Comprendre les divergences

sino-albanaises

V. Molotov sur Mao Tsétoung : « C'est un homme intelligent, un leader paysan, une sorte de Pougatchev chinois. Bien sûr, il était loin d'être marxiste. Il est venu pour le soixante-dixième anniversaire de Staline, en 1949. Il est resté quelque chose comme six semaines à la datcha de Staline. Il a été un peu souffrant. Nous sommes allés lui rendre visite Mikoyan et moi. Nous avons eu un entretien. Il nous a fait goûter du thé vert chinois. Je me souviens qu'il a dit notamment : "Je n'ai jamais lu Le Capital de Marx." Pourquoi a-t-il dit ça ? Pour montrer qu'il n'avait rien d'un doctrinaire ? » (V. Molotov, cité dans Conversations avec Molotov — 140 entretiens avec le bras droit de Staline —, Félix Tchouev, Albin Michel, 1995, pp. 119-120.

E. Hoxha sur Mao Tsétoung : « J'ai indiqué dans un des mes écrits qu'il fallait abattre les mythes, et je pensais précisément au mythe de Mao Tsétoung, ce mythe qui le présentait comme un 'grand' marxiste-léniniste. Mao Tsétoung n'est pas un marxiste-léniniste, mais un démocrate révolutionnaire progressiste et c'est à travers ce prisme qu'il faut, à mon sens, étudier son oeuvre. » (Enver Hoxha, La révolution chinoise peut-elle être qualifiée de prolétarienne ?, Réflexions sur la Chine, Tome II, Edition numérique, p. 356.)

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La théorie de la connaissance du marxisme-léninisme a un caractère profondément scientifique. Elle est à l'opposé du fidéisme et de l'agnosticisme bourgeois qui nient l'existence d'une vérité objective ou la possibilité de la connaître. C'est pourquoi dans son ouvrage Matérialisme et empiriocriticisme, Lénine résumait le principe fondamental de la philosophie matérialiste-dialectique comme ceci :

"La dialectique matérialiste de Marx et d'Engels inclut sans contredit le relativisme, mais ne s'y réduit pas ; c'est-à-dire qu'elle admet la relativité de toutes nos connaissances non point au sens de la négation de la vérité objective, mais au sens de la relativité historique des limites de l'approximation de nos connaissances par rapport à cette vérité."

Au moment de la rédaction du texte A propos de la polémique sino-albanaise, la formation marxiste de l'auteur était encore incomplète, aboutissant à des jugements parfois incomplets en matière d'économie politique et concernant la question nationale et coloniale. Ce texte se présente donc davantage comme une critique de théories politiques maoïstes que comme une explication des racines du révisionnisme en Chine et de ses convergences ponctuelles avec les révisionnistes soviétiques dans les années 1953-1956. L'étude Impérialisme et anti-impérialisme comble ces insuffisances et constitue un complément essentiel pour comprendre le caractère démocratique-bourgeois, anti-colonial et anti-féodal de la révolution chinoise de 1949, ainsi que son opposition ultérieure à l'URSS social-impérialiste sur une base non pas marxiste-léniniste, mais nationaliste bourgeoise.

Sommaire :

A propos de la polémique sino-albanaise

I. Introduction II. Divergences dans la lutte contre le révisionnisme (A. Les précurseurs du révisionnisme « moderne » B. Le PCC et le PTA face au titisme C. Le révisionnisme khrouchtchévien : Khrouchtchev et Brejnev) — III. Le PCC et le PTA face à l’impérialisme (A. La lutte contre l’impérialisme américain B. La question de la construction européenne) — IV. A propos du Discours sur les dix grands rapports de Mao Zedong V. Les maoïstes du PCMLM, Gonzalo, le PTB et Enver Hoxha VI. Pistes pour la lutte contre le révisionnisme et l'unité des communistes.

Sélection de textes sur le révisionnisme de Mao

Caricatures et simplifications maoïstes

L'antimarxiste des conceptions philosophiques de Mao

Documents complémentaires à télécharger :

Articles dans L'Émancipation (n°s 1-2-3-7)

Du « Parti de Thorez » à la « pensée de Mao »

« Il n’est pas du tout étonnant, mais par contre très significatif, qu’Enver Hoxha, Premier secrétaire du Parti du Travail d’Albanie, soit en butte aujourd’hui encore à de multiples attaques, venant d’horizons soi-disant opposés. Il serait puéril d’ignorer le Parti du Travail d’Albanie et celui qui en fut le dirigeant, au nom de la superficie de l’Albanie et de son nombre d’habitants, du niveau de son développement économique. Comme l’écrivait Engels : « En tant que domaine déterminé de la division du travail, la philosophie de chaque époque suppose une documentation intellectuelle déterminée qui lui a été transmise par celles qui l’ont précédées et dont elle part. Et c’est pourquoi il arrive que des pays économiquement retardataires peuvent pourtant tenir le premier violon en philosophie. » Le rôle de premier violon, le Parti du Travail d’Albanie l’a occupé au niveau idéologique et politique après la mort de Staline en 1953. » (Patrick Kessel, Contribution à la question d'une nouvelle Internationale, Lettre ouverte à Ludo Martens, Président du Parti du Travail de Belgique, organisateur de la Conférence Internationale de Bruxelles, 1997.)

 

 

 

 

A propos de la polémique sino-albanaise

I - Introduction

 

Aujourd’hui, la condamnation des trotskistes et des révisionnistes titistes et khrouchtchéviens paraît naturelle à tout communiste conscient. La question de Staline a en effet été clairement tranchée à la vue des bouleversements qui ont vu déchirer les masques des partisans du communisme autogestionnaire « à visage humain », ceux de la « Glasnost et de la Perestroïka » et de leurs ancêtres khrouchtchéviens, et de tous ceux qui, des décennies durant, n’ont eu de cesse de calomnier Staline, Staline qui dès 1925 avait résumé magistralement les facteurs susceptibles de liquider la révolution en URSS :

 

« Quels sont les dangers de dégénérescence du parti que déterminera la stabilisation du capitalisme si elle se prolonge ? Ces dangers existent-ils vraiment ? Oui, et ils existent indépendamment de la stabilisation, qui ne fait que les rendre plus tangibles. Voici les trois principaux de ces dangers : a)  Perte de la perspective socialiste dans l'organisation de notre pays et, par suite, apparition d'une tendance à liquider les conquêtes de la révolution ; b)  Perte de la perspective révolutionnaire internationale et, partant, apparition du nationalisme ; c)  Disparition de la direction du parti et, partant, possibilité de transformation du parti en appendice de l'appareil étatique. » (Staline, Questions et réponses, Discours prononcé à l'Université Sverdlov  le 9 juin 1925, Les questions du léninisme, édition numérique, tome I, p.135.)

 

Danger qu’il traduisit également sous cette forme :

 

« Ainsi, le triomphe de la déviation de droite dans notre parti entraînerait les conditions multiples nécessaires au rétablissement du capitalisme dans notre pays. » (Staline, Le danger de droite dans le P. C. de l'U.R.S.S., Discours prononcé au Comité élargi du Parti et à la Commission de contrôle de Moscou, le 19 octobre 1928, Les questions du léninisme, édition numérique, tome II, p.101-102.)

 

Ce sont en effet ces trois facteurs, qui, combinés, déterminèrent le triomphe de la contre-révolution qui se caractérisa par : a) l’introduction des « réformes de marché » et la proclamation de « l’État de tout le peuple » qui a conduit à la suppression du contrôle populaire de l’appareil d’État d’où la liquidation de la dictature du prolétariat ; b) la coexistence pacifique khrouchtchévienne élaborée en collusion avec l’impérialisme US pour le partage des zones d’influence ainsi que la résurgence du chauvinisme grand-russe et de ses pendants, les nationalismes locaux ; c) la libéralisation du Parti et la formation d’une caste de cadres « gestionnaires » détachés des masses, nomenklatura formant la base de la restauration capitaliste. La contre-révolution en URSS n’a pas frappé en 1991, mais bien en 1956 sous le masque de « l’anti-stalinisme ». En 1964, malgré avoir repris certaines critiques khrouchtchéviennes concernant Staline, Che Guevara n’en disait pas moins que

 

« C’est dans ce que l’on a appelé les erreurs de Staline que réside la différence entre un comportement révolutionnaire et un comportement révisionniste. Il [Staline] comprend le danger des rapports [de marché] mercantilistes et essaie d’en sortir progressivement en brisant l’opposition. La nouvelle direction [Khrouchtchev] par contre cède aux impulsions de la superstructure et place l’accent sur l’activité mercantile.» (Ernesto Che Guevara, http://www.chez.com/lybertyworld/cheguevara2.htm)

 

Le vieux Honecker, pourtant artisan de la politique révisionniste en RDA, écrivait quant à lui dans ses Notes de prison (1992-1993)  :

 

« Aucune dénégation n'effacera ce fait : le socialisme a été vaincu sous le drapeau d'un combat contre le stalinisme. Le combat contre le communisme avait été mené autrefois sous le drapeau de la lutte anti-bolchevique. » (http://www.comite-honecker.org/26.htm)

 

Il nous est même donné de voir conclure le documentaire vidéo Stalin - Man of Steel de la façon suivante : après que le narrateur ait dit « qu’aujourd’hui encore le personnage de Staline exerce une attraction énigmatique », le fils de Nikita Khrouchtchev, Serguei Khrouchtchev ajoute in-extenso :

 

« Regardez la Russie aujourd'hui. Qui est le héros. Le héros est Staline. Bien sur les démocrates en Russie vous diront que Staline a tué des millions de personnes, mais il a fait de la Russie une superpuissance. »

 

Il est jusqu’à des anarchistes, qui, bien que farouchement opposés à Staline, en sont pourtant arrivé à la conclusion que la chute de l’URSS avait sa source dans la ligne khrouchtchévienne. C’est ainsi qu’Howard Zinn, traitant de la façon dont fut perçu l’effondrement de l’URSS dans les milieux dirigeants des Etats-Unis, fait la réflexion suivante :

 

« Aux États-Unis, le parti républicain prétendit que la politique sans compromis de Reagan et l'augmentation des dépenses militaires avaient provoqué l'effondrement de l'Union soviétique. En fait, les changements avaient commencé bien avant, dès la mort de Staline, en 1953, et en particulier sous la responsabilité de Nikita Khrouchtchev. Un débat plus ouvert avait vu le jour à cette époque. Mais la ligne dure pratiquée par les États-Unis était vite devenue un obstacle à la libéralisation du régime. L'ancien ambassadeur américain en Union soviétique, George Kennan, écrivit que "l'extrémisme pendant la guerre froide avait plus retardé que hâté les grands changements qui ont renversé le régime soviétique à la fin des années 1980." » (Howard Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, Editions Agone, 2003, p.665.)

 

Mais il est une autre question toute aussi importante qui est restée en suspens et qui a divisé et continue de diviser aujourd’hui les marxistes-léninistes, ceux qui, dès les années 60, ont critiqué le révisionnisme khrouchtchévien et dénoncé la contre-révolution en URSS. Cette question, c’est celle relative à la polémique ouverte qui a débuté à la fin des années 70 entre les pro-albanais et les pro-chinois.

 

Aujourd’hui encore, cette polémique, loin d’être éteinte, loin d’avoir été solutionnée, divise toujours les révolutionnaires authentiques au sein de chaque pays et le mouvement communiste international dans son ensemble. Il ne s’agit pas ici de « petites divisions », mais de grosses divergences de principes qui vont jusqu’à empêcher tout débat.

 

Or sans unité idéologique, les communistes, incapables de s’unir dans un seul parti communiste authentique reconnu par tous (et à plus forte raison encore de former une internationale marxiste-léniniste), sont condamnés à la division et se privent des moyens d’exercer une action attractive sur le prolétariat, aujourd’hui désemparé, idéologiquement et organisationnellement, récupéré par les partis ouvertement réformistes, révisionnistes et contre-révolutionnaires (tels le PCF et les groupes trotskistes en France) qui trouvent un terrain fertile pour propager leur démagogie là où les communistes authentiques sont désunis et incapables de coordonner des actions communes dans les luttes quotidiennes.

 

La domination du réformisme au sein du mouvement communiste depuis un demi-siècle fait ressortir avec force la pertinence de ces paroles de Staline :

 

« La victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes signifierait la débâcle idéologique des partis communistes et un renforcement intense du social-démocratisme. Or, que signifie le renforcement intense du social-démocratisme ? Cela signifie renforcement et consolidation du capitalisme, la social-démocratie étant le principal rempart du capitalisme au sein de la classe ouvrière. Ainsi, la victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes entraînerait les conditions multiples nécessaires à la conservation du capitalisme. » (Staline, Les questions du léninisme, édition numérique, tome II, p.101.)

 

Dans ce contexte, aujourd’hui plus que jamais, ces paroles de Lénine prennent une résonance particulière :

 

« Sans théorie révolutionnaire, il ne peut y avoir de mouvement révolutionnaire »… « Seul un parti dirigé par une théorie avancée peut s'acquitter du rôle de lutteur d'avant-garde »  (Lénine, cité par Staline, Les questions du léninisme, édition numérique, tome I, p.43.)

 

La faiblesse du mouvement communiste contemporain réside en particulier dans l’éclatement et la faiblesse idéologiques de celui-ci, dans le fait que le prolétariat, privé de son parti d’avant-garde, de son état-major de combat, s’est trouvé désarmé face à l’offensive multiforme, idéologique et économique, généralisée du capital à laquelle s’est joint le chœur des révisionnistes qui s’attachent à déformer notre théorie révolutionnaire.

 

Le but de cet article, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, est de dégager les axes majeurs de la polémique sino-albanaise et, par dessus tout, de la replacer face aux principes fondamentaux de notre idéologie marxiste-léniniste. C’est la seule façon pour nous, marxistes-léninistes de faire la pleine lumière sur cette question qui a causé un tord immense à la révolution. C’est ce que ne manquent pas de souligner par exemple les maoïstes du PCMLM en en rejetant intégralement la faute sur le PTA et Enver Hoxha qui aurait « semé une grande confusion dans le mouvement communiste international, amenant à sa décadence quasi-complète. »

 

 

II – Divergences dans la lutte contre le révisionnisme

 

A). Les précurseurs du révisionnisme « moderne »

 

(Retracer sommairement leur histoire nous permettra de voir par la suite comment les révisionnistes « modernes », des titistes aux euro-communistes, en passant par les khrouchtchéviens, se sont parfois réappropriés des idées déjà dénoncées par Marx, Engels puis par Lénine et Staline et nous permettra ainsi de mieux apprécier la lutte menée par le PCC et le PTA contre le révisionnisme.)

 

Depuis que le marxisme est apparu sur la scène politique, à l’ère de la révolution industrielle, la bourgeoisie n’a eu de cesse de le combattre. Aux attaques ouvertement libérales se sont rapidement jointes des attaques des idéologues de la petite-bourgeoisie. Du temps de Marx et Engels, ce furent principalement les partisans de Proudhon, Stirner et Bakounine. On ne peut cependant pas parler de « révisionnisme », puisqu’il s’agissait d’idéologues de l’anarchisme. Il n’y avait nulle « révision » du marxisme. Marx et Engels ne leur en livrèrent pas moins une lutte acharnée du fait qu’ils se prétendaient « socialistes » mais que par leurs théories erronées, ils constituaient une entrave à la conscientisation du prolétariat en prêchant soit le réformisme social opposé à la révolution tel Proudhon, soit un anti-étatisme radical tel Bakounine. Ces deux voies, bien qu’apparemment éloignées, n’en aboutissaient pas moins cependant à la même conclusion : la négation de la dictature du prolétariat. (1) Les anarchistes étaient en outre opposés à la voie de la construction du socialisme par le développement des forces productives, c'est-à-dire l’industrialisation socialiste selon un plan déterminé et opposaient à celle-ci la notion d’entreprises autogérées par les ouvriers.

 

« La principale "accusation" des anarchistes, c'est qu'ils ne tiennent pas les social-démocrates pour des socialistes véritables. Vous n'êtes pas des socialistes, vous êtes des ennemis du socialisme, répètent-ils. Voici ce qu'écrit Kropotkine à ce sujet : "... Nous en arrivons à d'autres conclusions que la plupart des économistes... de l'école social-démocrate (2) ... Nous... allons jusqu'au communisme libre, alors que la plupart des socialistes (lisez : social-démocrates aussi. L'auteur) vont jusqu'au capitalisme d'État et au collectivisme." (Voir : Kropotkine, La science moderne et l'anarchisme, pp. 74-75). En quoi consistent donc le "capitalisme d'Etat" et le "collectivisme" des social-démocrates ? Voici ce qu'écrit Kropotkine à ce sujet : "Les socialistes allemands affirment que toutes les richesses accumulées doivent être rassemblées dans les mains de l'État qui les distribuera aux associations ouvrières, organisera la production et l'échange et suivra de près la vie et le travail de la société." (Voir : Kropotkine, Paroles d'un révolté, p. 64). Et plus loin : "Dans leurs projets... les collectivistes commettent... une double erreur, ils veulent supprimer le régime capitaliste, et ils gardent en même temps deux institutions qui sont la base de ce régime : le gouvernement représentatif et le travail salarié" (voir : la Conquête du pain, p. 148)... "Le collectivisme, on le sait... conserve... le travail salarié. Seulement... le gouvernement représentatif... se met à la place du patron..." Les représentants de ce gouvernement "se réservent le droit d'employer dans l'intérêt de tous la plus-value tirée de la production. En outre, dans ce système on établit une distinction... entre le travail de l'ouvrier et celui de l'homme spécialisé : le travail du manoeuvre, aux yeux du collectiviste, est un travail simple, tandis que l'artisan, l'ingénieur, le savant, etc., s'occupent de ce que Marx appelle un travail complexe et ils ont droit à un salaire supérieur" (id., p. 52). C'est ainsi que les ouvriers recevront les produits qui leur sont nécessaires, non suivant leurs besoins, mais "proportionnellement aux services rendus à la société" (id., p. 157). » (Joseph Staline, Anarchisme ou socialisme, 1906, dans Œuvres Tome I, Éditions Sociales, 1953, p.295-296.)

 

« La troisième "accusation" des anarchistes est qu'ils nient le caractère populaire de la social-démocratie et représentent les social-démocrates comme des bureaucrates ; ils soutiennent que le plan social-démocrate de la dictature du prolétariat est la mort pour la révolution, et comme les social-démocrates s'affirment pour une pareille dictature, ils veulent instaurer en fait non la dictature du prolétariat, mais leur propre dictature sur le prolétariat. Écoutez monsieur Kropotkine : "Nous, anarchistes, nous avons prononcé un verdict définitif contre la dictature... Nous savons que toute dictature, si honnêtes que soient ses intentions, mène à la mort de la révolution. Nous savons... que l'idée de la dictature n'est pas autre chose qu'un produit malfaisant du fétichisme gouvernemental, qui... a toujours cherché à perpétuer l'esclavage". (Voir : Kropotkine, Paroles d'un révolté, p. 131). Les social-démocrates n'admettent pas seulement la dictature révolutionnaire ; ils sont "partisans de la dictature sur le prolétariat... Les ouvriers ne les intéressent que dans la mesure où ils forment une armée disciplinée entre leurs mains... La social-démocratie veut se servir du prolétariat pour prendre possession de la machine d'État". (Voir : Pain et Liberté, pp. 62, 63). Les anarchistes géorgiens répètent la même chose : "La dictature du prolétariat, dans le sens propre du mot, est absolument impossible, puisque les partisans de la dictature sont des étatistes, et leur dictature ne signifiera point la liberté d'action pour l'ensemble du prolétariat, mais l'installation, à la tête de la société, du pouvoir représentatif qui existe aujourd'hui... (Voir : Bâton, La Prise du pouvoir d'État, p. 45). Les social-démocrates sont pour la dictature, non pas pour aider à l'affranchissement du prolétariat, mais pour... "établir par leur domination un nouvel esclavage" (Voir : Nobati, n° 1, p. 5. Bâton). » (Joseph Staline, Anarchisme ou socialisme, 1906, dans Œuvres Tome I, Éditions Sociales, 1953, p.302-303.)

 

(On remarquera au passage concernant les accusations portées par les anarchistes aux marxistes, qu’elles ont été reprises sous une forme à peine modifiée par les trotskistes et toute la presse bourgeoise pour dénigrer la construction du socialisme en URSS.)

 

Historiquement, le premier « révisionniste » fut Bernstein. Soucieux « d’adapter le socialisme aux conditions concrètes de l’Allemagne », ce membre du Parti ouvrier social-démocrate allemand de Liebknecht et Bebel entreprit à la fin du 19ème siècle une révision complète du marxisme. Rejetant la dictature du prolétariat, il prônait le réformisme social et le parlementarisme bourgeois pour accéder au socialisme, la démocratie bourgeoise étant selon lui le meilleur des régimes politiques possibles. Ce « socialisme » était en fait limité à des revendications de caractère économique qui ne touchaient pas à la propriété capitaliste des moyens de production, ce que le 20ème siècle appellera les acquis sociaux.

 

De la fin du 19ème siècle (dès après la crise économique mondiale de 1873) au début du 20ème siècle s’opère un changement économique majeur au sein d’un marché capitaliste universel, périodiquement secoué par des crises économiques qui revêtent un caractère de plus en plus prononcé. Ces crises provoquent la faillite de nombre de petites et moyennes entreprises et accélèrent la concentration des capitaux et par là même la formation d’entreprise géantes : trusts et cartels. De capitalisme de libre concurrence, le capitalisme est devenu un capitalisme monopoliste, où la petite et moyenne entreprise, bien que subsistant à côté de mastodontes ayant à leur tête de véritables rois de l’industrie se partageant des marchés immenses, revêt un caractère de plus en plus secondaire.

 

C’est à ce moment que Kautsky, l’un des principaux dirigeants de la 2ème Internationale, ne comprenant pas les implications du changement qualitatif entre le capitalisme de l’époque pré-monopoliste et de l’époque impérialiste, trahira ouvertement le marxisme en cautionnant la Ière Guerre Mondiale. La cause de ce phénomène, c’est-à-dire ses racines sociales résultent de ceci : au niveau des nations impérialistes l’exploitation des colonies provoque l’embourgeoisement d’une partie de la classe ouvrière, la corruption des chefs des syndicats et partis ouvriers d’où une flambée des tendances au réformisme, au socialisme d’état, au social-chauvinisme, au social-impérialisme et un renforcement de l’opportunisme au sein du mouvement ouvrier.

 

Les caractéristiques précises du capitalisme monopoliste, l’impérialisme, ont été données en 1916 par Lénine dans son ouvrage génial « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme » (3), ouvrage dans lequel on trouvera également une critique des thèses de Kautsky dont Lénine disait qu'il

 

« a altéré de la façon la plus inouïe l'idée de dictature du prolétariat, en faisant de Marx un vulgaire libéral, c'est‑à‑dire qu'il est tombé lui‑même au niveau du libéral qui, débitant des platitudes sur la “ démocratie pure ”, masque et estompe le contenu de classe de la démocratie bourgeoise, redoute plus que tout la violence révolutionnaire de la part de la classe opprimée. En “ interprétant ” l'idée de “ dictature révolutionnaire du prolétariat ” de façon à en éliminer la violence révolutionnaire de la classe opprimée sur les oppresseurs, Kautsky a battu le record mondial de la déformation libérale de Marx. Le renégat Bernstein n'apparaît plus que comme un roquet à côté du renégat Kautsky. » (…) « Du marxisme, Kautsky prend ce qui est recevable pour les libéraux, pour la bourgeoisie (critique du moyen âge, rôle historiquement progressif du capitalisme en général et de la démocratie capitaliste en particulier) ; il rejette, il passe sous silence, il estompe ce qui, dans le marxisme, est irrecevable pour la bourgeoisie (violence révolutionnaire du prolétariat contre la bourgeoisie, pour l'anéantissement de cette dernière). Voilà pourquoi, par sa position objective et quelles que puissent être ses convictions subjectives, Kautsky s'avère inévitablement un laquais de la bourgeoisie. » (…) « O érudition ! O servilité raffinée devant la bourgeoisie ! O manière civilisée de ramper sur le ventre devant les capitalistes et de leur lécher les bottes ! Si j'étais Krupp ou Scheidemann, ou Clemenceau, ou Renaudel, je payerais des millions à M. Kautsky, je lui dispenserais des baisers de Judas, je ferais son éloge devant les ouvriers, je prêcherais l'“ unité du socialisme ” avec des gens aussi “ respectables ” que Kautsky. Ecrire des brochures contre la dictature du prolétariat, raconter l'histoire des whigs et des tories au XVIIIème siècle en Angleterre, assurer que démocratie veut dire “ protection de la minorité ” et taire les massacres d'internationalistes dans la république “ démocratique ” des États‑Unis, ne sont‑ce pas là des services de valet rendus à la bourgeoisie ? » (Lénine, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky.)

 

Outre ces positions monstrueuses et social-chauvines de Kautsky dans le problème des guerres inter-impérialistes, outre son affirmation selon laquelle désormais s’offrait la possibilité aux pays impérialistes d’exploiter pacifiquement en commun les colonies, Kautsky défendait un idéal réactionnaire précurseur des vues petites-bourgeoises prônant le « retour à la libre et saine concurrence » ainsi que la possibilité de réformes sous l’impérialisme, ce qui fait assurément de Kautsky le théoricien par excellence de l’alter-mondialisme.

 

Enfin, rappelons que Kautsky s’était opposé à la Révolution d’Octobre, conséquence normale de son abandon de la dictature du prolétariat, ce qui lui avait valu les foudres de Lénine (Voir à ce sujet La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky.). Plus tard, il s’opposera aussi à la construction du socialisme en URSS,

 

« Kautsky qui, en 1930, écrivant son ouvrage Le bolchevisme dans l'impasse, fournissait des armes idéologiques précieuses aux impérialistes, dans leur guerre de l'information pour anesthésier la conscience révolutionnaire des peuples occidentaux, au moment même où la crise économique générale qui touchait le monde capitaliste éclaircissait les rangs du prolétariat sombrant dans la misère la plus noire... et allait frayer la voie au fascisme. » (Dictature du prolétariat)

 

Face à de tels traîtres du marxisme, la position des marxistes-léninistes ne peut être autre que celle de la lutte résolue contre ces « marxistes » qui sont autant d'ennemis du marxisme que d'alliés de l'Impérialisme. Pourquoi sinon Marx et Engels auraient-ils livré une lutte acharnée contre les Poudhon-Stirner-Bakounine, Lénine contre les kautskistes et les menchéviks, sans parler de Staline contre les menchéviks qui avaient repeint façade, les trotskistes, les boukhariniens et les titistes ? Cela nous amène donc au premier point de notre étude, à savoir la position du PCC et du PTA dans la lutte contre le titisme après la mort de Staline, le titisme étant la première forme de « révisionnisme moderne », et assurément l’une des plus dangereuses.

 

B). Le PCC et le PTA face au titisme.

 

Le titisme est né dans la Yougoslavie d’après la Seconde Guerre Mondiale après que le pays fut libéré des occupants fascistes. Les luttes de libération nationales contre l’occupant fasciste ont été menées en Europe principalement sous l’impulsion des communistes. C’est suite à la guerre, durant laquelle les communistes s’étaient acquis la confiance des masses, que des conditions révolutionnaires favorables se présentaient en Europe de l’est. La bourgeoisie nationale qui avait souvent collaboré avec l’occupant était naturellement déconsidérée et s’offrait ainsi pour les communistes la possibilité d’enchaîner directement la lutte anti-fasciste à la révolution socialiste. Se constituèrent ainsi les démocraties populaires. Dans nombre de cas, cependant, les partis communistes y avaient une histoire récente et manquaient d’expérience et de bases théoriques. Souvent hétérogènes, ces partis subissaient une forte influence petite-bourgeoise. Staline, bien conscient de ces faiblesses, s’est très vite inquiété de ce qui se passait en Yougoslavie :

 

« Dans le parti communiste de Yougoslavie on ne sent pas l'esprit d'une politique de lutte de classe. L'accroissement des éléments capitalistes dans les campagnes comme dans les villes avance à grand pas, et la direction du parti ne prend aucune mesure pour limiter les éléments capitalistes. Le parti communiste de Yougoslavie se berce dans l'illusion de la théorie opportuniste pourrie d'une intégration pacifique des éléments capitalistes dans le socialisme, théorie empruntée à Bernstein, Folmar, Boukharine. Selon la théorie marxiste-léniniste, le parti est considéré comme la force dirigeante fondamentale d'un pays, possédant son programme propre et ne se diluant pas dans la masse des sans-parti. En Yougoslavie au contraire, c'est le Front populaire qui est considéré comme la force dirigeante fondamentale tandis qu'on tend à diluer le parti dans le Front populaire. Dans son discours au second Congrès du Front populaire de Yougoslavie, le camarade Tito a dit : "Le Parti communiste de Yougoslavie a-t-il un autre programme, différent de celui du Front populaire ? Non. Le Parti communiste n'a pas d'autre programme. Le programme du Front populaire est son programme". En Yougoslavie, il se trouve que l'on considère cette bizarre théorie comme une théorie nouvelle. Mais en réalité, il n'y a là rien de nouveau. En Russie, il y a déjà 40 ans, une partie des menchéviks proposait que le parti marxiste se dissolve dans l'organisation ouvrière de masse sans-parti et que le premier soit remplacé par la seconde ; l'autre partie des menchéviks proposait que le parti marxiste se dissolve dans l'organisation de masse sans-parti des travailleurs ouvriers et paysans, et que le premier soit remplacé par la seconde. On sait que Lénine qualifia alors ces menchéviks de méchants opportunistes et de liquidateurs du parti. » (Lettre de Staline et Molotov à Tito et au CC du PC Yougoslave, 27 mars 1948, Source : www.ceps.org)

 

« Lénine a dit que le parti est l'arme la plus importante dans les mains de la classe ouvrière. La tâche des dirigeants est de maintenir cette arme prête pour le combat. Puisque les camarades yougoslaves cachent le drapeau du parti et évitent de parler du rôle dirigeant du parti devant le peuple, ils émoussent cette arme de la classe ouvrière, diminuent le rôle du parti, désarment la classe ouvrière. (…) Nous considérons que l'amoindrissement du rôle du parti communiste en Yougoslavie est poussé très loin. Il s'agit là de rapports incorrects quant aux principes entre le parti communiste et le Front populaire en Yougoslavie. Il ne faut par perdre de vue que le Front populaire en Yougoslavie est composé d'éléments extrêmement divers au point de vue de classe, de koulaks, de commerçants, de petits fabricants, d'intellectuels bourgeois ainsi que de groupes politiques de diverses couleurs, y compris certains partis bourgeois. Ce n'est pas non plus par hasard que certains dirigeants en vue du parti communiste yougoslave dévient de la voie marxiste-léniniste en ce qui concerne la question du rôle dirigeant de la classe ouvrière. Tandis que le marxisme-léninisme affirme le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la liquidation du capitalisme et dans l'édification de la société socialiste, les dirigeants du parti communiste yougoslave développent des vues absolument différentes. Il suffit de citer la déclaration suivante du camarade Tito à Zagreb, en novembre 1946 (Borba, du 2 novembre 1946) : "Nous ne disons pas aux paysans qu'ils sont le plus fort pilier de notre État pour gagner éventuellement leurs suffrages, mais bien parce qu'ils le sont en réalité." Cette position est en pleine contradiction avec le marxisme-léninisme. Le marxisme-léninisme considère qu'en Europe, et par conséquent aussi dans les Etats de démocratie populaire, la classe progressiste et révolutionnaire, c'est la classe ouvrière et non la paysannerie. En ce qui concerne la paysannerie, sa majorité, c'est à dire la paysannerie pauvre et moyenne, peut devenir ou est déjà l'alliée de la classe ouvrière, mais le rôle dirigeant dans cette alliance appartient à la classe ouvrière. Or, la position prise par le camarade Tito, non seulement nie le rôle dirigeant de la classe ouvrière, mais encore proclame toute la paysannerie — donc les koulaks compris — comme la base la plus solide de la nouvelle Yougoslavie. Par conséquent, cette attitude exprime des conceptions qui sont à leur place chez les politiciens petit-bourgeois, mais pas chez les marxistes-léninistes. » (Lettre de Staline et Molotov à Tito et au CC du PC Yougoslave, 4 mai 1948, Source : www.ceps.org)

 

En juin 1948, suite au refus des yougoslaves de se présenter à la convocation du bureau d’information des neuf partis communistes pour y discuter des divergences survenues, le titisme était condamné comme une déviation nationaliste-boukharinienne et exclu du mouvement communiste international. Le PTA, lui qui avait du faire face à l’ingérence titiste dans ses affaires intérieures, apprécia à sa juste valeur cette aide apportée par les dirigeants du PCUS (b) :

 

« Le camarade Enver Hoxha fit part à Staline de la demande de la direction yougoslave d'envoyer plusieurs divisions en Albanie et de la fin de non recevoir opposée à cette demande par le Comité Central du Parti Communiste d'Albanie, de même qu'il l'avait auparavant informé des graves interventions de Tito et de divers fonctionnaires yougoslaves dans les affaires intérieures du Parti Communiste d'Albanie et de l'État albanais. Le Parti et l'État traversaient des moments extrêmement difficiles. C'est précisément à cette heure que le Parti Communiste d'Albanie fut mis au courant des lettres que le Comité Central du Parti Communiste de l'Union Soviétique avait envoyées au Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie. La direction yougoslave y était sévèrement critiquée pour son attitude antisoviétique, pour le fait qu'elle suivait une ligne opportuniste menant à la restauration du capitalisme, pour violation des normes léninistes dans la vie intérieure du Parti et pour l'arrogance et la présomption de ses dirigeants. «Une telle situation anormale au sein du Parti Communiste de Yougoslavie constitue un sérieux danger pour la vie et le développement du Parti.» (Lettre du CC du PC (b) de l'US au Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie, 4 mai 1948. ACP.) Ces lettres furent d'une haute importance pour le Parti Communiste d'Albanie et le peuple albanais. «Au moment le plus grave de l'âpre conflit qui opposait le Comité Central du Parti Communiste d'Albanie et les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie, conflit provoqué par les dirigeants antimarxistes yougoslaves, l'aide que le Parti Bolchevik de l'Union Soviétique prêta à notre Parti et à tous les autres partis communistes frères assura le salut de notre peuple, de notre Parti Communiste.» (Communiqué du Comité Central du Parti Communiste d'Albanie, Ier juillet 1948. ACP.) A la lumière de ces lettres, le Comité Central du Parti vit maintenant dans toute leur clarté le caractère et les objectifs de l'ingérence yougoslave en Albanie. La réunion du Bureau d'Information tenue en juin 1948 contribua grandement à dénoncer l'activité révisionniste et chauvine de la direction du Parti Communiste de Yougoslavie. Le Bureau d'Information aboutit à la juste conclusion que la direction du Parti Communiste de Yougoslavie s'était écartée du marxisme-léninisme pour s'engager dans la voie de la révision de celui-ci, qu'elle avait trahi le socialisme et glissé sur les positions du nationalisme bourgeois. Partant de cette situation, le Bureau d'Information condamna la direction du Parti Communiste de Yougoslavie comme traître à la cause du socialisme et de l'internationalisme prolétarien. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.150-151.)

 

Le rôle de trahison du titisme, officine de l’impérialisme américain, nous est très bien expliqué dans l’ouvrage de Ludo Martens, Un autre regard sur Staline, EPO, 1994.

 

« Dans son rapport au Huitième Congrès du Parti, tenu en 1948, Kardelj eut recours à force citations de Staline pour affirmer que la Yougoslavie « refoulait les éléments koulaks » et ne prendrait jamais « des positions antisoviétiques ».(Rapport : Le PCY dans la lutte pour la Yougoslavie nouvelle... Belgrade, 1948, pp.94, 25.) Mais quelques mois plus tard, les titistes reprenaient publiquement la vieille théorie sociale-démocrate du passage de la bourgeoisie au socialisme sans lutte de classe ! Bebler, vice-ministre des Affaires étrangères, déclara en avril 1949 : « Nous n'avons pas de koulaks comme il y en avait en URSS. Nos paysans riches ont pris part en masse dans la guerre populaire de libération. (...) Serait-ce une erreur si nous réussissions à faire passer les koulaks au socialisme sans une lutte des classes ? » (James Klugmann, From Trotsky to Tito, Lawrence and Wishart, London, 1951, p. 129.) Et en 1951, l'équipe de Tito déclare que les « kolkhozes (soviétiques) sont le reflet du capitalisme d'État qui, mélangé aux nombreux restes du féodalisme, est le système social de l'URSS ». Développant les conceptions de Boukharine, les titistes remplacent la planification par le marché libre: « Personne, en dehors de la coopérative, ne fixe les normes ni les catégories de ce que l'on doit produire.» Ils organisent «le passage à un système laissant plus de liberté au fonctionnement des lois économiques objectives. Le secteur socialiste de notre économie est à même de triompher des tendances capitalistes par des moyens purement économiques ». («Directives du CC», dans Questions actuelles du socialisme, n° 10, jan-fév. 1952, Agence Yougoslave d'Information, pp.160, 161, 145.) En 1953, Tito réintroduira la liberté d'acheter et de vendre la terre et d'engager des ouvriers agricoles. (…) Au début des années cinquante, la Yougoslavie est toujours un pays largement féodal. Mais les titistes s'attaquent au principe selon lequel l'État socialiste doit maintenir la dictature du prolétariat. En 1950, les révisionnistes yougoslaves lancent une discussion sur «le problème du dépérissement de l'État et spécialement du dépérissement du rôle de l'Etat dans l'économie». Pour justifier le retour à l'État bourgeois, Djilas traite l'État soviétique de « monstrueux édifice du capitalisme d'État » qui « oppresse et exploite le prolétariat ». Toujours selon Djilas, Staline lutte « pour l'agrandissement de son empire de capitalisme d'État et, à l'intérieur, pour le renforcement de la bureaucratie». « Le rideau de fer, l'hégémonie sur les pays d'Europe orientale et une politique d'agression lui sont devenus actuellement indispensables. » Djilas parle de «la misère de toute la classe ouvrière qui travaille pour les intérêts 'supérieurs' impérialistes et pour les privilèges de la bureaucratie ». « L'URSS est aujourd'hui objectivement la grande puissance la plus réactionnaire. » Staline est « un praticien du capitalisme d'État et le chef et guide spirituel et politique de la dictature bureaucratique ». En véritable agent de l'impérialisme américain, Djilas poursuit : « Nous rencontrons chez les hitlériens des théories qui, par leur contenu comme par la pratique sociale qu'elles supposent, ressemblent comme deux gouttes d'eau aux théories de Staline. » (Ibidem, n°14, oct-nov. 1952, AYI, Paris, pp.2, 5, 18, 35-36, 30, 37, 44 et 47.) Ajoutons que Djilas, qui s'est établi aux États-unis par la suite, se référait dans ce texte à la « critique du système stalinien » faite par... Trotski ! (Ibidem, p.44.) En 1948, Kardelj jurait encore fidélité au combat anti-impérialiste. Pourtant deux années plus tard, la Yougoslavie soutenait l'agression américaine contre la Corée ! The Times rapportait : « Monsieur Dedijer voit les événements de Corée comme une manifestation de la volonté soviétique de dominer le monde... Les travailleurs du monde doivent se rendre compte qu'un autre prétendant à la domination mondiale s'est présenté, et se débarrasser des illusions à propos de l'URSS qui serait, soi-disant, une force de démocratie et de paix. » (The Times, 27 décembre 1950.) Ainsi, Tito était devenu un simple pion dans la stratégie anticommuniste des États-unis. Tito déclara en 1951 au New York Herald Tribune qu'« en cas d'attaque soviétique, n'importe où en Europe, même si cela se passe à des milliers de kilomètres des frontières yougoslaves, (il) se battrait immédiatement aux côtés de l'Occident... La Yougoslavie se considère comme une partie du mur de solidarité collective construit contre l'impérialisme soviétique ». (New York Herald Tribune, 26 juin 1951.) Dans le domaine économique, les mesures socialistes que la Yougoslavie avait prises avant 1948, furent vite liquidées. Alexander Clifford, le correspondant du Daily Mail, écrit à propos des réformes économiques adoptées en 1951 : « Si elles se réalisent, la Yougoslavie sera finalement bien moins socialisée que la Grande-Bretagne. » « Les prix des biens (seront) déterminés par le marché, c'est-à-dire par l'offre et la demande », « les salaires (seront) fixés sur la base des revenus ou des profits de l'entreprise », les entreprises « décident de façon indépendante ce qu'elles produisent et dans quelles quantités ». « Il n'y a pas beaucoup de marxisme classique dans tout cela. » (Daily Mail, 31 août 1951, p.150.) La bourgeoisie anglo-américaine reconnut très tôt qu'elle disposait, dans la personne de Tito, d'une arme efficace dans son combat anticommuniste. Business Week notait le 12 avril 1950 : « Pour les Etats-Unis en particulier et pour l'Occident en général, cet encouragement de Tito s'est révélé être une des méthodes les moins chères pour contenir le communisme russe. Le montant de l'aide occidentale à Tito se chiffre maintenant à 51,7 millions de dollars. C'est beaucoup moins que le milliard de dollars, environ, que les Etats-Unis ont dépensé en Grèce pour le même but. » (Business Week, 12 avril 1950, p.175.) Cette bourgeoisie comptait utiliser Tito pour encourager le révisionnisme et organiser la subversion dans les pays socialistes d'Europe de l'Est. Le 12 décembre 1949, Eden dit dans le Daily Telegraph : « L'exemple et l'influence de Tito peuvent changer de façon décisive le cours des événements en Europe centrale et orientale. » (Daily Telegraph, 12 décembre 1949, p.191.) Appréciant la démagogie communiste de Tito à sa juste valeur, The Times écrit : « Cependant, le titisme reste seulement une force, dans la mesure que le maréchal Tito peut prétendre être communiste. » (The Times, 13 septembre 1949, p.194.) Le titisme a établi son pouvoir en 1948 en tant que courant nationaliste bourgeois. C'est à partir du nationalisme qu'en Yougoslavie tous les principes de la dictature du prolétariat ont été abandonnés. Le nationalisme a été le terreau où ont fleuri des théories trotskistes et boukharinistes. » (Ludo Martens, Un autre regard sur Staline, Éditions EPO, p.294-296.)

 

Cette analyse que fait Ludo Martens en 1994, il nous faut la comparer avec celles que le PTA fit après la mort de Staline :

 

« Ce sont les dirigeants yougoslaves qui brandissent aujourd'hui le drapeau de la révision du marxisme-léninisme. Aussi sont-ils devenus, aux yeux des impérialistes, une arme indispensable pour combattre le communisme. A la dernière réunion du conseil de l'O.T.A.N., le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale allemande, Von Brentano, a préconisé que l'alliance atlantique apporte son appui au développement du « titisme dans les pays de démocratie populaire ». Cette méthode, observe Von Brentano, est plus fructueuse que l'invitation directe à l'insurrection. Toutes les radios de l'Occident appellent constamment les peuples du camp socialiste à renverser les dirigeants du Parti et de l'État, à les remplacer par des éléments « antistaliniens », à refuser de construire le socialisme « stalinien » et à embrasser la voie du socialisme « national et spécifique » yougoslave. » (Enver Hoxha face au révisionnisme, La situation internationale et les tâches du Parti, Rapport présenté au Comité central du Parti du Travail d'Albanie, le 13 février 1957, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Edition numérique, p.14.)

 

« [Les titistes] se tiennent sur des positions antimarxistes, cherchent à réviser le marxisme-léninisme, jouent un rôle de scissionnistes au sein du mouvement communiste international et du camp socialiste. Ils s'immiscent dans les affaires des autres partis pour éliminer leurs dirigeants, saper les partis communistes et ouvriers, et imposer ce qu'ils appellent la « ligne yougoslave ». Les nombreux faits évoqués — y compris leur activité hostile à rencontre de notre pays et leur rôle dans les événements de Hongrie — confirment à quel point sont devenues dangereuses la diffusion de leurs « théories » empoisonnées et l'expansion de leur action néfaste. Très actifs, se glissant partout où ils décèlent les failles, ils cherchent à encourager les éléments révisionnistes en Pologne et à entraîner à l'action les éléments opportunistes du parti communiste d'Italie. L'activité antimarxiste, scissionniste et hostile des dirigeants yougoslaves va de pair avec l'activité agressive des impérialistes contre le camp socialiste. Elle constitue un grand danger pour tout le mouvement ouvrier. Objectivement, cette activité sert les plans de l'impérialisme : si les dirigeants américains ont donné à la Yougoslavie un milliard deux cent millions de dollars, ce n'est pas par désir d'aider à la construction d'un monde nouveau. Mais ils espèrent se servir de la Yougoslavie contre le camp socialiste. (…) Ce serait une lourde erreur que de sous-estimer le mal que peut faire le travail de scission des dirigeants yougoslaves. Il ne suffit pas de dire qu'ils n'ont pas la force nécessaire pour pousser cette sape très loin. Leur force réside dans le fait qu'ils sont antimarxistes. Par conséquent, leurs « théories » et leurs « activités » sont soutenues par tous les éléments opportunistes et incertains, par tous les ennemis du socialisme. Ils ont sur certains points obtenu des résultats qui, tout en étant passagers, ont gravement nui à la cause du socialisme, notamment en Hongrie. Quelle attitude devons-nous adopter envers eux ? Nous n'avons aucune raison d'espérer qu'ils opèrent un tournant vers le marxisme-léninisme. Nous sommes absolument convaincus que ce tournant n'aura pas lieu : ces treize dernières années nous ont appris à ne pas croire aux mensonges et à la démagogie. » (Enver Hoxha face au révisionnisme, Ibidem, p.28-29.)

