L'U.e. et le traité constitutionnel

« En régime capitaliste, le développement égal des différentes économies et des différents Etats est impossible. Les seuls moyens possibles de rétablir de temps en temps l'équilibre compromis, ce sont en régime capitaliste les crises dans l'industrie, les guerres dans le domaine politique. Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les Etats-Unis d'Europe sont également possibles, comme une entente de capitalistes européens ... dans quel but ? Dans le seul but d'étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l'Amérique, extrêmement lésés dans l'actuel partage des colonies, et qui se sont renforcés au cours de ces cinquante dernières années infiniment plus vite que l'Europe monarchique, arriérée, laquelle déjà pourrit de vieillesse comparée aux Etats-Unis d'Amérique, l'Europe dans son ensemble signifie stagnation économique. Sur la base économique d'aujourd'hui, c'est-à-dire en régime capitaliste, les Etats-Unis d'Europe signifieraient l’organisation de la réaction en vue de contenir le développement plus rapide de l'Amérique. » (Lénine, Du mot d'ordre sur les Etats-Unis d'Europe in Œuvres choisies, Tome I, Edition numérique, p. 336.)

Sommaire :

ATTAC, la 'gauche', 'l’extrême gauche' et le tce

ATTAC, semeur d’illusions sur 'l’Europe sociale'

 

 

ATTAC, la 'gauche', 'l’extrême gauche' et le traité constitutionnel européen

1° Introduction.

En juin 2004, ATTAC a proposé à l’ensemble des partis politiques de réagir à son document présentant 21 exigences vis à vis du traité constitutionnel. Les partis dits « de droite », défendant ouvertement les intérêts de la bourgeoisie monopoliste française, n’y ont pas répondu.

Ont donné leur avis sur les 21 exigences d’ATTAC les partis suivants : Le Parti Socialiste, Les Verts, le Parti Communiste Français, la Ligue Communiste Révolutionnaire et le Parti des Travailleurs.

Ce qui nous intéresse, c’est le fait que la réponse qui a été donnée par les partis dits « de gauche » et « d’extrême gauche » nous permet de démasquer le programme réformiste de ces partis dits « socialistes » ou « radicaux ».

Avant d’examiner dans ses grandes lignes le contenu de ces réponses et afin d’en démonter le caractère démagogique, nous rappellerons au travailleur la réalité de la construction de « l’Europe Unie ».

2° La signification de l’« Europe Unie » et du « Traité constitutionnel ».

A l’heure où l’impérialisme européen étend son influence néocoloniale dans les pays de l’Europe de l’Est et lorgne vers la Turquie, où l’impérialisme allemand a dépecé la Yougoslavie, où l’impérialisme français tente de préserver « son » pré carré néo-colonial africain des visées expansionnistes de l’impérialisme américain, on ne peut que rappeler la pertinence des paroles suivantes de Lénine :

« Le capital est devenu international et monopolisateur. Le monde se trouve partagé entre une poignée de grandes puissances, c'est-à-dire de puissances qui s'enrichissent dans le pillage en grand et dans l'oppression des nations. » (Lénine, Du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe, Œuvres choisies en deux volumes, Tome I, Moscou, 1948, Edition numérique, p. 335.)

A travers ce prisme la signification de « l’Europe Unie » n’est autre que celle-ci :

« Les Etats-Unis d'Europe, en régime capitaliste, seraient comme une entente pour le partage des colonies. Or en régime capitaliste le partage ne peut avoir d'autre base, d'autre principe que la force. Le milliardaire ne peut partager le « revenu national » du pays capitaliste avec qui que ce soit, autrement que « en proportion du capital » (avec encore cette addition que le plus gros capital recevra plus qu'il ne lui revient). Le capitalisme c'est la propriété privée des moyens de production et l'anarchie dans la production. Prêcher le partage « équitable » du revenu sur cette base, c'est du proudhonisme, du béotisme de petit bourgeois et de philistin. On ne peut partager autrement que « selon la force ». On ne peut partager autrement que « selon la force ». Or la force change avec le progrès économique. Après 1871 l'Allemagne s'est renforcée trois ou quatre fois plus vite que l'Angleterre et la France. Le Japon, dix fois plus vite que la Russie. Pour vérifier la force réelle de l'Etat capitaliste, il n'y a et il ne peut y avoir d'autre moyen que la guerre. La guerre n'est pas en contradiction avec les principes de la propriété privée ; elle en est le développement direct et inévitable. En régime capitaliste, le développement égal des différentes économies et des différents Etats est impossible. Les seuls moyens possibles de rétablir de temps en temps l'équilibre compromis, ce sont en régime capitaliste les crises dans l'industrie, les guerres dans le domaine politique.

Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les Etats-Unis d'Europe sont également possibles, comme une entente de capitalistes européens ... dans quel but ? Dans le seul but d'étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l'Amérique, extrêmement lésés dans l'actuel partage des colonies, et qui se sont renforcés au cours de ces cinquante dernières années infiniment plus vite que l'Europe monarchique, arriérée, laquelle déjà pourrit de vieillesse Comparée aux Etats-Unis d'Amérique, l'Europe dans son ensemble signifie stagnation économique. Sur la base économique d'aujourd'hui, c'est-à-dire en régime capitaliste, les Etats-Unis d'Europe signifieraient l’organisation de la réaction en vue de contenir le développement plus rapide de l'Amérique. » (Lénine, Ibidem, p. 335-336.)

En conséquence de quoi :

« Au point de vue des conditions économiques de l'impérialisme, c'est-à-dire des exportations de capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales « avancées » et « civilisées », les Etats-Unis d'Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. » (Lénine, Ibidem, p. 335.)

L’« Europe Unie » est un bloc réactionnaire voulu par l’impérialisme, entre autre par l’impérialisme français. Le siège de « l’Europe Unie » se trouve pas non pas au parlement européen, mais au niveau des groupes de pression capitalistes, à l'exemple de la table ronde des industriels européens. Les travailleurs ont déjà fait l’expérience à plusieurs reprises des « avantages et des vertus sociales » de « l’Europe Unie » : depuis l’Euro jusqu’à l’élargissement de l’Union, ils ont pu observer plus de délocalisations, de chômage et de précarité.  Les travailleurs n’ont rien à y gagner, mais les multinationales européennes, oui, car ce qu’elles recherchent, c’est la flexibilité salariale, les attaques contre le niveau des salaires, la remise en cause des derniers acquis sociaux et la privatisation du secteur public. En se dotant d’une constitution européenne ouvertement « libérale », qui n’hésite pas entre autres à autoriser 13 heures de travail quotidien, la bourgeoisie monopoliste française et européenne veut se doter des moyens 1° de légaliser une ligne favorable aux intérêts des multinationales européennes dans leur lutte concurrentielle sur le marché de la main d’œuvre mondiale et 2° à travers le renforcement de la cohésion du bloc impérialiste européen, d’en accélérer la construction avec la perspective d’une défense européenne pour réprimer la contestation intérieure et le cas échant repartager le gâteau néo-colonial. Tel est le sens du « Traité constitutionnel ».(1)

3° L’appréciation générale des « 21 exigences » d’ATTAC par la « gauche » et « l’extrême gauche ».

► La « gauche »

Dans sa réponse datée du 4 juin 2004, François Hollande, Premier Secrétaire du PS, dénonçant dès l’abord la « logique néo-libérale » affirme qu’il « partage en grande majorité » le point de vue exprimé par ATTAC dans ses « 21 exigences ». Nous pouvons aujourd’hui, avec l’appel du PS à voter oui à cette constitution non-amendée, remarquer le pas en arrière opéré par le PS qui a depuis décidé de se ranger ouvertement du côté de la bourgeoisie monopoliste.

Gilles Lemaire, Secrétaire National des Verts, dans sa réponse datée du 21 mai,  se dit également pleinement d’accord avec l’ensemble des exigences formulées par ATTAC. Les Verts, certainement pour éviter qu’éclate dans leur sein une crise politique (comme en connaît actuellement le PS qui a appelé à voter oui), s’abstiennent pourtant jusqu’alors de donner une consigne de vote en faveur du oui ou du non.

