres de toutes ces formes, d'apprendre à les compléter aussi rapidement que possible l'une par l'autre, à les remplacer l'une par l'autre, à adapter notre tactique à tout changement qui n'aura pas été suscité par notre classe ou par nos efforts. (…) Ils ignorent simplement (ou s'efforcent d'oublier) les exemples internationaux d'utilisation réellement révolutionnaire et communiste des parlements bourgeois, utilisation incontestablement utile à la préparation de la révolution prolétarienne. Simplement, incapables de se représenter cette utilisation « nouvelle », ils poussent des clameurs, en rabâchant sans fin, contre l'utilisation « ancienne », non bolchevique, du parlementarisme. »9

En quoi consiste cette « utilisation révolutionnaire et utile des parlements bourgeois » dont parle Lénine ? En ce que la fraction parlementaire bolchévique se servira du parlement comme d’une tribune d’agitation dont le rôle certes modeste et subordonné à l’autre forme de lutte (grèves, insurrection) permet toutefois de « révéler la vraie « nature interne » des partis politiques » à la vue des éléments des couches exploitées retardataires, afin de démontrer aux masses exploitées les plus retardataires, l’impuissance du parlementarisme bourgeois et donc ainsi les arracher aux préjugés démocratiques bourgeois en leur démontrant sur la base de leur propre expérience la nécessité de lui substituer le pouvoir des Soviets des travailleurs.10

« … la participation à un parlement démocratique-bourgeois, loin de nuire au prolétariat révolutionnaire, lui permet de démontrer plus facilement aux masses retardataires pourquoi ces parlements méritent d'être dissous, facilite le succès de leur dissolution, facilite la « fin politique » du parlementarisme bourgeois. »11

Cette utilisation « nouvelle » du parlementarisme est évidemment aux antipodes de celle des révisionnistes qui se sont parfaitement intégrés au jeu parlementaire bourgeois et siègent bien tranquillement à l’Assemblée et au Sénat.

« Force nous est de le dire et redire encore : les enseignements de Marx, fondés sur l'étude de la Commune, sont si bien oubliés que le « social-démocrate » actuel (lisez : l'actuel traître au socialisme) est tout simplement incapable de concevoir une autre critique du parlementarisme que la critique anarchiste ou réactionnaire. »3

Nous sommes conscients que nous ne pourrons disposer aujourd’hui d’aucune faction parlementaire bolchévique capable de s’acquitter de ces tâches :
« Une partie de la petite bourgeoisie prolétarisée, les ouvriers arriérés et les petits paysans, tous ces éléments croient réellement que leurs intérêts sont représentés au Parlement ; il faut lutter contre cela par l'action parlementaire et montrer aux masses la vérité dans les faits. »12

Une participation aux élections dans ces conditions ne peut donc signifier dans ces conditions qu’un soutien à tel ou tel parti politique bourgeois et conséquemment un renforcement de l’utilisation « ancienne » du parlement bourgeois.

Ces arguments ne servent donc qu’à « cacher » des conceptions révisionnistes illustrant une déviance légaliste, un renoncement à préparer politiquement les travailleurs au renversement de cette fausse démocratie, d’autant que ces « critiques » préfèrent en général garder pour eux (au lieu de chercher à faire passer dans les masses les mots d’ordre communistes) les théorèmes sur la « révolution socialiste » et sur la « dictature du prolétariat », tout en appliquant dans leur travail politique quotidien les « recettes classiques » de l’opportunisme électoral et parlementaire.

Pour Lénine la haine qu’un communiste éprouve envers les « politiciens de classe de la bourgeoisie » constitue « le début de la sagesse », en ce qu’elle marque une rupture nette avec les pratiques mystificatrices du parlementarisme bourgeois. Cependant Lénine avertit que la simple invective de l’opportunisme parlementaire et le refus de la participation au parlement sont des choses faciles ne pouvant pas suffire à démontrer la nécessité du rejet du démocratisme bourgeois à la masse retardataire des ouvriers, des paysans et des petits-bourgeois prolétarisés dont les préjugés parlementaires et démocratiques sont profondément ancrés. Pour Lénine, la simple « négation subjective d’une institution réactionnaire » n’est pas synonyme « de sa destruction effective » : il est nécessaire de faire un travail d’agitation communiste au sein même des institutions bourgeoises, afin de démontrer à cette masse retardataire l’impuissance inévitable du parlementarisme bourgeois et son incapacité à apporter une solution positive aux grands problèmes économiques et sociaux, ceci nécessitant de prendre le contre pieds des intérêts des classes possédantes — sous cet aspect, la république bourgeoise moderne où le parlement bourgeois ne joue le plus souvent qu’un rôle d’enregistrement des lois concoctées par le régime présidentiel et le Sénat, doit inévitablement faciliter la tâche à la fraction parlementaire communiste révolutionnaire, et l’aider à démontrer à la masse des exploités la nécessité de la dissolution des organes pseudo-représentatifs du démocratisme bourgeois.