 

En 1981, Enver Hoxha présentait un rapport, dont il nous faut reproduire l’analyse concernant le révisionnisme titiste dans son intégralité tant elle en résume bien la substance :

 

« Le premier courant du révisionnisme au pouvoir qui se soit fixé pour tâche de miner le socialisme a été le révisionnisme yougoslave, qui est apparu à un moment clé de la lutte entre le socialisme et l'impérialisme. Le révisionnisme yougoslave a des racines profondes. Il n'est pas apparu en 1948 et ne s'est pas manifesté comme une réaction contre le «stalinisme» ni comme une conséquence de l'action du Kominform. Il est le résultat des conceptions bourgeoises qui existaient déjà auparavant dans le Parti communiste de Yougoslavie et qui ne disparurent pas au cours de la lutte de libération nationale. La Yougoslavie nouvelle ne pouvait être édifiée sans une orientation claire et une maturité politique fondées sur la théorie scientifique du socialisme. Cette œuvre considérable ne pouvait être accomplie que par un parti communiste puissant s'en tenant à de sains principes marxiste-léninistes. Certes, il existait un parti communiste en Yougoslavie, mais il ne possédait pas tous les traits d'un vrai parti communiste, et il ne les a pas acquis davantage durant la lutte. Au contraire, après la guerre, il a perdu même ceux qu'il possédait, lorsqu'il fut appelé par les circonstances à construire la Yougoslavie nouvelle dans la voie socialiste. Si l'on écoute les vantardises des titistes et de la bourgeoisie yougoslave, on pourrait croire qu'un tel parti a existé et même qu'il existe encore. Nous-mêmes, communistes albanais, comme beaucoup d'autres, sommes tombés dans ce jugement euphorique, en particulier durant la lutte et dans les premières années qui suivirent la Libération. Une telle appréciation répondait à une certaine logique, elle se rattachait à la lutte héroïque des peuples de Yougoslavie, qui avait été conduite par le parti communiste. Après la libération de la Yougoslavie, dans la théorie et les prises de position politiques comme dans la construction du socialisme, se firent jour de grands écarts par rapport aux principes fondamentaux du marxisme-léninisme. Dans ses relations avec les pays socialistes également, en particulier avec l'Albanie, on constata de la part du Parti communiste de Yougoslavie de graves déviations, une arrogance et une présomption étrangères à un parti communiste. Il était évident que cette voie aboutirait à la scission, comme il en fut effectivement, et cela non point par la faute du Kominform, ni de Staline, ni non plus du «stalinisme», comme les révisionnistes yougoslaves et leurs amis appellent le marxisme-léninisme. Le conflit avec le Kominform était le résultat des contradictions entre les vues libérales et opportunistes de la direction yougoslave et les conceptions marxistes-léninistes sur l'édification de l'Etat et de la société socialistes. Tito et ses compagnons donnèrent à leur opposition à la théorie marxiste-léniniste la couleur d'une opposition d'abord à Staline, puis au système socialiste soviétique. Le tournant titiste devait s'opérer, comme il s'opéra effectivement. Les titistes empruntèrent le cours menant au capitalisme, en adoptant et inaugurant une «nouvelle» structure économique et sociale et une nouvelle forme de gouvernement d'État appropriée au cours antisocialiste, qu'était le système de l'«autogestion ouvrière». En fait, ce n'était pas un système nouveau, et ce n'était ni un système socialiste, ni une création yougoslave, Il tirait son origine du proudhonisme et de théories anarchistes, comme celle de Bakounine et Kropotkine, si durement démasquées en leur temps par Marx, plus tard par Lénine, puis encore par Staline. Le tournant yougoslave vers le capitalisme fut l'objet d'une publicité effrénée, d'un hosanna indescriptible et de louanges exaltées à l'adresse de «Barabbas». La déviation yougoslave fut claironnée comme une «ère nouvelle», un «nouveau sillon» tracé par Tito pour la construction d'un «socialisme spécifique», «humain». Ce tournant fut appuyé et financé par l'impérialisme et le capitalisme mondial. La mégalomanie panyougoslave se gonfla à l'extrême et la Yougoslavie fut présentée comme «un champion et un exemple pour les peuples du monde dans leur lutte de libération». Tout le «système d'autogestion», dans sa forme et dans les appellations de sa structure et superstructure, devait se poser en «marxiste». Mais, en fait, il était tout à fait opposé à Marx et à la théorie et à la pratique du léninisme. Le premier coup porté le fut au pouvoir de démocratie populaire, qui était une forme de dictature du prolétariat, mais qui, en Yougoslavie, ne fut jamais défini ainsi. Les révisionnistes yougoslaves justifièrent cette action en prétendant que le pouvoir des conseils populaires, qui avait été instauré durant la lutte et qui avait vécu jusqu'en 1948, ne pouvait plus être maintenu sous cette forme avec toutes ses prérogatives. Il devait être remplacé par les «conseils ouvriers», le premier étant, selon eux, un pouvoir étatiste-bureaucratique, qui engendre «la bureaucratie et la couche, de la nouvelle bourgeoisie», et les «conseils ouvriers», par contre, un pouvoir plus proche de la théorie de Marx. A travers eux, ce sont prétendument  «les ouvriers eux-mêmes qui dirigent et gouvernent directement», sans l'intermédiaire de l'État, dont il résulterait, selon la logique de la direction yougoslave, qu'il ne leur appartient pas. Le rôle de l'État yougoslave actuel se réduit donc à celui de «garant» que ce «nouveau système» ne sera pas touché, désintégré, et pour cela, la Fédération a la haute main sur l'armée, l'UDB et la politique extérieure, et rien d'autre. Ainsi le «système d'autogestion» a décentralisé, libéralisé et miné le pouvoir de la dictature du prolétariat. L'État était l'État des «prolétaires» et il est devenu celui des «ouvriers», il était «issu de la lutte, issu de la, base», alors que le «nouveau système», soi-disant exigé par le développement «dialectique», a été instauré d'en haut par Tito et Kardelj. Le rôle dirigeant du parti dans ce système devait être liquidé et en fait il s'est étiolé. Au parti a été laissé seulement un rôle falot d'éducation. Il n'a plus aucune voix au chapitre. En apparence, le parti n'a pas disparu, mais en réalité il a cessé d'exister. On l'a baptisé «Ligue des communistes», pour le rapprocher par là le plus possible de l'appellation de Marx, mais en fait pour l'écarter le plus possible du rôle que Marx et Lénine assignent au parti communiste. Les titistes présentent la question comme si, avec l'«autogestion», la Yougoslavie s'est engagée dans une étape de développement qui la rapproche de la société communiste. A partir de là, ils prétendent que l'État va vers son extinction et que le parti ne peut plus assumer le rôle et les fonctions qui étaient les siens dans la période de passage du capitalisme au socialisme. Bien plus, l'«autogestion», selon eux, a éliminé aussi la lutte de classes à l'intérieur du parti, en Yougoslavie même et en dehors d'elle. En vérité, Tito, Kardelj et leurs tenants ont modifié la direction de la lutte de classe. S'ils l'ont menée et la mènent, c'est pour défendre leur système «autogestionnaire», contre les «tenants du Kominform», les «staliniens», les «dogmatiques», etc. En fait, il s'agit ici d'une lutte des éléments capitalistes contre les révolutionnaires, du système capitaliste contre le système socialiste, de l'idéologie bourgeoise contre le marxisme-léninisme. Les théoriciens yougoslaves se livrent à des spéculations filandreuses sur la propriété des moyens de production. Selon eux, la propriété socialisée des moyens de production qui existe dans le système «autogestionnaire» constitue la plus haute forme de propriété socialiste, alors que la propriété d'État en serait la plus basse. Cette dernière, prétendent-ils, peut être définie comme une sorte de capitalisme d'État qui donne naissance à une nouvelle caste bureaucratique, laquelle, en fait, dispose collectivement du droit de propriété. La propriété d'État, sous le socialisme non plus, concluent-ils, n'élimine pas l'aliénation dont l'ouvrier est l'objet de la part du capital. Le rapport capitaliste profit-salaire est remplacé par le rapport accumulation d'État-salaire. En d'autres termes, selon eux, dans les deux systèmes sociaux l'ouvrier reste un salarié. C'est là une thèse trotskiste bien connue et depuis longtemps démasquée et réfutée. Dans la véritable société socialiste, où la propriété collective est dirigée par l'État de dictature du prolétariat, avec la large participation effective et organisée de la classe ouvrière et des autres masses travailleuses selon le principe du centralisme démocratique, et où de grands décalages conduisant à la création de couches privilégiées ne sont pas permis dans la répartition du produit social, l'ouvrier n'est pas salarié, il n'est pas exploité. On en a pour preuve la réalité de l'Albanie socialiste, où la classe ouvrière est la classe au pouvoir, qui, sous la conduite de son Parti marxiste-léniniste, dirige l'économie et toute la vie du pays, dans son intérêt et dans celui du peuple tout entier. L'«autogestion» yougoslave, qui est soi-disant centrée sur l'ouvrier, n'est qualifiée d'ouvrière qu'en théorie, en fait, elle est anti-ouvrière, antisocialiste. Ce système, indépendamment du grand bruit que font les titistes à son propos, ne permet à la classe ouvrière ni de diriger ni de gérer. En Yougoslavie toute entreprise «autogestionnaire» est un organisme enfermé dans son activité économique, alors que la politique de gestion est entre les mains de son groupe dirigeant, qui, comme dans tout autre pays capitaliste, manipule les fonds d'accumulation, décide des investissements, des salaires, des prix et de la distribution de la production. On prétend que toute cette action économique et politique est approuvée par les ouvriers à travers leurs délégués. Mais c'est là uns duperie et un grand bluff. Ces prétendus délégués des ouvriers font cause commune avec la caste des bureaucrates et des technocrates au pouvoir sur le dos de la classe ouvrière et des autres masses travailleuses. Ce sont les gérants de profession qui font la loi et définissent la politique dans l'organisation «autogestionnaire», de la base au sommet, dans la république. Le rôle de direction et de gestion, le rôle économique, social et politique des ouvriers et de leur classe est réduit au minimum, pour ne pas dire qu'il a été totalement supprimé. Encourageant le particularisme et l'esprit de clocher, au niveau de la république et de la région jusqu'à celui de la commune, le «système autogestionnaire» a liquidé l'unité de la classe ouvrière, il a dressé les ouvriers les uns contre les autres, tant sur le plan individuel en alimentant l’égoïsme, que sur le plan collectif, en encourageant la concurrence entre les entreprises. Dans la même ligne, on a sapé aussi l'alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie, celle-ci étant elle-même morcelée en petites exploitations privées et exploitée par la nouvelle bourgeoisie au pouvoir. Tout cela a instauré l'autarcie dans l'économie, l'anarchie dans la production, dans la répartition des profits et des investissements, dans le marché dans les prix, engendrant une inflation et un chômage d'énormes proportions. L'existence de la classe ouvrière à la direction du système «autogestionnaire ouvrier» en Yougoslavie est une illusion, une utopie. Dans ce système, la classe ouvrière n'est pas à la direction, elle n'a pas l'hégémonie. La dictature du prolétariat y a été liquidée, la direction de la classe ouvrière, le Parti communiste, ou la Ligue des communistes, comme le parti s'appelle dans ce pays, ne dirige ni le pouvoir, ni l'économie, ni la culture, ni la vie sociale. Dans ce système de confusion générale ce sont d'autres qui se sont emparés des positions politiques dominantes et dirigeantes. C'est la nouvelle caste des bureaucrates politiques et des technocrates, issue de la couche de l'intelligentsia embourgeoisée et de l'aristocratie ouvrière. Elle est à cent lieues de toute morale prolétarienne et n'est assujettie à aucun contrôle politique. Cette nouvelle couche bureaucratique se vante à grand bruit d'être l'ennemie de la bureaucratie étatiste, alors qu'elle est elle-même une bureaucratie encore plus néfaste et elle fleurit et se renforce dans un système économique décentralisé, qui préserve et développe la propriété privée. L'«autogestion ouvrière», qui a pour fondement l'idéologie de l'anarcho-syndicalisme, a produit le nationalisme au niveau de chaque république, qui a élaboré jusqu'à des lois et règlements particuliers pour défendre ses intérêts étroits. Le monopole économique des républiques, qui se réduit au monopole de leurs entreprises et de leurs trusts, s'est converti en fait en un pouvoir politique et un nationalisme républicain, qui se manifeste au niveau non seulement de chaque république, mais aussi de chaque région, commune et entreprise. Chaque individu, chaque groupe, chaque république s'efforce de s'enrichir le plus possible et le plus rapidement sur le dos des autres. Le nationalisme bourgeois s'est installé confortablement en Yougoslavie et le mot d'ordre «union-fraternité», qui était juste au cours de la lutte de libération nationale, lorsqu'on se battait contre les occupants et la réaction du pays pour une société nouvelle fondée sur le marxisme-léninisme, est resté, dans le système yougoslave actuel, qui divise et désagrège tout, un slogan creux et sans effet. «L'union et la fraternité» des peuples, des nations et des nationalités, des républiques et des régions ne peuvent se réaliser que dans un véritable système socialiste guidé par l'idéologie marxiste-léniniste. L'union fédérative yougoslave n'a pas été édifiée sur des bases marxistes-léninistes, et l'on devait nécessairement voir naître comme on l'a vu, des antagonismes nationaux. C'est le système lui-même qui engendre ces contradictions, qui alimente le séparatisme des nations et des nationalités, des républiques et des régions. Les copieux crédits accordés par le capitalisme mondial ont aussi agi dans ce même sens. Le fait qu'ils ont été affectés à satisfaire les goûts et les caprices bourgeois et mégalomanes de la caste au pouvoir, leur répartition inégale et sans critères sains entre les diverses républiques, ont créé, entre les républiques et les régions, des dénivellements économiques et sociaux, ce qui accentue encore plus les antagonismes nationaux. Le système d'«autogestion» n'aurait pas fait long feu s'il n'avait pas été aidé par deux facteurs : par l'antisoviétisme de la direction yougoslave, en fait par son antimarxisme et anti-léninisme grâce auquel elle s'est assuré le soutien politique de toute la réaction mondiale, et par l'appui économique des pays capitalistes sous forme de crédits considérables et multiformes. Malgré tout, ces deux facteurs ne sont pas parvenus à sauver ce système antisocialiste. Au contraire, ils l'ont affaibli encore davantage et l'ont poussé vers la faillite économique et politique. Kardelj et Tito rejetaient la faute pour l'échec de ce système et pour tous les maux qu'il a engendrés sur l'«insuffisant perfectionnement» du système lui-même, sur «le niveau encore insuffisamment élevé» de la conscience des travailleurs, sur l'existence de la bureaucratie, etc. Ils s'étaient bien rendu compte de la faillite de leur système antisocialiste, mais ils ne pouvaient plus reculer. Aussi, toutes les mesures que prit Tito de son vivant concernant la direction de la Fédération et des républiques après sa mort, ne sont-elles que des palliatifs. Avec Tito et Kardelj s'est éteinte aussi l'euphorie sur le système «autogestionnaire». Les successeurs de Tito se trouvent dans un grand désarroi et ils ne savent pas comment faire pour se tirer de la situation difficile dans laquelle est plongé leur pays. Maintenant la Yougoslavie titiste s'est engagée dans une crise grave et générale de ses structures et superstructures, dans une crise économique et à la fois politique et morale. » (Enver Hoxha Rapport d’activité du comité central du Parti du Travail d’Albanie, Présenté au VIIIe Congrès du PTA le 1er novembre 1981, Édition numérique, p.79-82.)

 

[Remarquons au passage le fait que les thèses du titisme sont empruntés à l’anarcho-syndicalisme concernant l’orientation économique « autogestionnaire », et au trotskisme concernant la critique de la société socialiste.]

 

Tito fut en outre à l’origine d’une des plus grandes mystifications des peuples colonisés : il fut l’initiateur du « mouvement des non-alignés ». En septembre 1961, Belgrade accueillait Nehru, Nasser et Sukarno à la conférence fondatrice de ce mouvement. Selon la théorie du non-alignement, les pays du tiers-monde venant d’accéder à l’indépendance étaient en mesure d’échapper à la bipolarisation du monde de la « guerre froide » et d’occuper une place importante dans le concert des nations, mais dans les faits, la faiblesse économique et militaire de ces pays ne leur permettait pas de rester indépendants tant qu’ils se maintenaient sur la voie capitaliste de développement ou sur une voie révisionniste. La théorie du non-alignement faisait en outre largement appel à « l’aide au développement », que la bourgeoisie à facilement pu présenter comme une alternative à la révolution socialiste « violente », mais qui ne s’est avérée être autre chose qu’un masque jeté sur l’exportation des capitaux (caractéristique des rapports impérialistes) et donc un instrument de néo-colonisation, puisqu’elle est aujourd’hui responsable de la dette colossale contractée auprès des pays impérialistes par les pays pauvres. Ce qui fait d’une réalité, aujourd’hui plus que jamais, l’affirmation de Lénine selon laquelle

 

« le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée (moins d'un dixième de la population du globe ou, en comptant de la façon la plus "large" et la plus exagérée, moins d'un cinquième) d'États particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier par une simple "tonte des coupons". » (Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, p.9.)

 

Il est instructif d’écouter ce que la bourgeoisie pense aujourd’hui du « marxiste Tito » :

 

« Tito mourut le 4 mai 1980, à Ljubljana, après une longue maladie et fut enterré à Belgrade. S'il laissait l'image d'un chef charismatique, fondateur d'un socialisme à visage humain et champion du non-alignement, il léguait à la Yougoslavie un héritage difficile. Depuis le premier choc pétrolier, en 1973, son pays s'était enfoncé dans le marasme économique, victime de son endettement. L'opposition entre un Nord industrialisé et un Sud sous-développé se superposait aux antagonismes entre nationalités, que n'avait pas complètement étouffés le communisme. Bien plus, le fédéralisme autogestionnaire, empêchant la redistribution des richesses, avait favorisé les tendances centrifuges des Républiques et provinces autonomes. L'incapacité des dirigeants yougoslaves à assumer collégialement la succession du maréchal Tito manifesta les faiblesses du régime qu'il avait fondé. L'exacerbation des tensions nationalistes mena à l'éclatement de la fédération et à la guerre de Bosnie. » (Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, © 1993-2003 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.)

 

Cet autre portrait que nous fait de Tito la version Internet de cette même encyclopédie est tout aussi intéressant :

 

« Seule la Yougoslavie du maréchal Tito, héros de la résistance aux Allemands, ne mène pas une politique aux ordres de l’URSS. Il est accusé de révisionnisme et rompt avec Staline en juin 1948. Fidèle au marxisme, il libéralise alors quelque peu l’économie et conduit une politique d’ouverture à l’égard des Occidentaux. Il devient la figure emblématique des pays non-alignés durant la guerre froide et l’un des modèles des intellectuels des nouvelles gauches française et européenne. »

 

La bourgeoisie, très reconnaissante des services rendus par Tito, ne peut cacher son admiration pour cette « figure emblématique », ce « chef charismatique, fondateur d'un socialisme à visage humain et champion du non-alignement », sans pouvoir toutefois occulter la faillite économique et idéologique complète de l’autogestion titiste (qu’elle s’attache à mettre sur le dos du choc pétrolier des années 70 et qui a en outre conduit à exacerber les nationalismes récemment instrumentalisés par l’impérialisme pour placer sous sa dépendance totale son ancienne alliée dans la lutte contre le marxisme-léninisme.) Il est également touchant de remarquer que la bourgeoisie et ses valets, les intellectuels « de gauche », se targuent de défendre le vaillant Tito, injustement « accusé de révisionnisme » et résolument « fidèle au marxisme », lui qui a osé défier le Komintern aux ordres de Staline !

 

La lutte acharnée et précoce que le PTA a menée contre le titisme est attestée par de nombreux documents, et il nous faut souligner que c’est le rapprochement Tito-Khrouchtchev qui a alarmé le PTA avant même le 20ème congrès du PCUS et l’a mis sur ses gardes.

 

Mais quelle fut la position du PCC face au révisionnisme titiste ?

 

Nous allons étudier la position de Ludo Martens, président du PTB, parti historiquement attaché à la pensée-maotsétoung et qui ne s’est pas disloqué au moment de la chute de l’URSS. En outre, depuis 1992, le PTB est l’initiateur du Séminaire Communiste International de Bruxelles, ce qui l’amène bien sur à confronter ses idées avec des organisations variées.

 

« Mao dénonce la critique que Staline a fait de la ligne titiste, remettant ainsi en cause les luttes idéologiques que Staline a mené contre le trotskisme, le boukharinisme et le nationalisme bourgeois. "(Staline) a pris une décision erronée sur la question de la Yougoslavie. A propos de toutes ces questions, Staline s'est montré subjectif." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p.9-10). "Que les camarades yougoslaves éprouvent une aversion particulière à l'égard des erreurs de Staline, cela peut se comprendre. Placés dans des conditions difficiles, ils ont déployé dans le passé des efforts méritoires pour se maintenir dans la voie du socialisme. Dans les entreprises et autres organisations sociales, ils ont réalisé des expériences de gestion démocratique qui ont également attiré l'attention. Le peuple chinois applaudit à la réconciliation intervenue entre l'Union Soviétique et d'autres pays socialistes, d'une part, et la Yougoslavie, de l'autre." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p.46) Cette proposition exprime la conciliation et la complaisance envers le révisionnisme. » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Pour l'unité des communistes, pour la défense de l'internationalisme prolétarien, Rapport de discussion présenté au Séminaire International organisé par le PCI (ML), Janashakti, 9 - 12 mars 1995, http://www.marx.be/FR/doc/revision.htm)

 

Dans ses thèses de conclusion, Ludo Martens écrit :

 

« En nous basant sur les principes formulés par Lénine et Staline, nous critiquons certaines positions nationalises et titistes, exprimées par Mao Zedong. » (Ludo Martens, Ibidem.)

 

Ludo Martens reproche ici à Mao des faiblesses dans la lutte contre le titisme. Ces faiblesses de Mao et du PCC, l’attitude conciliatrice adoptée face au titisme ne sont pas un point de détail, le titisme étant un condensé de thèses empruntées au trotskisme, au boukharinisme et au nationalisme bourgeois, le titisme étant entré en collusion ouverte avec l’impérialisme américain pour lutter contre « l’expansionnisme soviétique », ce qui se traduisit, comme le remarque justement Ludo Martens dans Un autre regard sur Staline, par le soutien apporté par les titistes aux impérialistes lors de la Guerre de Corée (mais aussi par leur implication dans les évènements contre-révolutionnaires qui ont eu lieu en Hongrie en 1956).

 

Dans son texte « L’expérience historique de la dictature du prolétariat », le PCC va même jusqu’à louer « les expériences de gestion démocratiques » yougoslaves dans les entreprises, c'est-à-dire l’autogestion !!! La Yougoslavie serait-elle un régime de dictature du prolétariat ???

 

Visiblement, le PCC était loin d’avoir pris la mesure du danger que représentait le révisionnisme titiste. C’est aussi ce qui ressort dans ce passage qu’Enver Hoxha, invité au VIIIe congrès du PCC, nous rapporte de sa rencontre avec Mao en 1956, après qu’ils eurent pris connaissance du « rapport secret » de Khrouchtchev :

 

« C'est Mao qui prit la parole le premier. Après nous avoir dit combien ils étaient heureux d'avoir parmi eux des amis de l'Albanie lointaine, il eut quelques mots de louanges à l'adresse de notre peuple, le qualifiant de peuple courageux et héroïque. «Nous éprouvons beaucoup de sympathie pour votre peuple, dit-il entre autres, car vous vous êtes libérés avant nous.» Et abruptement il me demanda : «Quels sont vos rapports avec la Yougoslavie ?» «Froids», lui dis-je, et je lus aussitôt la surprise sur son visage. «Apparemment, pensai-je, il ne connaît pas bien l'état de nos relations avec les Yougoslaves» ; aussi décidai-je de lui expliquer quelques aspects de la longue histoire des rapports de notre Parti et de notre pays avec le parti et l'État yougoslaves. Je fus bref, ne m'arrêtant que sur certains moments cruciaux de l'activité anti-albanaise et antimarxiste de la direction yougoslave, tout en attendant quelque réaction de sa part. Mais je constatai que Mao se bornait à exprimer son étonnement en jetant de temps à autre un regard vers les autres camarades chinois. «En cette question, dit Mao, vous, Albanais, n'avez pas commis d'erreurs à l'égard des Yougoslaves, pas plus que les camarades yougoslaves n'en ont commis envers vous. C'est au Kominform que sont imputables ici de graves erreurs. » «Bien que n'ayant pas fait partie du Kominform, lui dis-je, nous avons toujours appuyé et jugé justes ses analyses et ses prises de position notoires à rencontre des agissements de la direction yougoslave. Nos longs rapports avec cette dernière nous ont convaincus que la ligne et les attitudes des Yougoslaves n'ont été ni ne sont marxistes-léninistes. Tito est un renégat incorrigible.» » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.86-87)

 

Mais comment est-il possible pour le PCC d’ignorer la condamnation du titisme comme courant anti-marxiste par le mouvement communiste international en 1948 ? Comment ignorer qu’à ce moment Khrouchtchev, pour initier son rapprochement avec Tito dès 1954, avait eu besoin de dire que « le Kominform [Staline] s’était trompé sur la question yougoslave » ? Ludo Martens explique cela par le fait que Mao aurait estimé que la contradiction se trouvait « au sein du peuple ». Mais alors si on considère les alliés objectifs des États impérialistes les plus bellicistes comme faisant partie du peuple, quels ennemis doit-on combattre ? Ce sont là assurément des erreurs graves de la part du PCC qui s’éclairciront quand nous traiterons du révisionnisme khrouchtchévien.

 

C). Le révisionnisme khrouchtchévien : Khrouchtchev et Brejnev

 

1). Introduction

 

Après la mort de Staline s’opère au sein du PCUS ce qui est appelé « le coup d’État de Khrouchtchev ». S’appuyant sur Mikoyan et Joukov à la tête de l’Armée, Khrouchtchev, ancien laudateur de Staline également surnommé pour cette raison « le bouffon » par certains bolchéviks, va réussir en quelques années à se débarrasser de tous les camarades proches de Staline. Dès 1953, Beria, chef du NKVD, la police secrète de l’Union Soviétique, et membre du bureau politique est arrêté pour avoir mené des « activités anti-gouvernementales ». Il sera exécuté au mois de décembre de cette même année ainsi que plusieurs de ses proches collaborateurs. Khrouchtchev manœuvre afin d’opposer entre eux les membres du bureau politique. Il profite des divisions au sein du Comité Central pour lancer une attaque perfide contre Staline, au XXème congrès du PCUS en février 1956. L’ère de la « déstalinisation » commence alors. En juin 1957, le groupe « anti-parti » Molotov-Malenkov-Kaganovitch, accusé d’avoir ourdi un complot visant à renverser Khrouchtchev est écarté de la direction.

 

Khrouchtchev a rapidement engagé l’URSS dans les « réformes » économiques et politiques :

 

- Au niveau économique, dès le 20ème congrès du PCUS, il nie l’action de la loi de la valeur sous le socialisme telle qu’elle fut exprimée par Staline en 1952 dans « Les problèmes économiques du socialisme » où ce dernier mettait notamment en garde les cadres sur l’importance à ce que l’on veille à empêcher les contradictions qui surgissent au cours de la construction du socialisme de devenir antagonistes.

 

De ce fait, Khrouchtchev introduira dès 1957 dans la société soviétique la vente des moyens de productions aux stations de machines et de tracteurs des kolkhozes, faisant des moyens de production, des marchandises et aboutissant donc à l’élargissement de la sphère d’action de la loi de la valeur ; il rétablira également la notion de profit comme indice de rentabilité de l’économie soviétique, et mettra l’accent sur la production de biens marchands, abandonnant ainsi l’orientation économique stalinienne qui donnait la primauté à la production des biens de production et inaugurant ainsi l’ère tristement célèbre du « socialisme de marché » :

 

« En Mai 1953 la circulation de l’argent a été étendue et, avant cela, en avril de la même année, le rôle de planification centralisée (Gosplan) a été résolument réduite avec plus de pouvoir donné aux ministères économiques. Dans le plénum du Comité Central de septembre 1953, les marchandises fournies par le kolkhoze à l'état ont vu leurs prix augmenté, la quantité des marchandises qui devaient être fournies a été réduite et on a donné en général un rôle réduit au kolkhoze dans le plan central. « Les pressions de l'idéologie bourgeoise sur la théorie économique, déjà présentes pendant la durée de la vie de Staline, se sont accrues après sa mort. En Mai 1953 il a été décidé d'étendre 'le commerce Soviétique', les pouvoirs des Directeurs d'entreprise ont été augmentés et leur rôle et pouvoir sur l'économie et la main-d'œuvre devenaient prépondérants. Après l'élimination des dernières poches de résistance - Molotov, Kaganovich et Saburov - en juillet 1957, la machinerie agricole a été vendue aux kolkhozes et en septembre 1957 le principe a été introduit suivant lequel les entreprises publiques devaient créer du profit. L'offensive bourgeoise se nourrit de  la théorie de la valeur - c'est là que les lois bourgeoises trouvent leur base. La valeur est le principe cardinal de la production des marchandises - en le plaçant au centre de la politique économique l'état Soviétique a pris des mesures allant à l'encontre du progrès vers le Communisme. » » (Ubaldo Buttafava, Le Thermidor de Khrouchtchev, Une contribution à l'analyse critique concernant le retour de l'URSS au capitalisme, 1997, http://www.militcom.org/Documents/URSS/urss_capitalisme_02.htm)

 

Critiquant les réformes économiques de Khrouchtchev, Ernesto Che Guevara disait non sans raison que :

 

« Là où on applique la loi de la valeur, on introduit en fraude le capitalisme. »

 

Khrouchtchev, le « spécialiste de l’agriculture » et du « maïs » va essuyer dans ce domaine des défaites cuisantes qui amèneront l’URSS à importer du blé canadien et américain.

 

- Au niveau politique Khrouchtchev inaugure 1° sur le plan intérieur la proclamation de « l’État de tout le peuple » ; il assure que désormais « personne n’osera plus terroriser le Parti ». Dans cette logique, le contrôle populaire sur les cadres de l’appareil d’État est retiré de la constitution, ouvrant ainsi la voie à la bureaucratisation poussée de l’appareil d’État où se formera la nouvelle nomenklatura, c’en est alors fini de la dictature du prolétariat ; 2° sur le plan extérieur, il inaugure la politique de détente est-ouest, c’est-à-dire de soumission à l’impérialisme, et de rapprochement avec le renégat Tito. C'est dans cette optique qu'il dissout le Kominform en avril 1956. Reprenant les thèses kautskistes, il invitera également les partis communistes étrangers à explorer  la voie de « l’accession au socialisme par la voie parlementaire », ce qui les poussera à coopérer avec les partis bourgeois et précipitera leur dégénérescence en de vulgaires partis sociaux-démocrates, donnant naissance au courant nommé eurocommunisme, et qui a eu à sa tête les italiens Togliatti puis Berlinguer et l’espagnol Carrillo. [L’eurocommunisme est quant au fond identique au révisionnisme soviétique de par ses thèses principales, mais il prétend s’affranchir de sa tutelle et prône un polycentrisme qui condamne le mouvement communiste international à l’éclatement. Les révisionnistes français, eux, avec à leur tête Waldeck Rochet puis Marchais, occupent une position médiane par rapport aux soviétiques. Les eurocommunistes se sont appropriés les thèses khrouchtchéviennes sur la révolution pacifique par la voie parlementaire, sur l’État de tout le peuple (et donc l’abandon de la dictature du prolétariat), l’abandon du centralisme démocratique, etc. Ayant sombré dans le crétinisme parlementaire, ils ont poussé plus loin les thèses khrouchtchéviennes en participant à des gouvernements bourgeois, comme si l’intégration du socialisme pouvait se faire dans le capitalisme. L’eurocommunisme ne laisse subsister dans son « marxisme » que la caricature bourgeoise d’un communisme égalitaire-nivelleur qui, comme le titisme, prétend constituer une alternative « spécifique » adaptée à la condition des pays capitalistes de l’Europe occidentale, mais surtout parfaitement adaptée à la sauvegarde de la société bourgeoise. L'eurocommunisme trouvait un terrain très favorable en Europe occidentale du fait de ses fortes "traditions parlementaires". (4)

 

Khrouchtchev déclarait ainsi au XXème congrès du PCUS que :

 

« Nous voulons être amis avec les Etats-Unis » « La Yougoslavie enregistre d’importants résultats dans l’édification socialiste. » « La classe ouvrière peut conquérir une solide majorité au Parlement et le transformer en instrument d’une volonté populaire véritables. » (Khrouchtchev, Rapport au XXème Congrès du PCUS, 14 février 1956, édition en langues étrangères, Moscou, 1956, p. 36, 9, 47. cité par Ludo Martens, Un autre regard sur Staline, EPO, 1994, p.314.)

 

Il est ici intéressant de remarquer que là encore, la bourgeoisie a su apprécier à sa juste valeur l’aide apportée par Khrouchtchev dans son combat contre le marxisme-léninisme :

 

« Durant les trois années qui suivent [1953-1956], Khrouchtchev élimine progressivement les autres prétendants à la succession de Staline, notamment Malenkov et Beria, des anciens proches du « petit père des peuples ». Ayant bien compris que la population russe aspire à des changements, il promeut une politique de réformes politiques (libéralisation du régime et amnistie d'anciens opposants) et économiques. La priorité est ainsi donnée à la production de biens de consommation afin d'améliorer les conditions de vie des Russes. Lors du XXe congrès du PCUS, en 1956, Khrouchtchev dénonce « le culte de la personnalité » de Staline et, dans un rapport secret, révèle les crimes de l'ancien dirigeant. Ce rapport fait grand bruit et ébranle le camp socialiste, ainsi que les partis communistes occidentaux. Devenu le champion de la « déstalinisation », Khrouchtchev devient, en 1958 Premier ministre, à la suite de la démission de Boulganine. Sur le plan extérieur, il cherche à impulser un cours nouveau aux relations entre les deux blocs. Sous sa direction, la guerre froide entre dans une phase de détente. Défenseur de la coexistence pacifique, il rejette l'idée d'un éventuel conflit avec les États-Unis et affirme la nécessité de se mesurer au monde occidental sur le plan économique plutôt que militaire. Après avoir mené la réconciliation de son pays avec la Yougoslavie de Tito, il participe à la conférence de Genève en 1955, qui réunit, pour la première fois depuis 1945, les anciens vainqueurs de l'Allemagne nazie. (…) Mais les résultats de sa politique étrangère apparaissent contrastés. Ainsi sa critique virulente du stalinisme ne l'empêche pas d'ordonner l'intervention en Hongrie en 1956 (voir insurrection de Budapest). (…) Un même contraste se fait jour sur le plan intérieur. Khrouchtchev initie un vaste mouvement de réformes agricoles, dénonçant ainsi la priorité accordée par Staline à l'industrie. Il lance ainsi la grande campagne de défrichement des terres vierges dans les régions de Sibérie. Il s'attache également à déconcentrer et à décentraliser la gestion de l'économie soviétique. Mais le désordre né de ces réformes et les difficultés de l'agriculture soviétique contribuent à affaiblir la position de Khrouchtchev, alors même que les dissensions avec la Chine aboutissent à la rupture des relations entre les deux pays en 1961. Aussi est-il démis de ses fonctions par le plénum du Comité central en octobre 1964, et remplacé par Leonid Brejnev. » (Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, © 1993-2003 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.)

 

Le constat pour la bourgeoisie est là encore positif : après avoir trouvé chez Tito son « chef du socialisme à visage humain » et son « champion du non-alignement », elle à trouvé chez Khrouchtchev son « champion de la déstalinisation », même si elle déplore le fait qu’il ne se soumette pas complètement à l’impérialisme : la bourgeoisie certes est satisfaite d’être débarrassée de l’ennemi socialiste tant haï, mais elle rechigne un peu devant la perspective de se trouver face à un nouveau concurrent capitaliste !!! Là encore, comme pour le titisme, la bourgeoisie ne peut nier la faillite des réformes économiques entreprises.

 

En 1964, Khrouchtchev est écarté du pouvoir et remplacé par Brejnev, mais le khrouchtchévisme n’est pas mort pour autant et ses successeurs, loin de remettre en cause les orientations données par le  XXème congrès du PCUS, persistent dans la voie khrouchtchévienne, mais sans Khrouchtchev qui, allant trop loin dans les « réformes », est devenu dangereux. Brejnev n’en continuera pas moins d’explorer la voie des « réformes » et de la décentralisation de l’économie, en s’inspirant toujours des principes de la « fameuse » autogestion yougoslave. Les entreprises industrielles et les kolkhozes acquerront ainsi de plus en plus d’autonomie face au plan quinquennal. L’anarchie dans la production, caractéristique de toute société capitaliste devient rapidement la caractéristique générale de l’économie soviétique malgré le maintient d’un prétendu « plan quinquennal » qui devient de plus en plus un plan prévisionnel plutôt qu’un plan auquel sont tenues de se conformer les entreprises.

 

Quelle fut donc l’attitude du PCC et du PTA face aux premières manifestations du révisionnisme khrouchtchévien ? Quels étaient les éléments (5) dont disposaient alors les communistes leur permettant de s’apercevoir de la trahison de Khrouchtchev ?

 

- Le premier élément fut le rapprochement avec Tito initié par Khrouchtchev dès 1954 et matérialisé en juin 1955 par la visite de Khrouchtchev en Yougoslavie. Pour se justifier, Khrouchtchev, sans attaquer nommément Staline, affirmait que Tito avait été injustement condamné par le Kominform en 1948.

 

- Le deuxième élément fut le 20ème congrès du PCUS tenu en février 1956, où Khrouchtchev attaquait l’ensemble des orientations définies par Staline pour construire la société socialiste et où il attaquait nommément ce dernier dans le rapport « secret » qui fut distribué aux représentants des partis frères venus assister au congrès.

 

- Le troisième élément fut l’attitude complaisante adoptée par Khrouchtchev face à la collusion évidente entre les titistes et la réaction Hongroise lors des évènements de Budapest en octobre-novembre 1956.

 

- Le quatrième élément fut la liquidation du groupe « anti-parti » Molotov-Malenkov-Kaganovitch en juin 1957, groupe accusé d’avoir conspiré pour renverser Khrouchtchev.

 

Indépendamment de la question strictement sino-albanaise, ces quatre éléments montrent l’aveuglement évident dont ont fait preuve les directions des partis communistes qui ont ouvertement suivi les révisionnistes khrouchtchéviens dans la voie de la trahison du marxisme.

 

2). Le rapprochement de Khrouchtchev et Tito

 

Nous avons déjà vu au paragraphe II-B que la direction du PCC s’est montrée favorable à ce rapprochement :

 

« Le peuple chinois applaudit à la réconciliation intervenue entre l'Union Soviétique et d'autres pays socialistes, d'une part, et la Yougoslavie, de l'autre. » (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p.46)

 

On ne peut expliquer cette position que par deux hypothèses :

 

1° ou bien la direction du PCC méconnaissait l’histoire de la lutte menée par le mouvement communiste international contre le révisionnisme du vivant de Staline et sous-estimait de ce fait l’importance de cette thèse léniniste selon laquelle : 

 

« Les gens les plus dangereux à cet égard sont ceux qui ne veulent pas comprendre que, si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, la lutte contre l’impérialisme est une phrase creuse et mensongère. » (Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, éditions en langues étrangères, Pékin, 1977, p.154.)

 

2° ou bien la direction du PCC a consciemment adopté une position suiviste vis-à-vis de la nouvelle direction soviétique afin d’en tirer quelque avantage.

Quelle fut la position adoptée par le PTA par rapport au rapprochement de Belgrade et Moscou ?

 

Le PTA n’avait alors évidemment pas encore pris conscience de la trahison ouverte des khrouchtchéviens et il faut noter que cet évènement a mis le parti sur ses gardes, puisque pour le PTA qui avait subi l’ingérence titiste dans les affaires intérieures de l’Albanie, la réhabilitation de Tito signifiait une grave menace : Tito ne pouvait être réhabilité sans que cela ait de graves répercussions sur la stabilité politique de l’Albanie qui avait condamné des agents titistes, notamment Koçi Xoxe lors du XIe plenum de son Comité central en septembre 1948. C’était une question de vie ou de mort pour le PTA que de se trouver à l’avant-garde du combat contre les titistes s’il ne voulait pas voir l’Albanie devenir une colonie yougoslave. La position, parfaitement limpide du PTA en opposition avec Khrouchtchev concernant la réhabilitation de Tito ressort très nettement dans cet extrait de L’histoire du Parti du Travail d’Albanie :

 

« En mai 1955, Khrouchtchev, sans demander l'approbation des autres partis, décida de rejeter les décisions du Bureau d'Information et les appréciations de tous les partis communistes et ouvriers sur la trahison de la clique de Tito et de se rendre à Belgrade à la tête d'une délégation du Parti et du Gouvernement soviétiques. Khrouchtchev s'efforça d'imposer aussi aux autres partis cette décision unilatérale, injuste et arbitraire. Deux jours seulement avant son départ, il en informa le Parti du Travail d'Albanie comme d'un fait accompli, lui demandant son approbation au rejet de la résolution du Bureau d'Information de novembre 1949 et à la révision de celle de juin 1948, qui mettaient à nu la trahison de la direction yougoslave. Il réclamait en même temps l'approbation du texte d'une «décision» sur cette question, rédigé par lui-même et qui devait paraître avec la signature du Bureau d'Information sans même que celui-ci se fût réuni! En dépit de la grande confiance que le Parti du Travail d'Albanie avait dans le Parti Communiste de l'Union Soviétique, le Comité Central du PTA considéra avec beaucoup de défiance ce geste de Khrouchtchev et, par une lettre en date du 25 mai 1955, adressée au Comité Central du Parti Communiste de l'Union Soviétique, se prononça contre le voyage de Khrouchtchev en Yougoslavie et contre la réhabilitation de la clique de Tito. «Nous estimons, — était-il dit dans cette lettre, — qu'il y a une assez grande différence entre la teneur de votre lettre du 23 mai 1955 et la thèse principale de la position que nous avons communément observée jusqu'à ce jour envers les Yougoslaves... L'expérience quotidienne de notre Parti dans les relations avec la Yougoslavie, avant la rupture, en 1948, comme par la suite et jusqu'à aujourd'hui, démontre de façon claire et parfaite, avec de nombreux faits concrets à l'appui, que le contenu de principe de toutes les résolutions du Bureau d'Information relatives à la question yougoslave a été parfaitement juste, à quelque exception d'importance tactique près. La procédure qu'il est proposé de suivre, en vue d'approuver l'abrogation de la résolution adoptée en novembre 1949 à la réunion du Bureau d'Information, ne nous semble pas juste... A notre jugement, une décision si hâtive (et précipitée) sur une question de grande importance de principe, sans une profonde analyse préalable faite de concert avec tous les partis intéressés à cette question, et, à plus forte raison, sa publication dans la presse et sa proclamation à l'issue des entretiens de Belgrade, seraient non seulement prématurées, mais causeraient de graves torts à l'orientation générale... Nous sommes convaincus, qu'à quelque exception de second ordre près, cette ligne générale de notre Parti dans les relations avec la Yougoslavie est juste.» (Lettre du CC du PTA adressée au CC du PC de l'US, 25 mai 1955. ACP.) Le Comité Central du Parti du Travail d'Albanie demandait au Comité Central du Parti Communiste de l'URSS que ces questions fussent examinées au cours d'une réunion des partis membres du Bureau d'Information, à laquelle le PTA serait également invité pour exprimer son point de vue. Mettant sa décision à exécution, N. Khrouchtchev se rendit en Yougoslavie, reconnut humblement devant Tito que «des erreurs graves avaient été commises à rencontre du Parti Communiste de Yougoslavie et de la direction yougoslave» (!) et le réhabilita effectivement. C'était là un événement sans précédent dans l'histoire du mouvement communiste international, une violation flagrante des décisions prises en commun par les partis frères, une attitude de dédain à l'égard des autres partis. Khrouchtchev trouva dans la ligne révisionniste de la clique de Tito la matérialisation de ses désirs de rapprochement avec l'impérialisme américain et de ses efforts dans ce sens. Le discours qu'il prononça à Belgrade fit clairement entendre que c'était bien là son objectif. La politique de collaboration de la Yougoslavie avec les pays de l'Ouest, dit-il, «trouve notre pleine compréhension». Dans un entretien qu'il eut avec des journalistes américains, Khrouchtchev exprima l'idée que la lutte pour la paix est une notion politique qui se situe en dehors de la lutte de classes et que les pays impérialistes, tout comme les pays socialistes, sont intéressés à la garantie de la paix. L'interprétation qu'il donnait ainsi du problème de la paix réfutait en fait la thèse léniniste bien connue selon laquelle l'impérialisme est une source de guerre. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.186-187.)

 

Tandis que le PCC souscrivit à la réhabilitation du renégat Tito et au rapprochement avec celui-ci, seul le PTA avait pris en compte le danger que représentait cette première manifestation ouverte du révisionnisme de Khrouchtchev.

 

3). Le XXème congrès du PCUS

 

Le XXème congrès du PCUS restera l’une des pages les plus sombres de l’histoire du mouvement communiste. Nous ne nous étendrons pas ici sur la responsabilité des dirigeants communistes soviétiques et de la majorité des dirigeants des partis communistes étrangers qui ont pour le moins fait preuve de suivisme, et qui parfois se sont faits les propagandistes zélés des thèses révisionnistes qui y furent énoncées.

 

Le PTA pour sa part, tout en étant en désaccord avec la ligne de Khrouchtchev, ne pouvait cependant pas encore attaquer ouvertement la direction khrouchtchévienne. C’est donc à travers la dénonciation des titistes que le PTA lança ses premières flèches contre le révisionnisme khrouchtchévien. Tout communiste pouvait comprendre qu’à travers la dénonciation de l’anti-stalinisme et du titisme, Khrouchtchev était également visé, lui qui avait justement fourni matière à cet anti-stalinisme et commencé à s’aboucher avec Tito :

 

« Toute la campagne rageuse que les impérialistes et les révisionnistes ont déclenchée contre le communisme est menée dans son ensemble sous le couvert de la lutte contre le « stalinisme ». Aussitôt après le XXe Congrès du parti communiste de l'Union soviétique, les ennemis ont gonflé sans mesure les « erreurs » de Staline. Ils les ont claironnées à tout vent afin de discréditer les États socialistes, les partis communistes et leurs dirigeants ; pour semer le désarroi idéologique et la discorde dans le mouvement communiste international. A la faveur de cette campagne, les éléments droitiers et centristes ont partout relevé la tête. Ils ont engagé le combat avec ardeur contre les partis ouvriers sous des mots d'ordre trompeurs et antimarxistes. Ils ont appelé par exemple à la « démocratisation », à la « déstalinisation », à « l'indépendance nationale » au « bien-être du peuple », etc. (…) Nous ne sommes pas d'accord avec tous ceux qui renient l'activité révolutionnaire de Staline dans son ensemble et le dépeignent sous les couleurs les plus sombres. Nous estimons qu'il doit être mis à sa véritable place. Staline, comme on sait, est un grand marxiste. Après Lénine, il a défendu le marxisme-léninisme contre tous ses ennemis, contre les révisionnistes. Il a apporté une contribution importante au développement de cette science. Il a eu de grands mérites dans la préparation et dans le développement de la révolution d'Octobre, dans la construction du premier État socialiste, dans la victoire historique sur les envahisseurs fascistes, dans la marche en avant du mouvement communiste et ouvrier international. Pour toutes ces raisons, Staline jouissait d'une grande autorité non seulement en Union soviétique mais aussi dans le monde entier. Sur les questions décisives, dans la défense des intérêts de la classe ouvrière et dans le combat pour la théorie marxiste-léniniste, dans la bataille contre l'impérialisme et les autres ennemis du socialisme, il a constamment mené une juste lutte. Il était et demeure un exemple. (…) Je tiens à souligner que les dirigeants yougoslaves mènent un grand tapage contre Staline à propos du culte de la personnalité, mais ils le pratiquent chez eux, et de la façon la plus criante. Bakaric, membre du Comité exécutif de la Ligue des communistes de Yougoslavie [Le Comité exécutif de la Ligue des communistes yougoslaves correspond à peu près au Bureau politique du parti communiste français ou, chez les Italiens, à la Direction du Comité central.], dans un article écrit à l'occasion de l'anniversaire de Tito, est allé jusqu'à dire que les œuvres « marxistes » de Tito, dans leur ensemble, peuvent seulement être comparées aux meilleurs écrits de Marx, Engels et Lénine. En d'autres termes, Tito se situe au-dessus de Marx, Engels et Lénine ! Les dirigeants et la presse yougoslaves attaquent bruyamment le « culte de la personnalité » de Staline, non pour défendre les principes marxistes-léninistes, mais pour discréditer le système socialiste et les dirigeants authentiques des partis communistes, pour réviser le marxisme-léninisme et frayer la voie au « socialisme yougoslave ». La question de l'œuvre de Staline est importante : après Lénine, il a été durant trente ans à la tête du Comité central du parti communiste de l'Union soviétique. Il a été le guide politique de l'U.R.S.S. et du mouvement ouvrier international. Les ennemis, en le couvrant de boue, ne visent pas tant sa personne que l'Union soviétique. Ils cherchent à la discréditer comme le système socialiste et le mouvement communiste international, et, par conséquent, à saper la foi des travailleurs dans la révolution. Dans le discours prononcé à Pula en novembre 1956, Tito a déclaré : « Nous avons dit dès le début qu'il ne s'agit pas seulement du culte de la personnalité, mais du système qui a permis l'apparition de ce culte. C'est en lui que se trouvent les racines du mal, c'est lui qu'il faut frapper avec le plus de persévérance et de force. » Ainsi donc, selon les dirigeants yougoslaves, le culte de la personnalité a été engendré par le système soviétique. Par conséquent, ce système doit être révisé (sinon renversé) pour être remplacé par le régime « démocratique yougoslave ». On sait à quel moulin va cette eau : les idéologues de la bourgeoisie n'ont rien épargné pour montrer que les « erreurs » de Staline sont le produit nécessaire du système soviétique, que ce système est une « erreur », une « expérience manquée » et que les travailleurs doivent par conséquent renoncer au socialisme et œuvrer pour le « capitalisme populaire ». [« Le capitalisme populaire » était alors l'idéologie de collaboration de classes la plus répandue aux États-Unis. Elle prêchait l'extinction de la lutte des classes, la diffusion d'actions, c'est-à-dire de valeurs cotées en Bourse, parmi les ouvriers. Le Vatican a vanté cette doctrine réactionnaire dans des Encycliques comme Mater et magistra.] Ces prétentions mensongères ont été rejetées par toute l'histoire du développement du système soviétique. C'est lui qui a assuré à l'U.R.S.S. des succès colossaux. C'est lui qui a surmonté victorieusement les épreuves les plus dures de l'histoire. C'est lui qui apparaît comme un éclatant exemple du bon combat aux yeux de tous les travailleurs en lutte pour se libérer et construire une vie meilleure. Les dirigeants yougoslaves et tous les révisionnistes s'abritent derrière le drapeau de la lutte contre le « stalinisme » pour mieux régler leur compte à tous leurs adversaires. Leur méthode est simple : ils qualifient les justes thèses marxistes-léninistes de « dogmatisme stalinien ». Les partis communistes et leurs dirigeants fidèles au marxisme-léninisme sont déclarés « staliniens ». La structure de l'État et le régime économique de nos pays sont traités de « bureaucratisme stalinien ». Bien entendu, tout ce qui est « stalinien » doit être liquidé et remplacé par ce qui est « antistalinien ». La division des partis et des communistes en « staliniens » et « antistaliniens », comme la guerre aux « staliniens » menée par les dirigeants yougoslaves, ont un but : la scission du mouvement ouvrier. » (Enver Hoxha face au révisionnisme, La situation internationale et les tâches du Parti, Rapport présenté au Comité central du Parti du Travail d'Albanie, le 13 février 1957, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Edition numérique, p.15-17.)