La « gauche » ne se distingue donc plus guère de la droite dite « néo-libérale », sinon par une « critique » très mesurée du traité constitutionnel, mais une « critique » qui n’appelle en aucun cas à une opposition à celui-ci.

► L’« extrême gauche »

Le PCF, félicitant ATTAC « pour la pertinence des exigences que vous avez développées dans l’espace public » est en complète osmose avec lui : dans leur lettre de réponse à ATTAC, Marie-George Buffet et Francis Wurtz estiment que « vos exigences ont entièrement rencontré les nôtres : elles nous paraissent de bon sens ».

Pour sa part, la direction de la LCR (comprenant entre autre Alain Krivine et Olivier Besancenot), adresse à ATTAC, « dont nous partageons, et ce n’est pas une surprise, en grande partie les intentions », ses « meilleurs sentiments altermondialistes ».

Enfin, le Parti des Travailleurs de Daniel Gluckstein, même s’il dit s’opposer catégoriquement au traité constitutionnel (et partant de là à son amendement), et qu’il souligne justement le flou constitutionnel autour des droits sociaux, n’en déclare pas moins être « partisan de l’Union libre des peuples libres d’Europe ». Pour le PT, les nationalisations bourgeoises et les services publics sont un des « fondements de la démocratie ».

L’« extrême gauche » a donc entièrement glissé vers des positions social-démocrates réformistes appelant de ses voeux l’Europe sociale et le retour à la démocratie bourgeoise de la période pré-«néo-libérale» où régnait « l’Etat providence ».

4° Les acquis sociaux, la concurrence et le secteur public.

A l’heure de l’élargissement de l’Union Européenne, les délocalisations se multiplient et marquent l’entrée dans une période de conflits sociaux gigantesques. Le PCF, depuis longtemps déjà « social-démocratisé », et qui préfère la conciliation de classes à la lutte de classe perçoit bien ce danger et met en garde la bourgeoisie : « nous exigeons comme vous l’arrêt des privatisations menées depuis trop longtemps, l’évaluation approfondie de leurs effets économiques et sociaux et l’engagement d’une politique volontaire fondée sur la valorisation des services publics. La priorité des services publics et leur mise à l’écart de la concurrence doivent être énoncées clairement dans le futur traité ; des décisions en ce sens doivent être prises sans tarder. »

La LCR tient sensiblement le même langage et réclame « la réduction à l’échelle de l’union européenne de la durée du temps de travail sans diminution de salaire et sans flexibilité, la réquisition des entreprises qui font des profits et qui licencient sont des revendications pour nous tout à fait essentielles. »

Il nous faut remarquer que dans le cas du PCF, les préjugés et illusions parlementaires sont si ancrés qu’il va jusqu’à affirmer le fait « Que les dispositifs européens puissent être utilisés comme des instruments de régression des droits est une absurdité. » Quelle naïveté sublime de la part de « communistes » qui semblent tout ignorer du caractère réactionnaire et rétrograde d’une Europe capitaliste « unie » !!!

Comment donc mettre en œuvre les mesures sociales réclamées par ces démagogues ? (dans le cadre de l’impérialisme bien sûr…)

C’est le PCF qui nous donne la réponse : « tout cela suppose, comme vous le suggérez, tout autant le contrôle des marchés de capitaux que la réorientation des missions et le contrôle strict de la BCE par les instances élues, européenne et nationales. »

Et c’est pourquoi la LCR qui surenchérit sur le PCF affirme que « Nous sommes contre l’article III-45 qui indique que « les restrictions tant aux mouvements des capitaux qu’aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ». Comme ATTAC l’indique, un tel article peut être évoqué contre la taxe Tobin et toute forme de taxation de transferts de capitaux à des fins spéculatives. »

Nous avons donc là des élèves modèles de l’altermondialisme ! Il n’est donc pas étonnant de les voir s’accorder également quant à la « critique » de la « concurrence » et du « libre-échange »