Lénine insistait sur la difficulté supplémentaire pour les communistes des pays impérialistes possédant de longues « traditions démocratiques » et une bourgeoisie très bien rôdée aux mystifications populaires de parvenir à créer une fraction parlementaire communiste qui soit capable de s’acquitter de cette tâche sans se laisser « prendre aux hochets du parlementarisme bourgeois et de former des « hommes politiques de classe prolétariens » qui « ne soient pas inférieurs à ceux de la bourgeoisie ». La critique la plus implacable ne doit donc pas dirigée contre l’activité parlementaire en général, mais contre les « communistes » qui sont incapables de « tirer parti des élections au parlement et de la tribune parlementaire en révolutionnaires, en communistes. »13

« Vous voulez créer une société nouvelle ? Et vous reculez devant la difficulté de créer une bonne fraction parlementaire de communistes convaincus, dévoués, héroïques dans un parlement réactionnaire ! N'est-ce pas de l'enfantillage ? »13

Tout ceci démontre à quel point les principes léninistes devant guider l’action politique d’un Parti n’ont jamais même ne serait-ce qu’effleuré le PCF, fût-ce avant la « mutation ». La bolchévisation de ce Parti n’a jamais réellement pu être opérée parce que les chefs de ce Parti n’ont jamais réussi à s’arracher à l’influence du parlementarisme et du démocratisme bourgeois — ni jamais pu assimiler la conception léniniste de l’Etat —, ce que reflète admirablement l’interview donnée par Thorez au Times en 1946 : « Les progrès de la démocratie à travers le monde permettent d'envisager pour la marche du socia­lisme d'autres chemins que ceux suivis par les com­munistes russes (...) Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d'une glo­rieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès, de justice sociale. »

« Seuls les opportunistes sont capables de se faire des illusions et de s'imaginer que les masses laborieuses sont en mesure, sous le capita­lisme, d'acquérir une conscience, une fermeté de caractère, une perspica­cité assez grande, un horizon politique assez vaste pour pouvoir décider à l'avance, par un simple vote, ou de toute autre manière, sans la longue expérience de la lutte, qu'elles suivront telle classe ou tel parti (...) Le capitalisme ne serait pas ce qu'il est si, d'une part, il ne vouait pas les mas­ses à un état d'abrutissement, d'accablement, de crainte, de dispersion, d'ignorance ; si d'autre part, il ne remettait pas entre les mains de la bour­geoisie un gigantesque appareil de mensonge et de duperie, de mystifica­tion massive, d'abrutissement etc... des ouvriers et des paysans. (...) On ne peut pas, en régime capitaliste, convaincre la majorité des travailleurs et les gagner définitivement par des votes. C'est la lutte des classes et non pas des votes, qui peuvent apporter la solution des grands problèmes his­toriques. »14

Dans son message de condoléances adressé à l’occasion des obsèques de Thorez, De Gaulle reconnaissant du rôle joué par ce dernier (c’est-à-dire son aplatissement devant le démocratisme bourgeois et donc le concours apporté à la mystification des travailleurs au sortir de la Seconde Guerre Mondiale et à l’intégration du PCF dans le jeu politique bourgeois), déclara ainsi en hommage au défunt :

« A une époque décisive pour la France, le Président Maurice Thorez a, à mon appel, et comme membre de mon gouvernement, contribué à maintenir l'unité nationale. »

Les marxistes-léninistes estiment à sa juste valeur cette marque de reconnaissance d’un représentant (et non le moindre) de l’impérialisme français, qui dévoile mieux que n’importe quel long discours la politique de trahison suivie par la direction du PCF et le fossé existant déjà à l’époque entre le discours radical et la pratique politique opportuniste.

Et qu’on ne nous dise pas que les ambitions électorales du PCF n’étaient qu’un « aspect secondaire » de son activité politique, « subordonné » à la lutte pour la préparation politique des travailleurs au renversement du capitalisme ! On voit bien qu’il n’est pas si difficile de faire la différence entre un compromis et une trahison, tant que l’on garde à l’esprit les intérêts généraux du mouvement ouvrier révolutionnaire et tant que l’on garde en vue l’objectif stratégique du marxisme-léninisme qu’est la préparation de la révolution socialiste.

« Les gens naïfs et totalement dépourvus d'expérience s'imaginent qu'il suffit d'admettre les compromis en général pour que toute limite soit effacée entre l'opportunisme, contre lequel nous menons et devons mener une lutte intransigeante, et le marxisme révolutionnaire ou le communisme. »13

En effet, quand Lénine a parlé à un moment ou à un autre de la nécessité pour les communistes de réaliser des compromis électoraux avec des partis politiques bourgeois, il l’a toujours fait dans une optique tactique — celui de rapprocher du but stratégique de la révolution socialiste  et l’a donc rattaché à trois conditions fondamentales15 : 1° que les communistes possèdent des forces et une influence suffisantes pour que ce compromis ne se transforme pas en un soutien servile et ne se substitue pas au travail politique et d’agitation du Parti ou en un soutien systématique à tel ou tel parti bourgeois du « moindre mal ». Un tel soutien ne signifie en effet qu’un aplatissement et une capitulation devant le démocratisme bourgeois, puisque l’on renonce de fait à éduquer politiquement les travailleurs dans le sens de leur affranchissement des préjugés démocratiques bourgeois ; 2° que « les communistes gardent la plus entière liberté de propagande, d'agitation, d'action politique » même pour dénoncer un « allié », sans quoi le compromis serait en fait une trahison ; 3° que le compromis soit tel qu’il « soutienne comme la corde soutient le pendu » : Lénine n’envisageait le compromis politique avec un parti politique (petit-) bourgeois que pour mieux le pousser à la faute et dévoiler au grand jour aux yeux des larges masses sa frilosité à soutenir le camp des travailleurs (sa perpétuelle indécision et volatilité, son impuissance à adopter une position claire contre la réaction et à prendre les mesures pratiques rompant avec les exploiteurs) et donc sa véritable nature de classe, en bref afin de « hâter sa mort politique ». Là encore, la conception léniniste du compromis diffère fondamentalement des « compromis » que passent les révisionnistes avec les partis gouvernementaux, « compromis » qui sont autant de trahisons envers les intérêts fondamentaux des travailleurs et de tentatives de les réconcilier avec les exploiteurs en cherchant à leur découvrir des « intérêts communs », parce que eux-mêmes se trouvent dans une situation intermédiaire petite-bourgeoise qui leur apporte les avantages substantiels des fauteuils parlementaires, tout en leur conservant la sympathie des masses exploitées.16