 

Il est notoire qu’à aucun moment dans ce rapport le PTA n’a souscrit aux thèses du XXème congrès du PCUS, ce qui ne manqua pas d’inquiéter la nouvelle direction soviétique :

 

« Cette inquiétude, la direction soviétique l'exprima ouvertement en avril 1957, lors du séjour à Moscou de la délégation du Parti du Travail d'Albanie et du Gouvernement de la RP d'Albanie, conduite par les camarades Enver Hoxha et Mehmet Shehu, qui s'y était rendue sur l'invitation du Comité Central du PCUS et du Gouvernement de l'URSS. Au cours des entretiens, comme le camarade Enver Hoxha faisait un exposé de la situation et de la lutte du Parti du Travail d'Albanie dans les conditions d'alors, N. Khrouchtchev, contrarié et fort irrité par les prises de position révolutionnaires du Parti du Travail d'Albanie, intervint en disant : «Apparemment, vous les Albanais, vous cherchez à nous ramener sur la voie de Staline» ! Il définit l'attitude du Parti du Travail d'Albanie à l'égard des révisionnistes yougoslaves comme «une attitude non objective» qui reposait sur «un grossissement des points de désaccord avec ceux-ci» et demanda que «l'on ne s'en prît pas injustement à eux» ! Il n'hésita pas à assumer la défense de certains ennemis du Parti et du peuple albanais, en réclamant leur réhabilitation. Irrité par la fermeté avec laquelle le camarade Enver Hoxha et les autres membres de la délégation défendaient les vues et les actions marxistes-léninistes du Parti du Travail d'Albanie, Khrouchtchev leur dit sur un ton de menace : «Vous Albanais, vous êtes emportés, sectaires, par nature» !! «Nous ne pouvons nous entendre. Mettons fin à nos discussions» !!! Cet épisode constituait le premier affrontement direct entre la ligne révolutionnaire marxiste-léniniste du Parti du Travail d'Albanie et la ligne révisionniste du groupe de Khrouchtchev. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.200.)

 

C’est un fait indéniable que le PCC, durant la période précédent les conférences de Bucarest et Moscou en 1960, adopta une position pour le moins ambiguë sur la question :

 

« La question de la lutte contre le culte de la personnalité a occupé une place importante au cours de ce congrès. Ce dernier a été dénoncé sans indulgence le culte de la personnalité qui s’était répandu pendant une longue période dans la vie soviétique et qui avait fait commettre de nombreuses erreurs dans le travail et entraîné de fâcheuses conséquences. Cette courageuse autocritique que le Parti communiste de l’Union Soviétique a faite de ses erreurs passées témoigne d’un esprit de principe élevé dans la vie intérieure du Parti et de la grande vitalité du marxisme-léninisme. (…) Staline, ayant omis de tirer les leçons de fautes isolées, partielles, passagères concernant certains problèmes, n’a pu éviter qu’elles deviennent de graves erreurs affectant toute la nation et pour une longue période. Durant la dernière partie de sa vie, de plus en plus Staline s’est complu à ce culte de la personnalité ; il a enfreint les principes du centralisme démocratique du Parti et celui de combiner la direction collective avec la responsabilité individuelle. Cela l’a conduit à commettre quelques erreurs graves telles que celles-ci : il a donné trop d’ampleur au problème de répression des contre-révolutionnaires ; il n’a pas fait preuve de vigilance révolutionnaire à la veille de la guerre anti-fasciste ; il n’a pas accordé toute l’attention voulue à un plus large développement de l’agriculture et au bien-être matériel des paysans ; il a donné certains conseils erronés concernant le mouvement communiste international, et, en particulier, il a pris une décision erronée sur la question de la Yougoslavie. A propos de toutes ces questions, Staline s’est montré subjectif, a eu des vues partielles et s’est séparé de la réalité objective des masses. (…) La lutte contre le culte de la personnalité qui a été déclenchée au XXème Congrès du Parti Communiste de l’Union Soviétique est une lutte grandiose et courageuse que mènent les communistes et le peuple de l’Union Soviétique pour éliminer les obstacles idéologiques qui gênent leur marche en avant. » (A propos de l’expérience historique de la dictature du prolétariat, rédaction du Renmin Ribao, avril 1957, http://classiques.chez.tiscali.fr/chinepop/dictprol.pdf)

 

Ludo Martens le met également en évidence :

 

« Au XXe Congrès, Khrouchtchev a lancé son attaque surprise contre l'oeuvre de Staline, pour imposer sa ligne révisionniste. Au début, l'attitude de Mao Zedong et du Parti communiste chinois a été hésitante, ils n'ont pas défendu de façon conséquente l'oeuvre marxiste-léniniste de Staline, mais ont suivi Khrouchtchev dans certaines de ses critiques opportunistes contre Staline. Le document fondamental à ce propos est intitulé "L'expérience historique de la dictature du prolétariat", rédigé le 5 avril et le 29 décembre 1956. Ce texte prend la défense de Staline et de "l'expérience fondamentale de la révolution et de l'édification en Union soviétique". (p. 33) Néanmoins, dans les critiques qu'il formule à l'adresse de Staline, nous pouvons déceler une tendance assez marquée à la réconciliation avec le révisionnisme. Certaines critiques formulées par Mao Zedong et le PCC reprennent simplement les calomnies formulées par Khrouchtchev. Le PCC lance certaines affirmations gratuites, qui ne sont basées sur aucune recherche sérieuse. La conclusion est à l'avenant : Khrouchtchev a pris des mesures pour rectifier ces erreurs de Staline ! "Pendant la dernière période de sa vie, des victoires en séries et les panégyriques dont il a été l'objet ont tourné la tête à Staline. Dans sa façon de penser, il s'est écarté partiellement, mais gravement, du matérialisme dialectique pour tomber dans le subjectivisme. Il commença à avoir une foi aveugle en sa propre sagesse et en sa propre autorité; il se refusait à se livrer à des recherches et à l'étude sérieuses à l'égard de situations complexes, ou à prêter une oreille attentive à l'opinion de ses camarades comme à la voix des masses. En conséquence, certaines thèses et mesures politiques adoptées par lui allaient souvent à l'encontre de la réalité objective; il s'est souvent obstiné à faire appliquer pendant un long laps de temps ces mesures erronées, et n'a pu rectifier ses erreurs en temps utile. Le Parti Communiste de l'Union Soviétique a déjà pris des mesures pour rectifier les erreurs de Staline." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p. 42) Une des accusations les plus farfelues que Khrouchtchev lança contre Staline, est reprise par le PCC : "(Staline) n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire à la veille de la guerre anti-fasciste." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p. 9-10). Le PCC copie dans son texte les thèses de Khrouchtchev sur l'extinction de la lutte des classes, thèses développées au cours des années trente par Boukharine. Le PCC se passe complètement de l'analyse concrète de cette période cruciale et complexe qui fut celle de l'épuration. Il répète les banalités révisionnistes de Khrouchtchev qu'il fallait perfectionner la démocratie au lieu d'insister sur l'aggravation de la lutte des classes... "Après l'anéantissement des classes exploiteuses et la liquidation, pour l'essentiel, des forces de la contre-révolution, la dictature du prolétariat était encore nécessaire vis-à-vis des débris de la contre-révolution à l'intérieur du pays (...) mais sa pointe devait être surtout dirigée contre les forces agressives impérialistes du dehors. Dans ces conditions, il fallait développer et perfectionner progressivement, dans la vie politique du pays, les diverses méthodes démocratiques, perfectionner la légalité socialiste, renforcer le contrôle du peuple sur les organismes d'État, développer les méthodes démocratiques dans l'administration de l'État et des entreprises, resserrer les liens entre les organismes d'État et l'administration des entreprises, d'une part, et les larges masses, de l'autre, (...) combattre encore plus fermement les tendances bureaucratiques, au lieu d'insister sur l'aggravation de la lutte de classes après la liquidation des classes, et d'entraver ainsi le développement sain de la démocratie socialiste, ainsi que le fit Staline." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p. 54-55). » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Ces attitudes suivistes du PCC vis-à-vis de Khrouchtchev n’ont pas manqué d’avoir eu une influence négative sur le mouvement communiste. Nous verrons plus loin, au paragraphe IV, que Mao, dans son Discours sur les dix grandes relations, datant d’avril 1956, donc postérieur au XXème congrès du PCUS, avait approfondi les thèses khrouchtchéviennes. De même les thèses khrouchtchéviennes fleurirent au VIIIème congrès du PCC qui se tint en septembre 1956. A ce sujet, Enver Hoxha, qui était à la tête de la délégation du PTA invitée à cette occasion nous rapporte ceci :

 

« Toute la plate-forme de ce congrès était fondée sur les thèses du XXe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, et même, à certains égards, Mao Tsétoung, Liu Shao Chi et d'autres hauts dirigeants chinois avaient poussé les thèses de Khrouchtchev plus loin encore. Nous sentîmes que l'épidémie du révisionnisme moderne avait aussi atteint la Chine. A l'époque, nous n'étions pas encore à même de déterminer le degré de propagation de la maladie, mais ce qui se produisit et se produit en Chine montre bien que les dirigeants chinois se hâtaient alors pour ne pas demeurer à la traîne et même pour prendre dans leurs propres mains le drapeau dépenaillé des khrouchtchéviens. En outre, dans les rapports qu'ils présentèrent tour à tour à leur VIIIe Congrès, Liu Shao Chi, Deng Xiaoping et Chou En-laï défendirent et poussèrent encore plus avant ce qui avait été la ligne permanente du Parti communiste chinois pour une large collaboration avec la bourgeoisie et les koulaks, ils «expliquèrent» les grands avantages qu'a le «socialisme» à bien traiter les capitalistes, les commerçants et les intellectuels bourgeois, et à les nommer à de hauts postes de direction, ils propagèrent à grand bruit la nécessité pour la classe ouvrière et le parti communiste de collaborer respectivement avec la bourgeoisie locale et avec les autres partis, démocratique, national, dans les conditions du socialisme, etc. Les «cent fleurs» et les «cent écoles» de Mao Tsétoung qui s'épanouirent et rivalisèrent au cours des séances du congrès, s'épanouissaient et rivalisaient en fait dans tout le parti et l'État chinois. Cette théorie des cent drapeaux, formulée par Mao Tsétoung et proclamée largement en mai 1956 par Lu Din-yi, membre suppléant du Bureau politique du C.C. du P.C. chinois, constituait la variante chinoise de la théorie et de la pratique bourgeoises-révisionnistes de la «libre circulation des idées et des hommes», de la coexistence de toutes sortes d'idéologies, de courants, d'écoles et de sous-écoles au sein du socialisme. [Plus tard, il est apparu aussi que le décalogue entièrement révisionniste de Mao Tsétoung «Sur les dix grands rapports» appartient précisément à cette période du «printemps» du révisionnisme moderne. (Note de l'auteur).] » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.88-89)

 

« Chose curieuse : tous ceux que nous rencontrions n'avaient à la bouche que les réhabilitations et Tito. Même Chou En-laï, dans une entrevue que nous eûmes avec lui, nous dit : «Tito m'a invité à me rendre en Yougoslavie et j'ai accepté son invitation. Par la même occasion, je pourrais venir en Albanie, si vous êtes d'accord. » — « Nous sommes pleinement d'accord sur votre visite en Albanie », lui dîmes-nous et nous le remerciâmes d'avoir exprimé ce désir, bien que nous ne goûtions guère que le premier ministre chinois rattachât sa venue en Albanie à l'«occasion» de sa visite en Yougoslavie. Mais, comme je l'ai déjà écrit plus haut, c'était le temps où presque tous étaient gagnés par la fièvre du révisionnisme et chacun cherchait à se rendre au plus tôt à Belgrade pour y recevoir la bénédiction du vétéran du révisionnisme moderne, et bénéficier de son «expérience». Un jour, Scoccimarro vint à moi pour se plaindre que Togliatti, lors de sa visite à Belgrade, ne s'était pas bien entendu avec Tito. « Comment ? lui demandai-je non sans ironie. Ils se sont disputés ? » — « Non, me répondit-il, mais ils ne sont pas tombés d'accord sur tout. Néanmoins, poursuivit-il, nous enverrons à Belgrade une délégation pour mettre à profit leur expérience. » — « Dans quel domaine ? » — « Les camarades yougoslaves ont combattu efficacement la bureaucratie et ils ont réussi à la supprimer. » — « Comment le savez-vous ? » — « Parce que là-bas les ouvriers aussi ont leur part dans les profits», me répondit-il. Je lui parlai de l'attitude de notre Parti à l'égard de ce problème, mais l'Italien ne pensait plus que par Tito. Mehmet intervint pour lui demander : « Pourquoi ne voulez-vous envoyer des gens qu'en Yougoslavie pour « acquérir de l'expérience » et n'envoyez-vous pas aussi des délégations de ce genre dans les pays de démocratie populaire, en Albanie par exemple ?! » Il fut d'abord décontenancé, mais un instant après il avait trouvé la réponse : « Nous y en enverrons, dit-il. Tenez, par exemple, l'expérience chinoise, quant à la collaboration de la classe ouvrière avec la bourgeoisie et du parti communiste avec les autres partis démocratiques, est pour nous d'un grand prix. Nous l'étudierons... » Il avait vraiment bien trouvé. Dès lors, les révisionnistes italiens devaient pouvoir se rendre non seulement en Yougoslavie et en Chine, mais partout dans le monde pour acquérir ou transmettre l'expérience de la trahison à la cause du prolétariat, de la révolution et du socialisme. Il n'y a que chez nous qu'ils ne viendraient pas et où ils ne pouvaient du reste pas venir, car on n'y appliquait que le marxisme-léninisme. Et ils n'avaient que faire de cette expérience. Le 3 octobre 1956, nous prîmes le chemin du retour vers l'Albanie. Tout ce voyage nous convainquit encore davantage des grandes et dangereuses proportions qu'avait prises le révisionnisme moderne khrouchtchévien. A Budapest nous devions voir l'un des produits les plus horribles de la « nouvelle ligne » khrouchtchévienne-titiste : la contre-révolution. Il y avait longtemps qu'elle couvait, maintenant elle éclatait. » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.91-92)

 

4). La contre-révolution hongroise

 

Elle est le premier résultat visible du travail de sape initié par les thèses khrouchtchéviennes et notamment sa dénonciation de Staline. En Hongrie, la réaction a progressé en se couvrant de l’habit anti-stalinien en gonflant sans mesure les « fautes » des anciens dirigeants staliniens, rapidement écartés après la proclamation vociférée du révisionnisme. L’impérialisme exulta devant les évènements de Budapest qui confirmèrent la grande utilité de Tito et prouvèrent la virulence du virus anti-stalinien libéré par Khrouchtchev. Pour les communistes, cet évènement tragique mit en évidence la réalité contre-révolutionnaire de la lutte contre le stalinisme.

 

« Dans les pays socialistes, le révisionnisme se propagea et se développa en profondeur surtout en Pologne et en Hongrie. Grâce à l'appui du groupe Khrouchtchev, les éléments antimarxistes, condamnés pour leurs vues et leurs activités révisionnistes, antisocialistes, se mirent à la tête des partis ouvriers de ces pays. La dictature du prolétariat fut paralysée. La propagation à grande échelle de l'idéologie et de la culture bourgeoises occidentales fut autorisée. Sous le couvert des «cercles culturels» se créèrent des foyers contre-révolutionnaires dans différentes villes. Les révisionnistes avaient pour objectif de détruire complètement la dictature du prolétariat et le système socialiste. Les impérialistes mirent à profit cette situation. Ils poussèrent à la contre-révolution, la propagèrent et l'organisèrent dans les pays socialistes où les révisionnistes avaient créé un terrain favorable, et, en coopération directe ou détournée avec eux, ils se mirent à l'œuvre pour anéantir le système socialiste et restaurer le capitalisme. L'impérialisme international et les révisionnistes organisèrent de concert, en juin 1956, la révolte contre-révolutionnaire de Poznan en Pologne, et l'insurrection contre-révolutionnaire de Hongrie en octobre-novembre 1956. La démocratie populaire hongroise était menacée de se voir détruire totalement. Le Parti des Travailleurs Hongrois fut démantelé. Communistes et travailleurs hongrois, trahis par les révisionnistes, opposaient à cette action une résistance désespérée. La contre-révolution en Hongrie attisa l'hystérie anti-communiste dans le monde entier. Le système socialiste dut affronter une rude épreuve. Les peuples des pays socialistes et les forces révolutionnaires du monde entier manifestaient une vive inquiétude quant aux destinées du socialisme en Hongrie. Des troupes soviétiques étaient bien stationnées en République Populaire de Hongrie, mais le groupe Khrouchtchev hésitait à les mettre en action pour réprimer la contre-révolution. Ce ne fut que sous l'effet de la grande pression exercée d'en bas et surtout parce qu'il voyait la Hongrie se dégager de sa sphère d'influence, qu'il fut finalement contraint de laisser l'Armée Soviétique aller au secours des défenseurs de la révolution hongroise. La contre-révolution fut ainsi écrasée. La contre-révolution hongroise était le produit du révisionnisme. Les révisionnistes yougoslaves, qui avaient été les plus ardents tenants des révisionnistes hongrois et qui avaient joué un rôle particulier dans la préparation de la contre-révolution, mirent leur drapeau en berne lorsque celle-ci eut échoué. Tito la définit comme «une insurrection du peuple tout entier», provoquée par «les lourdes fautes du régime de Rakosi et par les hésitations à le renverser» ! Quant à l'aide de l'Armée Soviétique, il la qualifia d'«intervention féroce et inadmissible». Imre Nagy, chef des contre-révolutionnaires, trouva asile à l'ambassade yougoslave de Budapest. En même temps, la direction soviétique, qui n'était pas moins responsable que la clique de Tito de la préparation de la contre-révolution, mit tout en œuvre, après la défaite de celle-ci, pour dissimuler les traces de sa lourde culpabilité. Elle sacrifia Imre Nagy, qu'elle avait elle-même placé à la tête de l'État hongrois et fut contrainte, à la différence des titistes, de qualifier l'insurrection de «contre-révolutionnaire», ce que celle-ci était effectivement. Toutefois elle en rejetait la responsabilité sur les «dogmatiques» et non pas sur les véritables coupables — les révisionnistes. La contre-révolution hongroise avait échoué, mais ses racines n'étaient pas détruites. Le révisionnisme en Hongrie n'était pas anéanti, il ne faisait que battre en retraite. Les proches collaborateurs d'Imre Nagy conservèrent des postes clés au pouvoir politique et au sein du parti dirigeant réorganisé. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.196-197.)

 

Le PTA, qui avait mis en garde quelques mois avant contre la réaction qui se renforçait en Hongrie, condamnait pour sa part fermement les auteurs de la contre-révolution hongroise :

 

« Le Parti du Travail d'Albanie se solidarisa sans la moindre réserve avec les travailleurs révolutionnaires hongrois et souleva tout le peuple pour leur venir en aide par tous les moyens. A travers le «Zëri i Popullit», le Parti déclarait : «Le peuple albanais dénonce avec indignation les actions sanguinaires des impérialistes et des contre-révolutionnaires fascistes, qui ont pour but de détacher la Hongrie du camp du socialisme, de renverser le pouvoir des ouvriers et des paysans et d'instaurer la féroce dictature du capital.» (Éditorial du «Zëri i Popullit», 30 octobre 1956.) Le Gouvernement de la République Populaire d'Albanie, dans une déclaration consacrée particulièrement à cette affaire, lançait l'appel suivant : «Dans les circonstances actuelles, les conquêtes socialistes du peuple hongrois, réalisées au cours des dernières années, doivent être défendues avec fermeté. » (Déclaration du Gouvernement de la RP d'Albanie, 3 novembre 1956. «Zëri i Popullit», 4 novembre 1956.) Le Parti du Travail d'Albanie et le peuple albanais tout entier saluèrent avec une grande joie la victoire du peuple hongrois comme une victoire de tous les pays socialistes, de tous les peuples épris de liberté. A la différence de la direction soviétique et de la nouvelle direction hongroise, qui considéraient les prétendus «dogmatiques», «la précédente direction hongroise», comme responsables de la contre-révolution, le Parti du Travail d'Albanie, analysant ce triste événement, indiquait les véritables fautifs, les révisionnistes, et les critiquait pour «les changements successifs et foudroyants opérés dans la direction (en Hongrie — Réd.), changements qui laissaient en fait le Parti et l'État sans état-major dirigeant, sans direction forte et dévouée». (Editorial du «Zëri i Popullit», 5 novembre 1956.) Le Parti du Travail d'Albanie tira des événements de Hongrie d'importants enseignements pour sa propre activité dans le cadre national et international. « La tragédie du peuple hongrois, — déclarait le camarade Enver Hoxha au lendemain même de l'échec de la contre-révolution, — sera à coup sûr une grande leçon pour tous les honnêtes gens dans le monde, elle sera une leçon pour tous ceux qui s'endorment sur leurs lauriers et qui, face aux phrases des impérialistes et de la réaction, face aux slogans démagogiques, relâchent leur vigilance et lui substituent une attitude opportuniste et dangereusement modérée... Le Parti et le peuple albanais ne se sont jamais aventurés et ne s'aventureront jamais sur ce terrain périlleux et ils ne se laisseront pas tromper par les slogans du «socialisme populaire», du «socialisme révolutionnaire» ou par ceux d'une certaine «démocratie» qui ressemble à n'importe quoi sauf à une démocratie prolétarienne... Aussi, aujourd'hui plus que jamais, notre Parti a-t-il pour tâche de renforcer sa lutte de principe pour préserver la pureté de la théorie marxiste-léniniste, pour consolider ses rangs sur le plan idéologique et organisationnel, pour renforcer la solidarité internationale des travailleurs, et il considère que la lutte pour la défense des principes marxistes-léninistes, la lutte fondée sur ces principes est la seule lutte juste ». (Enver Hoxha, Discours à la réunion solennelle du 8 novembre 1956. «Zëri i Popullit», 9 novembre 1956.) » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.197-198.)

 

Le PCC et l’ensemble des partis communistes condamnèrent également la contre-révolution Hongroise. Cependant, Mao ne le fit pas sans en rejeter la responsabilité… sur le camarade Staline, mort depuis trois ans !!!

 

« Mao reprend aussi les thèses de Kadar et des révisionnistes "modérés" en Hongrie qui "expliquaient" la contre-révolution de 1956 par les "graves erreurs" commis par le stalinien Rakosi. Kadar ne s'est distancié de Nagy qu'au moment où celui-ci avait fait une alliance avec les insurgés d'extrême droite et fasciste. "Le erreurs commises par Staline ont suscité un sérieux mécontentement chez les peuples de certains pays d'Europe orientale." (L'expérience historique de la dictature du prolétariat, 1961, Ed. en langues étrangères, Pékin, p. 66) » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Il ressort de ces prises de positions de Mao, qu’après le rapprochement de Khrouchtchev avec Tito, après la dénonciation bruyante de Staline, et après les premières secousses contre-révolutionnaires opérées sous la bannière de l’anti-stalinisme, Mao ne semble toujours pas avoir pris conscience de la voie révisionniste ouverte par les thèses du XXème congrès du PCUS. Il va même jusqu’à farder l’orientation révisionniste du PCUS. C’est ainsi qu’à la conférence de Moscou de novembre 1957 où les ultra-révisionnistes Gomulka et Togliatti tentaient d’approfondir l’orientation révisionniste initiée par Khrouchtchev et d’en profiter pour remettre en cause le leadership soviétique, Enver Hoxha nous rapporte ces paroles de Mao :

 

« Mao Tsétoung, de sa place, lançait des «arguments» : «Notre camp, disait-il, doit avoir une tête, car le serpent aussi en a une, et l'impérialisme également. Je n'approuverais pas que la Chine soit considérée comme la tête du camp, car nous ne méritons pas cet honneur, nous ne pouvons assumer ce rôle, nous sommes encore pauvres. Nous n'avons même pas le quart d'un satellite, alors que l'Union soviétique en a déjà deux. Et puis l'Union soviétique mérite d'être la tête, car elle nous traite généreusement. Regardez comme nous causons maintenant librement. Si Staline était là, il nous serait difficile de parler ainsi. Quand j'ai rencontré Staline, je me sentais devant lui comme un élève devant son maître, alors qu'avec le camarade Khrouchtchev nous parlons librement, en camarades, d'égal à égal». Et comme si cela ne suffisait pas, il ajouta dans son style : «Avec la critique du culte de la personnalité, nous avons l'impression d'avoir été débarrassés d'une lourde toiture qui nous oppressait et nous empêchait de comprendre judicieusement beaucoup de questions. Qui est-ce qui nous a enlevé cette toiture, qui est-ce qui nous a facilité à tous une juste compréhension du culte de la personnalité ?!» demanda le philosophe, qui se tut un moment, et, sur l'instant, répondit lui-même : «Le camarade Khrouchtchev, et nous l'en remercions.» C'est ainsi que le «marxiste» Mao soutint la thèse «avec à sa tête l'Union soviétique», c'est ainsi qu'il défendit aussi Khrouchtchev. Mais dans le même temps, en funambule qu'il était, pour ne pas fâcher Gomulka, qui y était contraire, il ajouta : «Gomulka est un bon camarade, il faut l'appuyer et lui faire confiance !» » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.119-120.)

 

Il faut souligner que le « camarade Gomulka », comme l’appelle Mao, avait été condamné comme partisan d’un socialisme « spécifique » d’influence titiste en 1948 et exclu du POUP en 1949. Ce n’est qu’après le XXème congrès du PCUS qu’il réapparaîtra sur la scène politique. Mao, outre qu’il ne peut également s’empêcher de souligner les « progrès » que représente Khrouchtchev par rapport à Staline, fait preuve d’un esprit de conciliation très marqué vis-à-vis des ultra-révisionnistes, allant même jusqu’à affirmer que :

 

«Il y a des gens, dit-il, qui sont marxistes à cent pour cent, il y en a qui le sont à 80 pour cent, à 70 pour cent, à 50 pour cent, il y a même des marxistes qui ne le sont peut-être qu'à 10 pour cent. Mais même avec ceux qui ne sont marxistes qu'à 10 pour cent nous devons négocier, car nous n'en tirerons que des avantages». (Mao cité par Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.121.)

 

A l’esprit de conciliation, s’ajoute ici un très fort subjectivisme allié à une conception non dialectique du marxisme : le « degré de marxisme » se présente par cette formule comme un simple changement quantitatif. Le bon qualitatif (tel la reconnaissance de la dictature du prolétariat, l'assimilation du matérialisme historique, etc.) en est absent, comme si le passage du révisionnisme au marxisme-léninisme était un processus graduel, ce qui permet bien sur de justifier une alliance avec le « marxiste » à 10 % qui serait lui même un marxiste !!!

 

« Mao a dit que l'oeuvre de Staline comportait 30 pour cent d'erreurs et 70 pour cent de bonnes choses. Grand maître de la pesée ! Il a évalué l'oeuvre de Staline avec la même précision que l'on pèse des tomates sur les champs !! » (Enver Hoxha, Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.169.)

 

En suivant le logique de Mao qui a dit de l’œuvre de Staline qu’elle comportait 30 % d’erreurs et 70 % de mérites, (appréciation qui est d’ailleurs reprise telle quelle par Gonzalo pour qui « ses mérites et ses erreurs sont dans un rapport de sept à trois » cf. l’interview du président Gonzalo au journal El Diaro, p.74., http://classiques.chez.tiscali.fr/perou/gonzalo1.pdf) et compte tenu des circonstances dans lesquelles ont été prononcées ces paroles, on est en droit de se demander à qui correspondent les chiffres restants : 100 %, 80 %, 50 % et 10 %. Mao ayant qualifié Khrouchtchev de « Lénine de notre temps », on est donc en droit de lui attribuer les 100 % ! Les 80 % sont-ils à attribuer à « l’élève » Mao qui en remontre au « maître » Staline ? Les 50 % aux ultra-révisionnistes Gomulka, Togliatti et consorts et les 10 % au laquais déclaré de l’impérialisme américain, Tito ?

 

Cet esprit de conciliation avec le révisionnisme est également illustré par le fait que Chou En-laï fut chargé par les soviétiques de négocier avec les titistes pour qu’ils acceptent de participer à la Conférence de Moscou de novembre 1957, mais en vain : les titistes posaient des conditions inacceptables qui auraient fait de cette conférence une tea party : les titistes, au nom de la politique de détente et de leurs bonnes relation avec l’ouest refusaient qu’y soit faite toute déclaration contre l’impérialisme et s’opposaient à toute dénonciation du révisionnisme et de l’opportunisme. Finalement, à cette conférence, le souvenir récent des évènements de Hongrie ainsi que le fait que le PCC défendait malgré tout les principes fondamentaux du marxisme-léninisme, de concert avec le PTA et d’autres partis frères, eurent pour résultat que le groupe de Khrouchtchev ne parvint pas à imposer les conceptions du XXème congrès du PCUS comme ligne générale pour le mouvement communiste international. L’opportunisme et le révisionnisme restaient ainsi définis comme les principaux dangers.

 

« Les révisionnistes yougoslaves définirent ouvertement la déclaration de la Conférence comme «un reniement du XXe Congrès du PCUS», comme «un pas en arrière», «un retour au stalinisme». Ils engagèrent un âpre combat contre son contenu révolutionnaire et ne tardèrent pas à y opposer leur «programme» antimarxiste qu'ils publièrent en 1958 en le présentant comme «un manifeste international». » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.210.)

 

« Le Parti du Travail d'Albanie suivait avec inquiétude la propagation du révisionnisme, en ayant bien conscience du grave danger que celui-ci constituait pour le camp socialiste et le mouvement communiste international. Il considérait la lutte contre le révisionnisme comme une des tâches les plus importantes qui lui incombaient. La publication du programme de la Ligue des Communistes Yougoslaves lui fournit une occasion opportune pour frapper le révisionnisme international dans tous les secteurs de son activité et de son idéologie antimarxiste. Dénonçant le programme yougoslave comme un ramassis des théories pourries de Proudhon, Bernstein, Kautsky, Trotsky, Boukharine, et autres, revêtues d'un nouveau travesti, le Parti lança le mot d'ordre : «Lutte sans compromis pour dénoncer et écraser du point de vue théorique et politique le révisionnisme moderne». (Cf. la décision du Plénum du CC du PTA, du 20 juin 1958. ACP et «Zëri i Popullit», 22 juin 1958.) Faisant allusion à l'attitude opportuniste observée par Khrouchtchev et d'autres révisionnistes dans différents partis communistes et ouvriers, le Parti du Travail d'Albanie soulignait : «Le rôle que joue le révisionnisme yougoslave au service des impérialistes, il n'y a que ceux qui font exprès de fermer les yeux, qui ne le voient pas.» (Le révisionnisme moderne doit être combattu sans merci jusqu'à son anéantissement théorique et politique total. «Zëri i Popullit», 22 juin 1958.) » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.211.)

 

5). La liquidation du groupe « anti-parti » Molotov-Malenkov-Kaganovitch

 

« En [juin] 1957, le présidium du Comité central du P.C.U.S. retira à Khrouchtchev ses fonctions de premier secrétaire du Parti et le renvoya à son ancien poste de ministre de l'Agriculture. Khrouchtchev refusa de s'incliner et convoqua un plénum du Comité central pour trancher le débat. Mais, au moment même où cette réunion avait lieu, avec l'aide du maréchal Joukov, il fit encercler le Kremlin par les unités blindées. Il imposa ainsi par la force au Comité central des votes favorables à sa propre orientation révisionniste. Ainsi, il put obtenir la destitution de Molotov, Malenkov, Kaganovitch et Chepilov que Boulganine devait bientôt rejoindre dans leur disgrâce. » (Gilbert Mury, Enver Hoxha face au révisionnisme, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Édition numérique, p.94.)

 

C’est cet évènement sans précédent qui marqua la victoire définitive du khrouchtchévisme en URSS. Le groupe « anti-parti » fut accusé d’avoir conspiré en vue de renverser Khrouchtchev.

 

« A la mort de Staline, ils étaient dix au présidium : Malenkov, Beria, Khrouchtchev, Mikoyan, Molotov, Kaganovitch, Vorochilov, Boulganine, Sabourov et Pervoukhine. (Roy et Jaurès Medvedev, Khrouchtchev, les années de pouvoir, éditions Maspero, Paris, 1977, p.15.) Après l’élimination de Béria, Mikoyan affirma en 1956 que le présidium constitua un « collectif dirigeant étroitement uni ». (Mikoyan, Discours au XXèmecongrès, éditions en langues étrangères, Moscou, 1956, p.6.) Mais l’année suivante, Khrouchtchev et Mikoyan ont viré tous les autres, avec l’argument que « ces renégats… voulaient ressusciter la l’époque pénible où dominaient des méthodes et des actions vicieuses, résultant du culte de la personnalité ». (Kozlov, « Rapport au XXIIème Congrès », dans : Vers le communisme, Recueil, éditions en langues étrangères, Moscou, 1961, p.412-413). Cette élimination de la majorité marxiste-léniniste du présidium fut possible grâce à l’intervention de l’armée, et particulièrement de Joukov, et des secrétaires régionaux qui vinrent au secours de Khrouchtchev, mis en minorité. Les hésitations, le peu de perspicacité politique, l’esprit de conciliation de Molotov, Malenkov et Kaganovitch ont causé leur défaite. » (Ludo Martens, Un autre regard sur Staline, Editions EPO, p.313.)

 

Quelles furent les positions adoptées par le PCC et le PTA face à l’éviction de la majorité des membres du Comité Central du PCUS ? Nous en avons une illustration offerte par la Conférence de Moscou qui eut lieu en 1957 :

 

« Mao Tsétoung a soulevé à cette conférence « la nécessité pour nous tous, partis communistes et ouvriers du monde, autrement dit le camp du socialisme, d'avoir une tête, et cette tête devait être l'Union soviétique ». C'est cette thèse que Mao Tsétoung a exposée et soutenue à la Conférence de Moscou, alors que Khrouchtchev a fait semblant de ne pas le souhaiter. Nous devons reconnaître que nous-mêmes et d'autres avons effectivement défendu cette thèse. Mais le camarade Mao Tsétoung, de sa haute autorité, a ajouté aussi autre chose, à savoir que « Khrouchtchev est un éminent marxiste-léniniste, un grand dirigeant de l'Union soviétique », qu'« avec Khrouchtchev on peut discuter et aller de l'avant », alors que devant Staline, selon lui, il fallait rester au garde-à-vous. De même, Mao Tsétoung, comme nous l'avons entendu dire nous-mêmes, a soutenu hautement Khrouchtchev lorsque celui-ci a liquidé le groupe soi-disant antiparti de Molotov et de ses camarades. Tous ces faits témoignent donc que Mao Tsétoung souscrivait entièrement à cette ligne révisionniste et aux menées putschistes, de dénigrement et de complot à rencontre du Parti communiste (bolchevik), de Staline, de l'Union soviétique. Notre Parti ne s'est pas rallié à ces positions de Mao Tsétoung, ni du Parti communiste chinois. Après la mort de Staline, nous pensions que quelqu'un d'autre accéderait à la tête du parti et, entre parenthèses, nous pouvons dire que nous pensions à Molotov. » (Enver Hoxha, Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.185-186.)

 

Certes, il était difficile pour les partis communistes étrangers de condamner le putsch de Khrouchtchev, soit par manque d’informations, soit par le fait que cela aurait pu être considéré comme une ingérence dans les affaires intérieures du PCUS, mais était-il normal de la part de Mao d’appuyer cet acte qui enfreignait les statuts de tout parti de type léniniste ? Bien sur que non. Il en résulte que de 1955 à 1957, le PCC, ou bien a souscrit consciemment aux thèses révisionnistes des titistes et des khrouchtchéviens, ou bien a fait preuve d’un aveuglement répété, mais a, dans les deux cas, objectivement aidé Khrouchtchev à affermir ses positions contre les marxiste-léninistes soviétiques.

 

6). Les conférences de Bucarest et Moscou de 1960

 

L’année 1960 marque un tournant dans la lutte contre le révisionnisme avec le début de la polémique ouverte entre le révisionnisme khrouchtchévien d’une part et le PCC et le PTA d’autre part. Dans son ouvrage, Les khrouchtchéviens - souvenirs, Enver Hoxha nous rapporte un entretien qu’il a eu avec Mikoyan au mois de février 1960, lors d’une visite à Moscou, où il avait été mis au courant des divergences surgies entre la direction soviétique et le PCC :

 

« Il [Mikoyan] développa son exposé de manière à nous donner l'impression qu'eux-mêmes se tenaient soi-disant sur des positions de principe léninistes et qu'ils combattaient les déviations de la direction chinoise. D'ailleurs Mikoyan invoqua, entre autres arguments, certaines thèses chinoises qui, en vérité, n'étaient pas, pour nous non plus, exactes du point de vue de l'idéologie marxiste-léniniste. C'est ainsi qu'il cita la théorie pluraliste des «cent fleurs», la question du culte de Mao, le «grand bond en avant», etc. Assurément, sur ces questions-là nous avions nous-mêmes nos réserves, dans la mesure où nous connaissions à l'époque l'activité et la pratique concrètes du Parti communiste chinois. (…) Nous nous abstînmes de nous prononcer sur les problèmes qu'il avait soulevés et, après l'avoir écouté jusqu'au bout, je lui dis : «Les grands désaccords apparus entre vous et le Parti communiste chinois sont des choses très sérieuses et nous ne comprenons pas pourquoi on les a laissées grossir. Ce n'est ni le lieu ni le moment d'en discuter. Nous pensons que ces désaccords doivent être résolus entre vos partis. » — « C'est ce que nous ferons», me dit Mikoyan et à la fin, au moment de nous quitter, il nous pria : « Ne parlez à personne des questions que je viens de vous exposer, pas même aux membres de votre Bureau politique. » Cette rencontre nous fit comprendre que les contradictions et les désaccords étaient très aigus et sérieux. Connaissant désormais et Khrouchtchev, et Mikoyan, nous étions pleinement convaincus que, dans leurs griefs contre le parti chinois, ils ne partaient pas de justes positions de principe. Les divergences, comme il apparaîtrait encore plus clairement par la suite, portaient sur une série de questions de principe, sur lesquelles, à l'époque, les Chinois semblaient observer de justes positions. Dans les discours officiels des dirigeants chinois, comme dans les articles publiés, surtout dans la série intitulée «Vive le léninisme», le parti chinois traitait les problèmes correctement sur le plan théorique et il s'opposait aux khrouchtchéviens. C'est précisément ce qui piquait au vif ces derniers et ils cherchaient par conséquent à prévenir le mal. (…) Nous avions eu des réserves sur certaines conceptions qui avaient été exprimées soit par Mao Tsétoung, soit par d'autres dirigeants chinois, nous avions des réserves sur le VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, mais, après 1957, il sembla que ce parti avait opéré un tournant positif et éliminé ses erreurs opportunistes antérieures. N'importe quel parti peut commettre des erreurs, mais celles-ci peuvent être corrigées, et lorsqu'elles le sont, le parti se renforce et le travail progresse. En Chine, on ne parlait plus du VIIIe Congrès, les points de vue de droite de Peng Teh-huaï étaient dénoncés, on avait abandonné les «cent fleurs». Dans les déclarations officielles et les articles publiés, les Chinois attaquaient ouvertement le révisionnisme yougoslave, ils défendaient Staline, adoptaient des attitudes théoriquement justes sur la guerre et la paix, sur la coexistence pacifique, sur la révolution, sur la dictature du prolétariat. Ce n'est pas ici le cas d'analyser les motifs qui poussaient les dirigeants chinois à adopter une telle attitude ni d'expliquer si leur prises de position à l'époque étaient inspirées par des considérations de principe (j'ai parlé de cela dans mon journal), mais une chose était claire : en ce temps-là, le Parti communiste chinois se posait en défenseur du marxisme-léninisme. (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.140-141 et 146)

 

A l’occasion du Congrès du Parti Ouvrier Roumain, en juin 1960, à Bucarest, Khrouchtchev profita de la présence des nombreuses délégations étrangères de partis communistes qui y avaient été invitées pour leur distribuer un document qui mettait en accusation le PCC au sujet de prétendues erreurs, afin de tenter de le faire condamner par le mouvement communiste international. Mais le PTA s’opposa fermement à ces pratiques qui contrevenaient aux normes régissant les relations entre partis communistes. Il prit la défense du PCC et, arguant le fait qu’aucune décision ne pouvait être prise sur un examen unilatéral des seuls documents de la partie soviétique, le PTA demanda que cette question soit examinée par une conférence internationale convoquée à cet effet.

 

Entre la rencontre de Bucarest et la conférence de Moscou, les khrouchtchéviens usèrent de moyens de pression économiques pour tenter de faire plier la direction du PTA, en vain. C’est en novembre 1960 que cette conférence se tint à Moscou.

 

« La délégation chinoise était venue, semblait-il, à la Conférence de Moscou avec l'idée que les esprits pourraient se calmer, et elle avait d'abord rédigé un document d'un ton conciliant et tolérant envers les prises de position et les actions des khrouchtchéviens. Le discours devait être prononcé par Deng Xiaoping. Apparemment, ils avaient préparé une attitude à «deux ou trois variantes». Cela nous surprit après les attaques farouches qui avaient été lancées à Bucarest contre le Parti communiste chinois et Mao Tsétoung. Mais lorsque les khrouchtchéviens passèrent à l'action et même avec d'âpres attaques, comme celles contenues dans le document qu'ils distribuèrent avant la conférence, alors les Chinois durent modifier entièrement le document qu'ils avaient préparé, renoncer à l'esprit conciliant et adopter une attitude qui répondît aux attaques de Khrouchtchev. La conférence s'ouvrit dans une atmosphère très pesante. Non sans dessein, on nous avait placés près de la tribune afin que nous fussions sous le doigt dénonciateur des «procureurs» antimarxistes khrouchtchéviens. Mais, contrairement à leurs vœux, c'est nous qui nous fîmes les procureurs et les accusateurs des renégats et des traîtres. C'est eux qui étaient sur le banc des accusés. Nous tenions le front haut, car nous étions avec le marxisme-léninisme. Khrouchtchev, lui, se tenait la tête entre les mains, quand notre Parti faisait tomber ses bombes sur lui. » (Enver Hoxha, Les khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique, p.158-159)

 

Nous ne donnons que quelques extraits du rapport cinglant qui fut présenté par le PTA à la face des 81 partis communistes et ouvriers présents à cette conférence. L’intégralité du rapport se trouve dans l’édition numérique de l’ouvrage Enver Hoxha face au révisionnisme, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury.

 

Dénonçant la thèse khrouchtchévienne de la « coexistence pacifique », Enver Hoxha disait que :

 

« Le Parti du Travail d'Albanie estime que l'impérialisme et, au premier chef l'impérialisme américain, n'a changé ni de peau, ni de nature. Il est agressif et le restera, même s'il ne lui reste qu'une dent dans la gueule. Il est capable de précipiter le monde dans une guerre. Aussi, comme nous l'avons souligné devant la commission de rédaction, les peuples doivent s'entendre expliquer qu'il n'y aura pas de garantie absolue contre une guerre mondiale tant que le socialisme n'aura pas triomphé dans le monde entier, ou pour le moins dans la plupart des pays du monde. Les Américains ne cachent pas leur jeu : loin d'accepter de désarmer, ils intensifient leurs préparatifs de guerre. Aussi devons-nous être vigilants. Nous ne devons faire à l'ennemi aucune concession qui engage les principes. Nous ne nous ferons aucune illusion sur l'impérialisme : en croyant améliorer la situation nous ne ferions que l'aggraver. Non seulement l'ennemi s'arme et prépare la guerre contre nous, mais il mène aussi une propagande effrénée pour désorienter les esprits. Il dépense des millions de dollars pour entretenir des agents et des espions, pour organiser dans nos pays des activités d'espionnage, de sabotage et de terreur. L'impérialisme américain donne sans cesse des millions de dollars à la bande de traîtres de Tito. Toutes ces menées ont pour but d'affaiblir notre front intérieur, de nous diviser, de désorganiser nos arrières. » (Enver Hoxha face au révisionnisme, Discours prononcé le 16 novembre 1960 lors de la réunion des 81 partis communistes et ouvriers à Moscou, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Edition numérique, p.60.)

 

Dénonçant la voie dangereuse ouverte par la thèse de l’accession au socialisme par la voie parlementaire, Enver Hoxha demandait :

 

« Les masses atteindront-elles ce but par la violence ou par la voie pacifique et parlementaire ? Cette question était claire. Le camarade Khrouchtchev est venu l'embrouiller inutilement au XXe Congrès, pour la plus grande satisfaction des opportunistes. Pourquoi fallait-il déformer de la sorte les thèses sans équivoque de Lénine et de la révolution socialiste d'Octobre ? Le Parti du Travail d'Albanie considère toujours les enseignements de Lénine à ce sujet comme parfaitement clairs et il leur est constamment resté fidèle. Jusqu'à présent, aucun peuple, aucun prolétariat, ni aucun parti communiste ouvrier ne s'est emparé du pouvoir sans violence et sans effusion de sang. Certains camarades [Les Tchécoslovaques prétendaient avoir réalisé le passage pacifique au socialisme en février 1948. Ils oubliaient seulement que le rapport des forces militaires était globalement favorable à Gottwald pour la seule raison que l'armée soviétique avait déjà libéré la Tchécoslovaquie au prix de flots de sang.] s'écartent en fait de la réalité lorsqu'ils prétendent qu'ils ont pris le pouvoir par la voie pacifique. Ils oublient que la glorieuse armée soviétique versait des flots de sang pour eux durant la Seconde Guerre mondiale. Notre parti estime qu'en cette matière nous devons nous préparer, et avec soin, pour les deux voies, mais surtout pour la prise du pouvoir par la violence : si nous sommes prêts à cette éventualité, nous renforçons nos chances de succès pour le cas où l'autre se présenterait. La bourgeoisie permet bien à chacun de discourir. Mais, à un moment donné, elle monte un coup de force fasciste et écrase les révolutionnaires s'ils n'ont préparé ni les cadres assez fermes, ni le travail clandestin, ni les bases destinées aux luttes illégales, ni les moyens de combat. Nous devons prévenir cette tragique éventualité. » (Ibidem, p.60-61.)

 

Dénonçant le pseudo désarmement initié par Khrouchtchev en collusion avec l’impérialisme américain, Enver Hoxha disait :

 

« Tous les alliés de l'O.T.A.N. — y compris l'Italie, l'Allemagne occidentale et la Grèce — sont pourvus de ces engins [les rampes de fusées]. A qui est-il défendu de révéler le secret de la bombe atomique ? L'Angleterre, la France, l'Allemagne occidentale en ont connaissance. Si une telle proposition était acceptée, nous les pays de démocratie populaire, nous n'aurions plus le droit d'installer des rampes de lancement de fusées. Et aucun pays du camp socialiste, l'Union soviétique exceptée, ne pourrait posséder la bombe atomique. Nous demandons pourquoi la Chine communiste ne devrait pas fabriquer la bombe atomique. Nous estimons qu'elle doit la posséder. Et, lorsque la Chine disposera de la bombe atomique et de la fusée, on verra bien alors quel sera le langage de l'impérialisme américain. Pourra-t-il encore refuser de reconnaître les droits de la Chine dans l'arène internationale ? Et les impérialistes américains oseront-ils brandir leurs armes comme ils le font aujourd'hui ? La possession de la bombe permettrait-elle à la Chine de conquérir ses droits par une victoire sur les États-Unis ? Non. Si nous ne sommes pas attaqués par les fauteurs de guerre, la Chine, comme l'Union soviétique, ne fera jamais usage de cette arme. Mais, si l'U.R.S.S. ne disposait pas de la bombe atomique, l'impérialisme nous tiendrait un autre langage. Nous ne serons jamais les premiers à employer de telles armes. Nous sommes contre la guerre. Nous sommes pour la destruction des engins nucléaires. Mais nous avons besoin de la bombe pour nous défendre : « La crainte est la meilleure gardienne des vignes », dit un vieil adage de notre peuple. Les impérialistes doivent nous craindre et même nous craindre beaucoup. » (Ibidem, p.63-64.)

 

Mettant en garde sur le danger de scission du mouvement communiste international et l’injuste condamnation des chinois par les soviétiques, Enver Hoxha disait :

 

« Chers camarades, l'unité du mouvement communiste et ouvrier international est nécessaire au triomphe de la paix, de la démocratie, de l'indépendance nationale, du socialisme. Ce point est souligné avec une force particulière dans la Déclaration de Moscou de 1957, comme dans le projet de Déclaration préparé pour notre réunion actuelle. La Déclaration de 1957 souligne que « les partis communistes et ouvriers assument une responsabilité historique particulièrement lourde pour les destinées du système socialiste mondial et du mouvement communiste international. Les partis communistes et ouvriers participant à la conférence déclarent qu'ils consolideront inlassablement leur unité et leur collaboration fraternelle, pour affermir plus encore la communauté des États socialistes, pour renforcer le mouvement ouvrier international et servir la cause de la paix et du socialisme ». Il faut le reconnaître, particulièrement dans les derniers temps, le mouvement communiste international et les relations de quelques partis entre eux ont souffert de profondes divergences idéologiques et politiques dont l'accentuation ne peut que porter préjudice à notre cause. Aussi le Parti du Travail d'Albanie estime-t-il que, pour aller de l'avant, unis vers de nouvelles victoires, il faut condamner et rectifier les erreurs relevées jusqu'ici dans notre action. Nous voulons insister sur la réunion de Bucarest où notre parti, comme on le sait, refusa d'exprimer son point de vue sur les divergences entre le parti communiste d'Union soviétique et le parti communiste de Chine. Il se réserva, dès cette époque, le droit de faire connaître son opinion à la réunion des partis communistes et ouvriers — celle-là même qui se tient aujourd'hui. » (Ibidem, p.65-66.)