Au Traité constitutionnel qui stipule que « L’Union offre à ses citoyens et à ses citoyennes un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché où la concurrence est libre et non faussée » (article I.3. alinéa 1.2) et qui demande « la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, et à la réduction des barrières douanières et autres » (article III-216), la LCR répond que « Comme ATTAC, nous pensons que la concurrence ne doit pas être ni un objectif et ni une norme supérieure de la construction européenne. »

Le PCF, lui aussi, déclare qu’« Un nouveau traité constitutionnel doit bien sûr être débarrassé de la référence obsédante au marché et à la concurrence libre : ni la concurrence ni le libre-échange ne peuvent être des principes structurants de l’Union. »

D’accord avec ATTAC, le PCF et la LCR se disent donc opposés à la « libre-concurrence » ! Et que nous proposent-ils en échange ? Une concurrence « régulée » bien sûr !

C’est donc la plainte du petit capital réclamant à l’Etat démocratique « au dessus des classes » une concurrence « bien régulée » ne permettant plus au loup de manger l’agneau !

L’ombre de Proudhon plane également quant on entend le PT remettre en cause « le régime de la propriété privée » pour aussitôt se raviser et ajouter « le régime de la propriété privée des grands moyens de productions » ! On voit encore ici parfaitement, derrière la phraséologie « radicale » et « anti-capitaliste », les protestations du petit capital opprimé par le gros ! (2)

5° La démocratie.

Depuis ATTAC en passant par le PCF et la LCR jusqu’au PT, « l’extrême gauche » souligne le manque de « démocratie » dans le projet de traité constitutionnel, et à juste titre puisque ce projet à été élaboré par la commission giscardienne et non pas par un organe législatif « démocratiquement » (3) élu.

L’ensemble de ces Partis dénonce donc « l’anti-démocratisme » du traité, hélas non pas en mettant en avant le socialisme comme alternative, mais en idéalisant la démocratie bourgeoise. Ainsi le PT estime que la démocratie « est bafouée par ce texte ».

Mais quelle démocratie ?

Le PT, estime que les nationalisations bourgeoises et le secteur public « sont un des fondements de la démocratie » !!! Il s’agit donc de la démocratie bourgeoise.

Le PCF pour sa part remarque que « La construction [européenne] actuelle souffre de trop de libéralisme et d’un manque cruel de démocratie. »

Mais c’est peut-être la LCR qui décroche la palme en affirmant que : « Face à la construction antisociale et antidémocratique de l’Union européenne, partis politiques, mouvement syndical, mouvement associatif et mouvement altermondialiste ont un défi considérable à relever après des dizaines et des dizaines d’années où l’internationalisme a été étouffé par la division du monde en deux blocs, aucun d’entre eux n’étant porteur d’une quelconque perspective d’émancipation. Et puis, il y a eu les mobilisations pour l’annulation de la dette des pays du Sud, le mouvement zapatiste, les marches européennes contre le chômage, la marche mondiale des femmes, le mouvement altermondialiste, les forums sociaux mondiaux et continentaux, le mouvement anti-guerre qui ouvrent de nouvelles perspectives, de nouveaux horizons et notamment celui d’une société débarrassée de toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Nous, nous continuons à appeler un tel horizon le socialisme, d’autres préfèrent parler d’un autre monde possible. »

Ainsi, si pour les anti-communistes de la LCR, l’altermondialisme « socialisé » semble avoir de l’avenir, la voie de la Révolution d’Octobre, elle, n’était porteuse d’aucune perspective d’émancipation ! En parlant de l’horizon « socialiste », la LCR se garde bien de dire ce qu’elle entend par « socialisme ». (Sachant que la LCR a dernièrement jeté bas son masque « révolutionnaire » en abandonnant la référence à la dictature du prolétariat, il s’agira très certainement d’un « socialisme » « démocratique » qui ne sera rien d’autre que la société capitaliste actuelle saupoudrée de quelques concessions sociales…)

6° Pour un « non » résolu à la constitution européenne

Après ce rapide tour d’horizon des arguments développés par les Partis appelant à voter « non » au référendum constitutionnel il nous faut affirmer que :

Notre NON n’est pas le « non » des altermondialistes, du PCF et des trotskistes qui, sous la domination du Capital, rêvent d’une « Europe Unie » « sociale » !!!