Si les bolcheviks ont effectivement passé des compromis avec les partis politiques bourgeois libéraux ou petits-bourgeois, c’était

« tout en sachant mener sans relâche la lutte idéologique et politique la plus implacable contre le libéralisme bourgeois et contre les moindres manifestations de son influence au sein du mouvement ouvrier. Les bolcheviks ont toujours suivi cette politique. »13

Quand on traite de l’action parlementaire, il ne faut jamais oublier à l’instar de Lénine qu’il existe deux types fondamentaux de parlementarisme : d’un côté le parlementarisme des pseudo-socialistes qui « conduit aux sinécures et fauteuils et ministériels » sous couvert de vouloir « améliorer » ou « réformer progressivement » le système, et de l’autre l’agitation parlementaire des communistes révolutionnaires qui les conduit « dans les bagnes capitalistes » !

 

III Les marxistes-léninistes et les élections : « participation ou boycott ? »

Lénine insistait tout particulièrement sur le fait que le mot d’ordre de boycott des élections bourgeoises était insuffisant et ne permettait pas de combattre les influences bourgeoises au sein du mouvement ouvrier, qu’il ne fallait pas poser la question en des thermes de « participation », « d’abstention » ou de « boycott » qui sont trop réducteurs : Lénine avertissait que le boycott est chose aisée et peut apparaître au premier abord comme terriblement « révolutionnaire », mais ce rejet ne suffit pas à combattre les influences démocratiques-bourgeoises à l'intérieur du mouvement ouvrier.

« On ne peut rien comprendre à la marche de notre révolution, si l'on se borne à opposer purement et simplement le boycottage « anarchiste » à la participation aux élections, préconisée par les social-démocrates. (…) Voilà à quel syllogisme enfantin se réduisent tous les raisonnements de nos menchéviks et notamment de Plékhanov. »10

Quand Lénine avertissait de ne pas rejeter les moyens de lutte parlementaires et électoraux, ce n’était pas pour soutenir ou se prêter à leurs déformations bourgeoises (« la plate routine petite-bourgeoise », « l'arrivisme le plus éhonté », « l'utilisation bourgeoise des sinécures parlementaires », etc.) à l’instar des révisionnistes, mais au contraire pour apprendre à les combattre de l’intérieur, ce qui sera nécessaire au prolétariat non seulement pour conquérir le pouvoir, mais encore davantage pour le conserver — quand il faudra édifier une économie et une société nouvelles à partir de matériel humain hérité du capitalisme, et par conséquent débarrasser les masses petites-bourgeoises de ces influences et empêcher qu’elles ne renaissent au sein des organismes économiques et politiques soviétiques — danger bien réel que la prise du pouvoir par les révisionnistes soviétiques a confirmé. 17

Le boycott au même titre que l’abstention est le moyen le plus commode pour les petits-bourgeois radicaux déçus par le système capitaliste, mais incapables d’y proposer d’alternative, d’exprimer leur mécontentement, tout en les dispensant d’une analyse politique sérieuse et en les empêchant d’avoir une quelconque influence sur les masses.

« La question peut se poser de boycotter les élections lorsque la situation est révolutionnaire. Lénine a précisé que le boycottage n'est pas tant une "ligne tactique" qu'un "procédé de combat particulier", applicable surtout dans les conditions d'une déclaration de guerre directe au régime bourgeois : "En dehors d'un ample élan révolutionnaire, en dehors d'une effervescence massive qui déborde partout pour ainsi dire l'ancienne légalité, il ne peut être question d'aucun succès du boycott." ("Contre le boycottage", 1907, Oeuvres, t.13, p.20.) Le boycott doit être actif et servir à briser le parlement et la légalité bourgeoise. Un boycott passif n'aurait aucun sens politique pas plus que l'abstention qui est dépourvue de tout contenu révolutionnaire, selon la vigoureuse formule de Lénine : "La façon dont nous posons le boycottage n'a rien de commun avec celle dépourvue de tout contenu révolutionnaire des libéraux et des philistins médiocres : s'abstenir ou ne pas s'abstenir." (Id., p. 41.) Le mouvement marxiste-léniniste français a pourtant pris l'habitude de poser la question dans ces termes en quelque sorte apolitiques, malgré la très riche expérience du Parti bolchevik, si souvent commentée par Lénine. »18

Le boycott d’une élection doit donc servir à briser les illusions sur la représentativité du démocratisme bourgeois et donc la légitimité du républicanisme bourgeois et du système capitaliste lui-même. Il a pour fonction de préparer les travailleurs au renversement du capitalisme.

Quand les communistes russes boycottèrent la Douma, les soviets ouvriers et paysans étaient déjà constitués comme un second pouvoir à côté du pouvoir bourgeois légal. L’appel des bolchéviks au boycott des élections bourgeoises signifiait alors appeler au renversement d’un pouvoir illégitime, celui de l’ordre bourgeois et appeler à donner tout le pouvoir aux soviets.