 

« Les questions soulevées étaient-elles de si peu d'importance, alors qu'il s'agissait précisément de la condamnation de Joseph Staline, de la contre-révolution hongroise, de la prise pacifique ou violente du pouvoir et de bien d'autres problèmes qui surgirent par la suite ? Ces questions nous concernent tous parce que nous sommes communistes. Et, si tous nos partis ont assumé la responsabilité de se prononcer sur ces questions devant leurs peuples, ils sont aussi responsables devant le mouvement communiste international. Pour accabler le parti communiste de Chine sous des péchés imaginaires, le camarade Khrouchtchev et d'autres dirigeants soviétiques avaient grand intérêt à faire croire qu'il s'agissait là de divergences entre la Chine et l'ensemble du mouvement communiste international. Mais, quand il s'est agi de questions comme celles que nous venons d'évoquer, le camarade Khrouchtchev et certains camarades de son entourage ont pris sur eux de les juger et de trancher tout seuls. En dépit de l'importance internationale de ces problèmes, ils ont estimé inutile une contribution collective dans le cadre d'une réunion à laquelle participent des représentants de tous les partis. Après la contre-révolution hongroise, on fit le silence sur les questions qui la concernaient. » (Ibidem, p.69.)

 

Rappelant les évènements récents de Hongrie, Enver Hoxha mettait en garde à propos du fait que :

 

« Selon nous, la contre-révolution en Hongrie fut principalement l'œuvre des titistes. Les impérialistes américains avaient trouvé en Tito et dans les renégats de Belgrade des agents capables de miner la démocratie populaire en Hongrie. Après le voyage du camarade Khrouchtchev à Belgrade en 1955, la question de l'activité de sape de Tito fut négligée. La contre-révolution en Hongrie n'a pas éclaté comme un coup de tonnerre. Elle fut préparée presque ouvertement, sans même que ses auteurs songeassent vraiment à se dissimuler dans l'ombre. La contre-révolution fut mise au point par les agents de la bande titiste, en liaison avec le traître Imre Nagy et les fascistes hongrois qui, tous ensemble, agissaient sans se cacher, sous la direction des Américains. Les titistes projetaient de détacher la Hongrie de notre camp socialiste, de la transformer en une seconde Yougoslavie, de l'associer à l'O.T.A.N. par l'intermédiaire de la Yougoslavie, de la Grèce et de la Turquie. Dès lors, elle dépendrait de l'« aide américaine». Il ne lui resterait plus qu'à poursuivre la lutte contre le camp socialiste de concert avec la Yougoslavie et sous la direction de l'impérialisme. Les contre-révolutionnaires de Hongrie œuvraient au grand jour. Comment leurs agissements ne furent-ils remarqués par personne ? Comment, dans une démocratie sœur comme la Hongrie, où le Parti est au pouvoir, où il dispose des armes que lui donne la dictature du prolétariat, où sont stationnées des troupes soviétiques, Tito et les bandes horthystes ont-ils pu agir aussi librement ? Nous estimons que les positions du camarade Khrouchtchev et des autres camarades soviétiques à l'égard de la Hongrie n'ont pas été claires. Leur point de vue tout à fait erroné sur la bande de Belgrade leur interdisait de comprendre ce qui était en train de se passer. Les camarades soviétiques avaient confiance en Imre Nagy, l'homme de Tito. Et ce que je dis là n'est pas un propos en l'air. Avant que n'éclate la contre-révolution, pendant que le cercle « Petôfi » [Centre réactionnaire d'écrivains et d'autres intellectuels bourgeois à Budapest lors des événements de 1956 en Hongrie.] entrait en ébullition, j'étais de passage à Moscou. Au cours d'un entretien avec le camarade Souslov, je lui fis part de ce que j'avais vu en passant par Budapest. Je lui dis aussi que le révisionniste Imre Nagy redressait la tête et organisait la contre-révolution au cercle « Petöfi ». Le camarade Souslov rejeta catégoriquement mon point de vue ; pour me prouver les bons sentiments d'Imre Nagy, il me sortit d'un tiroir « l'autocritique toute fraîche d'Imre Nagy ». Néanmoins je répétais au camarade Souslov qu'Imre Nagy était un traître. » (Ibidem, p.80.)

 

Et enfin, dénonçant l’attaque de Khrouchtchev contre l’œuvre de Staline, Enver Hoxha concluait :

 

« A notre avis le XXe Congrès — et en particulier le rapport secret du camarade Khrouchtchev — n'a pas posé la question du camarade Staline de façon correcte et objective, dans un esprit marxiste-léniniste. A cet égard, Staline a été gravement et injustement condamné par le camarade Khrouchtchev et par le XXe Congrès. Le camarade Staline et son activité n'appartiennent pas seulement au parti communiste de l'Union soviétique et aux peuples soviétiques, mais à nous tous. Le camarade Khrouchtchev a précisé à Bucarest que les divergences actuelles n'opposent pas le parti communiste de l'Union soviétique et le parti communiste de Chine, mais le parti communiste de Chine et le communisme international. Il se complaît à dire que les décisions du XXe et du XXIe Congrès ont été adoptées par tous les partis communistes et ouvriers du monde. Il aurait dû aller plus loin dans le même sens, et faire juger les actes de Staline, en toute conscience, par les partis communistes et ouvriers du monde entier. Il ne peut y avoir deux poids et deux mesures sur ces questions. Alors, pourquoi le camarade Staline a-t-il été condamné au XXe Congrès, sans que les autres partis communistes et ouvriers du monde entier aient été préalablement consultés ? Comment l'anathème a-t-il été soudainement jeté sur Staline devant les partis communistes et ouvriers du monde entier ? Bien des partis frères n'ont appris cette dénonciation qu'après l'intervention des impérialistes qui donnaient la plus large diffusion au rapport secret du camarade Khrouchtchev ! Le monde communiste se vit imposer par le camarade Khrouchtchev la condamnation du camarade Staline. Que pouvaient bien faire nos Partis dans ces conditions, quand, subitement, usant de la grande autorité de l'Union soviétique, on leur imposait ainsi, en bloc, une pareille attitude ? Le Parti du Travail d'Albanie se trouvait ainsi devant un grand dilemme. Il n'a pas approuvé et il n'approuvera jamais la condamnation du camarade Staline, la méthode et les formes utilisées par le camarade Khrouchtchev. Notre Parti souscrivit globalement aux formulations du XXe Congrès sur cette question. Mais il s'en tint strictement aux limitations fixées par ce congrès. Il ne s'inclina pas devant le chantage et l'intimidation dirigés du dehors contre notre pays. Sur la question de Staline, le Parti du Travail d'Albanie se montrait réaliste. Il se montrait juste et reconnaissant à l'égard de ce glorieux marxiste : de son vivant, personne n'eut la « bravoure » de le critiquer. Et on le couvre de boue après sa mort. Il s'est créé une situation intolérable. Toute une époque glorieuse de l'Union soviétique est ainsi privée de tête, de guide. Or c'est le temps qui vit bâtir le premier État socialiste au monde, l'Union soviétique se renforcer, venir à bout de complots impérialistes, écraser les trotskystes, les boukhariniens et les koulaks en tant que classe, mettre triomphalement sur pied son industrie lourde et collectiviser son agriculture. En un mot, c'est la période où l'Union soviétique devint une puissance colossale, et construisit victorieusement le socialisme, et, durant la Seconde Guerre mondiale, se battit avec un héroïsme légendaire. Elle écrasa le fascisme et libéra les peuples. C'est cette période qui vit se créer le puissant camp socialiste. Le Parti du Travail d'Albanie estime qu'il n'est ni juste, ni naturel ni marxiste que de toute cette époque soient effacés le nom et la grandeur de Staline, ni que cette période historique de l'Union soviétique soit ainsi privée de tête. L'œuvre féconde de Staline, il nous incombe à tous de la sauvegarder. Qui ne la défend pas est un opportuniste et un lâche. Le camarade Staline, par son rôle personnel et comme dirigeant du parti communiste bolchevique, fut également le guide le plus sûr du communisme international après la mort de Lénine. Il exerça une influence très positive, avec la plus grande autorité, sur la consolidation et le développement des conquêtes du communisme dans le monde entier. Toutes les œuvres théoriques du camarade Staline sont un ardent témoignage de sa fidélité à son maître Lénine et au léninisme. Staline lutta pour les droits de la classe ouvrière et des travailleurs dans le monde entier. Il combattit avec ténacité pour la liberté des peuples de nos pays de démocratie populaire. Ne fût-ce que sous ces aspects, Staline appartient au, monde communiste tout entier, et pas seulement aux communistes d'Union soviétique. Il appartient à tous les travailleurs du monde, et pas seulement aux travailleurs soviétiques. Si le camarade Khrouchtchev et avec lui les camarades soviétiques avaient étudié la question de Staline dans cet esprit, ils auraient évité de commettre de grandes erreurs. Ils ont considéré la question de Staline superficiellement et du seul point de vue intérieur à l'Union soviétique. Mais, de l'avis du Parti du Travail d'Albanie, ils ont, même dans cette perspective, abordé le problème sous un seul de ses aspects. Ils n'ont vu que les erreurs de Staline. Ils ont presque totalement ignoré son immense activité, sa contribution au renforcement de l'Union soviétique, à la formation du parti communiste soviétique, à la mise sur pied de l'économie et de l'industrie soviétiques, de l'agriculture kolkhozienne, à la conduite du peuple soviétique vers les grandes luttes victorieuses contre le fascisme allemand. Staline a-t-il commis des erreurs ? Certainement oui. Il était inévitable qu'une si longue période, peuplée d'actes héroïques, de combats, de victoires, comportât aussi des erreurs. Non seulement celles de Staline personnellement, mais aussi celles de la direction, en tant qu'organe collectif. Est-il un parti ou un dirigeant qui se considère comme infaillible dans son travail ? Lorsque des critiques sont soulevées à l'égard de la direction soviétique actuelle, ces camarades nous conseillent de regarder vers l'avenir, de ne pas revenir sur le passé et de mettre un terme à la polémique. Mais lorsqu'il s'agit de Staline, non seulement ils ne regardent pas en avant, mais ils reviennent en arrière, très en arrière, pour ne fouiller que dans les faiblesses de l'œuvre de Staline. Le culte de la personnalité de Staline devait certes être critiqué. Mais a-t-on raison de dire que Staline était lui-même l'artisan de ce culte ? Celui-ci devait certes être réprouvé, mais, pour cela, était-il nécessaire et juste que quiconque mentionne le nom de Staline soit immédiatement mis à l'index et montré du doigt ? Que quiconque fait une citation de Staline soit regardé de travers ? Certains firent assaut de zèle pour briser les statues de Staline et appeler d'un autre nom les villes qui portaient le sien. Est-il besoin d'en raconter plus long ? A Bucarest, le camarade Khrouchtchev dit aux camarades chinois : « Vous vous accrochez à un cheval mort. Si vous en avez envie, vous pouvez même venir prendre ses restes. » Et ces propos faisaient allusion à Staline. Le Parti du Travail d'Albanie déclare solennellement qu'il est opposé à ces actes et à ces jugements dirigés contre l'œuvre et la personne de Joseph Staline. » (Ibidem, p. 86-88.)

 

Les interventions du PCC et du PTA à la conférence de Moscou forcèrent les révisionnistes à reculer et firent apparaître clairement deux lignes opposées :

 

« Le Parti du Travail d'Albanie apprécia aussi la ferme lutte révolutionnaire de principe menée par la délégation du Parti Communiste Chinois comme une contribution décisive à la victoire remportée par le marxisme-léninisme sur le révisionnisme à cette Conférence. La lutte soutenue en commun et les vues révolutionnaires identiques qu'ils avaient sur les grands problèmes de principe du mouvement communiste international raffermirent les liens et la coopération entre les deux Partis. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.221.)

 

7). L’après Moscou

 

Suite à la conférence de Moscou, les khrouchtchéviens exercèrent des pressions économiques et politiques sur le PTA, espérant ainsi parvenir à faire destituer Enver Hoxha de son poste lors du IVème congrès du PTA qui se tint à Tirana en février 1961. Mais la forte cohésion des rangs du PTA mit en échec les manœuvres de Khrouchtchev.

 

« Mettant en relief le danger que présentaient les efforts des révisionnistes en vue d'anéantir la dictature du prolétariat, le IVe Congrès du PTA indiquait : «Pour les partis marxistes-léninistes, il est clair comme le jour que non seulement la liquidation de l'État socialiste, mais même le moindre affaiblissement des organes de la dictature du prolétariat, la libéralisation de celle-ci, équivaudraient à un suicide pour nos pays socialistes. Cela a été confirmé une nouvelle fois et on ne peut mieux par la triste expérience de la contre-révolution hongroise». (Enver Hoxha, Rapport au IVe Congrès du PTA. Le IVe Congrès du PTA, pp. 155-156.) Dans des conditions caractérisées par l'activité fébrile, antisocialiste, contre-révolutionnaire et scissionniste des révisionnistes, le PTA considérait comme une tâche très importante des partis communistes et ouvriers et des États socialistes de sauvegarder et de renforcer l'unité du camp socialiste et du mouvement communiste international. «... Notre Parti et notre Gouvernement ont levé encore plus haut le drapeau de l'unité, ils ont été, ils sont et seront toujours prêts à affronter toutes les difficultés et à accomplir jusqu'au bout leur devoir internationaliste...» (Ibid., p. 17.; «Notre Parti, se fondant sur les principes de la Déclaration de Moscou, ne cessera de lutter pour le renforcement de l'unité du mouvement communiste et ouvrier international, pour le développement de la solidarité internationaliste et des liens avec tous les partis frères.» (Ibid., p. 162.) Le IVe Congrès du PTA considérait que, pour défendre le marxisme-léninisme et l'unité du mouvement communiste international et du camp socialiste, il était indispensable de mener une lutte résolue contre le révisionnisme moderne, d'annihiler son activité de scission et de sape. Il condamna les efforts des dirigeants de certains partis communistes et ouvriers pour faire en sorte que le révisionnisme ne soit plus défini comme le principal danger dans le mouvement communiste international, ni le révisionnisme yougoslave dénoncé comme l'expression condensée du révisionnisme moderne, ainsi qu'il en avait été unanimement décidé à la Conférence de Moscou. «Sans démasquer impitoyablement le révisionnisme... on ne peut démasquer comme il se doit l'impérialisme.» (Enver Hoxha, Rapport au IVe Congrès du PTA. Le IVe Congrès du PTA, p. 159.) Pour toutes ces raisons, le Congrès recommandait : «que la lutte contre le révisionnisme soit poursuivie et encore intensifiée jusqu'à la destruction idéologique et politique totale de celui-ci. Tout en luttant avec résolution contre le révisionnisme en tant que principal danger, le Parti doit combattre aussi toute manifestation de dogmatisme et de sectarisme.» (Résolution du IVe Congrès du PTA. Le IVe Congrès du PTA, p. 315.) S'il observa une rigoureuse attitude de principe contre le révisionnisme et dénonça les vues révisionnistes, le IVe Congrès ne critiqua pourtant pas ouvertement la direction soviétique à propos de ces vues, de son activité scissionniste au sein du mouvement communiste et du camp socialiste, ni de ses actes d'ingérence et de ses activités antimarxistes à rencontre du Parti du Travail d'Albanie et de la République Populaire d'Albanie. » (Histoire du Parti du Travail d’Albanie, édition numérique, p.227.)

 

Devant l’échec de ses manœuvres d’ingérence, Khrouchtchev, lors du XXIIème congrès du PCUS, en octobre 1961, attaqua publiquement le PTA qui répondit aussitôt aux calomnies des soviétiques :

 

« Dans ces conditions, le PTA ne pouvait pas se taire. Il avait non seulement le droit, mais encore le devoir de faire connaître publiquement son point de vue, de révéler au mouvement communiste et à l'opinion publique internationale la vérité sur les relations entre le PTA et la direction révisionniste soviétique, sur l'activité hostile, anti-albanaise, de cette direction. Le Comité Central du PTA, répondant aux calomnies et aux attaques antimarxistes du groupe Khrouchtchev, faisait ressortir qu'elles « ne servent que les ennemis du communisme et de la République Populaire d'Albanie, les divers impérialistes et les révisionnistes yougoslaves... En s'en prenant publiquement au Parti du Travail d'Albanie, N. Khrouchtchev a effectivement entrepris une attaque ouverte contre l'unité du mouvement communiste et ouvrier international, contre l'unité du camp socialiste. La responsabilité de cet acte antimarxiste et de toutes les conséquences qui en découlent retombe entièrement sur N. Khrouchtchev. » (Déclaration du CC du PTA, 20 octobre 1961. «Zëri i Popullit», 21 octobre 1961.) »

 

La réponse des soviétiques fut alors de rompre les relations diplomatiques avec la RPA. Pour ce qui concerne les chinois, à partir de ce moment et pendant deux ans, ils essaieront d’éteindre le feu de la polémique pour tenter de préserver l’unité, et se « battront » avec les khrouchtchéviens par « Albanie interposée » :

 

« Dans les premiers temps de l'âpre polémique qui se développa entre le Parti du Travail d'Albanie et les révisionnistes khrouchtchéviens, la Chine était d'accord avec l'Albanie, mais seulement en surface, parce que dans le fond, comme cela a été prouvé par la suite, elle souhaitait se réconcilier avec les Soviétiques et étouffer la polémique. Cela apparut à l'évidence notamment dans le discours de Chou En-laï au XXIIe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, où, en fait, il n'a pas défendu notre Parti, mais a demandé que la polémique soit étouffée. La direction chinoise considère cette terne attitude comme une aide en faveur de l'Albanie, mais demander d'étouffer la polémique n'était ni dans l'intérêt de l'Albanie socialiste ni dans l'intérêt de la Chine elle-même. Cela était seulement à l'avantage de Khrouchtchev et de sa lutte contre le socialisme et le marxisme-léninisme. » (Lettre du C.C. du Parti du Travail d’Albanie et du gouvernement albanais au C.C. du Parti Communiste et au gouvernement chinois, 29 juillet 1978, édition numérique, p. 11.)

 

« La campagne entreprise par les khrouchtchéviens dans le sens de la cessation de «la polémique dans la presse et à la radio» s'étend. Il faut bien comprendre qui a engagé le premier publiquement cette polémique. C'est le groupe Khrouchtchev. Sur les questions théoriques et les problèmes internationaux, deux lignes, deux attitudes se sont fait jour : une ligne opportuniste révisionniste, qui déviait du marxisme-léninisme, violait la Déclaration de Moscou, soutenait le titisme et cherchait à éteindre la lutte contre lui, frayait la voie aux concessions à l'impérialisme, atténuait la lutte menée à son encontre, le flattait, etc., c'était là la ligne des khrouchtchéviens ; et l'autre ligne, la nôtre, qui demeurait fidèle au marxisme-léninisme et aux Déclarations des Conférences de Moscou. (…) Les révisionnistes soviétiques, ainsi que les yougoslaves et autres ne changent pas de voie. Chacune de leurs démarches, faites sous le prétexte de l'«unité», est une supercherie. (…) En demandant la cessation de la lutte idéologique et politique, Khrouchtchev entend dire : Laissez-moi agir tranquillement dans la voie où je me suis engagé et dont je ne m'écarterai pas. Pour le Parti du Travail d'Albanie cette manoeuvre est claire.» (Enver Hoxha, 22 avril 1962 : « Cesser la lutte idéologique et politique, c’est permettre à l’ennemi de vous nuire », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 11.)

 

« Les camarades Hysni [Kapo] et Ramiz [Alia], qui sont arrivés ces jours-ci en Chine après un long périple, ont commencé leurs entretiens avec les camarades chinois et nous ont adressé plusieurs radiogrammes pour nous informer des points de vue des camarades de Pékin sur les problèmes qui nous préoccupent. Tout d'abord, les camarades chinois se sont montrés solidaires de nos points de vue sur les questions internationales et à propos du groupe révisionniste de Khrouchtchev et de ses tenants. Ils ont estimé nos prises de position justes et ont dit que nous (les Albanais) avions les mains libres pour combattre les khrouchtchéviens, car ce sont ceux-ci qui nous ont attaqués les premiers. (…) Ils nous ont dit également avoir reçu du Parti communiste de l'Union soviétique une lettre de réponse de 50 pages, dont 40 contiennent des attaques contre nous. Après la réception de cette lettre, les camarades chinois ont publié, bien entendu avec un certain retard, des extraits de mon discours à l'occasion de la campagne électorale. Maintenant, les camarades chinois s'attachent essentiellement à nous convaincre de renoncer aux conditions que nous avons mises pour la tenue de la réunion et de participer à celle que prépareront naturellement les Soviétiques et les Chinois. Les motifs sur lesquels s'appuie leur insistance sont dénués de fondements, sans force et d'un esprit opportuniste marqué. Les camarades chinois semblent ébranlés, ils redoutent la lutte contre les révisionnistes, ils surestiment les forces de l'ennemi et sous-estiment les nôtres et celles du communisme international. Ils cherchent à aboutir à quelque compromis. Notre attitude résolue leur fait obstacle, et c'est pour cela qu'ils sont embarrassés. » (Enver Hoxha, 13 juin 1962 : « La Chine avance dans une voie centriste », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 12.)

 

Ces hésitations sont reflétées par un extrait du rapport de Ludo Martens qui met en évidence le fait suivant, à savoir qu’en 1963 les chinois attaquent Khrouchtchev, certes, mais à travers la dénonciation de Tito. C’est alors seulement que la direction du PCC commence à attaquer nommément le révisionnisme, bien qu’elle hésite encore. La direction chinoise se refuse à croire que Khrouchtchev soit prêt à trahir tel Tito et n’admet pas ce qui est pour le PTA déjà une évidence, un fait accompli. Cette entrée dans la polémique ouverte de la Chine est une très bonne chose certes, mais cela met en évidence un décalage par rapport à la tactique de lutte à adopter dans la nouvelle étape de la lutte contre le révisionnisme inaugurée par les attaques ouvertes de Khrouchtchev contre le PCC et particulièrement le PTA : la Chine continue d’adopter la tactique de lutte correspondant à la polémique au moment où les divergences avec Khrouchtchev n’avaient pas encore été rendues publiques, or depuis le XXIIème congrès du PCUS et la rupture des relations diplomatiques soviéto-albanaises, Khrouchtchev a recouru à la calomnie publique contre le PCC et plus particulièrement le PTA. Dans cet extrait, il apparaît en outre que la Chine dénonce ce que le PTA avait déjà amplement dénoncé dès la conférence de Moscou en 1957 :

 

« Lorsqu'en 1962, Khrouchtchev a approfondi ses thèses révisionnistes, le PCC est revenu sur quelques thèmes essentiels, débattus en 1956. Afin de combattre la trahison ouverte de Khrouchtchev, le PCC s'est servi de l'exemple yougoslave pour montrer aux Soviétiques l'aboutissement inévitable de la voie révisionniste. "Il s'agit de savoir si la clique Tito est un parti frère et une force anti-impérialiste ou un groupe de renégats du mouvement communiste international et de laquais de l'impérialisme." (Débat sur la ligne générale du mouvement communiste international, Ed. en Langues Étrangères, Pékin, 1965, p. 151) ; "Rien qu'entre 1948 et 1952, plus de 200.000 membres du Parti furent ainsi exclus, soit la moitié de l'effectif original de Parti communiste de Yougoslavie." "Le nombre des communistes et des éléments révolutionnaires actifs, arrêtés et emprisonnés, dépassa à lui seul 30.000." (Ibidem, p. 185) ; "La soi-disant voie spécifique d'édification du "socialisme" avec l'aide américain, voie exaltée par la clique Tito, n'est rien d'autre que la voie de la transformation du système socialiste en système capitaliste en fonction des besoins de l'impérialisme, la voie qui conduit un pays indépendant à dégénérer en semi-colonie." (Ibidem, p. 178) ; "Par son exemple de restauration du capitalisme en Yougoslavie, la clique Tito aide l'impérialisme américain à appliquer sa politique consistant à promouvoir dans les pays socialistes l'"évolution pacifique". Sous l'enseigne de pays socialiste, la clique Tito s'oppose avec frénésie au camp socialiste, s'emploie à le saper et est devenue un groupe de choc dans la campagne antichinoise. Sous le couvert du "non-engagement" elle cherche à saper le mouvement de libération nationale d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, et s'est mise au service du néo-colonialisme américain." (Ibidem, p. 178-179). Le PCC défend Staline, dans la mesure où elle refuse de suivre l'anti-stalinisme de Khrouchtchev et de Tito, qui rejettent, en fait, le marxisme-léninisme lui-même. "En s'acharnant encore et encore sur Staline, la direction du PCUS a voulu effacer l'influence impérissable de ce grand révolutionnaire prolétarien sur le peuple soviétique et les autres peuples du monde, et aussi frayer la voie à sa répudiation du marxisme-léninisme, que Staline avait défendu et développé." (Ibidem, p. 140) ; "La répudiation totale de Staline fournit à l'impérialisme et à toute la réaction des munitions antisoviétiques et anticommunistes qu'ils ne sont que trop heureux d'obtenir." (Ibidem, p. 139). Mais cette défense de Staline reste toujours très conditionnelle. L'importance vitale de la lutte idéologique et politique contre le trotskisme, le boukharinisme et la nationalisme bourgeois reste escamotée. Se contentant de parler dans des termes vagues des "deux types de contradictions", le PCC se refuse à analyser concrètement les lignes et les positions en jeu. Il s'agit en fait d'une défense inavouée des boukharinistes et autres opportunistes. "Dans les luttes menées au sein du Parti comme en dehors, il confondit à certains moments et dans certains problèmes, les deux catégories de contradictions de nature différente - contradictions entre l'ennemi et nous, et contradictions au sein du peuple (...). Le travail de liquidation de la contre-révolution (...) permit de châtier à juste titre nombre d'éléments contre-révolutionnaires qui devait l'être ; cependant, des gens honnêtes furent aussi injustement condamnés, et ainsi il commit l'erreur d'élargir le cadre de la répression en 1937 et 1938." (Ibidem, p. 129). » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Cette critique récurrente de Staline par le PCC a ses sources dans les conceptions de Mao que nous détaillerons quand nous traiterons des « Dix grands principes » qu’il formula au printemps 1956.

 

Publiant son article « Sur la question de Staline » en septembre 1963, la rédaction du Renmin Ribao commence à user de reproches ouverts à l’égard de Khrouchtchev, même si elle espère toujours de lui qu’il arrive à se corriger. Mao, s’il juge globalement positive l’œuvre du camarade Staline, n’en continue pas moins pour autant de porter des accusations non fondées à son encontre : il s’agit des « erreurs » déjà énumérées par Ludo Martens dans les extraits de son rapport de 1995 que nous avons cités plus haut. Il n’en reste pas moins que la teneur générale de cet article est très positive, Mao y reprend nombre de points déjà abordés par le PTA à Moscou en 1960 et y détaille particulièrement la teneur de la critique khrouchtchévienne du culte de la personnalité et des attaques personnelles contre Staline.

 

« La question de Staline est une grande question, une question d’importance mondiale qui a eu des répercussions au sein de toutes les classes du monde et qui, jusqu’à présent encore, est largement controversée. Les classes et les partis politiques qui représentent les différentes classes ont des opinions divergentes sur la question. Et il est à prévoir qu’une conclusion définitive ne puisse être donnée en ce siècle. Cependant, au sein de la classe ouvrière internationale et des peuples révolutionnaires, la majorité des gens ont, au fond, des opinions semblables ; ils n’approuvent pas la répudiation totale de Staline et ne font que témoigner d’un attachement accru à la mémoire de ce dernier. » (Sur la question de Staline, rédaction du Renmin Ribao, 13 septembre 1963, http://classiques.chez.tiscali.fr/chinepop/staline.pdf , p. 1.)

 

« Khrouchtchev a couvert d’injures Staline, disant qu’il fut « un assassin », « un criminel », « un bandit », « un joueur », « un despote du type d’Ivan le Terrible », « le plus grand dictateur de l’histoire russe », « un imbécile », « un idiot »… Nous craignons vraiment de souiller notre papier et notre plume lorsque nous nous voyons dans l’obligation d’énumérer des épithètes aussi grossières, aussi vulgaires et infamantes. » (Ibidem, p. 12.)

 

« Lorsqu’il combat Staline, c’est en vérité contre le régime soviétique et l’État soviétique que se déchaîne Khrouchtchev. Et en la matière, le langage qu’il utilise, loin de le céder à celui de Kautsky, de Trotski, de Tito, de Djilas et d’autres renégats, le dépasse encore en violence. » (Ibidem, p. 15.)

 

« Dans l’article « de la signification politique des injures », Lénine a dit : « … en politique, les injures cachent fréquemment l’absence d’idées et l’impuissance totale, l’impuissance hargneuse des insulteurs. » (Ibidem, p. 16.)

 

En 1963, le PCC va jusqu'à affirmer que :

 

« Le Parti communiste chinois a toujours soutenu que la répudiation totale de Staline par le camarade Khrouchtchev au titre de la "lutte contre le culte de la personnalité" est entièrement erronée, qu'elle a été faite dans des intentions inavouées.» (Ibidem, p. 2.)

 

Ce qui est un mensonge flagrant, puisque lors de la prise de pouvoir par Khrouchtchev, Mao a approuvé cette critique du culte de la personnalité, et avait même souligné la "courageuse autocritique". (Cf. paragraphe II-C-3.)

 

Nous voyons malgré tout que le PCC opère un changement positif dans sa lutte contre le révisionnisme khrouchtchévien en 1963, après avoir abandonné l’idée de constituer un front uni contre l’impérialisme américain comprenant également les révisionnistes, ceux-ci s’étant justement liés à la réaction. Le PTA, s’appuyant sur la thèse léniniste selon laquelle « sans démasquer impitoyablement le révisionnisme, on ne peut combattre l’impérialisme », combattit avec force cette idée de front uni englobant les révisionnistes qui ne pouvait que profiter à la démagogie du groupe révisionniste de Khrouchtchev qui tentait de se poser malgré tout en « anti-impérialiste ». La Chine entra donc en polémique ouverte avec l’URSS.

 

« L'attitude hésitante du Parti communiste chinois dans la lutte contre le révisionnisme est apparue plus nettement en juin 1962. A cette période, le Parti du Travail d'Albanie envoya à Pékin une délégation qui devait s'entretenir avec le Parti communiste chinois sur des questions importantes concernant la tactique et la stratégie de la lutte commune de nos deux partis dans l'arène internationale. La délégation de notre Parti s'est alors heurtée aux points de vue très erronés de la direction chinoise. Liou Chao-chi, qui, à l'époque, était le principal dirigeant du Parti communiste chinois après Mao Tsétoung, et qui conduisit les entretiens du côté chinois, ainsi que Teng Siao-ping, qui était alors secrétaire général du Parti communiste chinois, ont soutenu avec insistance le point de vue de la direction chinoise, selon lequel le front anti-impérialiste devait absolument englober aussi l'Union soviétique, alors dirigée par la clique révisionniste de Nikita Khrouchtchev. La délégation de notre Parti a défendu la ligne du Parti du Travail d'Albanie, qui se fonde sur les enseignements de Lénine, selon lesquels on ne peut combattre avec succès l'impérialisme sans combattre en même temps le révisionnisme. Notre délégation a soutenu avec insistance le point de vue du Parti du Travail d'Albanie selon lequel le front anti-impérialiste, loin de devoir englober les révisionnistes soviétiques, doit au contraire diriger sa lutte simultanément tant contre l'impérialisme en général et l'impérialisme américain en particulier, que contre le révisionnisme soviétique. La direction chinoise motivait la ligne de la réconciliation avec les révisionnistes soviétiques par la nécessité de l'union «avec tous» contre l'impérialisme américain, qui, disait-elle, était l'ennemi principal. Cette thèse opportuniste exprimait, entre autres, les illusions de la direction chinoise à l'égard des chefs de file révisionnistes soviétiques. Teng Siao-ping a déclaré à la délégation du Comité central de notre Parti, lors des entretiens à Pékin : «Il est impossible que Khrouchtchev change et devienne un Tito... L'Union soviétique ne peut jamais cesser d'être un pays socialiste». (Extrait du procès-verbal des entretiens du 11 juin 1962). Le Parti du Travail d'Albanie n'a pas adhéré à ces conceptions ni à la thèse chinoise sur le front unique anti-impérialiste, où seraient inclus aussi les révisionnistes khrouchtchéviens. La direction chinoise, quant à elle, s'est maintenue sur ses positions opportunistes. Le cours des événements postérieurs, la montée de la lutte des forces marxistes-léninistes contre le révisionnisme khrouchtchévien, l'intensification de l'activité scissionniste de Khrouchtchev et surtout la signature du Traité anglo-soviéto-américain, en août 1963, sur l'arrêt des essais nucléaires dans l'atmosphère, qui traduisait les efforts conjoints des deux superpuissances d'établir leur domination dans le monde, ont obligé la direction chinoise à entamer la polémique ouverte avec Khrouchtchev. Ainsi c'est seulement quand la réconciliation et l'accord avec les révisionnistes soviétiques, souhaités par la direction chinoise, n'ont pas été réalisés, que le Parti communiste chinois s'est effectivement engagé dans la voie de l'anti-khrouchtchévisme et s'est rallié à la lutte résolue, conséquente et de principe du Parti du Travail d'Albanie. Le Parti du Travail d'Albanie et le peuple albanais, qui, depuis presque trois ans, avaient affronté seuls les furieuses attaques ouvertes de Khrouchtchev et de tout le révisionnisme moderne, ne pouvaient manquer de s'en réjouir. » (Lettre du C.C. du Parti du Travail d’Albanie et du gouvernement albanais au C.C. du Parti Communiste et au gouvernement chinois, 29 juillet 1978, édition numérique, p. 11-12.)

 

« Les Soviétiques ont rendu aujourd'hui publique une lettre ouverte, une lettre infâme, contenant des attaques des plus manifestes contre la direction chinoise. Les vains espoirs des camarades chinois ont été emportés par le vent. » (Enver Hoxha, 14 juillet 1963 : « Les vains espoirs des camarades chinois ont été emportés par le vent », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 22.)

 

« La lettre des Soviétiques ne contient aucun argument qui, faits à l'appui, réfute, politiquement et théoriquement, les documents chinois. Elle se dérobe aux problèmes clés comme le diable devant l'eau bénite, elle les esquive et combat les thèses chinoises en une langue journalistique des plus banales. Mais cette lettre est très utile en ce qu'elle aide le mouvement communiste à découvrir toujours mieux le vrai visage de ces traîtres et qu'elle encourage les camarades chinois à renforcer encore leur lutte. La manière «indirecte» dont les camarades chinois ont réagi jusqu'ici, était éculée, et cette façon d'user d'expressions comme «parti frère», «un certain dirigeant», «un certain Etat», etc., produisait un mauvais effet. Khrouchtchev a maintenant complètement abattu son jeu. L'heure est venue pour les Chinois de frapper sévèrement ce chien, car c'est la seule manière de venir à bout du banditisme khrouchtchévien. » (Enver Hoxha, 15 juillet 1963 : « Khrouchtchev a abattu son jeu. L’heure est venue de frapper sévèrement ce chien », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 22.)

 

Ce tournant positif de la direction chinoise dans la lutte contre le révisionnisme fut hélas de courte durée, car dès l’été 1964, elle devait s’engager dans une voie profondément anti-marxiste.

 

« Pendant l'été 1964, la propagande chinoise se mit à évoquer des problèmes de la frontière sino-soviétique. Se référant à un entretien de Mao Tsétoung avec un groupe de parlementaires socialistes japonais, elle soutenait que de vastes territoires de centaines de milliers de kilomètres carrés avaient été arrachés à la Chine par les tsars russes, et que l'Union soviétique avait en Europe aussi des problèmes territoriaux engendrés par la Seconde Guerre mondiale. Le Parti du Travail d'Albanie n'a pas approuvé que Mao Tsétoung ait soulevé la question de la révision des frontières. Selon le point de vue de notre Parti, la direction chinoise commettait en cela deux erreurs graves. En premier lieu, soulever la question des frontières à ce moment-là ne contribuait pas à la lutte idéologique contre le khrouchtchévisme. Au contraire, cela fournissait à la direction soviétique une arme puissante qu'elle utiliserait contre la Chine et les marxistes-léninistes, en vue de neutraliser l'effet de leur lutte idéologique pour démasquer la trahison khrouchtchévienne, et de présenter la question comme si cette lutte avait pour mobile une affaire de frontières, de revendications territoriales. D'autre part, en mettant en cause les ajustements effectués après la Seconde Guerre mondiale aux frontières de l'Union soviétique avec certains pays européens, on attaquait injustement J. V. Staline et l'on appuyait l'accusation portée contre lui par la réaction internationale à propos de la «création de zones d'influences». La direction chinoise se conciliait sur ce point avec Tito qui soutenait cette thèse. Toutefois, si celui-ci poussait les hauts cris lorsqu'il s'agissait de réparer les injustices que les puissances victorieuses avaient faites autrefois à la Yougoslavie, il se taisait sur les injustices commises aux dépens d'un autre peuple, mais en faveur de la Yougoslavie. La thèse chinoise sur la révision des frontières n'était pas une question simple. Elle traduisait l'esprit de chauvinisme de grand État et de nationalisme bourgeois, elle instiguait à la guerre en Europe. Le Comité central du Parti du Travail d'Albanie, respectueux des normes léninistes, dans un esprit de parfaite correction et de camaraderie, a ouvertement fait part de ses points de vue sur ces questions au Comité central du Parti communiste chinois et au Président Mao Tsétoung en personne par une lettre en date du 10 septembre 1964. Cette lettre indiquait entre autres : « Nous pensons que soulever actuellement les questions territoriales avec l'Union soviétique causerait un grand tort à notre lutte. Si nous le faisions, nous fournirions à l'ennemi une grande arme pour nous combattre, ce qui paralyserait notre marche en avant. » ; « Les masses du peuple soviétique, sous la pression de la propagande révisionniste de Khrouchtchev, sous l'influence des calomnies et des inventions de Khrouchtchev, et pour beaucoup d'autres raisons encore, ne comprendront pas pourquoi la Chine populaire présente maintenant des revendications territoriales envers l'Union soviétique, elles ne l'accepteront pas, et la propagande soviétique s'emploie à les dresser contre vous. Nous pensons que même les véritables communistes soviétiques ne le comprendront pas et ne l'accepteront pas. Cela constituera une perte colossale pour notre lutte. » ; « ... nous sommes d'avis que nous ne devons pas rouvrir les anciennes plaies, s'il y en a, que nous ne devons pas engager la lutte et la polémique sur le fait que l'Union soviétique a enlevé ou non des territoires à d'autres, mais que nous devons lutter, en concentrant notre combat, uniquement contre la grande plaie de l'impérialisme et du révisionnisme moderne, la grande trahison des groupes félons de Khrouchtchev, Tito et de tous leurs dévots ». Le Comité central du Parti communiste chinois ne répondit pas à la lettre correcte et de principe de notre Parti. La direction chinoise n'a jamais fourni la moindre explication à notre Parti sur cette question de grande importance. Mao Tsétoung s'est borné à une déclaration verbale en disant « nous ne répondrons pas à votre lettre pour ne pas faire de polémique ». Nous estimons que, conformément aux normes léninistes, l'échange de vues, la critique adressée dans un esprit de camaraderie et les explications réciproques sont des pratiques normales entre deux partis communistes. Elles ne constituent nullement une polémique. Malgré l'attitude non correcte de la direction chinoise, notre Parti ne rendit pas publiques ces divergences. Il poursuivit sa lutte révolutionnaire contre l'impérialisme et le révisionnisme côte à côte avec la Chine. » (Lettre du C.C. du Parti du Travail d’Albanie et du gouvernement albanais au C.C. du Parti Communiste et au gouvernement chinois, 29 juillet 1978, édition numérique, p. 12-13.)

 

Outre que cette affaire témoigne de la part de la direction chinoise d’un évident manque de correction envers leur plus fidèle allié, cela souligne également les conceptions chauvines de grand État, ou de grand parti que mettait en pratique la direction chinoise. Mao confond de plus ici nettement deux types de contradictions : d’une part la contradiction interne au camp anti-révisionniste, non antagonique et résultant de la confrontation d’idées et d’échanges de vue afin d'élaborer une tactique commune de lutte, le débat, et d’autre part la contradiction antagonique l’opposant au camp révisionniste, la polémique. C’est là une très grave erreur de jugement qui est encore accentuée par le  fait que la direction chinoise n’a pas ménagé ses efforts pour essayer de renouer avec les traîtres soviétiques, y compris en octobre 1964 au moment de la chute de Khrouchtchev, mais s’est par contre montrée très dédaigneuse vis-à-vis du PTA avec lequel elle a progressivement laissé se dégrader les relations par la suite.

 

« Quelques mois avant la chute de Khrouchtchev, et au point culminant de notre lutte contre celui-ci, les camarades chinois ont envoyé un télégramme au «cher camarade Khrouchtchev» et lui ont souhaité «longue vie». «Cela, ont-ils dit, nous l'avons fait au nom de notre amitié pour les peuples soviétiques, du renforcement de cette amitié». Jolie manière de raffermir l'amitié que de souhaiter longue vie à celui qui a creusé la tombe des peuples soviétiques !! Aujourd'hui les camarades chinois s'empressent de se rendre à Moscou. Pourquoi ? Pour aider les «chers camarades» révisionnistes, les plus étroits collaborateurs du traître, et «à travers eux aider les forces révolutionnaires en Union soviétique», etc., etc. Étranges conceptions !!! Pour nous, marxistes, ces raisonnements ne tiennent pas debout. Derrière cela se cachent d'autres buts, des buts malsains, non marxistes. Ce n'est pas nous qui renversons les dirigeants soviétiques, c'est leur parti et leur peuple qui peuvent le faire ou ne pas le faire. Nos prises de position justes et militantes doivent aider les révolutionnaires soviétiques à adopter de justes décisions. La question se pose : Est-ce que, en aidant avec tant de zèle les révisionnistes, on aide les révolutionnaires soviétiques ?! Se comporter ainsi, c'est ne pas être révolutionnaire. Ou encore, est-ce un geste révolutionnaire, au moment où les ennemis de la révolution subissent une grave défaite, à un moment donc favorable pour la révolution, que de se hâter d'aller tendre la main aux contre-révolutionnaires pour les aider, alors que non seulement ils ne donnent aucun signe d'amendement, mais au contraire déclarent haut et clair qu'ils poursuivront dans la voie de trahison des XXe et XXIIe Congrès ?! Non, c'est une attitude contre-révolutionnaire, anti-marxiste, révisionniste. En fin de compte, on ne vous demande pas, camarades chinois, de vous lancer dans de «grandes attaques», car ces attaques polémiques, vous les avez cessées depuis longtemps, mais ne pouvez-vous pas patienter au moins quelques mois pour voir ce que feraient ces «camarades soviétiques» ?! N'aurait-il pas été juste, légitime et honorable pour votre parti et votre État que ce soient les ennemis vaincus qui demandent à venir à vous, qu'ils soient contraints de le faire ? Tout cela est élémentaire. Pourquoi vous montrez-vous généreux jusqu'à l'opportunisme envers les ennemis, justement maintenant, alors qu'hier encore vous demandiez à l'Union soviétique même «les terres qu'elle vous avait enlevées», et aussi «la Mongolie qu'elle avait arrachée à la Chine», vous donniez raison aux Roumains dans leurs «revendications sur la Bukovine», etc., en disant que «Staline a commis des erreurs sur les frontières», et vous faisiez tout cela, allant même jusqu'à vous réconcilier avec les Roumains, les Polonais, les Allemands et autres révisionnistes du même genre, pour faire pression sur l'Union soviétique et pour l'isoler ? Que sont ces attitudes ? Comment en changez-vous si vite en quelques mois ? Pourquoi vous êtes-vous emportés quand nous vous avons critiqués amicalement pour ces prises de position erronées ? Votre animosité contre nous, parce que nous vous avions dit la vérité, demeure, alors que vos attitudes injustifiées vers «la gauche», vos attitudes sectaires, voire même hostiles à l'égard de l'Union soviétique, ont complètement dévié vers la droite, et vous les qualifiez de marxistes, en même temps que vous nous gardez rancune parce que nous vous disons : «Discutons et ne vous précipitez pas». De toute évidence, les camarades chinois sont dans l'erreur, ils n'ont pas une ligne stable ; on y observe des flottements, tant vers la droite que vers la gauche, et leur politique non plus ne peut avoir une stabilité de principe, marxiste-léniniste. » (Enver Hoxha, 3 novembre 1964 : « Les chinois cherchent à nous imposer leurs vues », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 59-60.)

 

Cette attitude des chinois n’est pas là un cas isolé, elle se reproduira à maintes reprises pour devenir une constante dans les relations entre le PCC et le PTA, particulièrement après la Révolution Culturelle, jusqu’à la rupture finale entre le PCC et le PTA en 1978.

 

Pour en revenir à la lettre adressée par le PTA afin de mettre en garde la direction chinoise des dangers que représentait ces revendications territoriales dans la lutte contre le révisionnisme soviétique, nous pouvons affirmer hautement que lorsque le PTA fit part de ces remarques à la direction chinoise, il fit preuve d’une très grande clairvoyance. A quoi menèrent en effet ces revendications territoriales ? Elles menèrent à ce que Ludo Martens a qualifié d’anti-maoïsme de Brejnev :

 

« Brejnev a développé un "anti-maoïsme" virulent qui était essentiellement une opposition farouche au marxisme-léninisme révolutionnaire. La plupart des partis communistes qui ont suivi l'orientation soviétiques, ont été influencé par cet anti-maoïsme qui a eu, dans l'idéologie soviétique, la même fonction que l'anti-stalinisme. Sous le drapeau de l'anti-maoïsme et de l'anti-stalinisme, toute l'essence révolutionnaire du marxisme-léninisme a été attaqué. » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Ludo Martens explique dans son rapport présenté en 1995 que l’anti-maoïsme résulte essentiellement de l’opposition entre le marxisme-léninisme et le révisionnisme. Certes, la Chine a défendu des thèses marxistes-léninistes contre Brejnev, particulièrement le danger de restauration capitaliste, et Martens souligne très justement le fait que la période de Brejnev fut caractérisée par une campagne anti-maoïste virulente. Mais il n’en donne pas la cause profonde, ce qui l’a rendu possible et lui a donné une grande crédibilité auprès des peuples de l’Union Soviétique, à savoir les positions erronées nationales-chauvines sur lesquelles s’appuyait Mao dans sa « lutte » contre les traites révisionnistes. Cette revendication territoriale des chinois a permis à l’époque à Brejnev d’affirmer que « Mao était un nouvel Hitler » parce qu’il voulait arracher des territoires à l’Union Soviétique. Les revendications nationales-chauvines avancées par la direction chinoise donnèrent des armes à Brejnev pour dénigrer le camp anti-révisionniste : assimilant les dirigeants chinois à des « fascistes rouges », il était ensuite facile à Brejnev de dénoncer à travers les manifestations de la « dictature militaire en Chine », l’ensemble des thèses marxistes-léninistes.