Notre NON n’est pas non plus le « non » des souverainistes qui représentent les intérêts de la petite-/moyenne bourgeoisie française ployant sous le joug du Capital monopoliste de quelques grands bourgeois « apatrides » !!!

Enfin, notre NON n’est pas non plus le « non » des partis fascistes qui rêvent d’un impérialisme français fort, capable de dominer l’alliance impérialiste européenne !!!

Conscients que « l’Europe sociale » est un mythe, et conscients que le souverainisme est utopique et réactionnaire dans les conditions du capital monopoliste, notre NON est un NON anticapitaliste et internationaliste.

La victoire du NON signifierait une défaite de la bourgeoisie monopoliste française et européenne, puisque le traité constitutionnel doit être ratifié par tous les pays pour pouvoir être opérationnel.

La victoire du NON permettrait en outre de redonner confiance aux travailleurs en leurs forces.

Enfin, la victoire du NON permettrait aux travailleurs de commencer à porter un coup d’arrêt aux attaques dont ils sont victimes et de replacer la lutte contre le capital non plus uniquement sur le plan des revendications économiques de caractère défensives, mais sur le plan des revendications politiques. Les marxistes-léninistes, sans oublier le fait que la victoire du NON poussera la bourgeoisie à chercher à la contourner par tous les moyens, doivent donc se servir de cette occasion offerte par le référendum comme d’une tribune pour pousser aussi loin que possible leur travail de conscientisation dans les masses pour 1° arracher à la bourgeoisie son masque « démocratique » aux yeux des travailleurs aujourd'hui encore dupés et 2° de démasquer la phraséologie « socialiste » et « radicale » des partis politiques dits « de gauche » voir « d’extrême gauche », qui objectivement, par les illusions qu’ils entretiennent chez les travailleurs au sujet de la prétendue possibilité de construire une « Europe sociale » (sous le capitalisme !!!), jouent le rôle de sapeurs-pompiers de la révolution.

V.G. — 02/2005

(Les citations  sont tirées du site ATTAC : http://www.france.attac.org/a2720)

 

 

Notes :

(1) Sur le bloc impérialiste européen, voir également le paragraphe III-B de la page http://www.marxisme.fr/polemique_sino_albanaise_PCC_PTA.htm (Retour)

(2) Voir également le paragraphe VI de la critique de l’ouvrage de Jacques Généreux, militant PS en vue du mouvement altermondialiste : http://www.marxisme.fr/marxisme_et_altermondialisme.htm (Retour)

(3) Sur la critique léniniste de la démocratie bourgeoise, voir http://www.marxisme.fr/la_dictature_du_proletariat_et_les_communistes.htm (Retour)

 

 

 

 

ATTAC, semeur d’illusions sur 'l’Europe sociale'

(Article paru dans le n°15 du bulletin d'information du Collectif Militant Communiste – Juillet-août 2005)

La large victoire du NON au référendum constitutionnel européen du 29 mai 2005 où la bourgeoisie avait jeté une grande partie de ses moyens de propagande en faveur du OUI, a été un échec cuisant pour les partis piliers de la traditionnelle alternance droite-gauche : A court de solutions, Chirac vire son fidèle Raffarin et change de place les chevaux de tête de son attelage gouvernemental. Le PS, quant à lui, démasqué ouvertement comme un parti au service de la bourgeoisie, ne trouve rien d’autre pour régler ses conflits internes, que de renforcer – incroyable ! – le pouvoir de ses chefs désavoués par les urnes !  