La question du boycottage en général, telle qu’elle s’est posée pour les bolchéviks, est une question de procédé de lutte relevant de la tactique, c’est une question qui a évidemment été obscurcie par les révisionnistes et par les gauchistes — à l’exemple des maoïstes. Tandis que les uns font de la participation aux élections bourgeoises le fondement de leur travail politique, les autres dénient toute possibilité d’utiliser ponctuellement telle ou telle élection dans les intérêts du mouvement ouvrier et communiste. Le dépassement dialectique de ces deux points de vue anti-marxistes qui coexistent et se renforcent mutuellement, consiste à démasquer l’électoralisme et le parlementarisme bourgeois à travers une campagne d’agitation politique communiste — en dehors comme au-dedans (quand cela est possible) des institutions du parlementarisme bourgeois.

Comme Lénine le soulignait, il est essentiel pour les communistes de savoir combiner judicieusement les formes légales et illégales de lutte et de travail politique au sein des masses. La question de la participation aux élections bourgeoisies sous le capitalisme est donc une question de tactique qui n’obéit pas à des recettes « toutes prêtes ».

En effet Lénine insistait d’abord sur le fait qu’il n’y avait pas de recettes toutes prêtes applicables « en tout temps », mais que la position que les marxistes-léninistes doivent adopter face aux élections bourgeoises relève de la tactique, l’essentiel étant de choisir la tactique appropriée permettant de nous rapprocher de l’objectif stratégique de la révolution socialiste — ce qui passe obligatoirement par la préparation politique des couches populaires et des travailleurs, par leur compréhension de la nécessité pour eux de jeter aux orties le démocratisme bourgeois qui est devenu un frein et un obstacle à la réalisation de leurs aspirations à la démocratie véritable, tant dans la vie politique que dans la vie économique et sociale.

« Le prolétariat devait lutter contre les illusions constitutionnelles sur lesquelles se basaient exclusivement, au printemps de 1906, la campagne électorale des cadets et les élections parmi les paysans. A cette époque où l'on exagérait sans mesure l'importance de la Douma, il était impossible de mener cette lutte autrement que par le boycottage. A quel point la propagation des illusions constitutionnelles était intimement liée à la participation à la campagne électorale et aux élections du printemps de 1906, l'exemple de nos menchéviks le montre on ne peut mieux. »10

Les marxistes-léninistes n’ont-ils pas le droit de considérer qu’en France — comme dans beaucoup d’autres pays bourgeois —, la « démocratie » et le parlementarisme bourgeois ont non seulement fait leur temps historiquement, mais aussi au moins partiellement dans la réalité et dans l’esprit de nombreux travailleurs qui n’attendent plus rien d’elle, ou du moins se font de moins en moins d’illusions à son sujet ?

« la question n'est pas de savoir si les parlements bourgeois existent depuis longtemps ou depuis peu mais de savoir jusqu'à quel point les larges masses des travailleurs sont prêtes (idéologiquement, politiquement, pratiquement) à adopter le régime soviétique et à dissoudre — ou à permettre qu'on dissolve — le parlement démocratique-bourgeois. »19

C’est assurément une tendance lourde à long terme que l’on observe dans les démocraties bourgeoise : en France par exemple le taux d’abstention aux élections présidentielles au 1er tour est passé de 15 à 28 % pour la période 1965-2002 ; de 24 à 38 % pour les élections législatives (moyenne des 2 tours) entre 1958 et 2002 et enfin de 39 à 57 % pour les élections européennes pour la période 1979-2004. Cette tendance n’est évidemment pas « spécifique » à la France mais touche toutes les « démocraties représentatives » du « monde libre » : le taux d’abstention aux élections européennes est passé de 37 à 54 % pour l’ensemble des pays membres de l’UE pour la période 1979-2004. Aux Etats-Unis, l’abstention a dépassé 43 % aux élections présidentielles de 2004.

Il faut souligner en outre que cette abstention revêt un caractère de classe marqué : les couches de la population les plus enclines à l'abstention sont celles qui cumulent les handicaps sociaux les plus divers. Le chômage, la pauvreté, la précarité, la stagnation du pouvoir d'achat des salariés modestes, la violence physique dans les rapports sociaux, l'absence de perspectives, la fatalité de l'échec scolaire, la dégradation des conditions de travail dans les emplois peu qualifiés, les discriminations et stigmatisations subies par les populations d’origine immigrée, tout ce qui a contribué au durcissement des conditions de vie d'un nombre croissant d’exploités contribue à renforcer le scepticisme politique et l'abstention au sein de ces couches populaires, les préparant politiquement au rejet du démocratisme et du parlementarisme bourgeois, jetant ainsi les bases de la conception prolétarienne de la démocratie. En bref cette abstention est le résultat de l’indifférence et du ras-le-bol croissants des couches populaires face au fossé entre les discours politiques et la réalité économique et sociale.

Lénine avait donc raison de dire que :

« Nous observons dans maints pays un antiparlementarisme qui n'est pas tant le fait d'hommes issus de la petite‑bourgeoisie que celui de certains groupes avancés du prolétariat, mus par la haine à l'égard de l'ancien parlementarisme, haine légitime, juste et nécessaire, provoquée par le comportement des parlementaires de Grande‑Bretagne, de France, d'Italie, de tous les pays. »12

Du dégoût d’une part croissante des travailleurs pour le parlementarisme bourgeois, les communistes marxistes-léninistes doivent en conclure de la nécessité de ne pas limiter l’action politique aux évènements électoraux et à la lutte parlementaire. Cependant, il est non moins qu’il est difficile de transformer ce rejet de tous les partis politiques gouvernementaux et le dégoût vis-à-vis de la classe politique en général en un rejet des partis politiques et du démocratisme bourgeois. De plus, il faut veiller à ne pas sous-estimer le rôle mystificateur que peut encore jouer le parlementarisme bourgeois et les illusions propagées par les médias à son service, aussi longtemps que les préjugés démocratiques bourgeois restent dominants, ce qui est le cas. Les marxistes-léninistes devront donc veiller dans le futur à soustraire les masses à ces influences, en créant une fraction parlementaire bolchévique capable de leur démontrer de l’intérieur l’impuissance du parlementarisme bourgeois.