 

« Mao et ses acolytes piétinent sans vergogne les idéaux du socialisme » « en créant un régime dictatorial. » (Pravda, 9 et 12 février 1967) « La Russie est la marche extrême du monde blanc ; la révolution culturelle est le nouveau visage de la barbarie mongole en train de déferler. La Russie a dès lors une vocation sacrificielle : il lui appartient de protéger Vienne, Paris, Rome... Il existe un "plan Mao" de conquête de l'Asie, un projet de Reich asiatique. Nous allons vers une sinisation du monde entier. » (Literatournaya Gazeta du 12 mars et 4 octobre 1967)

 

Ludo Martens dit très justement :

 

« Il est indiscutable qu'à partir de l'année 1967, certains dirigeants soviétiques ont commencé à préparer les esprits à des opérations militaires contre la Chine. Dans le but de renverser la direction de Mao Zedong, les brejnéviens ont lancé des campagnes anti-chinoises qui puisaient explicitement dans le vieil arsenal des théories fascistes sur le "danger jaune" et "le nouveau Djengis Khan, Mao Zedong". Les révisionnistes ne reculaient pas devant les falsifications les plus grossières. Ainsi, ils affirmaient que le prétendu mot d'ordre de Mao: "Le vent souffle de l'Est", annonçait la mise en application d'un grand plan d'expansion chinois visant à avaler tous ses voisins. Or, la phrase de Mao Zedong : "Le vent de l'Est l'emporte sur le vent de l'Ouest", signifie que les forces du socialisme l'emportent désormais sur les forces de l'impérialisme; par conséquence, il faut avoir confiance dans la victoire et ne pas pratiquer une politique de capitulation. Ernst Henry, un commentateur soviétique influent, écrit déjà en 1967: "Le mot d'ordre de Beijing : 'le vent souffle de l'Est', cache un plan concret, un produit de l'esprit des nationalistes chinois, conçu au cours des années cinquante et récemment indiqué en Chine comme 'le grand plan stratégique'.... Le 'grand plan' a une ressemblance frappante avec le fameux plan Tanaka qui a été élaboré par l'état-major japonais et qui envisageait la conquête par étapes de l'Asie. Selon des rapports de la presse mondiale, le grand super-Etat chinois inclura, à part la Chine, aussi la Corée, la République Populaire de Mongolie, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, l'Indonésie, la Malaysie, Birma et quelques autres pays. La seconde phase de la 'tempête venant de l'Est' envisage l'expansion en direction d'autres parties de l'extrême Orient et même du Moyen Orient." (p. 30) "Les fanatiques maoïstes regardent Mao Zedong comme l'héritier direct de Genghis Khan, des empereur grand-Han et chauvin des dynasties des Tang et des Yuan et, sous certains aspects, même de Mohammed.... Il n'est pas nécessaire de prouver que les plans maoïstes sont intenables, ils peuvent être comparés uniquement aux hallucinations raciales de Hitler". (p. 69) » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Mais ne faisant pas état des graves erreurs de la direction chinoise dans cette question, il est incapable de fournir une explication plausible à ce qui a permis aux brejnéviens de se lancer dans de telles campagnes de calomnies. Les revendications territoriales avancées par les chinois, ajoutées au fait qu’ils encouragèrent entre autres les roumains et les polonais dans cette même voie nationale-chauvine, embrouillèrent la polémique avec les révisionnistes soviétiques et n’aidèrent pas les peuples de l’Union Soviétique à prendre conscience de la trahison des révisionnistes khrouchtchéviens, elles causèrent un tord immense à la lutte contre le révisionnisme soviétique.

 

Confronté constamment aux changements de cap et aux erreurs de la direction chinoise, Enver Hoxha remarquait très justement le fait que :

 

« Le Parti communiste chinois a un poids colossal dans [le mouvement communiste international]. Ce poids s'est encore accru à la suite de ses prises de position contre le révisionnisme moderne, mais beaucoup de ses flottements et erreurs dont nous-mêmes avons connaissance, ne sont pas encore connus par d'autres. Le poids de la Chine dans l'arène internationale et son rôle dans le monde sont également considérables. Selon que le Parti communiste chinois s'en tiendra ou non à une ligne juste et ferme, marxiste-léniniste, la révolution avancera ou ralentira, traînera, sera affectée. Mais, en fin de compte, quoi qu'il arrive, la révolution, le marxisme-léninisme triompheront. » (« Nous ne pouvons absolument pas pactiser avec ces vues de Chou En-laï », 31 octobre 1964, Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 56.)

 

Pour caractériser la lutte du PCC contre le révisionnisme en général et le révisionnisme soviétique en particulier, nous pouvons reprendre cette remarque de Ludo Martens qui dit très justement :

 

« Au cours de la période 1965-1976, le Parti communiste chinois a continué à s'opposer au révisionnisme et aux ingérences extérieures du groupe de Brejnev. Mais le Parti communiste chinois, du temps de Mao Zedong, avait déjà commis certaines erreurs d'analyse et de ligne, et après la mort de Mao, une tendance opportuniste s'est fait jour.  Tout cela a rendu la lutte idéologique internationale plus complexe. » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme - Op.cit.)

 

Nous ne détaillerons pas ici toutes les erreurs que la direction du PCC a faites dans la lutte idéologique internationale. Nous en aborderons certaines quand nous traiterons par exemple de la question du soutien à la construction de l’Union Européenne, du rapprochement sino-américain et de la « théorie des trois mondes ». Mais en général, si l'on ausculte la ligne des chinois dans la lutte contre le révisionnisme, il apparaît nettement qu'ils n’ont eu de cesse de se montrer vacillants et ne sont pas arrivés à suivre une ligne nettement définie, ce qui, ajouté au fait qu’ils ont très souvent dédaigné le PTA et refusé les consultations dans leur lutte commune contre le révisionnisme,  nous amène légitimement à la conclusion suivante :

 

« Les camarades chinois se sont-ils mis en tête que toutes les questions du communisme international seront et doivent être résolues par les deux plus grands partis, le Parti communiste de l'Union soviétique et le Parti communiste chinois, et que les autres doivent les suivre la tête basse ? Auparavant, il y avait une baguette de chef d'orchestre, cela ne nous plaisait pas à nous (les Chinois), maintenant, il doit y en avoir deux, mais qui doivent agir à l'unisson. [En français dans le texte.] Auparavant, vous, les Soviétiques avec Staline (poursuivent les Chinois) vous nous traitiez par-dessus la jambe (l'histoire du maître et de l'élève). Staline est mort. Vous, Soviétiques, vous l'avez discrédité, ce qui nous a fait, nous Chinois, concevoir de grandes espérances. Puis vint Khrouchtchev, nous vous avons applaudis, nous nous sommes réjouis, mais Khrouchtchev est devenu un chef d'orchestre à grosse baguette, qui non seulement n'a pas daigné nous admettre (nous Chinois) à la direction du monde, mais qui nous a même frappés avec son bâton. Maintenant Khrouchtchev a été liquidé. On jubile, on oublie tout ce que vous nous avez fait, vous, khrouchtchéviens, pourvu que vous acceptiez que l'on dirige ensemble, vous et nous, Chinois et Soviétiques, et cela vous devez l'accepter vous, les Soviétiques, car Staline s'est trompé, Khrouchtchev s'est trompé, et seul Mao ne s'est pas trompé. Si l'on n'admet pas que moi (le Chinois) je dirige et conduise, il est «légitime», «marxiste-léniniste», que pour le moins nous tombions d'accord pour diriger à deux, et si nous nous entendons entre nous, tout s'arrangera dans ce monde ! Mais comment tout cela s'arrangera-t-il ? Eh bien, nous sommes la conscience du monde. Et le marxisme-léninisme ? C'est nous qui sommes le marxisme-léninisme. Or le marxisme-léninisme ne nous enseigne pas à agir ainsi. Le marxisme-léninisme, qui a brisé de son poing de fer une «baguette de chef d'orchestre», frappera avec la même force l'autre «baguette» et même deux «baguettes» réunies, voire même toute une clique de chefs d'orchestre. » (Enver Hoxha, 3 novembre 1964 : « Les chinois cherchent à nous imposer leurs vues », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 61.)

 

Ce passage préfigure déjà la polémique ouverte qui s’ouvrira après la mort de Mao, lorsque la goutte d’eau versée par la clique ultra-révisionniste de Houa Kouo Feng dans le vase albanais l’aura fait déborder.

 

Avant d’aborder la lutte contre l'impérialisme, nous rappellerons quelques charges mémorables du PTA contre le révisionnisme soviétique qui illustrent parfaitement la lutte sans faille menée par le PTA contre ce dernier, tant du temps de Khrouchtchev, que du temps de Brejnev, et dont il nous faudra nous souvenir quand nous traiterons des accusations portées par Gonzalo contre le PTA.

 

« Brejnev est rentré de son voyage aux États-unis. Ses entretiens avec Nixon ont été fort cordiaux et spectaculaires. Le monde entier en a fait des gorges chaudes : Le cow-boy soviétique a rencontré les «stars d'Hollywood» et les cow-boys de Californie, il a embrassé un acteur spécialisé dans les rôles du «bandit». Très significatif ! Tout aussi significative est l'apparition sur les écrans de la télévision américaine de Brejnev arborant une veste à l'aigle américaine dont lui avait fait cadeau Nixon ! Brejnev a changé de chemise, il a troqué sa veste soviétique contre la veste américaine. Tout cela ne s'explique que d'une manière : il s'est vendu à l'impérialisme américain. Les milliardaires américains avec qui Brejnev a eu un long et cordial entretien, ont été fort satisfaits et l'ont qualifié de «vrai Américain», «qui a dirigé la réunion comme un yankee». Et ne répétons pas ses plaisanteries grotesques, qui ont fait sensation dans le monde entier et n'ont fait que jeter de la boue sur le prestige de l'Union soviétique. Un second clown a succédé au premier : Khrouchtchev a conclu les «fiançailles» entre l'Union soviétique et les États-unis, et il est allé là-bas pour un temps «filer le parfait amour», puis Brejnev s'y est rendu à son tour, il est allé à Camp David et en Californie, pour conclure le «mariage» entre les deux États, pour consommer ce «mariage» entre lui et Nixon. Brejnev a apporté à Nixon dans sa dot les richesses de l'Union soviétique, les terres, la liberté politique, la souveraineté, le prestige de l'Union soviétique, et cela contre une poignée de dollars. (...) Brejnev, sans égard au fait qu'il était le représentant d'un grand pays, s'est rendu à Washington, il a mendié d'une manière abjecte et s'est abaissé au point de rendre minutieusement compte aux sénateurs américains de la question des juifs soviétiques, ressortissants de son État : il leur a dit combien il en avait envoyé à Israël, combien d'autres étaient sur le point de partir, combien il en restait et ce qu'il serait fait d'eux. Et pourquoi a-t-il consenti à ce vil et humiliant scandale ? Pour obtenir des dollars et, avec ces dollars qui dégouttent de sang, acquérir de la technologie avancée américaine et, dans le même temps, trouver auprès des milliardaires américains des marchés pour les richesses du peuple soviétique. Cela est clair et se passe de commentaires. Les «intelligents» diront : «C'est une tactique de l'Union soviétique pour rattraper les États-unis». Comme si l'impérialisme américain était allé au marché pour brader sa puissance, s'affaiblir et renforcer ses adversaires ! Ou encore les «politiciens intelligents et discrets» feront semblant de tout comprendre et ne manqueront pas de dire ouvertement et publiquement : «Les révisionnistes soviétiques sont plus dangereux que les impérialistes américains». Pourquoi faut-il discuter sur la question de savoir qui est le plus dangereux des deux, alors que tous deux sont des ennemis tout aussi féroces des peuples et de leur liberté, de leur indépendance et de leur souveraineté ?! Poser le problème comme le font ces politiciens sans principes et faillis, signifie se ranger du côté du «plus faible», et le plus faible pour eux est l'impérialisme US. Mais celui-ci exploitera l'Union soviétique, il en soutirera des profits fabuleux qui lui serviront à renforcer son empire mondial. D'autre part, l'entrée de capitaux américains en Union soviétique aura pour effet d'éliminer rapidement les moindres vestiges des victoires de la grande Révolution socialiste d'Octobre, elle aura pour effet de désagréger l'Union soviétique en tant qu'union de républiques. C'est là le but de l'impérialisme américain : démanteler l'Union soviétique en tant que dangereuse puissance capitaliste rivale. Les «intelligents» diront : «Cela est difficilement réalisable». Au contraire, cela se réalise facilement lorsque l'autre s'écarte des rails du marxisme-léninisme. Le révisionnisme implique aussi l'exaltation des sentiments nationalistes, et les États-unis souffleront avec zèle sur ce feu. Les «intelligents» diront : «Cela est irréalisable». Mais que disent les faits ? Khrouchtchev a accédé au pouvoir, mais qu'a-t-il apporté avec lui et que s'est-il passé en Union soviétique ? Khrouchtchev est tombé, les Brejnev sont venus, et où en est-on arrivé ? L'Union soviétique a été vendue aux États-unis. Demain leurs successeurs démantèleront aussi l'Union soviétique en tant qu'État. Que les révisionnistes le veuillent ou non, c'est là où conduit leur voie, et l'aide des États-unis et l'alliance avec eux tendent à cet objectif : «diviser pour régner», car il est absurde de penser que l'impérialisme puisse vous aider pour que vous vous renforciez et creusiez sa tombe. » (Enver Hoxha, 15 janvier 1973, Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 26-28.)

 

« Le révisionnisme soviétique a été et demeure le courant le plus dangereux du révisionnisme moderne. Il garde, plus que toute autre variante révisionniste, les masques socialistes et la phraséologie léniniste afin de couvrir la réalité capitaliste actuelle de l’Union soviétique et sa politique extérieure impérialiste et agressive. C'est un révisionnisme qui a pris le pouvoir dans un État qui est en fait une grande puissance et qui dispose d'abondants moyens et possibilités pour exercer son influence dans le monde et agir avec une grande force et dans de multiples directions. De même que les autres courants révisionnistes, le révisionnisme khrouchtchévien a eu son processus d'éclosion et de croissance pour aboutir à sa forme actuelle de révisionnisme total, qui déforme toutes les questions de la théorie marxiste et de la pratique socialiste. En tant que phénomène social, le révisionnisme khrouchtchévien a ses racines et ses causes idéologiques, sociales et historiques. Le Parti du Travail d'Albanie a procédé à une analyse marxiste approfondie de ces causes. Il en a dégagé des conclusions et a adapté une série de mesures pour barrer les accès à l'apparition d'un phénomène régressif similaire dans notre pays. Mais il nous faut nous saisir toujours mieux de ce problème, pour faire en sorte que le révisionnisme ne passe jamais en Albanie. Le groupe Khrouchtchev, dès le début, se fixa pour but principal de liquider la dictature du prolétariat, de saper les bases de la société socialiste, d'engager l'Union soviétique dans la voie capitaliste et d'en faire une superpuissance impérialiste. Maintenant tout le monde voit bien la grande transformation contre-révolutionnaire qui s'est produite en Union soviétique. Il n'y a plus que la bourgeoisie et l'impérialisme qui citent encore ce pays comme étant communiste. Et s'ils présentent l'Union soviétique actuelle capitaliste comme un pays socialiste, c'est pour discréditer le marxisme-léninisme et le socialisme authentique. Le révisionnisme khrouchtchévien est l'idéologie et la politique du capitalisme d'État, lequel domine toute la vie du pays. Le retour de l'Union soviétique au capitalisme devait nécessairement avoir ses particularités, et le régime capitaliste y revêtir des formes propres. Ces particularités et ces formes sont déterminées par le fait que le capitalisme y a été restauré à la suite du renversement du socialisme, comme un processus régressif, au contraire du processus progressif que constitue le passage de l'ordre féodal renversé au capitalisme de type classique. La particularité fondamentale de ce type de capitalisme est qu'on y a préservé beaucoup de formes socialistes en matière de propriété, d'organisation et de direction, mais le contenu en a été radicalement transformé. Aujourd'hui en Union soviétique les moyens de production sont en fait propriété capitaliste d'État ou collective, car ils sont utilisés dans l'intérêt de la nouvelle classe bourgeoise qui a accédé au pouvoir, la classe qui précisément s'approprie le travail des ouvriers et des paysans. Les anciennes lois, traditions et pratiques ont été remplacées par de nouvelles, qui laissent la bureaucratie de l'État et du parti libre d'exprimer et d'appliquer sans obstacle sa propre volonté. Elle a utilisé les nouvelles compétences qu'elle a acquises par suite des réformes économiques, pour assurer et augmenter les revenus et les privilèges des diverses castes dirigeantes, pour conserver le pouvoir et se défendre contre les manifestations de mécontentement et les révoltes de la classe ouvrière et des masses travailleuses. Certes, la propriété d'État demeure et les usines n'ont pas été distribuées à des particuliers, les kolkhozes sont restés des exploitations collectives communes et les banques n'ont pas été remises à des actionnaires, mais la répartition du produit social, sa destination, ont complètement changé. Bien que l'on prétende appliquer le principe de la rémunération selon le travail, en réalité, les divers groupes de la nouvelle bourgeoisie s'approprient la plus-value créée par les ouvriers et les paysans. Cette spoliation à grande échelle est présentée comme un type de stimulant matériel visant soi-disant à encourager l'activité productive, le travail scientifique et la création artistique, etc. En vérité il s'agit là d'une exploitation typiquement capitaliste. Afin de frayer la voie à la restauration du capitalisme, les révisionnistes khrouchtchéviens s'en sont pris aux thèses fondamentales de la théorie marxiste-léniniste sur la production marchande et à l'action de la loi de la valeur sous le socialisme. En théorie et dans la pratique, ils ont identifié la production marchande socialiste avec la production capitaliste et, sur cette base, réformé tout le mécanisme économique. Graduellement, les entreprises économiques, mais aussi bon nombre d'institutions, ont acquis une plus grande indépendance à l'égard du plan d'État. Les directeurs des entreprises et des diverses institutions se sont vu attribuer des droits et des pouvoirs étendus pour diriger et manipuler le production et la répartition, embaucher et licencier des ouvriers, distribuer les bénéfices, etc. Le financement centralisé des entreprises existantes par l'État a été limité et la pratique de l'autofinancement et des crédits étendue. Les révisionnistes soviétiques prétendent que leur économie est dirigée et se développe sur la base de plans élaborés suivant le principe du centralisme démocratique. Or le plan d'État, tel qu'ils le conçoivent en théorie et l'appliquent dans la pratique, n'est ni ne peut être en aucune manière un plan de véritable économie socialiste. En Union soviétique cohabitent le centralisme bureaucratique de type monopoliste et un large libéralisme économique à la base. On cherche à donner l'image d'une direction planifiée de l'économie, alors que dans la pratique on a laissé le champ libre aux lois et aux catégories économiques du mode de production capitaliste. La consommation parasitaire a pris des proportions d'une ampleur sans précédent. Le rapport entre les rémunérations des ouvriers et celles des administrateurs bureaucrates et technocrates de la production, calculé sur la base du salaire nominal, est de plus de 1 à 10, mais si l'on y ajoute les revenus provenant de la distribution des bénéfices et des gratifications de toutes sortes, et autres privilèges sans nombre, cet écart s'accentue encore. Ces différences dans les salaires et dans le niveau de vie sont à peu près analogues à celles qui existent entre les administrateurs bourgeois et les ouvriers dans les pays occidentaux. Étant donné que la rétribution de la valeur de la force de travail se forme, dans une proportion de 35 à 40 pour cent, de manière décentralisée, à travers la distribution des bénéfices, que les normes de rendement du travail ne sont pas uniques ni appliquées de manière centralisée, que le stimulant matériel en faveur de la nouvelle bourgeoisie a la priorité absolue et que l'inflation, surtout en raison de la militarisation de l'économie qui engloutit un tiers du revenu national, ne cesse de croître, la société a, fondamentalement, perdu tout contrôle véritable sur la mesure du travail et de la consommation, ces deux clés essentielles d'une économie socialiste. Ces mesures et une série d'autres de caractère capitaliste, qui ont été tant vantées comme un développement créateur de la théorie et de la pratique économiques marxistes-léninistes, avaient pour but de saper les bases de l'économie socialiste et elles y sont parvenues. Les conséquences de ce cours apparaissent dans la vie quotidienne du peuple soviétique. Les articles de première nécessité manquent sur le marché, l'inflation, le chômage, la fluctuation de la force de travail se sont aggravés, on constate une hausse déclarée et non déclarée des prix des diverses marchandises. Le secteur privé de l'économie s'est étendu, les portes ont été ouvertes au capital monopoliste étranger, et l'on voit fleurir le marché noir, les spéculations, les abus, les pots-de-vin et les fraudes. La réalité soviétique actuelle témoigne que ce processus ne va pas vers «la suppression des distinctions de classe» et «la création d'une nouvelle unité sociale», comme le proclament les révisionnistes khrouchtchéviens-brejnéviens, mais vers une profonde différenciation sociale entre la nouvelle classe bourgeoise, composée de la couche des bureaucrates et des technocrates, et les larges masses travailleuses, qui se trouvent dans la situation d'une force simplement productive. Le fossé entre elles va constamment s'approfondissant à mesure que s'élève le degré d'exploitation des travailleurs et que s'accroissent les avantages de la bourgeoisie. Cette situation a engendré toute une idéologie et une politique, qui s'attachent à justifier et à défendre ce nouveau système d'exploitation capitaliste. Le pouvoir des soviets n'est plus des soviets, des ouvriers et des paysans. Il s'est détaché d'eux et est devenu une force distincte, qui leur est étrangère. Sur le plan de la forme également, les révisionnistes khrouchtchéviens ont déclaré la dictature du prolétariat liquidée. Ils ont baptisé l'État, État du peuple tout entier, justement pour masquer le fait qu'il n'est plus effectivement du peuple, mais une dictature de la nouvelle bourgeoisie soviétique. Son caractère capitaliste apparaît clairement dans toute sa politique intérieure et extérieure, qui sert les intérêts de la classe bourgeoise au pouvoir. L'État soviétique, qui dispose des principaux moyens de production et dirige toute l'économie, s'est transformé en un représentant et un défenseur des intérêts de la classe dominante. Pour garder leurs masques socialistes et «prouver» que l'Union soviétique est un pays socialiste, les révisionnistes soviétiques déclarent qu'il n'y a chez eux qu'un seul parti, le parti communiste, et que son rôle dirigeant est sanctionné par la Constitution. Le fait qu'un parti dirigeant est unique et que son pouvoir sans partage est reconnu par la loi, ne le rend pas communiste. Dans beaucoup de pays bourgeois il n'y a qu'un seul parti dominant. Le caractère d'un parti politique n'est pas défini par sa position dans l'État. Il est déterminé en premier lieu par la classe à laquelle il appartient et les forces qu'il sert, par l'idéologie sur laquelle il se guide et la politique qu'il poursuit. Le Parti communiste de l'Union soviétique est actuellement le représentant direct de la classe bourgeoise au pouvoir, c'est au nom de celle-ci qu'il exerce le pouvoir, qu'il sert le développement et le renforcement de l'ordre capitaliste restauré. Il n'a de communiste que le nom. L'appellation de communiste que ce parti a conservée et les quelques phrases marxistes et mots d'ordre socialistes qu'il invoque ont un caractère hypocrite et purement démagogique. Cela fait partie de sa propagande trompeuse, qui vise à maintenir les masses dans les ténèbres, à leur faire croire qu'elles vivent en régime socialiste, et non pas dans une société capitaliste d'oppression et d'exploitation. Par tradition, pour se camoufler ou par simple inertie, beaucoup de partis ont gardé les appellations de «démocratique», «populaire», «socialiste», etc., alors que ce sont des partis typiquement bourgeois et réactionnaires. La politique révisionniste et capitaliste qui est appliquée en Union soviétique a ranimé les anciens démons de l'empire tsariste, comme l'oppression nationale, l'antisémitisme, le racisme slave, le mysticisme religieux orthodoxe, le culte des castes militaires, l'aristocratisme de l'intelligentsia, le tchinovnisme [Du russe tchinovnik, fonctionnaire bureaucrate de la Russie tsariste.] bureaucratique, etc. Les théories des révisionnistes soviétiques sur la prétendue création d'une «nouvelle communauté historique», du «peuple soviétique unique» ont été inventées précisément pour dissimuler cette réalité pleine de profondes contradictions sociales, de classe et nationales. La force dominante aujourd'hui en Union soviétique est l'armée. La militarisation effrénée de la vie du pays, la lourde charge des dépenses militaires, qui ont atteint des chiffres astronomiques et ébranlent toujours plus l'économie soviétique, en déforment le développement, appauvrissent le peuple. La restauration du capitalisme dans le pays ne pouvait pas ne pas conduire à un grand versement dans la sphère des relations internationales et de la politique extérieure du Parti communiste et de l'État soviétiques. Le révisionnisme khrouchtchévien s'est converti graduellement en une idéologie et une politique de nouvelle superpuissance impérialiste, qui justifient et soutiennent l’expansion, l'agression et les guerres pour instaurer sa domination sur le monde. C'est cette idéologie et cette politique qui ont engendré les théories tristement célèbres de la «souveraineté limitée», de la «division internationale du travail», de l'«intégration économique, politique et militaire» des pays de la prétendue communauté socialiste, théories qui ont mis un carcan à ces pays et en ont fait des États vassaux. Ces relations, Brejnev, au XXVIe Congrès du PCUS, les a qualifiées de «relations entre peuples», pour dépouiller ainsi ces pays de toute identité nationale et étatique. Afin d'atteindre ses objectifs expansionnistes et néo-colonialistes, le social-impérialisme soviétique a créé une théorie selon laquelle aucun pays ne peut se libérer et se défendre contre l'impérialisme ni se développer de manière indépendante sans l'aide et la tutelle soviétiques. Il spécule sur le slogan de l'«aide internationaliste» pour entreprendre des agressions et piller les richesses des autres pays. Toute la politique extérieure expansionniste, hégémoniste et agressive de l'Union soviétique social-impérialiste est une preuve et un témoignage de plus du fait que l'ordre soviétique est un ordre capitaliste, car seul un tel ordre peut poursuivre une pareille politique dans l'arène internationale. Comme l'a dit Lénine, la politique extérieure est le prolongement de la politique intérieure et toutes deux ensemble sont l'expression concentrée des rapports économiques existant dans un pays donné. Les masques socialistes et communistes que les révisionnistes soviétiques s'efforcent encore de conserver, leur sont déchirés chaque jour par leur réalité capitaliste et par la politique social-impérialiste qu'ils poursuivent. Quant au temps qu'il faudra pour que prenne fin cette grande mystification du peuple soviétique, qui croit vivre en régime socialiste, pour que la classe ouvrière soviétique cesse de se bercer d'illusions, cela dépend de beaucoup de facteurs, intérieurs et extérieurs. Les événements de Pologne sont annonciateurs des situations qui attendent les pays où règne le révisionnisme khrouchtchévien. Le fait est qu'en Pologne a éclaté un conflit de classes entre les travailleurs et la classe bourgeoise au pouvoir, représentée par le parti révisionniste. Indépendamment du fait qu'elle a été manipulée par les forces de droite, la révolte de la classe ouvrière polonaise atteste bien que celle-ci a pris conscience de sa position de classe opprimée et exploitée, que le pouvoir existant en Pologne appartient à une classe antagoniste de la classe ouvrière, que le socialisme y a été trahi. Après la Pologne à qui le tour ? Les processus de différenciation de classe couvent dans tous les pays révisionnistes. Les conflits de classe se durcissent rapidement. Et à cet égard l'Union soviétique elle-même, bien qu'elle semble le plus stable d'entre eux, ne fait pas exception. Les plaies qu'y a ouvertes la restauration du capitalisme ne peuvent être guéries que par le renversement du révisionnisme et la restauration du socialisme. » (Enver Hoxha Rapport d’activité du comité central du Parti du Travail d’Albanie, Présenté au VIIIe Congrès du PTA le 1er novembre 1981, édition numérique, p.82-86.)

 

Nous allons maintenant aborder la question de la lutte contre l'impérialisme en général, et l'impérialisme américain en particulier.

 

III – Le PCC et le PTA face à l’impérialisme

 

A). La lutte contre l’impérialisme américain

 

La position face à l'impérialisme est capitale dans la question de la révolution. La question de la guerre et de la paix à l'époque impérialiste avait subi une grave déformation par Kautsky. Selon Kautsky l'époque impérialiste offre la possibilité d'ententes impérialistes résolument pacifiques qui assureraient la sauvegarde de la paix ... et l'exploitations "pacifique" et coordonnée des colonies entre puissances impérialistes "amies". (Il faut souligner le fait que les thèses kautskistes ont été reprises aujourd'hui sous une forme à peine modifiée par les idéologues de l'alter-mondialisme.) Lénine avait montré l'inconsistance de cette « ultra-niaiserie » de Kautsky dans son ouvrage L'impérialisme, stade suprême du capitalisme. Lénine opposait à cette "thèse" kautskiste qui trouva un large écho auprès de la bourgeoisie, le fait que les impérialistes peuvent contracter des alliances, mais que ces alliance ne pouvaient être que provisoires. Un premier exemple de la véracité de la thèse léniniste a été fourni par la première guerre mondiale qui a précipité des millions d'hommes dans les charniers des tranchées pour savoir quel monopoleur dicterait sa loi et arracherait ses colonies à son ennemi. Depuis, la faillite de la SDN et la seconde guerre mondiale qui a éclaté initialement entre nations impérialistes est encore venue confirmer cette thèse léniniste selon laquelle les guerres sont inévitables aussi longtemps que subsistera le régime capitaliste. Après la mort de Staline, Khrouchtchev a résolument tendu la main à l'impérialisme américain en déclarant qu'ils voulait « être amis » avec lui. Khrouchtchev a affirmé que s'ouvrait une ère de coexistence pacifique (en clair que la politique de désagrégation du front impérialiste mise en oeuvre par Staline était dépassée et l'ère des révolutions close)... Il réhabilitait par la même les conceptions de Kautsky, le chef de l'internationale jaune ! A Moscou, les thèses kautskistes furent combattues et n'arrivèrent pas à s'imposer, c'est Khrouchtchev qui les colporta par la suite en violant de la déclaration de Moscou.

 

Le PCC mena une lutte correcte contre l'impérialisme américain, tout au moins jusqu'au début des années 70. Là où les révisionnistes titistes et khrouchtchéviens, eux, avaient trahi et s'embrassaient avec les impérialistes dans le dos des peuples, la Chine, elle, semblait rester fidèle au marxisme-léninisme. C'était là assurément l'un des éléments fondamentaux qui liait la petite Albanie socialiste d'Enver Hoxha à la grande Chine populaire de Mao Zedong.

 

« Provocation de troubles, échec, nouvelle provocation, nouvel échec, et cela jusqu'à leur ruine — telle est la logique des impérialistes et de tous les réactionnaires du monde à l'égard de la cause du peuple ; et jamais ils n'iront contre cette logique. C'est là une loi marxiste. Quand nous disons : «l'impérialisme est féroce», nous entendons que sa nature ne changera pas, et que les impérialistes ne voudront jamais poser leur coutelas de boucher, ni ne deviendront jamais des bouddhas, et cela jusqu'à leur ruine. Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu'à la victoire — telle est la logique du peuple, et lui non plus, il n'ira jamais contre cette logique. C'est encore une loi marxiste. La révolution du peuple russe a suivi cette loi, il en est de même de la révolution du peuple chinois. » («Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte», 14 août 1949, Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV. , Citations du président, édition numérique, p. 13.)

 

« Un proverbe chinois qualifie l'action de certains sots en disant qu'«ils soulèvent une pierre pour se la laisser retomber sur les pieds». Les réactionnaires de tous les pays sont justement de ces sots. Les répressions de toutes sortes qu'ils exercent contre le peuple révolutionnaire ne peuvent finalement que le pousser à étendre et à intensifier la révolution. Les diverses répressions auxquelles se sont livrés le tsar et Tchiang Kaï-chek n'ont-elles pas justement joué ce rôle de stimulant dans les grandes révolutions russe et chinoise ? » («Intervention à la réunion du Soviet suprême de l'U.R.S.S. pour la célébration du 40e anniversaire de la Grande Révolution socialiste d'Octobre», 6 novembre 1957, Citations du président, édition numérique, p. 14.)

 

« Dans la vaine tentative de se repartager le monde, l'impérialisme américain et le révisionnisme soviétique collaborent tout en se disputant. Dans la guerre d'agression qu'il mène au Vietnam, l'impérialisme américain bénéficie de l'approbation tacite et du soutien du révisionnisme soviétique ; quant à la clique des renégats révisionnistes soviétiques, elle a obtenu l'accord tacite et le soutien de l'impérialisme américain lorsqu'elle a ostensiblement envoyé des troupes occuper la Tchécoslovaquie. Cette sordide transaction politique se dévoile complètement aux yeux des peuples du monde entier. Leurs actes d'agression sans fard ont exacerbé les contradictions internes du bloc impérialiste et du bloc révisionniste et hâté l'éveil des masses populaires opprimées aux États-unis, pays impérialiste, et en Union soviétique, pays révisionniste ; en même temps, ils provoquent un nouvel et extraordinaire essor dans la lutte que tous les prolétaires et tous les peuples engagent contre l'impérialisme américain et le révisionnisme soviétique. Quelles que soient les vicissitudes à affronter dans cette lutte et quelles que soient les ordures que l'impérialisme américain et le révisionnisme soviétique puissent rassembler pour échafauder, de toutes pièces, une "Sainte-Alliance" antichinoise et contre-révolutionnaire, ces derniers ne font que "soulever une pierre pour se la laisser retomber sur les pieds". » (Communiqué de la douzième session plénière élargie du Comité Central issu du VIIIe congrès du Parti Communiste chinois, Adopté le 31 octobre 1968, La grande révolution culturelle prolétarienne, Recueil de documents importants, édition numérique, p. 39.)

 

« L'impérialisme américain s'évertue à trouver une issue par le déclenchement d'une guerre mondiale. Il nous faut prendre cela au sérieux. Le foyer de la lutte à l'heure actuelle se trouve au Vietnam. Toutes nos dispositions sont prises. Prêts à consentir les plus grands sacrifices nationaux, nous sommes résolus à soutenir fermement le peuple frère vietnamien, dans son combat jusqu'à la victoire totale dans la guerre de résistance contre l'agression américaine et pour le salut de la patrie. Les impérialistes, avec les États-unis à leur tête, et les révisionnistes modernes, ayant pour centre la direction du Parti communiste de l'Union soviétique, agissent en collusion et s'emploient à manigancer de frauduleuses négociations de paix ; leur but est d'étouffer les flammes rugissantes de la guerre révolutionnaire nationale menée par le peuple vietnamien contre l'impérialisme américain, les flammes rugissantes des luttes révolutionnaires nationales des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, et celles de la révolution mondiale. Leur complot n'aura aucune chance de succès, si les yeux des peuples du monde se dessillent. Il y a vingt ans, le président Mao a dit que les peuples du monde entier devaient former un front uni contre l'impérialisme américain pour vaincre ce dernier. C'est sur cette voie qu'avancent aujourd'hui les peuples révolutionnaires du monde. Le président Mao a dit : "Que les peuples du monde entier n'écoutent que leur courage, qu'ils osent livrer combat, qu'ils bravent les difficultés, qu'ils avancent par vagues successives, et le monde entier leur appartiendra. Les monstres seront tous anéantis." C'est cela l'avenir du monde, indubitablement. Le peuple chinois continuera de porter haut levés le drapeau du marxisme-léninisme et celui de l'internationalisme prolétarien et, de concert avec les marxistes-léninistes du monde et les peuples révolutionnaires de tous les pays, mènera jusqu'au bout et la lutte contre l'impérialisme américain et ses laquais et la lutte contre le révisionnisme moderne ayant la direction du P.C.U.S. pour centre. » (Discours du camarade Lin Piao au rassemblement en l'honneur du 17e anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine, 1er octobre 1966, La grande révolution culturelle prolétarienne, Recueil de documents importants, édition numérique, p. 56.)

 

« Au cours de ces vingt années, la situation internationale a connu de très profonds changements. Le mouvement révolutionnaire des peuples des différents pays a pris un essor sans précédent, alors que l'impérialisme américain et le social-impérialisme n'ont jamais été si isolés. Des difficultés tant intérieures qu'extérieures les assaillent, pour se tirer de cette situation, ils collaborent tout en se disputant, se livrent à la course aux armements et aux préparatifs de guerre, cherchent de façon insensée à fomenter une guerre d'agression contre la Chine et pratiquent ostensiblement le chantage nucléaire à l'égard de notre pays. Pour ce qui est des relations entre les États, nous nous en sommes toujours tenus aux cinq principes de la coexistence pacifique. Ainsi se définit notre position : Si on ne nous attaque pas, nous n'attaquerons pas, mais si on nous attaque, nous contre-attaquerons. Le peuple du pays tout entier doit redoubler de vigilance, intensifier les préparatifs en prévision d'une guerre et être constamment prêt à anéantir tout ennemi qui oserait venir nous attaquer. Nous libérerons Taïwan. Nous lançons à l'impérialisme américain et au social-impérialisme cet avertissement : L'héroïque peuple et la vaillante Armée populaire de libération de Chine, nourris de la pensée-maotsétoung, sont invincibles. Si vous imposez envers et contre tout la guerre au peuple chinois, nous vous tiendrons compagnie et résisterons fermement jusqu'au bout ! Vous trouverez partout votre tombe sur les vastes étendues de notre territoire ! Indéfectiblement fidèles à l'internationalisme prolétarien, nous soutenons fermement l'héroïque peuple albanais dans sa lutte contre l'impérialisme et le révisionnisme ; nous soutenons fermement l'héroïque peuple vietnamien dans la poursuite de sa guerre de résistance jusqu'au bout à l'agression américaine, pour le salut national ; nous soutenons fermement le peuple du Laos dans sa juste lutte contre l'intrusion perpétrée par l'impérialisme américain et la réaction thaïlandaise; nous soutenons fermement le peuple palestinien et les autres peuples arabes dans leur juste lutte contre l'impérialisme américain et le sionisme ; nous soutenons fermement la lutte révolutionnaire de tous les peuples et nations opprimés des cinq continents ! » (Discours du vice-président Lin Piao prononcé au meeting pour le 20e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, 1er octobre 1969, La grande révolution culturelle prolétarienne, Recueil de documents importants, édition numérique, p. 68.)

 

Dans le lutte contre l'impérialisme, le PTA était également à l'avant-garde :

 

« L'impérialisme mondial, avec à sa tète son détachement le plus agressif : l'impérialisme américain, oriente son économie vers la préparation de la guerre. Il s'arme jusqu'aux dents. L'impérialisme américain équipe l'Allemagne de Bonn, le Japon et tous ses alliés et satellites de toutes les armes existantes. Il développe ses organisations militaires d'agression. Il crée sans cesse des bases militaires aux quatre coins du monde pour encercler le camp socialiste. Il augmente ses stocks d'engins atomiques. Il refuse de désarmer et de mettre fin aux essais de bombes nucléaires. Il travaille fébrilement à essayer d'inventer de nouveaux moyens d'extermination massive. Est-ce pour préparer une partie de plaisir ? Ou pour nous faire la guerre, pour anéantir le socialisme, pour asservir les peuples ? (...). » (Enver Hoxha face au révisionnisme, Discours prononcé le 16 novembre 1960 lors de la réunion des 81 partis communistes et ouvriers à Moscou, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Edition numérique, p.59.)

 

« Le monde ne cesse de se heurter aux visées agressives et expansionnistes de l'impérialisme américain. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à ce jour, l'impérialisme américain a mené une politique et une activité criminelles contre le communisme, la liberté et l'indépendance des peuples. C'est lui qui déclencha l'agression barbare en Corée, au Vietnam et qui y a perpétré des crimes des plus odieux qu'ait connus l'humanité. C'est lui qui est intervenu au Congo, qui a étouffé la révolution dominicaine, qui a porté la guerre au Laos et au Cambodge, qui a mis le feu au Proche-Orient et organisé le putsch fasciste au Chili et en Argentine. L'impérialisme américain, en impérialisme qu'il est, a planté ses griffes sur tous les continents, et il renforce partout ses positions de toutes les manières, par des «aides», des crédits asservissants, des accords et des traités de tout genre, des bases militaires qui ont été étendues dans de nombreux pays, des interventions brutales dans les affaires intérieures des autres pays et jusqu'aux agressions armées. Ce sont là autant de traits odieux du féroce impérialisme américain. Les multiples compromis et concessions sans principe des khrouchtchéviens ne l'ont ni adouci, ni assagi. Il demeure la citadelle politique et économique du système capitaliste d'exploitation, le grand défenseur du colonialisme et du néo-colonialisme, l'inspirateur du racisme et le plus grand gendarme de la réaction internationale. Notre Parti s'en tient constamment à la conception que l'impérialisme américain est agressif et qu'il le demeurera même s'il ne lui reste qu'une seule dent. Par suite des luttes révolutionnaires et de libération, de la dégénérescence continue et des contradictions intérieures inconciliables qui le rongent, l'impérialisme mondial a perdu beaucoup de ses positions. Qu'il nous suffise de citer la désagrégation du système colonial et l'accession de nombreux pays à l'indépendance. Et à l'avenir il en perdra bien d'autres. Mais dans le même temps, l'impérialisme, et en particulier l'impérialisme américain, redoublera d'efforts pour reconquérir les positions perdues et pour en occuper de nouvelles. C'est là la dialectique du développement et du déclin de l'impérialisme. Aussi aujourd'hui comme par le passé, la lutte conséquente et continue pour dénoncer la politique de l'impérialisme, l'impérialisme américain en tête, et anéantir ses plans agressifs, constitue une condition indispensable pour défendre la liberté et le socialisme, pour assurer la victoire de la révolution et la libération des peuples. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.8-9.)

 

« Nous croyons fermement que les peuples arabes se libéreront complètement du joug du capital étranger et des impérialistes sanguinaires et qu'ils remporteront la victoire dans leur juste lutte contre les agresseurs israéliens. Nous soutiendrons avec force et détermination la juste cause des peuples arabes, leur lutte pour repousser l'agression impérialiste-sioniste, pour libérer leurs territoires occupés et pour déjouer les complots de l'impérialisme américain et du social-impérialisme soviétique. Notre peuple et notre pays appuient la juste lutte que mène le peuple palestinien pour conquérir ses droits nationaux et regagner ses foyers qui lui ont été enlevés par Israël, instrument de l'impérialisme américain. Nous entretenons des liens avec l'Organisation pour la libération de la Palestine, et nous la soutenons. Nous souhaitons qu'entre les peuples arabes s'établisse une puissante unité de combat, qui est la base sûre de leur victoire sur les ennemis sionistes et impérialistes. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.27.)

 

Dans la lutte contre l'impérialisme, et particulièrement l'impérialisme américain, il faut distinguer trois périodes distinctes concernant la politique de la République Populaire de Chine sous Mao :  1° la période 1949-1963 caractérisée par lutte en alliance avec l'URSS contre l'impérialisme américain ; 2° la période 1965-1970 de lutte sur deux fronts : à la fois contre l'impérialisme américain et contre le révisionnisme khrouchtchévien ; 3° la période 1971-1977 de rapprochement avec l'impérialisme américain, au nom de la lutte contre le social-impérialisme soviétique.

 

C'est durant la période 1965-1970 que la Chine choisit résolument la lutte sur les deux front, optant apparemment pour la ligne léniniste selon laquelle on ne peut combattre l'impérialisme sans combattre le révisionnisme. Le révisionnisme à combattre était ici d'autant plus dangereux qu'il était au pouvoir à la tête d'un pays puissant et qu'il était entré en collusion avec l'impérialisme américain.

 

Cette période correspond à celle de la révolution culturelle (1966-1969) qui amena Lin Piao à la fonction de vice-président. Pour comprendre cette période, il est nécessaire de revenir un peu en arrière.

 

Passons donc à un petit récapitulatif historique qui va nous permettre d'apprécier la situation économique sociale et politique en Chine depuis 1953, ce qui nous aidera à comprendre les revirements qui se sont passés.

 

En 1953 fut lancé le premier plan quinquennal chinois (1953-1957) sur le modèle soviétique, cependant, Mao, dans son Discours sur les dix grandes relations d'avril 1956 (cf. paragraphe IV), profita de la voie ouverte par Khrouchtchev pour rejeter l'industrialisation soviétique. Il déclancha la campagne des Cent fleurs en 1957 permettant aux intellectuels de critiquer le système (campagne à laquelle il dut rapidement mettre un terme tant les critiques fusaient de partout), puis lança le mot d'ordre du Grand bond en avant en 1958. Ce grand bond en avant consistait en la collectivisation des campagnes, la base de collectivisation étant la commune populaire. Dans ce problème ardu, Mao se montra très subjectif et crût pouvoir passer directement au stade de la commune sans passer par l'artel, le tout sans une industrialisation poussée de l'agriculture. Mao ne tint pas compte ici de la très riche expérience soviétique acquise par l'URSS sous Staline dans les années 30. Staline avait du avant tout fournir une base industrielle au pays par le relèvement de l'industrie au milieu des années 20, puis le premier plan quinquennal de 1928-1932. La base industrielle une fois acquise, l'industrie avait permis de fournir les machines nécessaires à la collectivisation des campagnes sur la base d'une technique avancée. En 1934, la grande majorité des paysans pauvres et moyens avaient rejoint les kolkhozes sur la base de la collectivisation par artel, c'est à dire des principaux moyens de production (stade intermédiaire nécessaire avant d'envisager la commune qui nécessitait un très haut niveau de développement des forces productives) et l'URSS disposait de l'agriculture la plus avancée au monde. Il faut également noter que les révisionnistes soviétiques eurent beaucoup de mal à démanteler les kolkhozes construits sous Staline. En Chine, par contre, la collectivisation ne se fit pas sur la base d'une technique véritablement nouvelle, et les communes populaires restaient fragiles, car basées sur une technique arriérée ; elles  ne furent d'ailleurs pas institutionnalisées, ce qui permit aux ultra-révisionnistes de les démanteler très rapidement après la mort de Mao. (Cf. La famine du Grand Bond, la révolution culturelle et la réforme rurale après Mao : Les leçons du développement rural dans la Chine contemporaine, par Han Dongping, 1er avril 2003). Le grand bond en avant se solda par un échec cuisant qui donna le prétexte à la bourgeoisie occidentale pour se lancer dans l'une de ses habituelles campagnes de calomnies.

 

Cet échec jeta également Mao en disgrâce, qui bien que restant à la tête du PCC, devait quitter la direction de l'État, ce qui permit à Liu Shao Chi et Deng Xiaoping de prendre les rênes du pays (la déviation de droite avait été alimentée par l'échec des plans gauchistes de Mao). Liu Shao Chi et Deng Xiaoping engagèrent des "réformes" mettant l'accent sur le développement de l'industrie légère et autorisant largement le développement du marché privé, réformes qui faisaient effectivement d'eux les représentants de « la bourgeoisie infiltrée dans le parti » et justifia pleinement leur appellation ultérieure de Khrouchtchev chinois n°1 et n°2 durant la révolution culturelle.

 

Début 1966, alors que la situation internationale, notamment avec l'URSS se dégradait et prenait une tournure de plus en plus hostile, Mao comprit le fait que la bourgeoisie en Chine était en train de reprendre le pouvoir et de restaurer le capitalisme, avec l'aide de la bande des quatre, et particulièrement Lin Piao, il lança la révolution culturelle avec le mot d'ordre "feu sur le quartier général" de la bourgeoisie, visant à reprendre le pouvoir des mains des droitiers. La bande des quatre et Lin Piao appartenaient à la fraction de gauche du Parti et aidèrent Mao à récupérer la direction de l'État.