Après ce référendum, on a pu voir l’aile « gauche » de la social-démocratie se mettre aussitôt en branle : si le PS est en crise, tout va en revanche pour le mieux dans le meilleur des mondes au sein de « l’extrême gauche » française à laquelle il a redonné un second souffle. Malgré leur apparente diversité, depuis ATTAC jusqu’au PCF et aux trotskistes, ces partis ont tous un point commun majeur qui permet de reléguer leurs différences minimes au second plan : la dénonciation du « néolibéralisme » (l’ancien était-il plus propre ?) et leurs vœux de voir se réaliser une « Europe sociale » !* Au sein de cette mouvance réformiste radicale, ATTAC occupe une place privilégiée en raison du rôle important qu’elle a joué dans la victoire du NON, ce qui donne un crédit aux positions qu’elle relance après la victoire du camp du peuple au référendum.  Dans sa lettre d’information électronique ATTAC a salué la victoire du NON comme

« Un non très majoritairement démocratique et européen. Ce faisant, les citoyennes et les citoyens ont d'abord dit non au néolibéralisme, dont le texte soumis à référendum constituait une éloquente défense et illustration. Ce non est en même temps un oui à une Europe indépendante, internationaliste, sociale, écologique et féministe ; un oui à une Europe solidaire : solidaire avec le reste du monde, en premier lieu avec le Sud, et avec les générations futures. »

Derrière cette rhétorique trompeuse et mystificatrice, le NON résolu au traité constitutionnel et à l’Europe telle qu’on a voulu l’imposer aujourd’hui aux travailleurs, mais encore à l’Europe telle qu’ils la vivent au quotidien, dans la pratique, depuis des décennies, se trouve ainsi transformé en un OUI à une Europe « indépendante » (de l’impérialisme US),  « internationaliste » (vis à vis de la sauvegarde de ses aires d’influence néo-coloniales), sociale (attention, il s’agit du « social » d’avant Thatcher et des « ultra-libéraux » des années post 1980), etc. On ne peut mieux travestir le véritable contenu du NON exprimé par la majorité de notre peuple. Et on reconnaît bien là les efforts de la petite bourgeoisie pour limiter ou dévoyer les aspirations des travailleurs exploités dans le sens de leurs propres intérêts, qui reposent fondamentalement sur la bonne santé de l’impérialisme (l’Europe, vous-dis-je !) pour partager plus équitablement (en commençant par soi) les «  richesses » : l’Europe sociale, quoi !

En vérité, si ce référendum a prouvé une chose, c’est bien un caractère de classe marqué : malgré le déferlement de propagande en faveur du OUI et malgré l’inconsistance des arguments réformistes des « défenseurs » du NON « européen », les masses travailleuses se sont largement prononcées contre l’Europe capitaliste actuelle et à venir, car ce référendum a été également utilisé pour sanctionner les partis gouvernementaux. (Ce que ces derniers n’ont pas manqué de reprocher à la « populace » au cours de la campagne…) Si 55 % des électeurs ont voté NON (avec seulement 30 % d’abstention), il ne faut pas pour autant prendre ce taux moyen pour juger des résultats du référendum : plus de 60 % des électeurs dont le revenu net mensuel par foyer ne dépasse pas 2000 euros par mois ont décidé de voter NON alors que plus de 60 % des électeurs dont le revenu net mensuel par foyer dépasse 3000 euros par mois ont eux décidé de voter OUI. De même 60 % de l’ensemble salariés, 71 % des chômeurs et 79 % des ouvriers ayant voté ont voté NON !  A l’inverse, les deux tiers des cadres supérieurs et des professions libérales ont voté en faveur du OUI. Dans une situation économique médiane, souvent précaire et menacée par la grande bourgeoisie, la petite bourgeoisie, c’est-à-dire les professions intermédiaires, artisans et commerçants ont voté en faveur du OUI à un peu plus de 50 %. Bien entendu, de ces chiffres, la bourgeoisie et ses partis réformistes ne disent mot : ce serait là parler le langage de la lutte de classes : la bourgeoisie préfère s’en tenir à l’abstraction du citoyen en général et de la démocratie pour tous. (C’est un terrain qu’ont rejoint les directions social-traîtres des partis « communistes » réformistes, car depuis Robert Hue, non seulement il n’est plus question de dictature du prolétariat, mais même de lutte de classes.) Alors que les travailleurs et les chômeurs ont clairement exprimé leur ras-le-bol général actuel et leurs inquiétudes pour l’avenir, ATTAC ne voit qu’un refus de la construction européenne telle qu’elle aurait été dévoyée depuis les années 1980 ! ATTAC rejoint donc les appréciations de la social-démocratie « de gauche » en affirmant qu’