« Tant que vous n'êtes pas de force à dissoudre le parlement bourgeois et toutes les autres institutions réactionnaires, vous devez travailler dans ces institutions précisément parce qu'il s'y trouve encore des ouvriers abrutis par la prêtraille et par l'atmosphère étouffante des trous de province. Autrement vous risquez de devenir tout simplement des bavards. »13

Les marxistes-léninistes doivent-il boycotter les élections présidentielles de 2007 ? Pour Lénine la réponse à cette question relève donc du domaine de la tactique. Pour répondre à cette question, il faut donc en fait répondre à la question suivante : les élections présidentielles font-elles partie aujourd’hui en France impérialiste de ces élections qu’il est possible d’utiliser dans l’intérêt du mouvement communiste marxiste-léniniste et des éléments les plus avancés du prolétariat ? Et si oui, de quelle manière ?

 

IV La tactique des marxistes-léninistes face aux élections présidentielles 2007

Le nœud gordien du problème dans le cadre d’élections est donc constitué par l’inexistence actuelle d’un Parti Communiste marxiste-léniniste qui d’emblée exclut 1° la participation à cette mascarade électorale dans le but de se servir de cet espace à des fins d’agitation politique, et 2° le soutien à tel ou tel parti politique du camp « anti-libéral » qui ne ferait que noyer les idées communistes dans un soutien servile et renforcer les préjugés parlementaires et démocratiques bourgeois au sein de la grande masse des exploités et nous couper des éléments prolétariens les plus avancés que la participation à cette mascarade électorale bourgeoise répugne. Comme on l’a vu, pour accepter un compromis qu’est le soutien à tel ou tel parti (petit-) bourgeois, le Parti du prolétariat doit disposer de forces conséquentes qui donnent un poids à ce soutien. Une fourmi qui tenterait d’apporter son soutien à un éléphant boiteux ne soutiendrait pas grand-chose et son action resterait « invisible » vue de l’extérieur. Tout au plus risquerait-elle de se faire écraser ! La faiblesse du mouvement marxiste-léniniste en France ne fait-il pas de lui une « fourmi » face aux formations politiques bourgeoises « géantes » ? La fourmi a-t-elle les moyens de soutenir le géant « comme la corde soutien le pendu » ? Non, évidemment !

On a vu à quelles conditions les communistes peuvent conclure un compromis électoral. Un « soutien » d’une telle sorte, c’est un compromis de faibles, de ceux incapables de peser réellement dans la balance de la politique contemporaine et qui cherchent à s’abriter sous l’aile de tel ou tel soi-disant progressiste pour profiter de quelques miettes. Mais on conviendra que ce n’est pas ainsi que les communistes peuvent répondre aux exigences politiques du moment.

« Soutenir » dans ces conditions, signifie noyer son travail politique et l’enchaîner au char de la (petite-) bourgeoisie : que faut-il entendre par le camp « anti-libéral » et pourquoi refusons-nous de le soutenir ? Qui représente-t-il ? Le camp « anti-libéral » c’est le PCF et les trotskistes, c’est la « gauche » écologiste, altermondialiste et populiste (Bové), mais c’est aussi les souverainistes et même sous des slogans démagogiques les fascistes ! Bref tous ceux qui proclament refuser les conséquences du « libre-marché » et de la « mondialisation », alors même qu’ils en acceptent les principes : l’esclavage salarié.  C’est pourquoi la critique « anti-libérale » adressée à la social-démocratie « de gauche » incarnée par le Parti Socialiste n’empêche pas le ralliement et le soutient de ces « anti-libéraux » au « moindre mal » qu’est sensée représenter cette « gauche » comparativement à la droite traditionnelle. Il ne faut donc pas perdre de vue que ce vaste camp « anti-libéral » n’est pas « anti-capitaliste », mais est par contre dans sa grande majorité franchement hostile au marxisme-léninisme et au socialisme, les altermondialistes, les trotskistes et le PCF inclus — puisque leur « alternative » ou leur « socialisme » se réduit à l’humanisme et à l’égalitarisme abstraits ainsi qu’aux préjugés démocratiques petits-bourgeois.

Les communistes peuvent-ils se fondre dans cette masse aussi informe et hétéroclite dans laquelle on retrouve en fait les représentants du « camp du non » (petit-bourgeois, protectionniste et réactionnaire) au Traité Constitutionnel Européen, ou doivent-ils développer leur propre propagande en direction des éléments avancés des couches exploitées (ceux qui ont entamé une rupture avec les préjugés parlementaires et démocratiques), sans pour autant se couper de la grande masse des exploités qui ne se sont pas encore arrachés à l’influence de ces préjugés ? Pour tout communiste conscient, c’est la seconde tactique qui est la bonne ; car c’est la seule permettant de faire progresser le mouvement marxiste-léniniste et d’étendre son influence. Mais attention, il ne faut pas nourrir d’illusions sur l’ampleur de cette influence :