 

« Indépendamment des contradictions qui étaient apparues entre nous, le Parti du Travail d'Albanie, tenant compte des situations difficiles que traversait la Chine et désirant sincèrement aider le Parti communiste et le peuple chinois à les surmonter, continua de soutenir la Chine avec détermination surtout dans les questions politiques et idéologiques sur lesquelles nos points de vue concordaient. Notre Parti appuya la Révolution culturelle à la demande de Mao Tsétoung lui-même, qui déclara à notre Parti que la Chine avait à faire face à un danger colossal et que l'on ne savait pas qui, des forces socialistes ou révisionnistes, allait l'emporter en Chine. (Extrait du procès-verbal d'un entretien avec la délégation du Parti et du Gouvernement albanais en mai 1966). Le Parti du Travail d'Albanie aida la Chine à une période très critique, alors qu'elle connaissait de grandes secousses et était férocement attaquée par le front uni impérialiste-révisionniste. Il appuya la ligne générale de la Révolution culturelle pour la liquidation des éléments capitalistes et révisionnistes qui s'étaient emparés des positions clés dans le parti et le pouvoir, bien qu'il ne fût pas d'accord sur nombre de questions de principe qui étaient à la base de cette révolution et sur les méthodes qui y furent employées. En soutenant la Révolution culturelle, notre Parti espérait qu'elle trouverait la voie de la véritable lutte révolutionnaire, guidée par la classe ouvrière et son avant-garde, le Parti communiste. Toute la période de la Grande Révolution culturelle était une période très difficile pour le socialisme en Chine et il s'y créa une situation compliquée et chaotique. Cette situation était le résultat logique des luttes fractionnistes qui ont eu lieu, contrairement aux principes, au sein du Parti communiste chinois au cours, de la période de la lutte pour le développement de la révolution démocratique-bourgeoise et, après 1949, sur la voie que la Chine devait suivre dans le développement ultérieur de la révolution. Les grandes idées de la Grande Révolution socialiste d'Octobre et l'idéologie marxiste-léniniste ne devinrent pas, comme elles auraient dû le devenir, pour le Parti communiste chinois, un exemple, une boussole, l'axe de son action dans les conditions concrètes de la Chine. Il en est résulté que même le noyau marxiste-léniniste du Parti a été poussé à un éclectisme dangereux, qui a suscité une lutte chaotique effrénée de fractions, de personnes, et de groupes aux diverses conceptions non marxistes-léninistes sur le pouvoir, ce qui entrava sérieusement la construction des bases du socialisme en Chine. Ce chaos politique, idéologique et organisationnel du Parti communiste et de l'État chinois eut pour effet que des éléments capitalistes et révisionnistes s'emparèrent des positions clés dans le Parti, dans le pouvoir et dans l'armée. C'est dans ces conditions qu'éclata la Révolution culturelle, inspirée et guidée par Mao Tsétoung lui-même. Le Parti du Travail d'Albanie appuya la stratégie générale de la Révolution culturelle. Mais nous tenons à souligner que notre Parti a soutenu la stratégie de cette révolution et non pas chacune de ses tactiques. Il défendit fermement la cause du socialisme en Chine, il défendit le peuple chinois frère, le Parti communiste chinois et la révolution, mais il ne soutint nullement la lutte fractionniste des groupes antimarxistes, quels qu'ils fussent, qui s'affrontaient et s'empoignaient entre eux, même par les armes, de façon ouverte ou masquée pour reprendre le pouvoir. La Révolution culturelle, dans la plupart des cas, dans son esprit comme dans son action, se développa comme une lutte non conforme aux principes, qui n'était pas conduite par un véritable parti de la classe ouvrière, qui combattait pour l'instauration de la dictature du prolétariat. Ces affrontements entre groupes fractionnistes se terminèrent ainsi en Chine par l'instauration d'un pouvoir aux mains d'éléments bourgeois et révisionnistes. La direction chinoise actuelle s'est efforcée et s'efforce d'amener le Parti du Travail d'Albanie à condamner la Révolution culturelle pour des mobiles qui lui sont propres et selon ses propres voeux. Le Parti du Travail d'Albanie n'acceptera jamais ce diktat. Notre Parti et tous les révolutionnaires dans le monde attendent que le Parti communiste chinois fasse une véritable analyse de cette Révolution culturelle, qu'il ait le courage de dire la vérité sur les idées qui ont guidé cette révolution, sur les groupes et les gens qui l'ont faite et qui l'ont conduite, sur ceux contre lesquels cette révolution était dirigée, et d'adopter des attitudes bien nettes sur ces questions. La direction du Parti communiste chinois n'en a rien fait, car elle est effrayée à l'idée de la véritable interprétation marxiste-léniniste qui peut être donnée des faits. »(Lettre du C.C. du Parti du Travail d’Albanie et du gouvernement albanais au C.C. du Parti Communiste et au gouvernement chinois, 29 juillet 1978, édition numérique, p. 15-16.)

 

Lin Piao, maréchal depuis 1955, participa activement à la révolution culturelle et remplaça Liou Shao Chi en 1969. Mais Lin Piao ne restera pas longtemps à ce poste. En effet, si Mao avait eu besoin de l'aide de la fraction de gauche pour écarter les droitiers durant la révolution culturelle, les évènements de l'été 1968 en Tchécoslovaquie (consécutifs aux menées de la clique titiste de Dubček, partisan du « socialisme à visage humain »), et plus particulièrement encore les affrontements de 1969 le long de la frontière sino-soviétique en Mandchourie, vont amener Pékin à réorienter sa stratégie d'alliances vers une normalisation des relations avec les USA afin de faire contrepoids au "social-impérialisme" soviétique. C'est ici que se trouve le fondement de la "théorie des trois mondes".

 

Mais pour cela, le vice-président Lin Piao, très attaché au principe de la lutte sur deux fronts, faisait obstacle. Sa mort annoncée en septembre 1971 vient tout régler. Selon la version chinoise officielle, l'avion de cet "agent des soviétiques" se serait écrasé faute de carburant alors qu'il tentait de s'enfuir pour l'Union soviétique...

 

La théorie des trois mondes fut en revanche acceptée autant par les droitiers (Houa Kuo Feng, Deng Xiaoping, Ye Jianying) que par la bande des quatre avec Chiang Ching à sa tête.

 

« Dans l'été 1971, l'Albanie, qui se considérait comme l'alliée la plus proche de la Chine, apprit par les agences de presse étrangères, la nouvelle, diffusée dans le monde entier, que Kissinger avait fait un voyage secret à Pékin. Avec Kissinger avaient été menées des tractations qui marquaient un changement radical dans la politique chinoise. Dans ce cas comme dans d'autres, bien qu'il se fût agi d'un grand tournant politique, d'un changement de la ligne stratégique, le Parti communiste et le Gouvernement de la République Populaire de Chine, ne jugèrent pas utile de s'entretenir préalablement aussi avec le Parti du Travail et le Gouvernement albanais pour savoir ce qu'ils en pensaient. La direction chinoise s'en tint à la pratique du fait accompli, en pensant que les autres devaient leur obéir sans mot dire. Pour notre Parti, il était clair que la visite de Nixon à Pékin ne constituait pas une escalade des entretiens qui se déroulaient, jusqu'alors à Varsovie entre les ambassadeurs chinois et américain, qu'elle n'était pas faite pour développer la «diplomatie du peuple» ni pour ouvrir la voie à des contacts avec le peuple américain, comme le prétendaient les dirigeants chinois. La visite de Nixon à Pékin jetait les fondements d'une nouvelle politique de la part de la Chine. Avec la visite de Nixon, la Chine entrait dans la danse des alliances et des rivalités impérialistes pour un nouveau partage du monde, où elle aussi aurait sa part. Cette visite ouvrait la voie à son rapprochement et à sa collaboration avec l'impérialisme américain et ses alliés. L'inauguration de l'alliance avec les États-unis marquait dans le même temps l'abandon, par la direction chinoise, des pays vraiment socialistes, du mouvement marxiste-léniniste, de la révolution et de la lutte de libération nationale des peuples. Cette alliance et cette rencontre à Pékin entre la direction chinoise et le président américain Nixon avaient lieu en un temps où les États-unis d'Amérique menaient leur guerre impérialiste de rapine au Vietnam, alors qu'ils usaient de tous les moyens de combat les plus modernes, à la seule exception de la bombe atomique, pour massacrer l'héroïque peuple vietnamien frère et pour réduire le Vietnam en cendres. Cette alliance monstrueuse et la rencontre sino-américaine étaient des actes condamnables aux conséquences catastrophiques pour les peuples. C'est pourquoi le Comité central du Parti du Travail d'Albanie, constatant ce tournant dangereux dans la politique étrangère de la Chine, adressait, le 6 août 1971, au Comité central du Parti communiste chinois, une longue lettre indiquant sa ferme désapprobation de ce tournant, qui allait à rencontre des intérêts de la Chine populaire elle-même, de la révolution et du socialisme. Dans cette lettre, il est dit entre autres : «... Nous considérons que votre décision de recevoir Nixon à Pékin n'est pas fondée et qu'elle est inopportune, nous ne l'approuvons pas et ne l'appuyons pas. Nous estimons que la visite annoncée de Nixon en Chine ne sera pas comprise, ni approuvée non plus par les peuples, les révolutionnaires et les communistes des divers pays. » «... Le fait de recevoir en Chine Nixon, qui est connu comme un anticommuniste enragé, comme un agresseur et un assassin des peuples, comme le représentant de la réaction américaine la plus noire, présente beaucoup d'aspects négatifs et entraînera des conséquences néfastes pour le mouvement révolutionnaire et notre cause. La venue de Nixon en Chine et les entretiens avec lui ne peuvent pas ne pas créer chez les simples gens, chez les peuples et les révolutionnaires des illusions nuisibles sur l'impérialisme américain, sur sa stratégie et sa politique. » «... Les entretiens avec Nixon fournissent une arme aux révisionnistes pour déprécier toute la lutte et la grande polémique menées par le Parti communiste chinois en vue de dénoncer les renégats soviétiques comme des alliés et des complices de l'impérialisme américain, ils leur donnent une arme pour identifier l'attitude de la Chine envers l'impérialisme américain avec la ligne de trahison et de collaboration qu'eux-mêmes suivent à son égard. Cela crée pour les révisionnistes khrouchtchéviens la possibilité de brandir encore plus haut leur drapeau du faux anti-impérialisme et d'intensifier leur démagogie et leurs mystifications pour entraîner à leur suite les forces anti-impérialistes. » «... La visite du président américain en Chine ne peut pas ne pas susciter des interrogatifs et même des malentendus chez les simples gens, qui peuvent concevoir le doute que la Chine change d'attitude envers l'impérialisme américain et entre dans le jeu des superpuissances. » «... Notre stratégie prévoit une étroite alliance avec les peuples qui luttent, avec les révolutionnaires du monde entier, dans un front commun contre l'impérialisme et le social-impérialisme et aucunement une alliance avec le social-impérialisme soviétique soi-disant contre l'impérialisme américain, aucunement une alliance avec l'impérialisme soi-disant contre le social-impérialisme soviétique ». La lettre conclut en soulignant que «la ligne et les attitudes du Parti du Travail d'Albanie seront toujours conformes aux principes, conséquentes, inchangées. Nous combattrons l'impérialisme américain et le révisionnisme soviétique sans compromis et avec esprit de suite». La lettre exprimait l'espoir que les observations faites par notre Parti du Travail à un parti frère «seraient examinées dans un esprit de camaraderie et comprises de façon juste». A l'égard de cette lettre aussi la direction chinoise observa son attitude habituelle. Elle ne daigna pas y répondre. Par là elle ne montrait pas seulement sa mégalomanie de grand État mais encore la crainte d'être confrontée aux arguments justes et de principe, aux arguments marxistes-léninistes de notre Parti. Le fait est que deux mois après notre lettre, fut tenu le VIe Congrès du Parti du Travail d'Albanie. C'était une bonne occasion pour un échange de vues avec la délégation chinoise invitée à ce Congrès et pour éclaircir les positions respectives. Mais la direction chinoise, conséquente dans sa ligne de refus des consultations et de la solution des divergences au moyen d'entretiens, observa une fois de plus une attitude contraire à toute la pratique des rapports internationalistes entre partis frères. Elle invoqua quelques raisons absurdes pour ne pas envoyer une délégation au Congrès de notre Parti. Pratiquement, dès ce temps-là, le Parti communiste chinois espaça, de façon unilatérale, les contacts avec notre Parti, transformant les rapports entre les deux partis en rapports purement formels. Le changement de la stratégie chinoise s'est effectué dans une lutte interne au sein de son Parti communiste, où existaient des contradictions profondes, où fleurissaient «cent fleurs et cent écoles», où l'on trouvait à la direction des pro-khrouchtchéviens, des pro-américains, des opportunistes et des révolutionnaires. Cela explique les changements successifs de la ligne politique du Parti communiste chinois, ses attitudes hésitantes, opportunistes et contradictoires envers l'impérialisme américain, le révisionnisme moderne et la réaction internationale. Dans l'espace de dix ans, de 1962 à 1972, l'axe de la politique chinoise a changé trois fois. Au début, le Parti communiste chinois s'en tenait à la formule stratégique du «front unique même avec les révisionnistes soviétiques et autres contre l'impérialisme américain et ses alliés». Par la suite, le Parti communiste chinois a avancé le mot d'ordre du «front unique très large du prolétariat et des peuples révolutionnaires de tous les pays contre l'impérialisme américain, le révisionnisme soviétique et la réaction des divers pays». Avec la visite de Nixon en Chine, la stratégie chinoise parle de nouveau d'un «front unique et large» en y intégrant cette fois «tous ceux qui sont susceptibles d'être unis» y compris les États-unis d'Amérique, contre le social-impérialisme soviétique. » (Lettre du C.C. du Parti du Travail d’Albanie et du gouvernement albanais au C.C. du Parti Communiste et au gouvernement chinois, 29 juillet 1978, édition numérique, p. 17-19.)

 

« Alors que la guerre faisait rage, que les Américains bombardaient le Vietnam et toute l'Indochine, et massacraient les populations, les Chinois, eux, menaient des négociations secrètes et s'abouchaient avec les Américains pour préparer le voyage de Nixon à Pékin, où, comme cela s'est avéré, on discuterait aussi du Vietnam. Ces honteuses tractations anti-marxistes, malveillantes, étaient menées à l'insu des Vietnamiens et, à plus forte raison, à notre insu. C'était scandaleux. C'était une félonie des Chinois à l'égard des Vietnamiens, envers leur lutte, envers nous, leurs alliés, et envers tous les autres peuples épris de progrès, C'est révoltant. Les conclusions des négociations de Chou En-laï avec Kissinger nous ont fait à nous, Albanais, Vietnamiens et Coréens, pour ne rien dire des autres, l'effet d'une bombe. Le Khan du Pakistan méritait, lui, d'être dans les «secrets des dieux». Quelle impudence de la part des Chinois ! » (Enver Hoxha, 28 Juillet 1971 : « La Chine, le Vietnam, la Corée, et la visite de Nixon à Pékin », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 227.)

 

La Chine montre ici à nouveau clairement ses conceptions de grand État, conceptions qui ne peuvent avoir leur place entre marxistes-léninistes ! Après la visite de Nixon, nombre de marxistes-léninistes occidentaux, incapables de prendre du recul face à la situation (dans laquelle le sentimentalisme a joué un rôle très négatif comme lors de la trahison de Khrouchtchev) se sont fait les propagandistes zélés des thèses des néo-révisionnistes chinois. En France, ce fut Jacques Jurquet qui s'en chargea, portant des accusations des plus infâmes contre le PTA au moment où la polémique devint ouverte. (6)

 

Ludo Martens, pour sa part, tentait en 1991 de justifier ainsi le rapprochement sino-américain :

 

« En juillet 1971, Enver Hoxha se déchaîne : «Recevoir le président Nixon et s’entretenir avec lui, ce n’est pas juste et ce ne sera accepté ni par les peuples, ni par les révolutionnaires, ni par les communistes authentiques. » « Par cet acte politique, les Chinois désorientent le mouvement révolutionnaire mondial et éteignent l’ardeur révolutionnaire. » Avec de telles positions, Enver Hoxha frôle le trotskisme. Les communistes se sont toujours prononcés pour la coexistence pacifique avec les Etats capitalistes. Et dés la première années de l’existence de l’Union soviétique, Lénine a mené des négociations avec les Nixon de l’époque. Après la révolution d’Octobre, Lénine a accepté de négocier la paix avec l’Allemagne de l’empereur Guillaume, à Brest-Litovsk. On sait que Trotski s’est opposé à ces négociations. Début 1922, Lloyd George, le premier ministre de Grande-Bretagne, la plus grande puissance impérialiste de l’époque, a convoqué une conférence internationale pour le redressement de l’Europe, à laquelle il a invité l’URSS. Lénine a immédiatement plaidé pour que l’Union soviétique y envoie ses représentants afin de défendre le système socialiste et de diviser ses ennemis. Après la conférence de Gênes, en avril 1922, l’URSS a signé le traité de Rapallo avec l’Allemagne ruinée, assurant ainsi à l’Etat soviétique de meilleurs conditions politiques et économiques pour la construction socialiste. En 1935, Staline a conclu un accord avec Laval, le réactionnaire français, contre l’expansionnisme du fascisme allemand. Là aussi, les trotskistes ont hurlé à la trahison. En 1939, Staline a reçu Von Ribbentrop pour conclure le Pacte germano-soviétique qui a donné à l’Etat soviétique une année et demi de répit avant la guerre. La réaction mondiale et le trotskisme se sont déchaînés contre cet accord. » (Ludo Martens, « De Tien An Men à Timisoara – Luttes et débats au sein du PTB (1989-1991) », p. 203-204.)
 

Mais Enver Hoxha, qu'il est très déplacé, pour ne pas dire plus, d'assimiler à un trotskiste, avait déjà prévu ce genre « d'argument » :

 

« Que ne nous sera-t-il pas donné de voir et d'entendre !! Ce n'est là que le début, mais un bien mauvais début. Mao Tsétoung doit abandonner au plus tôt cette voie. On ne peut la justifier comme le font les propagandistes chinois, en disant que «Lénine aussi négociait avec les menchéviks», que «Lénine aussi a traité avec les Allemands à Brest-Litovsk». Demain, ces propagandistes diront sûrement que «Staline aussi a signé un traité de non-agression avec Hitler». Ce sont des «arguments» que la bourgeoisie n'a cessé d'utiliser, mais elle s'y est cassé le nez, car ni Lénine, ni Staline ne versaient jamais dans les erreurs de principe, ils ne transgressaient jamais les principes. Leurs actions étaient clairement justifiées et la justesse de ces actions a été parfaitement éclairée par le temps et la théorie infaillible qu'est le marxisme-léninisme. » (Enver Hoxha, 28 Juillet 1971 : « La Chine, le Vietnam, la Corée, et la visite de Nixon à Pékin », Réflexions sur la Chine, Tome I, édition numérique, p. 228.)

 

Ludo Martens souligne également le fait que Enver Hoxha « critiquant les déviations opportunistes du PCC » se perd « dans un verbiage gauchiste non moins dangereux ». Nous rappellerons d'abord que Lénine lui même ne mâchait pas ses mots face aux révisionnistes. Mais là encore nous laisserons parler l'accusé :

 

« Au fil de mes notes, j'ai traité de nombreuses questions, et certaines d'une plume sévère. Les considérant dans l'optique marxiste-léniniste, à la lumière de l'expérience théorique et pratique et de l'organisation léniniste de notre Parti, j'ai souligné que beaucoup d'aspects politiques, idéologiques ou organisationnels du Parti communiste chinois, de Mao Tsétoung, du Comité central du Parti communiste chinois, de la révolution chinoise et des divers coups portés contre les déviationnistes, ne me semblaient pas très clairs, et j'ai souvent utilisé pour les juger des termes durs. Si je l'ai fait, c'est parce que ma conscience de communiste, l'expérience du Parti et l'étude des oeuvres des classiques du marxisme-léninisme ne me permettaient pas d'émousser mes jugements face à de multiples situations confuses et équivoques. Et puis, souvent, à la vue et à la lecture de tout ce qu'on fait sur le dos du marxisme-léninisme, sur le dos de la cause du prolétariat, j'ai peut-être, dans mon journal, exprimé mon indignation avec plus de véhémence que je n'aurais dû. »  (Enver Hoxha, 8 septembre 1977 : « Manoeuvres révisionnistes. Structure antimarxiste », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 207.)

 

« Je me suis efforcé d'être objectif et juste dans mes analyses, indépendamment des termes très crus que j'ai parfois employés. Mais je pense qu'il faut appeler les choses par leur nom. » (Enver Hoxha, 22 janvier 1976 : « Les chinois ne propagent pas la juste ligne de notre Parti », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 93.)

 

Nombre de marxistes-léninistes ont invoqué comme autre « argument » prouvant la non-trahison de la Chine le fait qu'ayant aidé le Vietnam, elle ne pouvait maintenant le trahir.

 

L'hebdomadaire Front Rouge de février 1972 titrait ainsi : « Nixon à Pékin – Nixon à genoux »

 

« Nixon est à Pékin… Depuis des années l’impérialisme américain a redoublé d’efforts pour abattre la Chine Rouge… en vain. Harcelé par les peuples d’Indochine, miné aux USA même par les luttes contre la guerre du Vietnam et ses conséquences, enlisé dans la crise mondiale monétaire et économique, l’impérialisme US connaît le goût de la défaite. C’est dans ces conditions que Nixon mendie la permission de venir à Pékin ; il n’a certes pas renoncé à anéantir la Chine Rouge, mais sans doute espère-t-il trouver à Pékin une solution momentanée à ses difficultés en Asie du Sud Est… et secondairement un prestige électoral pour les prochaines élections. S’il veut venir, qu’il vienne, telle est l’attitude du gouvernement Chinois, qui ne se fait aucune illusion sur les résultats du voyage. Mais voir Nixon à genoux devant son vieil ennemi la Chine Rouge, c’est déjà une grande victoire » (…) « Quant au député « communiste » Odru, il reprend ce que dit le P«C»F pour qui toute la politique Chinoise est dictée par l’antisoviétisme : Mao Tsétoung s’allierait avec Nixon contre l’URSS car Odru veut faire oublier le million de soldats soviétiques à la frontière Chinoise ‘‘comment les malheureux 200 millions de soviétiques, déclare-t-il à France-Inter, oseraient-ils s’attaquer aux 800 millions de Chinois ? ’’ » (…) « En réalité ni la bourgeoisie ni les révisionnistes n’aideront à comprendre la politique extérieur de la Chine socialiste. Prenant l’exemple de la politique soviétique, ils veulent obliger à imaginer que la politique extérieure d’un pays socialiste est dictée par ses intérêts de grande puissance. C’est pourtant une toute autre politique que celle de la Chine bastion du socialisme. L’objectif de la Chine est le même que celui de tous les peuples qui luttent contre l’impérialisme et le social impérialisme : la Chine est un élément de ce vaste front mondial. Dans ce front chacun occupe sa place. Aux premières lignes, ceux qui luttent directement, les armes à la main, comme les peuples d’Indochine contre l’impérialisme US. D’autres, comme l’Albanie socialiste, doivent repousser toutes les manœuvres et visées agressive du social impérialisme. Nous avons notre place dans ce front : abattre notre propre impérialisme en profitant des fissures crées dans le camp impérialiste. Dans ce front La Chine Rouge, la base rouge du socialisme a un rôle important (…) Simplement , sa puissance, son expérience politique, son poids diplomatique lui donne un rôle important. D’abord aider de toutes les façons possibles ceux qui sont en premières lignes. Les ouvriers chinois fabriquent des armes qui seront livrées gratuitement aux combattants d’Indochine, de Palestine, du Dhofar, du Pakistan (contre l’Inde et le social impérialisme). Les ouvriers chinois mettent leur production et leur expérience au service des nations de la zone des tempêtes qui cherchent à préserver leur indépendance contre l’impérialisme : aide médicale en Algérie, chemin de fer Tanzanie-Zambie, (le matériel est fourni gratuitement, ainsi qu’un prêt de 2,3 milliards de NF, sans intérêts, remboursable en 30 ans) (…) Donc loin de voir ses affaires s’arranger, comme veulent le faire croire les révisionnistes, Nixon risque fort de quitter Pékin en plus mauvaise posture qu’à son arrivée. » (Front Rouge, n°14, février 1972)

 

On a pu voir à quel point cela a mis les impérialistes américains "en plus mauvaise posture" d'après le fait que c'est la Chine qui s'est mise à genoux en acceptant la venue de Nixon sans qu'elle ne soit reconnue et en mettant de côté la question de Taïwan, ou bien d'après le fait que les USA n'ont retiré leurs troupes du Vietnam qu'en janvier 1973, après qu'ils aient essuyé de lourdes pertes consécutives à l'offensive nord-vietnamienne de mars 1972 où les nord-vietnamiens étaient équipés de chars soviétiques, et après qu'ils aient rasé Hanoï en la bombardant massivement le jour de noël !!! Les troupes de Nixon étaient exsangues face à la résistance acharnée de l'armée populaire de libération et entre janvier 1973 et mars 1975, malgré leur "retrait", ils ont largement continué d'aider la réaction sud-vietnamienne en lui fournissant quantité d'armements. La guerre du Vietnam ne prit fin qu'après la victoire de l'armée populaire vietnamienne à Saigon en avril 1975, non pas grâce aux "négociations" entamée par les chinois, mais par leur sang versé de haute lutte, après avoir écrasé le gouvernement fantoche du sud. C'est en outre faire l'impasse sur une réalité indéniable que d'oublier le fait que certes la Chine aidait le Vietnam, mais dans une mesure bien moins importante que l'URSS qui avait contribué pour les 9/10èmes des fournitures d'armes, ce qui ne l'empêchait d'ailleurs pas d'essayer de régler la guerre du Vietnam à l'amiable avec les impérialistes américains, dans le dos du peuple vietnamien. Les relations entre l'URSS et la Chine étaient si tendues que les chinois craignaient de voir les soviétiques se rapprocher encore des vietnamiens qui se basaient sur des positions centristes face au révisionnisme soviétique.

 

Il est instructif ici d'entendre l'opinion de Ye Jianying (7) :


« La juste cause des Vietnamiens finira par l'emporter, mais qui nous dit que cette victoire ne sera pas mise au service des desseins de Hanoi, acharné à constituer une fédération indochinoise placée sous sa tutelle avec l'appui cynique de l'URSS ? » (Ye Jianying à Ji Pengfei, 24 avril 1967, Textes choisis de Ye Jianying, Pékin, 1979.)

 

Les analyses d'Enver Hoxha sont pleinement confirmées par l'histoire ; la visite de Nixon a bel et bien inauguré le rapprochement sino-américain, tant dans le but de faire contrepoids aux soviétiques, que dans le but d'obtenir des crédits. (8) Quand aux archives américaines, elles viennent confirmer cette thèse, voici un extrait des archives de la NSA transcrivant un entretien entre Mao et Kissinger datant de février 1973, lors de la cinquième visite de Kissinger en Chine :

 

« Chairman Mao : If there are Russians going to attack China, I can tell you today that our way of conducting a war will be guerrilla war and protected war. We will let them go wherever they want. They want to come to the Yellow River tributaries. That would be good, very good. And if they go further to the Yangtse River tributaries, that would not be bad either. Dr. Kissinger : But if they use bombs and do not send armies ? Chairman Mao : What should we do ? Perhaps you can organize a committee to study the problem. We will let them beat us up and they will lose many resources. They say they are socialists. We are also socialists and that will be socialists attacking socialists. Dr. Kissinger : If they attack China, we would certainly oppose them for your own reasons. Chairman Mao : But your people are not awakened, and Europe and you would think that it would be a fine thing if it were that the ill water would flow toward China. Dr. Kissinger : What Europe thinks I am not able to judge. They cannot do anything anyway. They are basically irrelevant. What we think is that if the Soviet Union overruns China, this would dislocate the security of all other countries and will lead to our own isolation. Chairman Mao : How will that happen ? How would that be ? Because since in being bogged down in Vietnam you met so many difficulties, do you think they would feel good if they were bogged down China ? Dr. Kissinger : The Soviet Union ? Miss Tang : The Soviet Union. Chairman Mao : And then, you can let them get bogged down in China, for half a year, or one, or two, or three, or four years. And then you can poke your finger at the Soviet back. And your slogan then will be for peace, that is you must bring down Socialist imperialism for the sake of peace. And perhaps you can begin to help them in doing business, saying whatever you need we will help against China. Dr. Kissinger : Mr Chairman, it is really important that we understand each other motives. We will never knowingly cooperate in an attack on China. Chairman Mao : No, that’s not so. Your aim in doing that would be to bring the Soviet Union down. Dr. Kissinger : That’s a very dangerous thing. Chairman Mao : The goal of the Soviet Union is to occupy both Europe and Asia, the two continents. Dr. Kissinger : We want to discourage a Soviet Attack, not defeat it. We want to prevent it. » (http://www.gwu.edu/~nsarchiv/nsa/publications/DOC_readers/kissinger/item3.htm

 

Dans cet entretien, Mao tient à s'assurer du soutien de Kissinger si l'URSS en venait à attaquer la Chine. Mao ne manque pas de mettre en garde Kissinger sur le fait que l'URSS a pour but d'occuper toute l'Europe et l'Asie.

 

Il faut être atteint de cécité politique pour ne pas voir ici les fondements de la théorie des "trois mondes". Après cette visite de Nixon, de nombreuses autres délégations américaines de sportifs, de banquiers, etc., se rendirent en Chine et, dès 1973, Chou En-laï et Mao baissant d'un ton la polémique contre l'impérialisme et le révisionnisme, s'embrassaient à nouveau avec Tito, Ceaucescu, et accordaient leur soutien à Pinochet, Franco, Mobutu, etc.

 

« Durant la première quinzaine de janvier, une délégation gouvernementale italienne, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Medici, et une délégation du Zaïre ayant à sa tête son président, le général Mobutu, se sont, entre autres, rendues en visite officielle en Chine. Elles ont été reçues par Chou En-laï, qui s'est naturellement entretenu avec elles sur des questions politiques et d'autres problèmes. Chou a fait des déclarations et a formulé certaines de ses vues politiques et idéologiques, d'une importance particulière à mes yeux, en raison même de leur caractère «spécifique». (...) Au cours du banquet officiel qu'il a offert en l'honneur de Mobutu, Chou En-laï a affirmé sans ambages que «la Chine, en dépit des différences de forme de son régime avec celui du Zaïre, fait partie, naturellement comme le Zaïre, du tiers monde...» C'est là une déclaration officielle publiée par la presse chinoise. (...) La déclaration de Chou au banquet donné en l'honneur de Mobutu est particulièrement flagrante à cet égard, elle est antimarxiste. Il a rangé la Chine dans le «tiers monde». C'est là nier le socialisme, cacher aux yeux du monde la véritable personnalité de la Chine et le caractère de son régime économique et social. C'est un point de vue opportuniste et antimarxiste. On sait que ce sont Tito et ses compagnons, Soekarno, Nehru et Nasser, qui ont lancé l'idée d'un «monde» des pays soi-disant non alignés, mais c'étaient des bourgeois capitalistes, et eux-mêmes, leurs États et leurs partis ont été et sont liés aux impérialistes et aux social-impérialistes. Assurément, les pays socialistes doivent nouer des liens avec beaucoup de ces États bourgeois que les Chinois intègrent dans le prétendu tiers monde, les aider dans leur lutte contre l'impérialisme, car ces États ont de profondes contradictions avec lui, mais ils ne doivent pas pour autant diluer le propre de la politique de notre régime socialiste, dissimuler le fait que nous sommes des pays socialistes et que nos partis sont des partis marxistes-léninistes, etc. Déclarer que l'on est dans le «tiers monde» c'est : ou bien faire de la démagogie et s'efforcer de tromper les autres, ou bien ne pas être réellement un pays socialiste, mais un pays entièrement bourgeois capitaliste, comme la Yougoslavie titiste. Par une telle déclaration on dit au monde : «Que les révisionnistes gardent le drapeau des «pays socialistes», du «camp socialiste», de la «communauté socialiste», pour notre part, nous faisons partie du «tiers monde»». Non, cette thèse est antimarxiste. Nous, Albanais, n'y souscrivons pas. L'Albanie socialiste est et sera socialiste, même si elle reste seule en tant que telle. Nous demeurerons un pays socialiste, même si nous ne sommes qu'un îlot sur la carte mondiale, nous lutterons avec confiance selon notre idéologie marxiste-léniniste, avec confiance dans la révolution, dans le prolétariat mondial et dans les peuples jusqu'à ce que le socialisme et le communisme triomphent dans le monde entier. Nous, marxistes-léninistes, devons savoir distinguer dans un pays les transformations politiques fondamentales de caractère véritablement démocratique, des changements dénués de ce caractère. Il nous faut appuyer les premières et non les seconds, et combattre les changements politiques réactionnaires. Les transformations politiques de caractère démocratique et progressiste aident la révolution socialiste. De sorte que nous, pays socialistes, ne pouvons ni ne devons nous isoler et nous abstenir d'aider les pays et les États du prétendu tiers monde, lorsque ceux-ci accomplissent des transformations et des réformes politiques démocratiques, lorsqu'ils sont en conflit et en lutte avec les impérialistes, les social-impérialistes et d'autres ennemis des peuples. Mais, en tant que pays socialistes, il ne nous est pas permis pour autant de nous identifier à eux. Les pays socialistes, comme l'Albanie et la Chine, doivent être constamment dressés dans la lutte contre le monde capitaliste et social-impérialiste. Nous avons pour devoir, par notre exemple et par notre lutte militante, d'entraîner dans la juste voie les classes opprimées des autres pays, en conjuguant nos efforts avec les leurs afin qu'elles se lancent dans la révolution contre les régimes d'oppression et d'asservissement capitalistes.  Je me persuade toujours plus que la Chine n'agit pas de cette manière. Cela apparaît clairement dans les deux cas que j'ai évoqués ici, mais il en est beaucoup d'autres. Le général Mobutu et sa clique sont réactionnaires, ce sont les assassins de Lumumba et d'autres hommes progressistes de leur pays. La Chine reçoit le représentant de cette clique antidémocratique africaine avec de grands honneurs et, pour lui faire plaisir, Chou En-laï déclare que «la Chine fait partie du tiers monde». Bref, il dit au peuple congolais que «moi, la Chine, je suis amie de Mobutu, je soutiens Mobutu, car c'est un démocrate, un progressiste», etc., peu importe ensuite si Mobutu opprime le peuple et le prolétariat, peu importe s'il déclare en plein banquet à Pékin devant Chou : «Nous, Congolais, nous sommes ce que nous sommes, nous resterons ce que nous sommes et nous ne voulons pas d'autres idéologies» etc. Belle perspective pour le socialisme au Congo, si l'on appuie monsieur Mobutu ! » (Enver Hoxha, 15 janvier 1973 : « Déclarations anti-marxistes de Chou En-laï », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 5-12.)

« On dit que Kissinger se rendra à Pékin à l'automne, que Chou En-laï ira aux États-unis et que Nixon retournera en Chine en 1974. Entre-temps, à Pékin, l'agence Hsinhua fait savoir que le fameux banquier américain Rockefeller se trouve en Chine, qu'il y a des entretiens et qu'on organise des banquets en son honneur, alors que Chiang Ching s'occupe des nageurs et d'autres sportifs américains par l'entremise desquels elle envoie des salutations à Nixon et à son épouse. Quel chemin a-t-on pris ?!! » (Enver Hoxha, 27 juin 1973 : « Le banquier Rockefeller est reçu en Chine avec des banquets », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 26.)

« Les Chinois ont reçu l'Espagnol Carrillo à Pékin, ils se sont entretenus avec lui et se sont séparés en amis. Pourquoi pas ? Sinon on aurait publié un communiqué affirmant le contraire. Les Chinois ont noué des relations diplomatiques avec l'Espagne de Franco, alors qu'ils ne font aucune mention du Parti communiste d'Espagne (marxiste-léniniste), dont les membres sont assassinés par les phalangistes. Pourquoi ? Parce que les communistes marxistes-léninistes d'Espagne ne pensent pas comme le Français Jurquet, ce tenant des idées de Mao Tsétoung, qui dit à ses adhérents de soutenir l'armée de la bourgeoisie française. La Chine est prête à faire l'éloge de n'importe quel pays révisionniste, pourvu que celui-ci se rapproche de l'impérialisme américain. A l'égard de la Pologne, qui s'introduit dans-la sphère du capital américain, et d'autres pays comme la Bulgarie de Jivkov, sans parler de la Roumanie et de la Yougoslavie, les attitudes de la Chine sont oscillantes. » (Enver Hoxha, 1er janvier 1976 : « Les zigzags dans la ligne chinoise », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 88.)

 

C'est ainsi que naquit la « théorie des trois mondes » visant à faire contrepoids aux soviétiques fut mise en pratique par Mao dès le début des années 70 avant d'être théorisée. Elle fut ensuite propagée plus amplement par Deng Xiaoping, le « Khrouchtchev chinois n°2 » qui réapparaissait sur la scène politique chinoise après une autocritique miraculeuse en avril 1973 en tant que vice-premier ministre...

 

Lors de son VIIe congrès, en novembre 1976, le PTA, combattant la thèse chinoise des "trois mondes" (sans attaquer la Chine nommément puisque la polémique ouverte n'avait pas encore débuté), affirmait que :

 

« Notre Parti soutient la thèse que, quand les superpuissances se rapprochent entre elles comme lorsqu'elles se disputent, ce sont les autres qui en font les frais. La collaboration et la rivalité entre les superpuissances présentent les deux faces d'une réalité contradictoire, elles sont la principale expression d'une même stratégie impérialiste, qui tend à ravir aux peuples leur liberté et à dominer le monde. Elles constituent le même danger, et c'est pour cela que les deux superpuissances sont les principaux et les plus dangereux ennemis des peuples, c'est pour cela qu'on ne peut jamais s'appuyer sur un impérialisme pour combattre l'autre ou pour lui échapper. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.17.)

 

Caractérisant justement les "justifications" la théorie des "trois mondes, Enver Hoxha remarquait que :

 

« La question essentielle, pour les Chinois, est de convaincre les gens de bouche à oreille que les États-unis sont économiquement et militairement affaiblis, que leur dette intérieure et extérieure s'est beaucoup accrue, que ceux-ci en sont arrivés au 'point d'accepter que d'autres pays capitalistes y fassent des investissements, et qu'ils ne sont plus aussi puissants qu'auparavant. C'est là une analyse fausse, non fondée et qui a pour but de démontrer quelque chose d'indémontrable. Ils veulent prouver que les États-unis ne sont soi-disant plus agressifs ; que ceux-ci, selon eux, cherchent seulement à conserver leurs acquis ; qu'ils visent à maintenir le statu quo et que, par conséquent, «l'ennemi principal pour le monde est le révisionnisme soviétique, qui recherche, lui, l'expansion». C'est là une des thèses des Chinois, et l'une des plus fondamentales. Ils nous accusent de n'avoir soi-disant pas fait une analyse marxiste-léniniste de la situation internationale et des contradictions entre les deux superpuissances, partant, de ne pas suivre leur propre voie appelant l'«Europe unie», le Marché commun européen et le prolétariat mondial à s'unir tous contre les Soviétiques. Ils en «ont arrivés à «conclure» que nous favorisons soi-disant le social-impérialisme soviétique ! C'est là une thèse non seulement révisionniste affublée de l'habit de l'antirévisionnisme, mais hostile et calomnieuse à notre encontre. L'impérialisme américain est agresseur, belliqueux et belliciste et, devant les faits, aucune autre thèse qui s'inscrive en faux contre cette constatation ne tient. Les bases qu'ils ont implantées, les crédits qu'ils accordent, la forte augmentation de leurs armements, la mise en place, un peu partout, de cliques à leur service, attestent que les impérialistes américains ne visent pas seulement à maintenir le statu quo, mais qu'ils recherchent aussi l'expansion, sinon on ne saurait expliquer les profondes contradictions qui, aux dires des Chinois, les opposent à l'Union soviétique. «L'Union soviétique veut la guerre, disent les Chinois, les États-unis non», et ils laissent entendre que c'est précisément cette réalité qu'illustre la citation de Mao, selon laquelle «les États-unis sont devenus comme un rat que tout le monde dans la rue poursuit en criant : tuez-le, tuez-le !» Cette façon de présenter les choses éclaire également la mollesse des Chinois et c'est en quelque sorte un appel indirect à ne pas frapper un pays comme les États-unis, qui serait réduit à l'état de rat. Cette stratégie de Mao est-elle marxiste ? La stratégie de Mao Tsétoung, «fondée sur une analyse marxiste-léniniste», a établi définitivement que «la rivalité entre les deux superpuissances se situe en Europe». Étrange ! Pourquoi ne se situe-t-elle pas en un point plus faible du monde, où l'Union soviétique recherche l'expansion, comme par exemple, en Asie, en Afrique, en Australie ou en Amérique latine ?! Les colonisateurs ont eu pour tradition de viser les points faibles et c'est à des fins d'hégémonie, pour s'assurer de nouveaux débouchés, pour un nouveau partage du monde, que les impérialistes déclenchent leurs guerres de rapine. La rivalité essentielle n'est-elle pas celle entre les États-unis et l'Union soviétique révisionniste ? Alors, selon les Chinois, ces deux superpuissances, dont l'une désire le statu quo et l'autre l'expansion, finiront par déclencher la guerre en Europe, comme le fit en son temps Hitler, assoiffé d'expansion. Mais pour réaliser cette expansion, Hitler devait mettre à bas la France, l'Angleterre et l'Union soviétique. C'est pour cela qu'il déclencha la guerre en Europe et non ailleurs. Quant à Staline, s'il a fait alliance avec l'Angleterre et les États-unis c'est après que l'Allemagne eut agressé l'Union soviétique, et non auparavant. Mais les Chinois invoquent comme un argument la tactique que Staline fut contraint d'employer dans les circonstances d'alors, et disent : Pourquoi nous-mêmes ne nous appuierions-nous pas sur les États-unis dans cette prochaine guerre ? Tous ces faits évoqués ne viennent pas étayer la thèse des Chinois sur les alliances qu'ils prônent ; ils confirment la thèse opposée. Lorsque l'Allemagne de Guillaume II attaqua la France et l'Angleterre, la IIe Internationale prêcha «la défense de la patrie» bourgeoise tant de la part des socialistes allemands que de la part des socialistes français, bien que la guerre eût, des deux côtés, un caractère impérialiste. On sait comment Lénine a dénoncé cette attitude et ce qu'il a dit à propos des guerres impérialistes et de leur transformation en guerres civiles. » (Enver Hoxha, 8 janvier 1977 : « Les révisionnistes chinois attaquent le Parti du Travail d'Albanie derrière son dos », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 187-188.)

 

B). La question de la construction européenne

 

Indissolublement liée à la question de la lutte contre l'impérialisme face à laquelle les chinois avaient adopté une position non marxiste depuis le début des années 70, la Chine ne pouvait évidemment pas tirer de justes conclusions sur la question de la construction européenne. Le PTA, pour sa part, avait clairement mis en évidence l'aspect réactionnaire et contre-révolutionnaire de la construction du bloc impérialiste européen. Les remarques qui suivent et que fit le PTA il y a une trentaine d'années étaient alors non seulement justes alors, mais elles sont d'une actualité encore plus brûlante aujourd'hui, alors que la construction du bloc impérialiste européen désormais doté d'une monnaie unique s'accélère, avec la perspective de la construction d'une armée européenne, et alors que l'ensemble des partis réformistes "de gauche" comme "d'extrême gauche" ont tous versé dans le crétinisme et persistent à avancer la revendication d'une "Europe sociale" (Sous le capitalisme !!!)

 

« La classe ouvrière européenne est l'objet d'une, puissante pression. La prédominance du réformisme a entravé la croissance du mouvement ouvrier en Europe, l'empêchant de devenir un véritable mouvement révolutionnaire. Il n'a pas pris pleinement conscience du fait que pour transformer sa condition il lui faut détruire le système capitaliste et, instaurer la société socialiste. Mais le prolétariat européen ne peut continuer d'obéir indéfiniment aux chefs de file syndicalistes, et aux partis sociaux-démocrates et révisionnistes, qui ressassent que le développement des structures bourgeoises existantes, de la voie parlementaire et des réformes, eu encore l'«Europe unie», permettront d'assurer un avenir meilleur aux masses travailleuses. L'oppression, la violence, l'exploitation sauvage, le chômage, la drogue, la dégénérescence, l'inflation, qui sévissent dans les pays d'Europe, ne peuvent freiner la révolte des forces saines, des peuples européens contre le pouvoir du capital. L'«Europe unie» n'est qu'une solution éphémère, une création de la politique réactionnaire capitaliste, qui, tôt ou tard, se heurtera à des difficultés multiples de divers ordres. Aussi viendra l'heure où la révolte de la classe ouvrière d'Europe atteindra un degré tel qu'elle exigera absolument une solution révolutionnaire. Dans ces conditions, il est de première importance que les communistes et non-communistes, les hommes progressistes et toutes les masses du peuple comprennent bien que leur véritable ennemi est le capitalisme, et qu'il doit et peut être renversé par la lutte révolutionnaire. Ainsi se dissipera tout pessimisme, et le courage et la confiance dans la victoire grandiront. La science de Marx et Lénine accroît encore cette confiance du prolétariat et des masses et la rend inébranlable. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIIème congrès du PTA, 1er novembre 1981 édition numérique, p.90-91.)

 

« Le Marché commun européen est une organisation réactionnaire analogue au Comecon. C'est un grand regroupement des monopoles et des trusts capitalistes pour une exploitation féroce du prolétariat et des masses travailleuses d'Europe et des peuples du monde entier. Dès sa création, le but du Marché commun a été de concevoir des formes de pillage barbare au profit des grands trusts et konzerns, et de sauver le capitalisme des crises et des secousses. Dans le domaine international, le Marché commun est une grande puissance néo-colonialiste, qui non seulement concurrence les superpuissances pour l'exploitation des pays en voie de développement, mais s'efforce aussi de maintenir et de rétablir les privilèges des anciennes puissances coloniales dans ces pays. En dépit de leur non-appartenance officielle au Marché commun, les États-unis, à travers l'interdépendance du capital américain et du capital de chacun des pays membres, y jouent indirectement un très grand rôle. L'impérialisme américain a trouvé et trouve toujours dans le Marché commun un soutien puissant contre le bloc social-impérialiste. Le Marché commun, en même temps que l'OTAN, constitue une base et un dispositif organisé de l'impérialisme américain dans sa rivalité et sa concurrence avec l'autre puissance impérialiste, l'Union soviétique révisionniste. Le Parti du Travail d'Albanie, l'État et le peuple albanais se sont déclarés contre l'OTAN et le Traité de Varsovie, contre le Comecon et le Marché commun, car ces organisations sont les instruments fondamentaux de la politique expansionniste des deux superpuissances, elles oppriment, exploitent et appauvrissent aussi bien les peuples d'Europe, que les peuples des pays en voie de développement, elles sapent tant la révolution que la libération des peuples, car elles sont des instruments d'asservissement. (...) Les monopolistes d'Europe occidentale, bourgeois et révisionnistes parlent beaucoup de la création de la prétendue Europe unie. A ce jour, il a été mis sur pied un certain «Conseil de l'Europe», un «parlement», et une espèce de «gouvernement commun», avec quelques lois formelles, lesquels se sont fixés pour tâche de réaliser l'unification des pays européens au niveau des États. Des plans sont dressés pour doter cette Europe d'une armée commune équipée jusqu'aux dents et d'une économie capitaliste «puissante» en vue de tenir soi-disant tête aux deux superpuissances. En réalité, le but de la création de l'Europe unie est d'éliminer la notion de nationalité des divers pays d'Europe, d'intégrer et d'amalgamer leur culture et leurs traditions, en d'autres termes de supprimer la personnalité des peuples et des États d'Europe occidentale pour la mettre sous la coupe de la bourgeoisie réactionnaire cosmopolite de ce continent. Cette «Europe unie», Lénine, dès 1915, en dénonçait et en démasquait le contenu réactionnaire, lorsqu'il écrivait : « Du point de vue des conditions économiques de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'exportation des capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales «avancées» et «civilisées», les États-unis d'Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. » Et il ajoutait plus loin : « Certes, des ententes provisoires, sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les États-unis d'Europe sont également possibles, comme une entente des capitalistes européens... dans quel but ? Dans le seul but d'étouffer en commun le socialisme en Europe... » (V. I. Lénine, Oeuvres, éd. albanaise. t 21, pp. 370-372.) Le capitalisme mondial, qui, conformément aux prévisions géniales de Marx, Engels, Lénine et Staline, va irrésistiblement vers les crises et le déclin, a atteint aujourd'hui le stade de l'impérialisme pourri. Pour échapper à la mort, il a conçu de nouvelles formes d'exploitation des masses, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle mondiale, il a créé la forme la plus récente, la plus perfectionnée de pillage, le néo-colonialisme, il a noué des liens financiers et des alliances économiques et militaires pour maintenir sous sa dépendance complète ou partielle de nombreux États, dans ce qu'on appelle le «second monde», «le tiers monde», les «pays non alignés» ou les «pays en voie de développement». Toutes ces appellations, qui se réfèrent aux diverses forces politiques agissant aujourd'hui dans le monde, camouflent et ne font pas ressortir le caractère de classe de ces forces, les contradictions fondamentales de notre époque, le problème-clé qui prime aujourd'hui tous les autres à l'échelle nationale et internationale, la lutte implacable que livrent le monde bourgeois-impérialiste, d'une part, et le socialisme, le prolétariat mondial et ses alliés naturels, d'autre part. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.10-11.)

 

La Chine pour sa part, conséquemment à la théorie pseudo-marxiste des trois mondes, soutint la construction du bloc impérialiste européen.