« Il faut maintenant élaborer démocratiquement une nouvelle constitution européenne, qui permette enfin aux peuples de choisir des politiques de solidarité entre individus et entre pays »

Outre le fait que cette conception idéaliste (ignorant la base matérielle économique à l’origine des lois) ressemble à s’y méprendre au crétinisme parlementaire le plus pur, il nous faut souligner que ces positions font ouvertement le jeu de la bourgeoisie pour deux raisons :

1° C’est là lui permettre de faire passer en fraude une constitution amendée, qui comme toutes les constitutions bourgeoisies (même les plus belles), ne pourra s’en tenir qu’aux voeux pieux de « liberté », « d’égalité » et de « fraternité ». Quand bien même la bourgeoisie en viendrait à accorder une constitution européenne « sociale », celle-ci resterait un chiffon de papier et un instrument de duperie dans le cadre du capitalisme.

2° Pour ATTAC, ce NON « est aussi un oui à la démocratie, honteusement tournée en dérision » par les partis du OUI. C’est là se faire le pompier du navire en flamme de la « démocratie » représentative bourgeoise et tenter de lui redonner le crédit qu’elle a perdu, alors même que nombre de dirigeants sociaux-démocrates ont reconnu que le référendum avait mis en évidence le grand danger (pour l’ordre bourgeois) de la coupure entre les cadres apprivoisés de l’appareil (des partis et des syndicats) et leur base : quand les militants de la CGT appelaient à voter massivement NON, leur direction se faisait connaître comme défendant le OUI. De même, quand les membres du PS décidaient d’appeler à voter OUI, leurs sympathisants, eux, se prononçaient majoritairement pour le NON. Les dernières tribulations de Laurent Fabius** sont très révélatrices de cette crise dont les politiciens bourgeois les plus conscients perçoivent bien le danger.

En bref, en tentant d’éluder la réalité que ce référendum a commencé à démonter aux yeux des larges masses travailleuses : le fait que l’Etat est un Etat de classe (qu’il soit un Etat national ou européen !), une dictature de la bourgeoisie menée en alternance par les politiciens des partis gouvernementaux « de la majorité » et de « l’opposition » qui défendent les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie contre les travailleurs, ATTAC se propose de jouer le rôle de la social-démocratie de gauche désormais très discréditée aux yeux des masses en relançant les illusions d’un réformisme censé adoucir le capitalisme et lui donner un « visage humain ».

Quant aux revendications sociales, il n’est pas étonnant qu’en tant que porte parole de la petite bourgeoisie, ATTAC ne nous propose, comme toujours, que son réformisme mondial (c’est-à-dire l’harmonisation sociale par le haut) qu’il s’agit d’imposer sans toucher au cadre du système impérialiste international (cela va de soi !). Exit le nécessaire changement révolutionnaire de la société et le pouvoir des travailleurs : La vue d’ATTAC s’arrête ou commence la nécessité de renverser l’ordre bourgeois !

V.G. — 06/2005

 

 

Notes :

* Voir l'article précédent ainsi que le paragraphe I – D de la page http://www.marxisme.fr/parti_communiste_francais_thorez_marchais_hue.htm (« Le PCF, pionnier de l’euro-constructivisme et de l’altermondialisme » ).

** Quelques jours avant son exclusion de la direction du PS il affirmait qu'il était très important pour la sauvegarde de la démocratie représentative qu'il n'y ait pas eu que les « extrêmes » qui aient appelé à voter NON. Et il s'en réjouissait. Après coup, la bourgeoisie doit faire de même et doit se féliciter de ne pas avoir mis tous ses œufs dans le même panier : il aurait été très dangereux de ne pas garder un attelage social-traître en réserve pour duper les masses au nom d'une Europe sociale. Une scission du PS en perspective pour se détacher de l'aile trop ouvertement droitière du PS représentée par François Hollande, décrédibilisé, profiterait ainsi à la bourgeoisie en ce que le navire en flamme du PS ne perdrait pas tout son électorat et continuerait de duper une partie des travailleurs...

 

 

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