« le premier objectif historique (attirer l'avant-garde consciente du prolétariat aux côtés du pouvoir des Soviets et de la dictature de la classe ouvrière) ne pouvait être atteint sans une complète victoire idéologique et politique sur l'opportunisme et le social-chauvinisme ».20

Peut-on dire qu’aujourd’hui les communistes soient parvenus à réaliser ne serait-ce que ce « premier objectif historique » nécessaire à l’essor ultérieur du mouvement qui consiste selon Lénine à « savoir amener les masses à cette position nouvelle, propre a assurer la victoire de l'avant-garde dans la révolution » ? Non, et l’éclatement organisationnel et idéologique persistant du mouvement se réclamant du marxisme-léninisme en témoigne. Chercher à passer directement au « travail d’agitation dans les masses », n’est-ce pas vouloir sauter au-dessus du « premier objectif historique » et laisser en fait le champ libre à l’opportunisme, n’est-ce pas au final se suicider politiquement ? En effet pour un marxiste-léniniste :

« Il faut se rappeler une fois pour toutes que la force et l'importance d'un parti, surtout du Parti communiste, dépendent moins de la quantité de ses membres que de leur qualité, de leur fermeté, de leur dévouement à la cause du prolétariat. »21

« La qualité d'abord, la quantité ensuite. »22

Sommes-nous pour autant condamnés à rester des « gauchistes » coupés de toute influence dans les masses ou auprès des éléments prolétariens les plus avancés ? Non, bien évidemment 

La question à résoudre est : peut-on utiliser ces élections pour transformer cette réalité, et ensuite comment ? Nous pensons que c’est possible. Modestement, mais efficacement si le mouvement communiste marxiste-léniniste réussit à tirer sur le (ou les) bon(s) « maillon(s) de la chaîne.

Sur quelle base devons-nous déployer notre travail politique auprès des éléments les plus avancés — non seulement dans ce cas particulier des élections bourgeoises, mais en général et au quotidien ? Sur une base qui ne soit évidemment pas inférieure à celle que Lénine recommandait d’adopter pour le travail politique au sein des larges masses exploitées :

« Nous devons associer la lutte révolution­naire contre le capitalisme à un programme et à une tactique révolution­naire pour l'ensemble des revendications démocratiques : république, mi­lice, élection des fonctionnaires par le peuple, égalité civique des femmes, droit des nations à disposer d'elles mêmes, etc... Tant qu'existe le capita­lisme, toutes ces revendications ne sont réalisées qu’à titre exceptionnel, et encore sous une forme incomplète et altérée. »23

En effet,

« Dans l’État bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre l'égalité nominale proclamée par la « démocratie » des capitalistes, et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés. Cette contradiction précisément ouvre les yeux des masses sur la pourriture, la fausseté, l'hypocrisie du capitalisme. C'est précisément cette contradiction que les agitateurs et les propagandistes du socialisme dénoncent sans cesse devant les masses, afin de les préparer à la révolution ! »24

Peut-on dire que ces directives aient jusque-là constitué la ligne directrice de ceux qui disent « s’opposer au capitalisme » ? L’affirmer serait malhonnête !

Est-il possible d’utiliser les élections bourgeoises dans cette optique léniniste ? Oui, les marxistes-léninistes ont certainement une grande quantité de faits à mettre en avant pour dénoncer la contradiction criante entre « l’égalité et la liberté » formellement affirmées et leur réalisation incomplète et altérée sous le capitalisme et ainsi de débuter un véritable travail politique au sein des masses tout en leur permettant de renforcer leur cohésion sur la base de la compréhension croissante du marxisme-léninisme. Nous avons donc les moyens de faire « coup double » en progressant à la fois dans la réalisation du premier objectif stratégique tout en posant les prémisses de la réalisation du second.

Nous devons donc déployer dans ce sens une campagne et un travail communs des marxistes-léninistes au nom du CNU qui offre un cadre bien plus favorable au ralliement des éléments les plus avancés que le cadre organisationnel que confère l’éclatement de chaque organisation.

Nous devons trouver des formes de travail qui conviennent autant aux éléments qui se sont engagés dans le rejet des préjugés démocratiques bourgeois, qu’à ceux qui, bien que restant influencés par ces préjugés, commencent à exprimer un dégoût envers les partis politiques bourgeois gouvernementaux.

Des slogans gauchistes du type « A bas la dictature du Capital ! — Vive la dictature du prolétariat ! », ne font que ressasser de manière abstraite pour l’immense majorité des travailleurs, les principes marxistes-léninistes. Certes, « on se fait plaisir », mais on ne participe en rien à attirer à soi les travailleurs qui ne connaissent rien d’autre du communisme que la vision dictatoriale propagée par l’atmosphère anti-communiste ambiante. Attention aux mots d'ordres « ultra-révolutionnaires » en apparence qui ne seront en fait pas compris par les masses et feront donc « chou blanc » !