 

« Chou En-laï a eu avec l'Italien Medici une entrevue au cours de laquelle ils ont procédé à un échange de vues. Mais rien n'a été notifié par la presse chinoise, à part la nouvelle d'une rencontre «cordiale», alors que la presse, la radio et la télévision italiennes ont non seulement fait un large écho au voyage de Medici et à ses conversations avec Chou En-laï, mais aussi et surtout mis en relief la déclaration suivante de ce dernier : La Chine approuve le Marché commun européen, elle approuve et juge fondée la création d'une «Europe unie», que les États de l'Europe occidentale ont commencé à édifier. (...) Nous observons que les ambassadeurs de Chine dans les pays d'Europe ont exprimé à nos ambassadeurs des vues analogues sur le Marché commun et l'«Europe unie». Il s'agit là d'une orientation politique émanant du centre, de Pékin, d'une ligne et d'une directive émises par le C.C. du Parti communiste chinois et par le gouvernement chinois. Cette ligne est donc appliquée sans réserve. Quant à nous, loin de souscrire à cette ligne, à ces orientations, nous nous y opposons, parce qu'elles sont erronées sur le plan des principes et que dans la pratique elles ne s'inscrivent pas dans la ligne marxiste-léniniste, mais y sont contraires. Ce sont des vues révisionnistes-opportunistes, qui ne favorisent pas la révolution, l'éveil et la lutte révolutionnaire des peuples contre l'impérialisme, le capitalisme et la bourgeoisie réactionnaire. (...) Comme on le sait, l'impérialisme américain est sorti de la Seconde Guerre mondiale puissant et pourvu d'un potentiel militaire et économique agressif. Il a assumé le rôle de gendarme international et a travaillé à remettre sur pied toutes les forces réactionnaires capitalistes en Europe, en Amérique latine et ailleurs. L'impérialisme américain voyait se dresser devant lui le grand camp du socialisme et tous les peuples du monde qui aspiraient à la libération et luttaient pour y accéder. En quelques années, les États-unis remirent sur pied l'Allemagne de Bonn, l'Italie, l'économie capitaliste française, anglaise et autre, mais ils ne manquèrent pas de veiller à se réserver, dans toute transformation qui s'opérait dans ces pays, leur ration, c'est-à-dire la part du lion. Les États-unis «allégèrent» ces pays de leurs colonies, qu'ils firent leurs par de nouvelles méthodes. En redressant soi-disant ces États, les impérialistes américains renforcèrent leur hégémonie dans le monde, lièrent leurs «alliés» à leur char par toutes sortes de traités militaires et économiques. Tout cela servait à renforcer en premier lieu l'hégémonie américaine, à renforcer la bourgeoisie réactionnaire dans chaque pays, à étouffer tout mouvement et toute aspiration populaire dans ces pays et dans le monde et à créer un bloc de fer contre l'Union soviétique socialiste, contre le communisme. (...) En dépit de leur redressement économique, les pays capitalistes d'Europe sont plongés dans une crise grave et les peuples qui y vivent sont opprimés par les oligarchies locales. Partout on assiste à des grèves, des manifestations, des affrontements armés qui prennent parfois les dimensions d'une véritable guerre, comme c'est le cas en Irlande du Nord. Qu'est-ce que cela prouve ? La putréfaction du capitalisme et la montée des forces révolutionnaires. Toutefois, outre l'oppression et l'exploitation qui y sont exercées par l'oligarchie locale, dans ces pays règne aussi la botte sauvage de l'impérialisme américain. Dans cette situation, ces pays aussi veulent échapper à la botte des Américains. Mais de quelle manière ? Le retrait de De Gaulle de l'OTAN, la création par la France d'une force de frappe atomique indépendante, la constitution du Marché commun européen et l'idée lancée pour la création des «États-unis d'Europe» ainsi que la lutte continue menée dans ce sens ne s'inspirent pas seulement du souci d'échapper au diktat américain. Ce n'est là qu'un aspect de ces phénomènes. Il en est un autre, à savoir que la bourgeoisie estime que l'union des grands monopoles de ces pays créera une force économique, politique et militaire compacte, mieux en mesure de réprimer les révoltes et les révolutions populaires, qui, dès maintenant, lui ont causé des difficultés insurmontables et qui, par la suite, en raison des crises chronique», lui apporteront des jours encore plus sombres.  (...) La presse et la radio italiennes parlent avec enthousiasme de l'attitude des Chinois, qui, par la bouche de Chou En-laï, appellent l'Europe «à réaliser son unité dans tous les domaines». Selon les dires de Chou En-laï (encore d'après la presse italienne), «le processus d'intégration européenne constitue un élément essentiel pour réaliser une véritable détente». Chou En-laï, toujours selon cette presse, a mis l'accent «sur la nécessité que ce processus ne se limite pas au secteur économique, mais qu'il s'étende aussi aux domaines de la politique et de la défense». On ne peut être plus explicite, et du moment que cela n'a pas été démenti, Chou En-laï l'a certainement dit. Ces jugements de Chou En-laï sont anti-léninistes et réactionnaires, en opposition avec les thèses connues de Lénine sur le problème des «États-unis d'Europe». Ces vues de Chou En-laï s'alignent ainsi sur celles de la réaction européenne. Chou En-laï est pour l'intégration européenne dans l'intérêt du grand capital cosmopolite, autrement dit pour la domination politique, économique et militaire de celui-ci sur les peuples d'Europe, pour que la loi de fer du capital règne sur ces peuples. Par ses thèses, Chou En-laï, (qui se pose en théoricien de l'utilisation des contradictions), ignore complètement les grandes et insurmontables contradictions entre le prolétariat et les peuples d'Europe, d'une part, et les régimes bourgeois réactionnaires de leurs pays et les oligarchies capitalistes, d'autre part, il oublie également les contradictions entre ces oligarchies elles-mêmes. Par conséquent, Chou En-laï appelle à l'extinction de la lutte de classe, il appelle à l'intégration européenne, il appelle à ne pas approfondir les contradictions du capitalisme européen en faveur du prolétariat. A juste titre donc, la presse réactionnaire exalte Chou En-laï, elle a de bonnes raisons de le faire. Le prolétariat italien est presque tous les jours en grève et la 'bourgeoisie italienne cherche à desserrer cet étau. L'Italie est convertie en une base américaine contre le prolétariat, mais sans résultat. La réaction italienne use de la matraque policière, mais elle ne peut briser l'élan des grèves. La bourgeoisie lutte pour l'intégration européenne, pour la création des «États-unis d'Europe» et l'on comprend bien ce qu'elle en attend et les maux qui peuvent en résulter pour les ouvriers et les peuples d'Europe. Et c'est alors que Chou En-laï vient en aide à la bourgeoisie, en recommandant aux peuples et au prolétariat d'Europe de suivre avec confiance les dirigeants bourgeois, au lieu de leur dire : «Dressez-vous contre les ennemis de classe, creusez leur tombe et enterrez-les plutôt que de vous laisser enterrer par eux». Mais qu'est-ce qui pousse Chou En-laï à se prononcer si ouvertement contre le marxisme-léninisme ? Il part d'une autre idée et se dit : «Encourageons ce bloc réactionnaire européen, car il se présente comme étant contre le bloc américain, mais surtout contre le soviétique ; ainsi nous approfondissons les contradictions entre les blocs impérialistes en faveur du socialisme». Mais alors la question se pose : en faveur de quel socialisme ces contradictions seraient-elles approfondies alors que les ouvriers et les peuples sont appelés à ne pas bouger, à se regrouper comme des moutons dans le bercail du pasteur capitaliste ? Le socialisme se réduit dans ce cas à la seule Chine, qui s'inspire de ces idées de Chou En-laï. (...) Chou En-laï n'oeuvre pas à dresser les peuples pour la révolution, à affaiblir les divers maillons de la chaîne capitaliste, il ne contribue pas à rompre les maillons les plus faibles de cette chaîne féroce pour les peuples, mais, sans le dire ouvertement, il prône la création, en faveur de la Chine, de divers blocs pour réaliser l'équilibre des forces, et cela non pas par la voie marxiste-léniniste, ni par la voie révolutionnaire. (...) Nous assistons à l'organisation d'un nouveau pillage colossal, sous des formes nouvelles, par les bandits impérialistes et social-impérialistes. Actuellement, avec la création des «États-unis d'Europe» qu'appuie aussi Chou En-laï, les capitalistes d'Europe occidentale ne poursuivent pas d'autre but que de se partager tranquillement la sueur et le sang du prolétariat et des peuples européens. Les capitalistes s'appliquent à donner à ce partage une couleur «pacifique», en l'«enjolivant» de termes comme «révolution technico-scientifique», «société de consommation» et autres slogans fabriqués. Mais, comme le dit Lénine, ce partage ne peut se faire sur d'autres bases que celle de la force. Et c'est pourquoi ce bloc d'États est une source de guerres d'agression impérialistes pour la répartition du butin pillé. » (Enver Hoxha, 15 janvier 1973 : « Déclarations anti-marxiste de Chou En-laï », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 5-11.)

 

« Lorsqu'ils se prononcent aujourd'hui pour la défense de I'«Europe unie», les Chinois font exactement ce qu'a fait la IIe Internationale. Ils incitent à la prochaine guerre nucléaire que les deux superpuissances cherchent à déclencher, et bien que cette guerre entre elles ne puisse être qu'impérialiste, ils lancent aux peuples d'Europe occidentale, à son prolétariat, un appel «patriotique» les invitant à laisser de côté les «broutilles» qui les opposent à la bourgeoisie (et ces «broutilles» ce sont l'oppression, la faim, les grèves, les assassinats, le chômage, la sauvegarde du pouvoir bourgeois) et à s'unir à l'OTAN, à l'«Europe unie», au Marché commun européen de la grande bourgeoisie des trusts, à combattre l'Union soviétique, à devenir de la chair à canon au service de la bourgeoisie. La IIe Internationale elle-même n'aurait pu faire une meilleure propagande ! » (Enver Hoxha, 8 janvier 1977 : « Les révisionnistes chinois attaquent le Parti du Travail d'Albanie derrière son dos », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 188.)

 

Ce que l'on peut d'ores et déjà conclure, outre le fait que le PTA a là encore mené une lutte sans faille, c'est que le suivisme de la ligne chinoise relative à la théorie des trois mondes de la part des marxistes-léninistes occidentaux a crée un tord immense à la révolution, il les a empêché de mobiliser les masses exploitées contre l'ennemi intérieur alors que celui-ci était mis en difficulté par le choc pétrolier de 1973 qui marquait le début d'une période de récession durable, de délocalisations ainsi qu'une vaste offensive du capital international contre les acquis sociaux des travailleurs, particulièrement depuis la chute du révisionnisme que la bourgeoisie s'est attachée à présenter comme étant la chute du communisme. Mais la contestation monte à nouveau car pas plus hier qu'aujourd'hui le capitalisme n'a pu supprimer la contradiction principale entre le capital et le travail, entre le patronat et le prolétariat. La théorie des trois mondes a justement ignoré cette contradiction irréductible et a objectivement fait le jeu de la bourgeoisie.

 

Dans la situation actuelle,

 

« les contradictions au sein des alliances politiques, militaires et économiques dirigées par l'impérialisme américain, se sont, elles aussi, exacerbées. Les conflits et la concurrence entre les monopoles d'Europe occidentale et du Japon, d'une part, et les monopoles des États-unis, de l'autre, sont entrés dans une phase nouvelle où chacune des parties cherche à s'assurer pour son compte des positions de supériorité, des privilèges et des avantages. Leurs divergences se sont encore approfondies par suite de la crise de l'énergie et des matières premières, du rétrécissement de la sphère d'exportation des capitaux et des difficultés accrues de s'assurer des profits à travers la politique néo-colonialiste. L'analyse et les prévisions de Staline sont pleinement confirmées. Dès 1952 il disait en effet : « En apparence, la «sérénité» règne partout : Les États-unis d'Amérique ont réduit à la portion congrue l'Europe occidentale, le Japon et autres pays capitalistes ; l'Allemagne de l'Ouest, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie, le Japon, tombés dans les griffes des USA, exécutent docilement leurs injonctions. Mais on aurait tort de croire que cette «sérénité» puisse  se maintenir «pour l'éternité» ; que ces pays supporteront sans fin la domination et le joug des États-unis d'Amérique ; qu'ils n'essaieront pas de s'arracher à la captivité américaine pour s'engager sur le chemin de l'indépendance. » (J. Staline, Les problèmes économiques du socialisme en URSS, éd. albanaise. 1968, p. 39.) Dans le cadre des alliances de l'Occident, les plus grands différends sont ceux qui opposent les États-unis et le Marché commun, et ces désaccords, sous la pression et les manoeuvres du bloc soviétique, tendent à s'accroître. Dans cet esprit de concurrence, les États-unis, pour faire obstacle à l'affirmation et à la consolidation du Marché commun, s'efforcent de manipuler chacun de ses membres séparément et de les opposer les uns aux autres. En particulier, ils cherchent à entraver le rapprochement franco-allemand en affaiblissant la France et en soutenant l'Allemagne fédérale et la Grande-Bretagne, tout en oeuvrant à asservir les autres membres plus faibles. Il convient de dire que les pays d'Europe occidentale, eux non plus, en dépit des organismes communs qu'ils ont créés, n'ont jamais cessé de déployer, chacun de son côté, de gros efforts pour s'assurer le plus de concessions et de débouchés possible dans le monde. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.14.)

 

Aujourd'hui, selon les prévisions de Staline, l'Europe impérialiste "unie" est justement en train d'essayer d'échapper à la tutelle américaine. Elle s'est dotée d'une monnaie forte pour remettre en cause l'hégémonie du dollar sur les marchés financiers. Aujourd'hui, l'ensemble des puissances impérialistes s'arment fiévreusement au nom de la "lutte contre le terrorisme", mais ce prétendu "front uni" impérialiste de lutte contre le terrorisme connaît des dissensions. Les intérêts divergents des blocs impérialistes se dessinent chaque jour davantage, et même si la cohésion du bloc impérialiste européen est encore faible, l'on a pu voir dernièrement par exemple sur la question de l'Irak s'opposer les intérêts impérialistes : le fait que le régime de Saddam Hussein comptait désormais utiliser l'Euro pour payer les échanges de pétrole, donnant ainsi un mauvaise exemple aux autres pays exportateurs de pétrole, n'est sans doute pas étranger à la timide opposition franco-allemande. Qu'est ce qui aujourd'hui peut nous assurer que l'ONU ne finira pas comme la SDN ? Rien assurément, hormis l'optimisme vulgaire du pacifisme bourgeois. Le Japon, l'Allemagne et l'Italie, soucieux d'occuper une place plus importante au sein du concert des nations postulent aujourd'hui pour occuper un siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU tandis qu'au sein des milieux dirigeants des USA, afin de préserver le leadership américain sur la scène internationale, on commence à penser que l'ONU a fait son temps. Les USA essayent de pénétrer les marchés préférentiels conservés par les anciens colonisateurs européens en Afrique, en attisant les conflits ethniques pour déstabiliser ces pays et pouvoir les mettre sous sa coupe. L'Allemagne et la France impérialistes se sont partagées la Yougoslavie, l'Allemagne a massivement investi les anciens pays de l'est. Comment ne pas penser que les impérialistes, la récession économique et une crise économique aidant, ne se tourneront pas vers des moyens non-pacifiques de repartage du monde ? Au nom d'hypocrites motifs humanitaires ou de la lutte contre le terrorisme, des précédents d'ingérence impérialiste ont déjà eu lieu dans des États souverains, en Yougoslavie, en Afghanistan et dernièrement encore en Irak. En 2003, les budgets de la défense des USA, de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la France et de l'Italie étaient respectivement 399,1 ; 38,4 ; 24,9 ; 29,5 ; 19,4 milliards de dollars, à comparer aux 65 ; 47 ; 42,6 ; 14,1 milliards de dollars de la Russie, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud, ou aux 13 milliards de dollars pour l'ensemble des "États voyous", dont 2,1 milliards pour la Corée du Nord. On peut admirer les "dividendes de la paix" promis par les laquais de l'impérialisme après la chute du révisionnisme soviétique. Dans ce contexte s'ouvre la perspective de décennies de conflits impérialistes néo-coloniaux et inter-impérialistes à l'échelle internationale, et alors il nous faudra mettre en pratique cet enseignement de Lénine : transformer la guerre impérialiste de rapine en révolution socialiste.

 

IV – A propos du Discours sur les dix grands rapports de Mao

 

Ce discours a été prononcé par Mao le 25 avril 1956 lors d'une réunion élargie du bureau politique du Comité Central du PCC. Il est également présent dans le tome V des oeuvres de Mao publié en 1977 (p. 284-307 de l'édition anglaise). Ce texte, postérieur au XXème congrès du PCUS de février 1956, appartient à ce qu'Enver Hoxha a nommé très justement le « printemps du révisionnisme moderne » durant lequel les thèses révisionnistes khrouchtchéviennes commencèrent à s'épanouir largement au sein du mouvement communiste international. En raison de son caractère profondément « spécifique »,  ce discours de Mao va nous servir de point de départ pour critiquer certaines de ses conceptions non marxistes.

 

Présentant ce document, Enver Hoxha remarque a juste titre que l'

 

« un des objectifs essentiels de ce «décalogue» de Mao est de tracer la ligne de démarcation entre lui et Staline, entre la construction socialiste en Union soviétique et l'idéologie qui guide la construction du socialisme en Chine. » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.168.)

 

C'est ce qui ressort parfaitement dans ce passage introductif :

 

« We are now following the same policy in order to carry on the socialist revolution and build a socialist country, Nevertheless, there are some problems in our work that need discussion. Particularly worthy of attention is the fact that in the soviet union certain defects and errors that occurred in the course of their building socialism have lately come to light. Do you want to follow the detours they have made ? It was by drawing lessons from their experience that we were able to avoid certain detours in the past, and there is all the more reason for us to do so now. » (Mao Tse-tung, On the ten major relationships, Selected Works of Mao Tse-tung,  Foreign Languages Press, Peking 1977, Vol. V, p. 285.)

 

« Nous suivons maintenant la même politique afin de continuer la révolution socialiste et construire un pays socialiste, néanmoins, il y a quelques problèmes dans notre travail qui ont besoin d’une discussion. Particulièrement digne d'attention est le fait qu’en Union Soviétique certains défauts et erreurs qui se sont produites dans le cours de la construction du socialisme ont récemment été mises en lumière. Voulez-vous suivre les détours qu’ils ont fait ? C'est en tirant les leçons de leur expérience que nous serons capables d’éviter certains détours dans le passé, et il y a d'autant plus de raison pour nous de le faire maintenant. »

 

C'est on ne peut plus clair : selon Mao, les erreurs qui se sont produites en URSS et que Khrouchtchev a rectifiées au XXème congrès du PCUS doivent servir d'enseignement à la Chine, et ce d'autant plus « maintenant », que la mort de Staline et les changements introduits par Khrouchtchev le rendent possible. Par "erreurs", il faut principalement entendre les grandes réalisations économiques opérées sous Staline.

 

Mao reprend à son compte nombre de calomnies lancées par Khrouchtchev contre Staline.

 

Ainsi, Staline aurait mal préparé l'URSS pour la Seconde Guerre mondiale :

 

« National defence is indispensable. Our defence capabilities have attained a certain level. As a result of the war to resist U.S. aggression and aid Korea and of several years of training and consolidation, our armed forces have grown more powerful and are now stronger than was the Soviet Red Army before the Second World War ; also, there have been improvements in armaments. Our defence industry is being built up. » (Mao Tse-tung, On the ten major relationships, Op. cit., p. 289.)

 

« La défense nationale est indispensable. Nos possibilités de défense ont atteint un niveau respectable. En raison de la guerre pour résister à l'agression US et aider la Corée et de plusieurs années de formation et de consolidation, nos forces armées sont devenues plus puissantes et sont maintenant plus fortes que ne l'était l'Armée Rouge soviétique avant la deuxième guerre mondiale ; aussi, il y a eu des améliorations des armements. Notre industrie de la défense est en train de se construire. » 

 

Ce qui amène Enver Hoxha à dire que :

 

« Mao Tsétoung définit la proportion entre les constructions économiques et les constructions à des fins de défense. Lorsqu'il recommande de diminuer les dépenses au titre de la défense, il se fonde évidemment sur des appréciations erronées. La défense chinoise, selon Mao, serait plus puissante que celle de l'Union soviétique avant la Seconde Guerre mondiale. Khrouchtchev émit la thèse selon laquelle Staline avait laissé l'Union soviétique sans défense face aux hitlériens. Et Mao souscrivit à cette calomnie, en se vantant d'assurer la défense de la Chine avec les avions et les canons qu'il avait (et avec la bombe atomique que lui livrerait Khrouchtchev). Les faits attestent que la Chine est en retard. Cela tient à ce qu'elle a sous-estimé l'industrie lourde, qu'elle s'est appuyée sur les autres pour renforcer sa capacité de défense avec une stratégie militaire erronée. Maintenant, la Chine a commencé à changer d'avis en matière de défense, mais elle a en même temps modifié ses alliances. Elle s'est rapprochée des Américains et a acquis chez eux de la technologie moderne de guerre. » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.170-171.)

 

Dénigrant l'industrialisation socialiste et la collectivisation agricole effectuées sous Staline, Mao dit :

 

« In dealing with this relationship we have not made mistakes of principle. We have done better than the Soviet Union and a number of East European countries. The prolonged failure of the Soviet Union to reach the highest pre-October Revolution level in grain output, the grave problems arising from the glaring disequilibrium between the development of heavy industry and that of light industry in some East European countries - such problems do not exist in our country. Their lop-sided stress on heavy industry to the neglect of agriculture and light industry results in a shortage of goods on the market and an unstable currency. We, on the other hand, attach more importance to agriculture and light industry. (...) The problem now facing us is that of continuing to adjust properly the ratio between investment in heavy industry on the one hand and in agriculture and light industry on the other in order to bring about a greater development of the latter. Does this mean that heavy industry is no longer primary ? No. It still is, it still claims the emphasis in our investment. But the proportion for agriculture and light industry must be somewhat increased. What will be the results of this increase ? First, the daily needs of the people will be better satisfied, and, second, the accumulation of capital will be speeded up so that we can develop heavy industry with greater and better results. Heavy industry can also accumulate capital, but, given our present economic conditions, light industry and agriculture can accumulate more and faster. » (Mao Tse-tung, On the ten major relationships, Op. cit., p. 286-287.)

 

« En faisant face à ces rapports [relatifs aux proportions entre l'industrie lourde, l'industrie légère et l'agriculture] nous n'avons pas fait d'erreurs du principe. Nous avons fait mieux que l'Union Soviétique et qu'un certain nombre de pays est-européens. L'échec prolongé de l'Union Soviétique pour atteindre le niveau le plus élevé dans le rendement en grains d'avant la Révolution d'Octobre, les problèmes graves résultant du déséquilibre qui s'est produit entre le développement de l'industrie lourde et celle de l'industrie légère dans certains pays est-européens - de tels problèmes n'existent pas dans notre pays. Leurs efforts concentrés sur l'industrie lourde les ont amené à  négliger l'agriculture et l'industrie légère avec comme conséquence un manque de marchandises sur le marché et une devise instable. Nous, d'autre part, attachons plus d'importance à l'agriculture et à  l'industrie légère. (...) Le problème se posant maintenant à nous est celui de continuer à ajuster correctement le rapport entre l'investissement dans l'industrie lourde d'une part et dans l'agriculture et l'industrie légère de l'autre afin de provoquer un plus grand développement du dernier.  Cela signifie-t-il que l'industrie lourde ne soit plus prioritaire ? Non. Elle l'est toujours, elle réclame toujours la priorité dans notre investissement. Mais la proportion pour l'agriculture et l'industrie légère doit être légèrement augmentée. Quels seront les résultats de cette augmentation ? D'abord, les besoins quotidiens du peuple mieux seront satisfaits, et, seconde, l'accumulation du capital sera expédiée vers le haut de de sorte que nous puissions développer l'industrie lourde avec de plus grands et meilleurs résultats. L'industrie lourde peut également accumuler le capital, mais, étant donné nos conditions économiques actuelles, l'industrie et l'agriculture légères peuvent accumuler beaucoup plus rapidement. »

 

Commentant ce paragraphe, Enver Hoxha dit à juste titre :

 

« Au premier point de son «décalogue» Mao Tsétoung traite de la thèse antimarxiste de la priorité à accorder à l'industrie légère et à l'agriculture par rapport à l'industrie lourde. Mao Tsétoung justifie cette déviation révisionniste à la Kossyguine en prétendant que les investissements dans l'industrie lourde sont très élevés et qu'ils ne sont pas rentables, alors que l'industrie des bonbons et des chaussons serait, elle, plus avantageuse, plus rentable. Quant à l'agriculture, elle assure l'alimentation de la population. Cette thèse antimarxiste de Mao ne fait pas avancer, elle freine au contraire le développement des forces productives. L'agriculture et l'industrie légère ne peuvent se développer à la cadence requise si leur développement ne s'accompagne pas de celui de l'industrie minière, si l'on ne produit pas de l'acier, du pétrole, si l'on ne produit pas des tracteurs, des wagons, des automobiles, des navires, si l'on ne met pas sur pied une industrie chimique, etc., etc. L'essor de l'industrie, selon Mao, est un processus artisanal. L'industrie légère, que Mao prétend développer, ne peut être mise sur pied seulement avec des briqueteries, des bicyclettes, des tissus imprimés, des thermos et des éventails, qui peuvent, certes, procurer des revenus, mais que les gens n'acquièrent que s'ils ont le pouvoir d'achat correspondant. En 1956, la Chine, pays très peuplé, était économiquement arriérée, et beaucoup d'articles de consommation courante étaient vendus au-dessous de leur prix de revient. La productivité du travail était encore très réduite. Dans son «décalogue», Mao critique Staline et la situation économique en Union soviétique. Mais «la lumière ne se met pas sous le boisseau». La réalité montre qu'en Union soviétique, dans les 24 à 25 ans qui séparent la Révolution de la Seconde Guerre mondiale, il fut édifié, sous la conduite de Lénine, puis de Staline, grâce à une ligne et à une politique justes, une industrie lourde, qui non seulement stimula l'économie intérieure de ce premier pays socialiste, mais permit de tenir tête à la terrible machine de guerre de l'Allemagne hitlérienne. Par contre, avec la politique économique de Mao, soit après quelque 30 ans, de 1949 à nos jours, quel est aujourd'hui le potentiel industriel de la Chine ? Un potentiel très médiocre ! Et c'est les «quatre» qui en seraient responsables ! Non, ce ne sont pas les «quatre», c'est la ligne de Mao, comme le confirment ses vues exposées dans ce «décalogue». Comment la grande Chine socialiste pourrait-elle se passer d'une industrie lourde ? Assurément, Mao pensait qu'il bénéficierait de l'aide de l'Union soviétique pour en construire une, ou qu'il se tournerait alors vers les crédits américains. Voyant que l'Union soviétique ne se «décidait» pas, qu'elle ne lui accordait pas l'aide sollicitée, Mao se mit à couler de l'acier dans des poêles construits sur les trottoirs des boulevards ou dans des minifours à fonte. La Chine demeura en arrière, elle resta dépourvue de technologie moderne. Il est vrai que le peuple chinois ne souffrait pas de la faim comme auparavant, mais aller jusqu'à affirmer, comme l'a fait Mao, que le paysan chinois en 1956 vivait mieux que le kolkhozien soviétique, en un temps où il était effectivement arriéré, cela revient à dénigrer la collectivisation de l'agriculture et la construction du socialisme dans l'Union soviétique de l'époque de Lénine et de Staline. Mao Tsétoung dit avec dédain : «A quoi bon parler du développement de l'industrie lourde ? Ce dont il s'agit, c'est d'assurer aux ouvriers les moyens de subsistance». En d'autres termes, c'est la «théorie du goulache» de Khrouchtchev. Et pour conclure, Mao, dans son «décalogue», donne à entendre qu'en Chine on n'a pas commis d'erreurs comme en Union soviétique, ou plutôt (mais cela il ne peut pas le dire franchement) comme en ont commis Lénine et Staline. Pour camoufler cependant cette déviation, il ne manque pas de dire qu'«il faut développer aussi l'industrie lourde, mais attacher une plus grande attention à l'agriculture et à l'industrie légère». Cette conception qui lui est propre, qui fut appliquée de manière pragmatiste, et à quoi la Chine doit son grand retard, a fait qu'il lui faudra plus de deux décennies, jusqu'à l'an 2 000, pour parvenir à le rattraper... avec l'aide et les crédits que sa nouvelle stratégie lui permet d'obtenir du capital américain. Sans aucun doute, la Chine peut s'appuyer sur ses propres forces, elle dispose d'immenses forces humaines, elle possède aussi un potentiel économique considérable, mais son retard est dû à sa ligne erronée. » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.169-170.)

 

Mao critique également la politique agraire menée par Staline :

 

« Our policies towards the peasants differ from those of the Soviet Union and take into account the interests of both the state and the peasants. Our agricultural tax has always been relatively low. In the exchange of industrial and agricultural products we follow a policy of narrowing the price scissors, a policy of exchanging equal or roughly equal values. The state buys agricultural products at standard prices while the peasants suffer no loss, and, what is more, our purchase prices are gradually being raised. In supplying the peasants with manufactured goods we follow a policy of larger sales at a small profit and of stabilizing or appropriately reducing their prices ; in supplying grain to the peasants in grain-deficient areas we generally subsidize such sales to a certain extent. Even so, mistakes of one kind or another will occur if we are not careful. In view of the grave mistakes made by the Soviet Union on this question, we must take greater care and handle the relationship between the state and the peasants well. »

 

« Notre politique envers les paysans diffère de celle de l'Union Soviétique et tient compte des intérêts de l'État et des paysans. Notre impôt agricole a toujours été relativement bas. Dans l'échange des produits industriels et agricoles, nous suivons une politique visant à rétrécir les ciseaux des prix, une politique d'échange de valeurs égales ou strictement égales. L'État achète les produits agricoles aux prix standards tandis que les paysans ne souffrent aucune perte, et, qui plus est, nos prix d'achat d'achat sont graduellement augmentés. En fournissant aux paysans des produits manufacturés nous suivons une politique de plus grandes ventes à petit bénéfice et de stabilisation ou de réduction appropriée de leurs prix ; en approvisionnant  les paysans en grains dans les zones en déficit de grains nous subventionnons généralement de telles ventes dans une certaine mesure. Néanmoins, des erreurs d'une sorte ou d'une autre se produiront si nous ne sommes pas prudents. En raison des graves erreurs faites par l'Union Soviétique sur cette question, nous devons faire plus grande attention et bien manipuler les rapport entre l'État et les paysans. »

 

Enver Hoxha souligne ici le fait que :

 

« Évoquant la paysannerie, et cela en 1956, c'est-à-dire quelques années seulement après la libération, Mao faisait observer que le système des kolkhozes et des sovkhozes en Union soviétique était un échec, que les paysans y étaient grevés d'impôts, que leurs produits leur étaient payés bon marché, qu'ils souffraient aussi d'autres maux et c'est tout juste s'il ne dit pas qu'en Chine, par contre, la paysannerie vivait dans l'abondance et le bonheur, que les productions étaient abondantes, les prix bas et l'accumulation d'État limitée. Curieuse analyse ! Nous avons connu nous-mêmes la situation tant en Union soviétique qu'en Chine, car nous nous sommes rendus à l'époque dans ces deux pays, aussi ce que dit Mao ne correspond pas à la réalité. A ce point du «décalogue», l'analyse de Mao sur les rapports entre l'État et l'agriculture, sur les communes populaires et les communards, sur la répartition des revenus, sur le problème des investissements, sur la question de l'accumulation et le niveau de vie des communes populaires rurales et urbaines, n'est nullement marxiste-léniniste, elle ne constitue pas un tableau clair et objectif de la situation, mais elle tend seulement à démontrer la fausse «supériorité» de l'agriculture chinoise sur la soviétique. Khrouchtchev se posait en «théoricien de l'agriculture», et il se vantait de tirer cette branche de l'économie «du bourbier où l'avait plongée Staline». Et Mao imite ce koulak et ce fumiste. Il clôt ce problème si important par des considérations qui visent à montrer qu'en Chine tout marche bien ; il donne à l'industrie lourde la troisième place, intègre les fabricants bourgeois dans le socialisme, prône la même politique pour les koulaks dans les campagnes, et tout devrait être réglé selon sa théorie maoïste, qui serait toujours juste, infaillible ! Or, en réalité, ces idées de Mao sont en opposition avec celles de Lénine et de Staline. On ne saurait aller plus loin dans la mégalomanie, ni dénigrer l'oeuvre de Lénine et de Staline davantage que ne le fait ce «classique» révisionniste. » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.171-172.)

 

Nous n'avons pas grand chose à ajouter aux paroles d'Enver Hoxha, si ce n'est le fait que nous devons rattacher l'échec du "Grand bond en avant" (paragraphe III-A) aux vues erronées de Mao concernant l'industrialisation. Mao montre ici clairement qu'il n'est pas marxiste, puisque selon Marx :

 

« Ce qui distingue le communisme de tous les mouvements connus jusqu'ici, c'est qu'il bouleverse les fondements de tous les rapports de production et de commerce traditionnels et que, pour la première fois, il traite de manière consciente toutes les données naturelles préalables comme des créations des générations passées, en les dépouillant de leur caractère primitif et en les soumettant à la puissance des individus associés. C'est pourquoi son institution est essentiellement économique ; elle est l'établissement matériel des conditions de cette association. » (Karl Marx, l'Idéologie allemande, 1845-1846.)

 

Lors du grand bond en avant, Mao n'a pas tenu compte des conditions matérielles nécessaires à la construction de communes populaires. Il a voulu porter à la campagne les idées communistes, alors que la base matérielle faisait défaut. C'est n'est d'ailleurs pas pour rien si les maoïstes reprochent entre autre à Staline, pour qui la construction du socialisme passait d'abord par le développement rapide des forces productives, le fait d'avoir une vision trop "économiste" de la construction de la société socialiste. Mao n'est pas marxiste, puisqu'un marxiste est avant tout économiste. Marx a certes été philosophe, mais il était avant tout économiste. Pourquoi sinon aurait-il consacré la majeure partie de sa vie à la critique de l'économie politique bourgeoise ? Mao, le grand dialecticien qui voulait en remonter à Staline, s'est montré subjectif et idéaliste et a prouvé par là même qu'il n'avait rien compris au matérialisme dialectique pour lequel

 

« Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain [le seigneur féodal. – N. de la Réd.] ; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel. » (Karl Marx, Misère de la philosophie, Réponse à la Philosophie de la misère de M. Proudhon p. 99, Bureau d'Éditions, Paris 1937, cité par Staline dans Matérialisme dialectique et matérialisme historique.)

 

Et

 

« Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » (Karl Marx, Contribution à la critique de l'économie politique, préface, cité par Staline dans Matérialisme dialectique et matérialisme historique.)

 

La société socialiste ne peut donc être construite que sur la base d'une technique avancée. La transformation des consciences quant à elle ne peut se faire que dans ce cadre, sans quoi l'on s'abandonne aux rêves creux des socialistes utopiques. Nous laisserons parler à ce sujet Lénine et Staline :

 

« Le camarade Dzerjinsky a raison de dire que notre pays peut et doit devenir un pays métallurgique. Point n'est besoin de démontrer l'importance de ce fait pour le développement intérieur de notre pays comme pour la révolution internationale. Il est indubitable que, du point de vue du développement intérieur, l'essor de notre industrie métallurgique a une importance considérable, car elle marque un essor de l'ensemble de notre industrie et de notre économie. Sans puissant développement de l'industrie métallurgique, clef de voûte de toute industrie, il ne peut être question de mettre sur pied ni petite industrie, ni transport, ni combustible, ni électrification, ni agriculture. C'est pourquoi l'essor de cette industrie est synonyme d'essor général. Voici ce que disait Lénine de la « grande industrie », sous-entendant par là principalement l'industrie métallurgique : « Nous savons que le salut de la Russie n'est pas seulement dans une bonne récolte — cela ne suffit pas — pas plus que dans un bon rendement de la petite industrie fournissant à la paysannerie des objets de consommation, ce qui est aussi insuffisant ; il nous faut encore la grande industrie. Plusieurs années de travail seront nécessaires pour la remettre en bon état. » Et, plus loin : « Si nous ne parvenons pas à sauver la grande industrie et à la relever, nous ne pourrons organiser aucune espèce d'industrie. Sans elle, nous sommes condamnés à disparaître en tant que pays indépendant. » Quant à la portée internationale du développement de notre industrie métallurgique, elle est, à coup sûr, incalculable. Car qu'est-ce que l'impétueuse croissance de la métallurgie sous la dictature du prolétariat sinon la preuve éclatante que le prolétariat n'est pas seulement capable de détruire, mais de construire, d'édifier par ses propres moyens une nouvelle industrie et une nouvelle société affranchie de l'exploitation de l'homme par l'homme ? Et faire cette démonstration dans la vie et non dans les livres, c'est contribuer considérablement au succès de la révolution mondiale. » (Staline, Résumé des travaux de la XIVe conférence du P.C.R., Rapport du 9 mai 1925, Les questions du léninisme, tome I, édition numérique, p. 116.)

 

« Nous pouvons et devons employer notre pouvoir à faire réellement de l'ouvrier urbain le propagateur des idées communistes au sein du prolétariat rural. J'ai dit "communiste", mais je m'empresse de faire des réserves, craignant de provoquer un malentendu ou d'être compris trop à la lettre. Cela ne doit être aucunement pris en ce sens que nous devrions tout de suite porter dans les campagnes des idées communistes, pures et simples. Tant que nous n'avons pas de base matérielle pour le communisme au village, ce serait, pourrait-on dire, faire oeuvre nuisible, oeuvre néfaste pour le communisme. » (Lénine, Feuillet de Bloc-notes, Pravda, 4 janvier 1923, dans Oeuvre choisies, Éditions du Progrès, Moscou, 1980, p. 763.)

 

Pour le communisme scientifique, l'économie est la chose la plus importante. Construire la société socialiste, c'est avant tout réorganiser la production en substituant aux rapports de production bourgeois, des rapports de production nouveaux qui permettront à la nouvelle superstructure socialiste d'émerger. La bourgeoisie, contrairement à nombre de "marxistes", ne s'y est pas trompée. Les attaques contre l'économie planifiée sont légion, parce que c'est justement à ce niveau que le marxisme se distingue du communisme utopique et représente le plus grand danger pour l'ordre bourgeois. Et c'est bien pourquoi la bourgeoisie se réserve un jugement mitigé sur Mao : certes il s'est dit opposé à la déstalinisation, mais en rejetant l'industrialisation et la collectivisation agricole en URSS, il a rejeté l'essentiel chez Staline. Et c'est pourquoi l'appréciation que la bourgeoisie fait de Mao est plutôt positive :

 

« Totalement isolée diplomatiquement, la Chine de Mao suivit dans un premier temps le modèle soviétique de construction de la société socialiste. Dans le cadre du premier plan quinquennal (1953-1957), il entreprit la redistribution des terres et l’élimination de la classe des propriétaires fonciers, une industrialisation massive et le développement d’une bureaucratie centralisée. Pendant les années passées à Shaanxi, pourtant, Mao avait élaboré une alternative chinoise au communisme tenant compte de la spécificité de la démographie chinoise, de sa propre expérience au contact des paysans et de son hostilité à l’encontre de la bureaucratie. Sur le plan économique, il mit l’accent sur l’autosuffisance, qui devait être obtenue par le labeur acharné des travailleurs au sein des communautés locales, plutôt que par l’avènement d’une agriculture coopérative techniquement avancée. Politiquement, il introduisit une innovation fondamentale avec le concept du gouvernement des masses, qui intégrait des intellectuels comme des dirigeants de la guérilla paysanne. Hostile à la condamnation des crimes de Staline par les nouveaux dirigeants soviétiques, en 1956, Mao commença à faire connaître sa propre politique. Lors de la campagne des Cent Fleurs, en 1957, il tenta de se concilier les intellectuels en leur permettant de critiquer la bureaucratie. Son discours sur « les dix grandes relations » rejetait l’industrialisation soviétique à outrance, affirmant que la clé d’un développement socialiste rapide résidait dans l’augmentation du pouvoir d’achat des paysans. » (Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, © 1993-2003 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.)

 

Ce constat est d'autant plus positif pour la bourgeoisie que le maoïsme se prétend être l'héritier du marxisme-léninisme. Mais en fait, le maoïsme, loin d'être un nouveau développement et un dépassement du marxisme-léninisme, marque un pas en arrière vers le communisme utopique. Le maoïsme, loin de « conserver et dépasser » le marxisme-léninisme, s'y substitue.

 

En cela, le maoïsme ne diffère en rien de toute autre forme de révisionnisme :

 

« Mao Tsétoung oppose à la théorie marxiste ses idées, la «pensée-maotsétoung», ainsi que les Chinois appellent maintenant ces idées soi-disant «identiques à la théorie fondamentale du marxisme-léninisme», mais en réalité en opposition avec lui. Lénine a prévu l'activité des antimarxistes, quels qu'ils soient, Mao, les maoïstes, etc., lorsqu'il dit dans son oeuvre «Les Destinées historiques de la doctrine de Karl Marx», en 1913 que : «La dialectique de l'histoire est telle que la victoire théorique du marxisme contraint ses ennemis à se travestir en marxistes». (V. Lénine, Oeuvres, éd. alb., t. 18, p. 653.) » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.168.)

 

Résumant les conceptions non marxistes de Mao exposées dans ce discours, Enver Hoxha dit :

 

« Comme le montre ce «décalogue», sur beaucoup de questions de principe, Mao Tsétoung a été depuis longtemps en opposition avec la théorie et la pratique révolutionnaires du marxisme-léninisme. Il en ressort que dès l'époque de la «Longue Marche», dès Yenan, il avait des conceptions antimarxistes sur l'hégémonie de la classe ouvrière et il prônait le rôle dirigeant de la paysannerie dans la révolution. Actuellement aussi, Mao a fait du prétendu tiers monde «le centre et la force dirigeante de la révolution», reniant ainsi le rôle dirigeant du prolétariat international. Les conceptions antimarxistes de Mao, qui se reflètent aussi dans ce «décalogue» et qui se sont cristallisées dans la phase culminante de la guerre de libération chinoise, non seulement négligent la lutte de classes, mais en prêchent ouvertement l'extinction. Ces thèses réactionnaires et antirévolutionnaires de Mao sont donc fixées aussi dans le «décalogue» de 1956. Dans ses oeuvres en quatre tomes on ne trouve pas exprimées ouvertement des thèses si manifestement antimarxistes et anti-léninistes. Il apparaît que Mao Tsétoung fut un éclectique, un révisionniste camouflé, qui déchira son masque lorsqu'il s'accommoda avec les révisionnistes khrouchtchéviens pour répudier le léninisme et attaquer Staline. Sous le masque du marxisme-léninisme, Mao Tsétoung déploya sa théorie pseudomarxiste, et cette «théorie» «devait guider dorénavant le prolétariat mondial et la révolution». C'est à quoi la «pensée-maotsétoung» doit son caractère mystificateur, mégalomane et dénigrant envers le marxisme-léninisme. La «pensée-maotsétoung» guida aussi la «Grande Révolution-culturelle prolétarienne», opposée à la Grande Révolution socialiste d'Octobre, qui, pour Mao, était «dépassée», «caduque» en même temps que la théorie de Marx et de Lénine. Les temps ont changé, de sorte que, selon lui, il fallait une «théorie nouvelle pour remplacer le marxisme» et cette théorie serait la «pensée-maotsétoung». C'est là une version du révisionnisme moderne qui, tout comme la khrouchtchévienne, conserve le masque léniniste. Ces deux variantes du révisionnisme moderne forment un tout indivisible, mais il s'agit de savoir qui, de celle de Khrouchtchev ou de celle de Mao, va dominer, indépendamment du fait que toutes deux aboutissent au même goulet, celui de l'antimarxisme. De cette rivalité dépend la question de savoir quel grand État dominera l'autre, lequel fera la loi. Dans cette voie tous deux partent du dénigrement de l'oeuvre géniale de Staline. Les khrouchtchéviens ont abreuvé Staline de calomnies, alors que Mao a profité de ce dénigrement de Staline et en a utilisé les éléments qu'il lui fallait pour camoufler sa ligne révisionniste, pour l'exalter comme étant marxiste-léniniste et, en se masquant encore mieux, gagner du terrain sur les khrouchtchéviens. » (Enver Hoxha, 28 décembre 1976, « Jugements sur le décalogue balliste de Mao Tsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.168-169.)

 

Nous trouvons chez Gonzalo l'illustration parfaite de la nature hégémonique du maoïsme et de sa substitution « masquée » au marxisme-léninisme :

 

« L’idéologie du prolétariat, le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme aujourd’hui, c’est l’unique idéologie toute puissante, parce qu’elle est vraie et que les faits historiques le démontrent. En dehors de ce qui vient d’être dit, elle est le produit du travail historique extraordinaire des figures historiques extraordinaires, telles que Marx, Engels, Lénine, Staline et le Président Mao Zedong, pour relever les remarquables sommets ; mais parmi eux, nous en ferons ressortir trois : Marx, Lénine et le Président Mao Zedong comme étant les trois drapeaux qui se concrétisent une fois de plus, dans le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme. » (Interview du président Gonzalo au journal El Diaro, 1988, p.4., http://classiques.chez.tiscali.fr/perou/gonzalo1.pdf)

 

Dans le commentaire du Discours sur les dix grandes relations de Mao, nous avons concentré notre attention sur le volet économique du maoïsme, notamment ses graves erreurs dans la question de l'industrialisation socialiste et de la collectivisation agricole. Beaucoup d'autres conceptions « spécifiques » de Mao mériteraient d'être critiquées, parmi lesquelles sa conception du centralisme démocratique qui le fait se rapprocher des principes de l'autogestion titiste, de la dictature du prolétariat à laquelle il donne le rôle prépondérant à la paysannerie, du matérialisme dialectique auquel il substitue une variante idéaliste sous couvert « d'améliorer » l'exposé magistral qui en a été fait par Staline, ou bien de la tolérance de plusieurs lignes politiques au sein du Parti qui n'est rien d'autre que la légalisation des fractions et donc d'une sorte de multipartisme, etc. (Plutôt que de développer tous ces points qui rallongeraient excessivement l'exposé, nous renvoyons à la lecture des documents du PTA qui fournissent de plus amples détails, principalement les Réflexions sur la Chine et plus particulièrement encore les notes des pages relatives au 28 décembre 1976 et au 26 décembre 1977.)

 

Pour conclure sur Mao Tsétoung, ces paroles d'Enver Hoxha sont particulièrement adaptées :

 

« J'ai indiqué dans un des mes écrits qu'il fallait abattre les mythes, et je pensais précisément au mythe de Mao Tsétoung, ce mythe qui le présentait comme un «grand» marxiste-léniniste. Mao Tsétoung n'est pas un marxiste-léniniste, mais un démocrate révolutionnaire progressiste et c'est à travers ce prisme qu'il faut, à mon sens, étudier son oeuvre. J'ai déjà dit qu'il ne faut pas étudier les conceptions de Mao Tsétoung en les jugeant seulement d'après les phrases arrangées dans les quatre tomes publiés de ses oeuvres (9), mais qu'il faut les étudier dans leur application dans la vie. Et ces conceptions ont été appliquées dans une période dissemblable de celle de la Révolution française démocratique bourgeoise, où la bourgeoisie était, pour son époque, une classe progressiste. Actuellement, les idées de Mao Tsétoung sont développées à l'époque de la putréfaction de l'impérialisme, ce stade suprême du capitalisme, par conséquent à l'époque où les révolutions prolétariennes sont à l'ordre du jour et où l'exemple et les grands enseignements de la Grande Révolution socialiste d'Octobre, les enseignements de Marx et de Lénine sont pour nous des guides infaillibles. La théorie de Mao Tsétoung, la «pensée-maotsétoung», qui a vu le jour dans ces nouvelles conditions, devait tenter de s'affubler de l'habit de la théorie la plus révolutionnaire et la plus scientifique de l'époque, du marxisme-léninisme, mais elle est restée dans son essence une théorie antimarxiste, car elle est en opposition avec les révolutions prolétariennes et va à l'aide de l'impérialisme pourrissant. C'est pourquoi, dans l'idéologie de Mao Tsétoung nous trouvons reflétés tous les aspects des idées conçues par le capitalisme et l'impérialisme au cours de sa longue période de déclin et de putréfaction. La «pensée-maotsétoung» est un amalgame d'idéologies, allant de l'anarchisme et du trotskisme, au révisionnisme moderne à la titiste, à la khrouchtchévienne, de l'«eurocommunisme» à la Marchais-Berlinguer-Carrillo jusqu'à l'utilisation des formules marxistes-léninistes. Dans tout cet amalgame nous devons distinguer les vieilles idées de Confucius, de Mencius et des autres philosophes chinois, qui ont considérablement influé sur la formation des idées de Mao Tsétoung, sur son évolution culturelle et théorique. Il est donc difficile de définir une seule ligne, ou plutôt une ligne claire de l'idéologie chinoise. » (Enver Hoxha, 26 décembre 1977, « La révolution chinoise peut-elle être qualifiée de prolétarienne ? », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p.356.)

 

Il est également instructif d'écouter l'opinion de Molotov qui vient corroborer nos observations :

 

« Quelle impression vous à faite Mao Tsétoung ? (...) « C'est un homme intelligent, un leader paysan, une sorte de Pougatchev chinois. Bien sûr, il était loin d'être marxiste. Il est venu pour le soixante-dixième anniversaire de Staline, en 1949. Il est resté quelque chose comme six semaines à la datcha de Staline. Il a été un peu souffrant. Nous sommes allés lui rendre visite Mikoyan et moi. Nous avons eu un entretien. Il nous a fait goûter du thé vert chinois. Je me souviens qu'il a dit notamment : "Je n'ai jamais lu Le Capital de Marx." Pourquoi a-t-il dit ça ? Pour montrer qu'il n'avait rien d'un doctrinaire ? » » (Félix Tchouev, Conversations avec Molotov, 140 entretiens avec le bras droit de Staline, Albin Michel, 1995, p. 119-120.)