Le meilleur moyen d’envisager le travail politique visant à toucher les éléments les plus conscients est certainement de mener une campagne politique active expliquant les raisons motivant notre  refus de cautionner la mascarade pseudo-démocratique que représentent les élections présidentielles et de ne voter pour aucun des candidats en présence. Aucun candidat ne représente les intérêts politiques de la classe ouvrière — y compris ceux qui comme les trotskistes clament être « les seuls à pouvoir se dire sincèrement dans le camp des travailleurs », comme le prétend actuellement l’affiche de campagne de Laguiller (LO) tirée à 15 000 exemplaires au format des panneaux publicitaires —, donc pas une voix pour les partis bourgeois et leurs rabatteurs ! Le thème à développer pourrait être : « La partie est truquée : pas de voix pour les exploiteurs et leurs partis bourgeois ! »

Le meilleur moyen de hausser le niveau de conscience de tous ceux qui tout en émettant des réserves sur les partis politiques traditionnels, estiment de leur devoir de se présenter aux urnes (le droit de vote représentant une « conquête importante de la démocratie ») et ne sont donc par conséquent pas encore prêts à couper le cordon ombilical avec les préjugés démocratiques bourgeois, est de leur proposer de participer à une campagne dotée d’un contenu politique clair expliquant quels sont les principes qui doivent être ceux régissant une démocratie authentique : la volonté de réalisation dans le domaine économique et social des droits politiques formels proclamés par les constitutions bourgeoises, d’où la nécessité d’établir un ordre social socialiste, seul capable d’assurer aux travailleurs la démocratie véritable. Le patronat contrôle l'Etat. Ce n’est pas avec un bulletin de vote qu'on pourra changer ça ! Dans le choix du (ou des) slogan(s) de campagne on doit veiller à exprimer leurs doutes et leur mécontentement, sans pour autant se rabaisser au niveau des préjugés du démocratisme bourgeois. Par exemple le mot d’ordre « La partie est truquée : carton rouge pour les tricheurs ! » reflète ces exigences. Notre propagande doit expliquer pourquoi il faut « mettre hors jeu » tous les partis bourgeois, et expliquer leur nature classe, le fait qu’ils ne veulent rien changer et ne pourront rien changer, le contrôle « indirect » exercé par les classes possédantes sur l’Etat, ainsi que la nécessité de construire un parti se battant pour réaliser les revendications et les aspirations démocratiques des travailleurs dans les domaines économique et social, le tout dans la langage le moins abstrait et le plus accessible possible. Il faut expliquer et illustrer à l’aide d’exemples vivants le fait que l’Etat, « même le plus démocratique» est nécessairement sous le capitalisme un Etat bourgeois, un appareil de mystification et de cœrcition aux mains des classes possédantes et que ce n’est pas par un bulletin de vote que l’on pourra changer ça !

A nous donc d’utiliser tous les moyens qui se présentent pour intéresser les masses au communisme et pousser les partis bourgeois à la faute, à dévoiler la véritable nature de classe de leur « démocratie » !

Collectif Militant communiste Rédacteur  V.G. — Novembre 2006.

 

Notes :

1 Voir par exemple de Lénine les textes en édition numérique de L’Etat et la révolution, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ainsi que La maladie infantile du communisme : le gauchisme ; et d'Enver Hoxha la brochure La démocratie prolétarienne est la démocratie véritable.  (Cf. Œuvres choisies.)

2 « Ces partis « d'opposition », qui sont soi-disant en contradiction avec ceux qui ont obtenu la majorité des sièges et qui appuient le grand capital, mènent grand bruit, ils « critiquent », etc., mais leur bruit ne guérit ni le chômage, ni l'émigration, ni l'inflation. Quels que soient les cris et les critiques de l'opposition au parlement, les prix montent, la vie se corrompt et dégénère, les assassinats, les hold-ups et les enlèvements dans la rue, de jour et de nuit, deviennent toujours plus inquiétants. Ce chaos et cette confusion, cette liberté des malfaiteurs pour perpétrer leurs crimes, voilà ce que les capitalistes et les révisionnistes appellent « démocratie véritable » ! » (Enver Hoxha, La démocratie prolétarienne est la démocratie véritable in Œuvres choisies, Tome V, Edition numérique, p. 112.)

3 Lénine, L’Etat et la révolution in Œuvres choisies en deux volumes, Tome II, Edition numérique, p. 99.

4 Henry Barbusse, Staline : Un monde nouveau vu à travers un homme, Edition numérique, p. 81.

5 Lénine, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky in Œuvres choisies en deux volumes, Tome II, Edition numérique, p. 215.

6 Allusion à la candidature de Coluche qui avait dérangé les candidats des partis de droite comme « de gauche », au point que les menaces aient fini par le faire abandonner malgré 10 % d’intentions de vote.

7 « Les «communistes» italiens et français se firent de grandes illusions sur la démocratie bourgeoise et la voie parlementaire. Ces deux partis participèrent également aux gouvernements bourgeois des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. C'était là encore une tactique de la bourgeoisie pour conjurer les grèves et le chaos, redresser l'économie, et surtout pour consolider ses positions non seulement économiques, mais aussi militaires et policières. La participation des communistes aux gouvernements bourgeois ne fut qu'un feu de paille. La bourgeoisie chassa les communistes du pouvoir, les désarma, les rejeta dans l'opposition et fit adopter des lois électorales en vertu desquelles, malgré le grand nombre de voix obtenues par les communistes, le nombre de leurs députés au parlement était réduit au minimum. » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens Souvenirs, Edition numérique, p.78-79.)

8 « On dit : « les socialistes ont gouverné : en Angleterre, en Allemagne. Regardez ce qu'ils ont fait. »  On néglige d'ajouter que les personnages en question étaient peut-être socialistes de nom, mais qu'ils n'ont jamais appliqué le socialisme. » (Henry Barbusse, op. cit., p. 96.)

9 Lénine, La maladie infantile du communisme : le gauchisme in Œuvres choisies en deux volumes, Tome II, Edition numérique, pp. 368-371.

10 Cf. Lénine, Boycottage in Œuvres choisies en deux volumes, Tome I, Edition numérique, pp. 239-241.

11 Lénine, La maladie infantile du communisme…,  p. 350.

12 Lénine, Discours sur le parlementarisme, IIème Congrès de l’Internationale Communiste.

13 Voir Lénine, La maladie infantile du communisme…,  pp. 349-358.

14 Lénine, Projet de réponse du P.C. de Russie, tome 30, p. 350.

15 Ces conditions ont été illustrées par Lénine dans La maladie infantile du communisme… (pp. 361-362.)

16 Sur la différence fondamentale entre compromis et compromission Lénine faisait remarquer que : « L'homme politique, désireux d'être utile au prolétariat révolutionnaire, doit savoir discerner les cas concrets où précisément ces compromis sont inadmissibles, où ils sont l'expression de l'opportunisme et de la trahison, il doit savoir diriger contre ces compromis concrets toute la force de sa critique, les dénoncer implacablement et avec mordant, leur déclarer une guerre sans merci, en ne permettant pas aux vieux routiers « affairistes » du socialisme ni aux parlementaires jésuites de se dérober, d'échapper à leurs responsabilités par des dissertations sur les « compromis en général ». (…) Il y a compromis et compromis. Il faut savoir analyser la situation et les conditions concrètes de chaque compromis ou de chaque variété de compromis. Il faut apprendre à distinguer entre l'homme qui a donné aux bandits de l'argent et des armes pour atténuer le mal causé par ces bandits et faciliter leur capture et leur exécution et l'homme qui leur donne de l'argent et des armes afin de participer au partage de leur butin. En politique, la chose est loin d'être toujours aussi facile que dans un petit exemple d'une simplicité enfantine. Mais celui qui voudrait imaginer pour les ouvriers une recette offrant d'avance des solutions toutes prêtes pour toutes les circonstances de la vie ou qui assurerait que dans la politique du prolétariat révolutionnaire il ne se rencontrera jamais de difficultés ni de situations embrouillées, celui-là ne serait qu'un charlatan. » (Lénine, La maladie infantile du communisme…, pp. 339-340.)

17 « Sous le pouvoir des Soviets, un nombre encore plus grand d'intellectuels d'origine bourgeoise s'insinueront dans votre parti et dans le nôtre, le parti du prolétariat. Ils s'insinueront aussi dans les Soviets et dans les tribunaux et dans l'administration (…) Sous le pouvoir des Soviets, ces mêmes problèmes qu'aujourd'hui l'antiparlementaire rejette loin de lui d'un seul geste de la main, si orgueilleusement, avec tant de hauteur, de légèreté, de puérilité, ces mêmes problèmes renaissent au sein des Soviets, au sein de l'administration soviétique, parmi les « défenseurs » soviétiques (…). Parmi les ingénieurs soviétiques, parmi les instituteurs soviétiques, parmi les ouvriers privilégiés, c'est-à-dire les plus qualifiés et travaillant aux meilleures places dans les usines soviétiques, nous voyons continuellement renaître, sans aucune exception, tous les traits négatifs propres au parlementarisme bourgeois, et ce n'est que par une lutte répétée, inlassable, longue et opiniâtre de l'esprit d'organisation et de discipline du prolétariat que nous triomphons — peu à peu — de ce mal. » (Cf. Lénine, La maladie infantile du communisme…, pp. 371-372.)

18 Les marxistes-léninistes et les élections in L’émancipation, Edition numérique, p. 202.

19 Lénine ajoutait que s’il est vrai que le parlementairement bourgeois « a historiquement fait son temps » (à l’instar du capitalisme — puisque s’est ouvert l’ère des révolutions socialistes et de la démocratie prolétarienne), il y a encore loin pour qu’on en soit venu à bout dans la pratique, et que tant que des millions de prolétaires ne sont pas encore prêts à jeter bas le parlementarisme, il est nécessaire lutter sur le terrain de celui-ci, et de ne pas croire que ce qui vaut pour les éléments prolétariens les plus avancés vaut pour la classe et les masses dans leur ensemble. C’est à cette condition seulement que le Parti Communiste peut réellement prendre la mesure de ses tâches politiques et travailler à préparer les masses à jeter dans les poubelles de l’histoire de capitalisme et le parlementarisme bourgeois. (Lénine, La maladie infantile du communisme…, pp. 348-349.)

20 Lénine, La maladie infantile du communisme…, p. 364.

21 « Le Parti communiste de Russie compte en tout et pour tout 700.000 membres. Je puis vous assurer, camarades, qu'il pourrait porter le nombre de ses membres à 7 millions s'il le désirait et s'il ne savait pas que 700.000 communistes fermes constituent une force autrement sérieuse que 7 millions de compagnons de route parfaitement inutiles et bons à rien. Si la Russie a résisté à l'assaut de l'impérialisme mondial ; si elle a remporté des succès notables sur les fronts extérieurs ; si, en deux ou trois ans, elle est devenue une force qui ébranle les bases mêmes de l'impérialisme mondial, elle le doit, entre autres, à l'existence d'un Parti communiste d'acier, étroitement uni et aguerri dans les combats, qui n'a jamais cherché à augmenter coûte que coûte le nombre de ses membres, mais dont le premier souci a toujours été d'en améliorer la qualité. Lassalle avait raison de dire que le Parti se fortifie en s'épurant. » (Staline, La stratégie des communistes russes, Edition numérique, p. 13.)

22 Staline, op. cit., p. 4.

23 Lénine, Prolétariat révolutionnaire et droit des nations, œuvres, tome 21, p. 424.

24 Lénine, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky…, p. 215.

 

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