 

 

V – Les maoïstes du PCMLM, Gonzalo, le PTB et Enver Hoxha

 

Dans ce paragraphe, afin de donner un aperçu de la "critique" que le PCMLM fait d'Enver Hoxha, nous réfuterons quelques attaques lancées dans le "Manuel d’économie politique" en ligne au chapitre des « déviations idéologiques » où il occupe une place de choix aux côtés de renégats du marxisme comme Trotski, Boukharine et Tito.

 

« Le " hodjaisme " ou " hoxhaisme " n'existe pas idéologiquement en tant que tel. Par " hodjaisme " nous entendons l'ensemble des interprétations du marxisme-léninisme à la suite d'Enver Hodja (ou Hoxha) (1908-1985). »

 

Enver Hoxha n’a en effet jamais prétendu avoir fourni « un nouveau développement du marxisme ». Il n’a fait que défendre de manière très conséquente les enseignements du marxisme-léninisme, marxisme de l’époque impérialiste, contre tous ses altérateurs. Il n’a fait « que » défendre de manière acharnée les grands principes du marxisme-léninisme contre toutes les espèces de révisionnisme. Il n’existe donc en effet pas de pensée « Enver Hoxha » au sens strict, tel la pensée-maotsétoung ou la pensée-gonzalo.

 

« Le " hodjaisme " se caractérise par un sectarisme extrême associé à un pragmatisme absolu. Cela tient à sa conception du Parti Communiste : le hodjaisme rejette l'existence de la dialectique dans le Parti et prétend faire unilatéralement conserver à celui-ci un caractère monolithique. Enver Hodja a rejeté les principes de la dialectique ; il a considéré que la défense du principe de l'unité relative des contraires par Mao Zedong revenait à du " taoïsme ". Hodja rejette le point de vue marxiste-léniniste-maoïste comme quoi les deux aspects de la contradiction sont en rapport dialectique ; il les sépare arbitrairement, affirmant que leurs essences sont séparées. « Il ne peut ainsi pas y avoir de lutte entre deux lignes au sein du parti communiste car celui-ci est l'expression du prolétariat et que l'essence de celui-ci est différente de celle de la bourgeoisie. Il rejette l'affirmation communiste comme quoi la bourgeoisie et le prolétariat sont les deux aspects de la question. » Le hodjaisme est ainsi une idéologie ultra-sectaire et moraliste voyant les choses unilatéralement, combinée à la considération que le prolétariat est bon " par essence ". Les organisations se revendiquant de Hodja fonctionnent ainsi comme une secte sur le plan idéologique et interne, et comme une organisation totalement opportuniste à l'extérieur. Historiquement cette position dégénérée du communisme est issue de l'activité d'Enver Hodja. Après avoir dirigé la libération de l'Albanie et réussi à instaurer le socialisme malgré la pression impérialiste et l'expansionnisme yougoslave, Hodja a participé au mouvement de critique de l'Union Soviétique révisionniste guidée par Khrouchtchev. Le prestige de l'Albanie et de son Parti - le Parti du Travail d'Albanie, a alors été très grand dans le Mouvement Communiste International. La Chine et l'Albanie étaient alors considérées comme les deux seuls pays socialistes et les deux pays s'appuyaient. Puis, à la mort de Mao, Hodja a affirmé que Mao avait toujours été un révisionniste, que la Chine n'était pas socialiste. Il a affirmé avoir toujours critiqué la Chine, n'a cessé de se mettre en avant et s'est même approprié des travaux de Lénine et de Staline (comme dans l'ouvrage " Impérialisme et révolution "). Ce rejet a été totalement nouveau. En 1976 le congrès du PTA saluait Mao Zedong comme un grand communiste ; en 1979 il était selon lui devenu un révisionniste. Cela fut ainsi justifié a posteriori par la publication de prétendus vieux documents, et a profité de l'arrivée au pouvoir en Chine des révisionnistes (qui se revendiquaient alors encore de la pensée Mao Zedong). (...) Il a désarmé les communistes en niant l'expérience des années 1960-1970 pour faire triompher un " marxisme-léninisme " desséché, dogmatique, anti-dialectique et anti-culturel au possible. »

 

Ce « rejet totalement nouveau » ne peut être « nouveau » que pour ceux qui ont gardé les yeux fermés face aux coups de barre continuels donnés par le grand timonier dans sa lutte contre le révisionnisme, et qui, c’est compréhensible, ont fini par agacer les albanais. On sait que les trotskistes avaient également accusé Staline de s’être approprié le léninisme, de l’avoir avilit. Pour ce qui est du marxisme « dogmatique et desséché », nous ne rappèlerons que de manière bienveillante le fait que "la nouveauté dans le mouvement" et la "lutte contre le dogmatisme" sont les arguments roi qui furent repris par tous les révisionnistes ! Quant à l'accusation d'anti-culturalisme, elle ne tient pas une seconde lorsque l'on connaît le vaste mouvement de révolutionnarisation idéologique qui a pris forme dès les années 60 en Albanie. Une illustration de ce mouvement fut la fermeture spontanée des lieux de culte par les masses et leur reconversion en salles de gymnastique pour les mosquées, en musées historiques et athées, en lieux de réunion. L'Albanie socialiste est le seul pays à avoir institutionnalisé l'athéisme, dans un pays majoritairement musulman qui plus est. Pour ce qui concerne la "dialectique au sein du Parti", ni Lénine ni Staline n'ont jamais admis plusieurs lignes ou fractions au sein du Parti communiste. L'unité monolithique est justement le caractère d'un Parti marxiste-léniniste et se forge dans la lutte quotidienne contre les déviations de droite comme de "gauche". Nous avons eu l'occasion de voir à quel gouffre conduisait la théorie de la lutte entre plusieurs lignes au sein du PCC : les marxistes authentiques sont pris entre le feu des différentes fractions, ce qui facilite leur liquidation par les éléments droitiers et la liquidation du Parti. La différence entre la Chine de Mao d’une part et l’URSS de Staline et l’Albanie d’Enver Hoxha d’autre part, c’est que les révisionnistes, pour prendre le pouvoir et mener la contre-révolution, ont eu besoin de couvrir de boue Staline et Hoxha et avaient du longtemps rester cachés, tandis que les ultra-révisionnistes en Chine étaient connus depuis longtemps et s’abritaient sous le drapeau de Mao pour évincer les radicaux. Staline a armé le parti idéologiquement comme aucun autre communiste ne l'avait fait (mis à part Lénine). En témoignent des ouvrages comme Les questions du léninisme ou L'histoire du PCUS (b). Les révisionnistes ont du recourir à l'expurgation de ses oeuvres, à l'autodafé, ils ont du réécrire l'histoire du PCUS pour désarmer idéologiquement le Parti. Le véritable danger de la restauration capitaliste est la conscience des hommes qui retarde sur les conditions économiques nouvelles. Un terrain favorable est donc offert aux manifestations petites-bourgeoises auxquelles certains membres du Parti échappent difficilement quand les difficultés se présentent et qui trouvent un appui extérieur du fait de la pression de l'encerclement capitaliste. Par exemple, lors du début de la collectivisation agricole en URSS, c'est l'opposition boukharinienne qui se cristallisait en tant que danger principal : les boukhariniens (la déviation de droite) se faisaient objectivement les défenseurs des koulaks. Mais la lutte contre les déviationnistes "de gauche", ceux qui voulaient frapper le paysan moyen, ou passer directement de la collectivisation par artels à la "commune", n'en restait pas moins importante (Staline, Vertiges du succès) : la déviation de droite tendait ouvertement à apporter une aide directe aux réactionnaires ; la déviation "de gauche", elle, alimentait la déviation de droite et lui apportait ainsi une aide indirecte. Dans le fond, comme le disait Staline, la déviation de droite et celle "de gauche" ont un résultat identique : elles aboutiraient à la restauration du capitalisme, (ce qui lui faisait dire que des deux déviations « les deux étaient pires » et que « le principal danger est représenté par la déviation que l’on a cessé de combattre et à laquelle on a ainsi permis de se développer jusqu’aux proportions d’un danger pour l’État. »), mais on ne peut ignorer leur différence de stratégie pour lutter efficacement contre elles. Mao, lui, a pétri le PCC de normes libérales, la discipline léniniste du Parti faisait défaut. Houa Kouo Feng et Deng Xiaoping n'ont donc pas eu besoin de brûler "l'histoire du PCC", outre le fait que de toute façon Mao n'avait jamais écrit ou fait écrire une histoire officielle du parti. De 1949 à 1976, le PCC n'a fait paraître aucune histoire officielle. Pourquoi ??? Parce que Mao lui-même avait peut-être du mal à comprendre tout ce qui s'est passé en son sein, les interminables luttes de fraction, ect... Les ultra-révisionnistes ont certes critiqué Mao sur certains points, en proclamant par exemple la fin de la Révolution culturelle et les erreurs du Grand bond en avant, mais ils n’ont pas mené de campagnes de calomnies monstrueuses contre lui, et aujourd’hui encore trône un portrait de Mao sur la place Tian An Men.

 

« Hodja a assimilé les révisionnistes chinois à Mao Zedong et lancé une grande propagande contre les contributions de Mao. Hodja a semé une grande confusion dans le mouvement communiste international, amenant à sa décadence quasi-complète. »

 

N’est-ce pas plutôt Mao qui, avec ses théories éclectiques, a semé une grande confusion idéologique ? Que ressort-il de la pratique ? Il ressort nettement de la pratique que dans les années 60-70, la pensée-maotsétoung a été largement diffusée au sein du mouvement marxiste-léniniste et au sein de la jeunesse progressiste, à l’inverse des analyses d’Enver Hoxha et du PTA, qui n’avaient pas la chance de jouir du prestige de « grand parti » et qui étaient peu diffusées. Le PCMLF lui-même a succombé au maoïsme, les membres qui s’y étaient opposés en ayant été exclus. Hoxha et le PTA, une fois persuadés de la voie anti-marxiste suivie par les dirigeants chinois, ont en effet ouvert le feu sur cette forme masquée de révisionnisme qu’est le maoïsme.

 

« Il a prétendu que tous les pays du monde sont capitalistes, rejetant la position communiste comme quoi les pays opprimés sont semi-coloniaux semi-féodaux. »

 

Ici le PCMLM dit « position communiste » (en sous entendant bien sûr celle de Mao) et se garde bien de dire « position marxiste-léniniste ». En effet, ils se serait par là lui-même démasqué. Lénine n’a jamais rien affirmé d’autre chose que : « le monde se divise en deux », d’une part le monde capitaliste et d’autre part le monde socialiste. Bien sur, dans chacun de ces deux mondes existent des contradictions, mais les pays du "tiers monde" tel le Mali sont certes des semi-colonies, mais n'en restent pas moins des pays capitalistes faibles de démocratie bourgeoise ou semi-féodaux où se développement les rapports de propriété bourgeois.

 

« Le hodjaisme rejoint ainsi le trotskysme dans sa négation de la nécessité d'organiser les masses paysannes. »

 

Si cette assertion, qui n’est autre qu’une calomnie grossière ne pouvant tromper que les aveugles, était vraie, comment expliquer qu’Enver Hoxha et le PTA soient parvenus 1° à organiser pendant la guerre anti-fasciste une résistance acharnée contre l’occupant, en se basant principalement sur la constitution de bataillons de partisans issus de la paysannerie pauvre qui permirent de libérer l’Albanie de dizaines de milliers d’occupants fascistes, sans que l’Armée Rouge ait eu besoin de pénétrer sur son territoire ? 2° à instaurer la dictature du prolétariat dès l’après-guerre dans un des pays d’Europe les plus arriérés économiquement, qui sortait à peine du féodalisme et où la paysannerie, principalement pauvre, formait l’immense majorité de la population, où la classe ouvrière n’était encore qu’à l’état embryonnaire ? Pour expliquer ce « miracle », car on ne saurait expliquer autrement le maintien de la dictature du prolétariat dans un petit pays pauvre à dominante agricole, il suffit d’appliquer la voie léniniste-stalinienne de mobilisation des masses paysannes. Hodja, n’a jamais nié la nécessité d’organiser les masses paysannes, c’est là une fable maoïste, il a seulement nié, comme Lénine et Staline, le fait que les masses paysannes dussent être la force dirigeante de la dictature du prolétariat. Par cette position, malgré l’habit « marxiste-léniniste-maoïste », le PCMLM n’en rejoint pas moins Tito.

 

« Il s'est mis en avant comme l'unique critique du révisionnisme russe et a sans cesse combattu contre le développement du maoïsme. »

 

Le PTA reconnaît avoir eu la Chine à ses côtés, mais il nous est difficile d’ignorer les multiples changements de cap opérés par la barque chinoise quand le grand timonier était à la barre. On ne peut passer sous silence l’attitude pour le moins hésitante et conciliatrice de la Chine dans la lutte contre le révisionnisme soviétique depuis 1956 à 1963, puis les dérives nationalistes-chauvines de la Chine dans ce domaine à partir de 1964, dérives qui entravèrent la lutte ouverte de principe menée par le PTA. Pour le reste, Enver Hoxha a en effet combattu le développement du maoïsme dès qu’il se fut persuadé de la voie anti-marxiste dans laquelle s’étaient engagés les dirigeants chinois.

 

« Il a tout fait pour nier le rôle historique de la révolution culturelle, prétendant à l'instar de la bourgeoisie qu'il ne s'agissait que d'une " révolution de palais. " »

 

La révolution culturelle a avant tout été une révolution politique visant à arracher le pouvoir des mains des ultra-révisionnistes, une lutte de fractions qui s'est terminée par la liquidation ou la mise à l'écart de ses principaux protagonistes. (Lin Piao et la Bande des quatre.)

 

« Hodja a en définitive tenté de faire passer Mao Zedong pour un nouveau Tito. Il a affirmé que Mao était à l'origine de la "théorie des trois mondes", théorie des révisionnistes chinois prônant l'alliance du " 1/3 monde " avec le second monde (les pays impérialistes " de moindre envergure ") contre les deux superpuissances américaine et russe. Cette tentative a été brisée, par l'ouverture de nouvelles guerres populaires, principalement celle menée au Pérou par le PC du Pérou sous la direction de Gonzalo, refaisant de Mao un guide pour la pensée et l'action. »

 

Mao Zedong a entre autre soutenu le rapprochement soviéto-yougoslave et loué l'autogestion titiste. La théorie des trois mondes a été mise en pratique par les révisionnistes chinois,  Mao en tête, dès 1971, elle fut ensuite approfondie par les ultra-révisionnistes qui la concrétisèrent plus à fond. Pour ce qui est de la guerre populaire au Pérou ou au Népal, nous ne nions pas, à l'instar d'Enver Hoxha, que dans des pays arriérés et sortant de la féodalité, le maoïsme puisse jouer un rôle progressiste, surtout dans le cadre de la guerre de libération et de l'instauration de la démocratie bourgeoise. Mais nous ne nous faisons pas d'illusion quand à la progression du mouvement révolutionnaire, qui, si elle suit les tactiques maoïstes d'encerclement des villes à partir des campagnes ou de démocratie nouvelle, en sera fortement affectée.

 

Nous ne donnerons qu'un exemple illustrant la façon "brillante" dont Gonzalo oeuvre pour dresser les masses dans la révolution :

 

« EL DIARIO : Monsieur le Président, quelle sera l’attitude du PCP vis-à-vis de la théocratie religieuse au moment de la prise du pouvoir dans le pays par ce Parti ? PRESIDENT GONZALO : Le marxisme nous a enseigné à séparer l’Église de l’État, c’est la première chose que nous faisons. En deuxième lieu, je le répète, nous respectons la liberté de conscience religieuse des gens en appliquant pleinement ce principe la liberté de croire aussi bien que de ne pas croire, la liberté d’être athée. Telle est notre attitude. (Interview du président Gonzalo au journal El Diaro, 1988, p.10., http://classiques.chez.tiscali.fr/perou/gonzalo1.pdf)

 

Cette « attitude » n’est rien de moins que l’expression d’une « attitude » de libéralisme très prononcée. Gonzalo marque ici un fort pas en arrière par rapport à Marx et Lénine. Ce ne sont nullement Marx ou Lénine qui invitent le parti communiste à se limiter à des revendications aussi mesquines : de telles revendications ne peuvent être le fait que de libéraux bourgeois laïcs, mais pas de marxistes-léninistes ! Gonzalo estime en outre que la religiosité du peuple « n’a jamais été ni ne sera jamais un empêchement pour qu’il lutte pour ses profonds intérêts de classe tout en servant la révolution ». (p.8.)  Ainsi la religion n’aurait jamais constitué un frein au mouvement révolutionnaire ? L’histoire est là pour prouver le contraire, puisque la religiosité, outre qu’elle est aisément manipulable par le clergé réactionnaire au service du capital, suscite au sein des masses populaires l’espoir d’un monde meilleur dans l’au-delà et ne les pousse donc pas vraiment à se révolter ! Ce que Lénine résumait ainsi : « Dans les faits l'idée de Dieu aide à tenir le peuple en esclavage. ».

 

Nous rappellerons simplement à Gonzalo cette thèse de Lénine selon laquelle « L’ouvrier conscient d’aujourd’hui, formé par la grande industrie, éduqué par la ville, écarte avec mépris les préjugés religieux, laisse le ciel aux curés et aux tartuffes bourgeois et s’attache à la conquête d’une meilleure existence sur cette terre. », Mais il est vrai que pour Gonzalo, la guerre populaire doit partir des campagnes où il n'existe ni grande industrie, ni prolétariat !

 

Il est notoire que Gonzalo limite dans ce texte la « lutte » contre la religion à la seule attente des conditions sociales qui surgiront en même temps que la nouvelle société ! (p.8.) Gonzalo aurait du savoir qu’en 1906 Staline avait souligné dans Anarchisme ou socialisme le fait que la conscience des hommes retardait sur leur développement matériel, aussi, renoncer à la propagande athée, c’est freiner l’évolution des consciences. C'est être non matérialiste. Un tel attentisme ne pousse nullement à la lutte : Marx disait de la critique de la religion qu’elle était la condition de toute critique.

 

« La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément cérémoniel, son universel motif de consolation et de justification. (…) Lutter contre la religion, c'est donc indirectement, lutter contre ce monde là, dont la religion est l'arôme spirituel. La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole. » (Karl Marx, pour une Philosophie du droit de Hegel, 1844.) 

 

« Liberté de conscience ! Si on voulait (...) rappeler au libéralisme ses vieux mots d'ordre, on ne pouvait le faire que sous cette forme : « Chacun doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels, sans que la police y fourre le nez ». Mais le Parti ouvrier avait là, l'occasion d'exprimer sa conviction que la « liberté de conscience » bourgeoise n'est rien de plus que la tolérance de toutes les sortes possibles de liberté de conscience religieuse, tandis que lui s'efforce de libérer les consciences de la hantise religieuse. Seulement on se complaît à ne pas dépasser le niveau « bourgeois ». (Karl Marx, Critique du programme de Gotha, 1875.)

 

« “La religion est l’opium du peuple”. Cette sentence de Marx, constitue la pierre angulaire de toute la conception marxiste en matière de religion. Le marxisme considère toujours la religion et les églises, les organisations religieuses de toute sorte existant actuellement comme des organes de réaction bourgeoise, servant à défendre l’exploitation et à intoxiquer la classe ouvrière. » (Lénine)

 

« Notre Parti est une association de militants conscients d’avant-garde, combattant pour l’émancipation de la classe ouvrière. Cette association ne peut pas et ne doit pas rester indifférente à l’inconscience, à l’ignorance ou à l’obscurantisme revêtant la forme de croyances religieuses. Nous réclamons la séparation complète de l’Église et de l’État afin de combattre le brouillard de la religion avec des armes purement et exclusivement idéologiques : notre presse, notre propagande. Mais notre association, le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, lors de sa fondation, s’est donné pour but, entre autres, de combattre tout abêtissement religieux des ouvriers. Pour nous, la lutte des idées n’est pas une affaire privée ; elle intéresse tout le Parti, tout le prolétariat. » (Lénine)

 

Concernant Enver Hoxha, Gonzalo ne se montre guère plus matérialiste et guère moins subjectif :

 

« EL DIARIO : Monsieur le Président, considérez-vous qu’il existe des pays socialistes actuellement ? PRESIDENT GONZALO : Non, tout simplement, je ne crois pas. Certains, par exemple, pensent que l'Albanie est socialiste. A ceux-là, je dirais que bien étudier le VIIIème Congrès du Parti du Travail d'Albanie, par exemple, ce serait bien ; on dit ici, que le centre de la réaction est l'impérialisme nord-américain ; et le social-impérialisme soviétique alors ? N'y avait-il pas deux ennemis à combattre ? Ça a toujours été des paroles, même dans la bouche d'Hoxha, de simples paroles, parce qu'il consacra toujours plus de lignes à combattre l'impérialisme yankee que le social-impérialisme. Ce même Congrès dit aussi que l'humanité n'a jamais été aussi près de son extermination. Il répète la même chose que les autres, ce qui n'est pas simplement une coïncidence. Mais que nous propose-t-il de faire ? Concrètement les démasquer. Ce n'est pas la solution, le fait de démasquer n'arrête pas une guerre mondiale ; la solution, c'est de développer la révolution en faisant la guerre populaire. Et si quelqu'un voit, tout ce qui est dit là, sur les sérieux problèmes économiques qu'ils ont, on voit clairement le chemin que l'Albanie a pris ; mais ce n'est pas Ramiz Alia, son dirigeant actuel, qui ouvrit la voie mais bien Hoxha lui-même, en 1978. Dans un discours face à l'électorat, il dit que en Albanie, il n'y avait pas de classes antagoniques. Nous savons très bien ce que cela entraîne car cette question a été élucidée à la perfection par le Président Mao Tsétoung et si nous ajoutons ses attaques lâches en direction du Président Mao, au moment du développement du marxisme, qu'est-il ? Un révisionniste. » (Interview du président Gonzalo au journal El Diaro, 1988, p.75., http://classiques.chez.tiscali.fr/perou/gonzalo1.pdf)

 

A ces assertions de Gonzalo qui ne peuvent être qualifiées autrement que de "fumisteries", nous ne répondrons que par quelques brèves remarques :

 

1° Le PTA a toujours mené une lutte sur deux fronts, à la fois contre l'impérialisme et le révisionnisme. Ce sont loin d'être simplement des mots : cela a valu à l'Albanie la rupture de toutes les relations avec l'URSS dès 1961. Nous n'irons pas compter le nombre de mots qu'Enver Hoxha a consacré à la dénonciation du révisionnisme soviétique, puisque cela ne reflèterait que l'aspect quantitatif du problème, hors que l'aspect qualitatif est tout aussi capital. Il est cependant indéniable que la lutte contre le révisionnisme soviétique occupe une place importante dans son rapport présenté au VIIIème congrès du PTA. Gonzalo a-t-il seulement eu entre les mains ce rapport ? Nous avons des raisons d'en douter. (Cf. paragraphe II-C-7.)

 

2° Pour Gonzalo, démasquer l'ennemi, c'est rester inactif. Ce petit-bourgeois gauchiste qui n'a que le mot "guerre populaire" à la bouche ne soupçonne même pas le fait que démasquer l'ennemi est un préalable nécessaire pour pouvoir convaincre les masses et les soulever contre lui dans la révolution.

 

3° Gonzalo se garde bien de préciser la source des problèmes économiques de l'Albanie à la fin des années 80. Depuis 1979 l'Albanie ne recevait absolument aucun crédit de l'extérieur. (depuis que les fascistes ultra-révisionnistes chinois ont interrompu brutalement toutes leurs relation économiques en 1978.) Ce facteur, ajouté aux fortes pressions dont l'Albanie faisait l'objet par les impérialistes et les révisionnistes, ont favorisé le développement de l'esprit de capitulation au sein du PTA après la mort d'Enver Hoxha. L'Albanie socialiste est tombée en 1991 dans un contexte international très difficile. Hoxha a été dénoncé comme Staline, sa femme, aujourd'hui âgée de 83 ans, a été emprisonnée pendant 5 ans. La bourgeoisie a du liquider la majeure parti du tissu industriel, allant jusqu'à démanteler le réseau ferroviaire et les installations hydroélectriques, afin de miner l'influence de la classe ouvrière ; détruisant les aménagements agricoles tel les réseaux d'irrigation afin de forcer la décollectivatisation des campagnes. Pourtant, dès 1997 éclatait une révolution populaire contre le pouvoir de Berisha qui dut faire appel aux troupes de l'ONU pour rétablir le calme. L'ONU a actuellement du mal à désarmer la population. A peine deux ans après la chute du socialisme, le PNB avait été divisé par deux, le niveau de vie des travailleurs, lui, avait pâti encore davantage. Aujourd'hui, le PTA, héritier d'un potentiel idéologique immensément riche, se reconstitue. Il a gardé une forte influence au sein des masses, jusque dans l'appareil d'État, et cette situation sera difficilement tenable par la bourgeoisie dans les années à venir.

 

4° Enver Hoxha aurait dit en 1978 qu'il n'existait plus de classes antagonistes en Albanie. Ce qui était vrai. En Albanie n'existait en effet plus de classes exploiteuses, contrairement à la Chine de Mao où les anciens propriétaires d'usines restaient à des hauts postes et continuaient de percevoir des rentes, où la bourgeoisie était réellement infiltrée dans le Parti. En Albanie, à la fin des années 70,  le salaire d'un ouvrier agricole était de 600 leks par mois, contre 1100 leks par mois pour celui du doyen de la faculté. La nouvelle bourgeoisie albanaise s'est formée selon la méthode dite de "l'accumulation primitive" et en vendant son pays à l'impérialisme. Staline aussi en 1936 avait dit qu'il n'existait plus de classes antagonistes en URSS (ce que les maoïstes ne manquent pas de lui reprocher), car effectivement la bourgeoisie en tant que classe sociale avait été liquidée. (Staline ne serait-il pas révisionniste ???) Dès 1936, la collectivisation était achevée pour l’essentiel. L’agriculture était jusque là le seul secteur de l’économie dans lequel subsistaient des classes sociales : après la liquidation des koulaks, ne subsistaient plus que les débris ce cette classe, mais pas de classes sociales distinctes et antagonistes comme en régime capitaliste : la classe ouvrière, de même que la paysannerie coopérée ne subissaient plus le joug de l’exploitation. Pour reprendre ce que disait Staline en 1952, il n’y avait plus de classes sociales antagonistes au sein de la société soviétique et cela tant que l’orientation économique correcte empêcherait les contradictions internes passagères de devenir antagonistes.

 

« Il n'existe pas d'antagonisme de classes. Les ouvriers tout comme les kolkhoziens ont un intérêt de classe au développement des forces productives, à l'augmentation de la production, au passage au communisme et à l'abondance. C'est pourquoi le désaccord — relatif — entre les rapports de production et les forces productives peut ne pas aboutir à un conflit ; les contradictions peuvent ne pas dégénérer en antagonisme, à condition que soit menée une politique juste basée précisément sur la science des contradictions. « En régime socialiste, les choses ne vont pas habituellement jusqu'à un conflit entre les rapports de production et les forces productives, la société a la possibilité de faire concorder en temps utile les rapports de production retardataires et le caractère des forces productives. La société socialiste a la possibilité de le faire parce qu'elle n'a pas, dans son sein, de classes déclinantes pouvant organiser la résistance. Certes, dans le régime socialiste également, il y aura des forces d'inertie retardataires ne comprenant pas la nécessité de modifier les rapports de production, mais il sera, évidemment, facile d'en venir à bout, sans pousser les choses jusqu'à un conflit. » (Staline : « Les problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. », Derniers écrits, p. 140.) Quant à l'État soviétique, bien loin d'être un obstacle au changement des rapports de production comme l'État capitaliste, il reflète les intérêts des ouvriers et des paysans alliés : bien loin de s'opposer à l'action de la loi de correspondance nécessaire, il prend toutes mesures utiles pour lui frayer la voie et accélérer la modification des rapports de production. C'est ici qu'apparaît son rôle immense dans le passage du socialisme au communisme. Selon la formule de Lénine : « Le communisme, c'est le pouvoir des Soviets, plus l'électrification de tout le pays ». Si donc l'État n'est pas un obstacle aux changements nécessaires, mais les favorise, le passage du socialisme au communisme, contrairement au passage du capitalisme au socialisme, ne se fait pas par explosion. Il n'en est pas moins un changement qualitatif dans les rapports de production, puisque l'on passera de deux formes de propriété à une seule, de deux classes à la société sans classes. Mais ce sera un passage qualitatif graduel, par accumulation du nouveau et disparition progressive de l'ancien. « Il faut dire en général, à l'intention des camarades qui se passionnent pour les explosions, que la loi qui préside au passage de la qualité ancienne à une qualité nouvelle au moyen d'explosions n'est pas seulement inapplicable à l'histoire du développement de la langue, mais qu'on ne saurait non plus l'appliquer toujours à d'autres phénomènes sociaux qui concernent la base... Elle est obligatoire pour une société divisée en classes hostiles. Mais elle ne l'est pas du tout pour une société qui ne comporte pas de classes hostiles. » (Staline : « A propos du marxisme en linguistique », Derniers écrits, p. 35.) Le passage du socialisme au communisme n'a pas pour condition le renversement du pouvoir d'une classe par une classe antagoniste, le passage d'un contraire au pôle opposé, mais simplement la disparition graduelle des différences entre deux classes ; il n'y a donc aucune raison pour qu'il se fasse par explosion. Là où il n'y a plus d'antagonismes de classes, la lutte des classes n'est plus le moteur de l'histoire. N'y a-t-il donc plus de moteur du tout ? Le croire serait une erreur. L'intérêt des travailleurs c'est de passer au communisme en s'appuyant sur les lois de l'économie. Il y a donc une partie consciente de la société qui représente les forces nouvelles d'avant-garde, tandis que des éléments retardataires, par routine ou toute autre raison, ne comprennent pas la nécessité de modifier les rapports de production, freinent les changements et représentent des forces anciennes. Le moteur de l'histoire, c'est donc ici aussi la lutte : la lutte entre ces forces de progrès et ces forces conservatrices, entre le nouveau et l'ancien. Le passage du socialisme au communisme n'est pas une idylle. [Le très beau film soviétique : Le Chevalier à l'étoile d'or, décrit, au sein d'un kolkhoz, cette lutte pour le passage au communisme.] C'est pourquoi la critique et l'autocritique sont les véritables forces motrices de la société soviétique : critique pour aboutir à des changements réels, objectifs, immédiats ; autocritique parce que la lutte entre l'ancien et le nouveau se déroule aussi dans l'individu lui-même, et qu'il convient d'extirper les survivances du capitalisme dans la conscience des hommes. « Dans notre société soviétique, où les classes antagonistes ont été supprimées, la lutte entre l'ancien et le nouveau et, par suite, le développement de l'inférieur au supérieur, s'opère non pas sous forme de lutte entre les classes antagonistes et sous forme de cataclysmes, comme c'est le cas en régime capitaliste, mais sous forme de critique et d'autocritique, véritable force motrice de notre développement, arme puissante aux mains du Parti. C'est là assurément une nouvelle forme de mouvement, un nouveau type de développement, une nouvelle loi dialectique. » (A. Jdanov : « Discours prononcé au cours de la discussion sur le livre de G. Alexandrov », Sur la littérature, la philosophie et la musique, p. 62-63, Éditions de la Nouvelle Critique, Paris, 1950.) On voit que les conditions subjectives dans le passage au communisme ne sont pas moins importantes que pour l'édification du socialisme, et qu'ici encore l'action en retour des idées, de la conscience socialiste sur les conditions matérielles, est considérable. « Nos écrivains et nos peintres doivent stigmatiser les vices, les défauts, les phénomènes malsains qui existent dans la société et montrer dans les personnages positifs les hommes de type nouveau, dans toute la splendeur de leur dignité humaine, contribuant ainsi à former chez les hommes de notre société des caractères et des habitudes exempts des plaies et des vices engendrés par le capitalisme... Il nous faut des Gogol et des Chtchédrine soviétiques qui, par le feu de leur satire, brûleraient tout ce qu'il y a dans la vie de négatif, de pourri, de mort, tout ce qui freine le mouvement en avant. » (Malenkov : Rapport au XIXe Congrès du P.C.U.S., p. 63-64.) Étant donné le rôle de l'État soviétique et le rôle des idées dans le passage du socialisme au communisme, on comprend que ce passage ne peut s'effectuer avec succès sans la direction politique et idéologique du Parti des travailleurs soviétiques, armé de la théorie scientifique. » (Georges Politzer, Principes fondamentaux de philosophie, édition numérique, p. 210-212.)

 

Pour ce qui est de la possibilité de restauration capitaliste, il y a longtemps que cette question avait été élucidée, par Lénine et Staline. Staline avait à maintes reprises insisté sur ce danger, même en 1938 après qu'il ait affirmé qu'il n'existait plus de classes antagonistes en URSS. (Cf. les conclusions de L'histoire du PC bolchevik de l'URSS.).

 

En fin de compte, après avoir trituré ses pseudo arguments, Gonzalo en vient au point qu'il visait (et qu'il présente comme un détail ou un fait secondaire, alors que c'est son principal grief contre Enver Hoxha.). L'accusation de révisionnisme portée contre Enver Hoxha par Gonzalo se ramènent à ceci : ses « lâches attaques » contre Mao !!!

 

Nous pouvons juger du "fondement" de l'accusation de révisionnisme portée à l'encontre d'Enver Hoxha en écoutant ce que dit la bourgeoisie de ce dernier :

 

« Le 11 janvier 1946, l’Assemblée constituante nouvellement élue proclame la république populaire d’Albanie. Enver Hoxha assure la fonction de Premier ministre jusqu’en 1954, mais il demeure de fait le dirigeant de l’Albanie jusqu’à sa mort. Supprimant toute opposition (en particulier celle du clergé catholique), il entreprend un programme d'industrialisation et de réformes agraires fondé sur les nationalisations et la collectivisation. D’abord allié à Tito, il rompt avec la Yougoslavie en 1948 et se tourne vers l’Union soviétique. Opposé à la déstalinisation engagée par Khrouchtchev, Enver Hoxha cesse toutes relations diplomatiques avec l'URSS à la fin de l’année 1961. L'Albanie s'aligne alors sur le communisme chinois mais, là encore, Enver Hoxha rompt avec la Chine en 1978, à la suite du rapprochement sino-américain. Plus que jamais le dirigeant albanais, traquant toute déviation idéologique, défend la thèse stalinienne de l’édification du « socialisme dans un seul pays », et se maintient à la tête d’une des dictatures les plus dures de l’Europe de l’Est, isolée politiquement et économiquement. Enver Hoxha conserve le pouvoir jusqu'à sa mort, en avril 1985. » (Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, © 1993-2003 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.)

 

Avec le PCMLM et Gonzalo, nous avons vu les positions de maoïstes farouchement opposés à Enver Hoxha, parce qu'ayant sombré dans le sentimentalisme maoïste le plus pur et parce que manquant de recul historique. Le PTB, de part son engagement au sein du MCI, n'est pas tombé dans ces erreurs aussi grossières et occupe une place bien distincte. Les maoïstes du PCMLM n'ont pas manqué de le remarquer. Pour eux, « le PTB mène au sein du mouvement communiste international une lutte acharnée contre le maoïsme ». Le PTB a en effet renversé certains mythes autour de Mao en mettant en évidence de graves "faiblesses" dans la lutte contre le révisionnisme. Le PCMLM a bien compris que si l'on pousse ces conclusions à leur terme logique, l'image de Mao en tant que grand marxiste-léniniste en prend effectivement un coup. En effet, après avoir affirmé que « le Parti communiste chinois, du temps de Mao Zedong, avait déjà commis certaines erreurs d'analyse et de ligne » (Ludo Martens, Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme, Ibidem.) et qu' « en nous basant sur les principes formulés par Lénine et Staline, nous critiquons certaines positions nationalises et titistes, exprimées par Mao Zedong. » (Ludo Martens, Ibidem.), il ne reste plus grand chose du marxisme-léninisme de Mao !!!

 

Peut-on dire pour autant que le PTB mène une lutte acharnée contre le maoïsme ? Assurément, non, puisque malgré les graves erreurs de Mao, il n'en continue pas moins d'affirmer que « Staline et Mao Zedong sont les deux grandes figures qui ont dominé le mouvement communiste international depuis 1923. » Objectivement, le PTB s'attache au contraire à préserver le mythe de Mao en tant que grand marxiste-léniniste qui aurait commis des erreurs, certes, mais qui n'en serait pas moins marxiste. La façon dont le PTB reconnaît les erreurs de Mao nous rappelle le principe de l'arbre qui cache la forêt.

 

Par rapport aux pro-albanais et aux pro-maoïstes, le PTB occupe une position centriste. Du point de vue du PCMLM il a renié tout Mao. Du point de vue des marxistes-léninistes qui ont adhéré aux analyses du PTA ils n'a pas réussi à se défaire du mythe de Mao et n'a pas encore assimilé tout le travail des albanais contre le révisionnisme.

 

VI – Pistes pour la lutte contre le révisionnisme et l'unité des communistes.

 

Dans sa lutte contre le marxisme-léninisme, la bourgeoisie dispose de deux armes principales, qu'elle utilise conjointement : d’une part celle de la calomnie, d’autre part celle du silence. Ainsi dans le cas d'un révolutionnaire authentique dont la pratique de la lutte de classe aura été conséquente et lui aura attiré la haine des milieux réactionnaires, soit on le diabolisera autant que possible, soit il sera tout fait pour passer sous silence son oeuvre. Dans le cas de Staline qui a été à la tête d'un pays immense qu'il était difficile d'ignorer, c'est l'arme de la calomnie qui a été prépondérante, tandis que dans le cas d'Enver Hoxha à la tête de la petite Albanie socialiste, les conceptions bourgeoises de grand État ont favorisé l'emploi de l'arme du silence. Outres ces deux armes, la bourgeoisie n'hésite pas également à faire de certains révolutionnaires authentiques des icônes inoffensives lorsque ceux-ci ont disparu depuis longtemps, il s'agit alors d'essayer d'aseptiser leur oeuvre en la "réactualisant" afin de la vider de son contenu révolutionnaire et c'est là le travail principal des courants révisionnistes qui par essence doivent s'affubler de l'habit du marxisme. C'est particulièrement flagrant pour Marx, Engels et Lénine. Tous les moyens sont bons pour dénigrer le marxisme-léninisme et tenter de lui substituer les théories révisionnistes, alliées objectives de la bourgeoisie contre la révolution.

 

La lutte de la bourgeoisie sur le front idéologique se fait de la façon suivante : 1° elle propage l’idéologie ouvertement libérale ou petite-bourgeoise comme un premier barrage à la diffusion du marxisme ; 2° elle soutient les théories « marxistes » mais en fait révisionnistes à l’intention de ceux qui se sont engagés dans la voie du marxisme afin de les en détourner. Les formes de lutte 1° et 2° peuvent apparaître antagonistes, car chacune prétend à l'hégémonie, mais elles sont en fait alliées contre le marxisme-léninisme. Et c'est bien sous cet angle qu'il faut apprécier les différentes variétés de révisionnisme afin d'éviter de se tromper sur le caractère de la contradiction entre l'impérialisme et le révisionnisme. La contradiction entre le marxisme léninisme d'une part et l'impérialisme et le révisionnisme d'autre part est la contradiction principale, tandis que la contradiction entre l'impérialisme et le révisionnisme ou entre les différents courants révisionnistes revêt un caractère d'importance secondaire. C'est pourquoi nous ne pouvons nous appuyer sur aucune forme de révisionnisme dans la lutte contre l'impérialisme.

 

Dans ce sens, ces paroles d'Enver Hoxha nous semblent parfaitement adaptées pour caractériser l'essence de tout révisionnisme :

 

« Pris dans leur ensemble, les courants révisionnistes, qui ont à leurs fondements l'abandon du marxisme-léninisme et la trahison envers le communisme, sont le produit de la capitulation devant les nouvelles situations engendrées par l'aggravation, par l'exacerbation des contradictions entre le capitalisme occidental et le social-impérialisme soviétique, et plus généralement par la rivalité entre les deux superpuissances. La bourgeoisie et les sociaux-démocrates exultent de voir que les révisionnistes ont rejeté l'«héritage léniniste» et qu'ils se présentent maintenant comme des «partenaires loyaux dans la confrontation démocratique». Mais la bourgeoisie et ses laquais se hâtent trop de fêter leur «victoire». La trahison et l'opportunisme des chefs sociaux-démocrates et révisionnistes ont porté de graves préjudices aux intérêts de classe du prolétariat, mais la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière ne pourra jamais être éteinte. Les opportunistes et les renégats passent et trépassent, mais le prolétariat, son idéologie, le marxisme-léninisme demeurent une force invincible. La révolution socialiste et la dictature du prolétariat sont une nécessité historique et il n'est aucune force qui puisse arrêter leur réalisation. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.38.)

 

« Le mal, le danger, c'est que les révisionnistes modernes, qu'ils soient ou non au pouvoir, continuent, pour se masquer, d'user de ces mots d'ordre, qui sont l'essence de notre doctrine, en tant que guide pour l'action, en les dépouillant totalement de leur force de direction et d'organisation. Non contents d'appliquer dans la pratique l'opposé de ces formules, ils les faussent et les manipulent de façon diabolique et tortueuse. Le but des révisionnistes modernes est, tout en préservant certaines formules, de déformer la doctrine marxiste-léniniste dans son ensemble, d'édifier toute une série d'autres théories antimarxistes pour corrompre le prolétariat d'un pays ou le prolétariat mondial, pour prolonger l'existence de la bourgeoisie capitaliste, pour éloigner, faute de pouvoir éliminer totalement, la révolution prolétarienne, soit dans un pays particulier où les conditions ont mûri à cette fin, soit dans plusieurs pays simultanément. » (Enver Hoxha, Ibidem, p.40.)

 

Est-ce à dire que nous devons lutter contre toutes les variétés de révisionnisme selon la même tactique ? Assurément, non. Chaque forme de révisionnisme marque un bon qualitatif intermédiaire entre l'idéologie bourgeoise et l'idéologie marxiste-léniniste. Nous devons distinguer le révisionnisme titiste du révisionnisme khrouchtchévien-brejnévien et du révisionnisme maoïste. Le révisionnisme titiste rejette ouvertement les fondements du léninisme qui selon lui est du capitalisme d'État. Le révisionnisme khrouchtchévien-brejnévien, lui, tout en rejetant les thèses principales du léninisme en substituant par exemple à la dictature du prolétariat l'État de tout le peuple et à la révolution socialiste la voie du parlementarisme,  n'en essaie pas moins de conserver une phraséologie de type léniniste pour se masquer. Enfin, le maoïsme, sous le masque du prétendu "dépassement conservatif" du marxisme-léninisme,  n'en a pas moins substitué le maoïsme au marxisme-léninisme sur de nombreuses questions fondamentales touchant par exemple à l'économie politique ou à la discipline du Parti.

 

Dans ce combat contre le révisionnisme, nous devons toujours garder à l'esprit cette pensée de Marx :

 

« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu'en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d'autre que l'expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l'expression des rapports sociaux qui font justement d'une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. » (Karl Marx, L’idéologie allemande)

 

Dans les courants révisionniste, ce sont ces idées de la classe dominante qui se cristallisent à des degrés qualitatifs divers, le maoïsme étant la forme de révisionnisme la plus subtile où les conceptions petites-bourgeoises sont le plus cachées par la phraséologie révolutionnaire.

 

C'est dans ce sens qu'Enver Hoxha affirmait :

 

« Mao et le «maoïsme» sont devenus un obstacle des plus sérieux à l'unité du prolétariat mondial et des nouveaux partis communistes et ouvriers marxistes-léninistes. C'est pourquoi à ce nouveau mal camouflé il convient d'opposer sur toute la ligne notre théorie infaillible, le marxisme-léninisme. » (Enver Hoxha, 28 mai 1976 : « La pensée-maotsétoung », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 113.)

 

Dès lors, comment lutter contre le révisionnisme maoïste ? Nous devons bien prendre en compte le fait que s'il existe des révisionnistes maoïstes qui ne bougeront jamais de leurs positions, une grande partie des communistes subit leur l'influence à laquelle il importe de les arracher.

 

Nous ne pourrons y parvenir si nous craignons et fuyons le débat au nom de la préservation de « l'unité » : seul des petits-bourgeois ou des révisionnistes invétérés craignant le débat et la confrontation des idées sous couvert d'éviter la polémique peuvent raisonner ainsi.

 

« La polémique marxiste-léniniste a toujours effrayé les révisionnistes, les maoïstes tout comme les khrouchtchéviens. » (Enver Hoxha, 14 février 1977 : « L'avocat charlatan de la ligne pourrie chinoise », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 206.)

 

Selon le principe léniniste d'autocritique, de critique franche entre communistes, il nous faut promouvoir le débat afin de tirer toutes les conclusions des erreurs qui nous ont été léguées par l'histoire.

 

« L'autocritique est un symptôme de force et non de faiblesse de notre parti. Seul, un parti fort, ayant des racines solides et marchant à la victoire, peut se permettre au grand jour une impitoyable critique de ses propres insuffisances. Un parti qui dissimule la vérité au peuple, qui craint la lumière et la critique, n'est pas un parti, mais une coterie de dupeurs vouée à disparaître. Messieurs les bourgeois nous mesurent à leur aune. Ils craignent la lumière et cachent soigneusement la vérité au peuple en dissimulant leurs crises sous le camouflage du bien-être. Ils s'imaginent que nous aussi, communistes, nous devons cacher la vérité au peuple; ils craignent la lumière parce qu'il leur suffirait de se laisser aller à une autocritique tant soit peu sérieuse, à une libre critique de leurs propres vices pour qu'il ne restât rien du régime bourgeois. Ainsi ils se figurent que si nous, communistes, nous tolérons l'autocritique, c'est la preuve que nous sommes aux abois et désemparés. Les honorables bourgeois et social-démocrates nous mesurent à leur aune. Seuls, les partis appelés à disparaître de la scène peuvent redouter la lumière et la critique. Nous ne craignons ni l'une ni l'autre, parce que nous sommes un parti en plein essor, en route pour la victoire. Voilà pourquoi l'autocritique que nous faisons depuis déjà plusieurs mois est un symptôme de puissance et non de faiblesse, un moyen de consolider encore notre parti et non de le désagréger. » (Staline, Les questions du léninisme, tome I, édition numérique, p. 112-113.)

 

« Une erreur commise et non corrigée fait du tort à notre grande cause ! Ce n'est rien ! Un jour ou l'autre nous nous tirerons d'affaire. Voilà comment certains de nos militants, même responsables, raisonnent trop souvent. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Si nous, bolcheviks, qui critiquons le monde entier, qui, selon Marx, attaquons le ciel lui-même, nous refusons de nous critiquer nous-mêmes afin de ne pas troubler la tranquillité de certains camarades, qu'en résultera-t-il, sinon la perte de notre cause ? (Applaudissements.) Des voix : C'est juste. Marx a dit que la révolution prolétarienne se distingue, entre autres, de toute autre révolution par le fait qu'elle se critique elle-même et qu'elle se consolide en se critiquant. C'est une indication extrêmement importante de Marx. Si nous, représentants de la révolution prolétarienne, fermons les yeux sur nos défauts, si nous réglons les questions en famille, passant sous silence nos erreurs et cachant les maux dont souffre l'organisme du Parti, qui pourra corriger ces erreurs, ces défauts ? N'est-il pas évident que nous ne serons plus des révolutionnaires prolétariens et que nous irons sûrement à notre perte si nous n'arrachons pas de notre milieu cet esprit petit-bourgeois, cette manière de résoudre en famille les questions les plus importantes de notre édification ? N'est-il pas évident qu'en renonçant à nous critiquer sincèrement et honnêtement, en renonçant à corriger honnêtement et ouvertement nos erreurs, nous nous fermons la voie au progrès, au perfectionnement de notre cause et à de nouveaux succès ? » (Staline, Les questions du léninisme, édition numérique, tome II, p.58-59)

 

Nous, marxistes-léninistes, estimons que progresser dans la voie de l'unité idéologique est le préalable nécessaire à l'unité au sein d'un seul Parti.

 

« L’expérience historique de la formation du Parti Bolchevik nous apprend que le Parti émerge d’abord idéologiquement et théoriquement. Quand l’unité de pensée des communistes atteint un certain niveau qualitatif, alors l’organisation en Parti  selon les principes d’organisation bolchevik devient possible et nécessaire  pour mettre en œuvre la  stratégie et la tactique de la révolution. » (L'unité des communistes dans un seul Parti, une question cruciale à résoudre, Éditorial du Bulletin d'information Militant Communiste n°11, http://www.militcom.org/Bulletins/MC25092004.pdf)

 

Nous ne pourrons progresser dans la voie de l'unité idéologique qu'en anéantissant le révisionnisme sous toutes ses formes.

 

« Ni Lénine ni Staline ne pouvaient se fonder sur l'expérience d'un État prolétarien antérieur, mais cet État ils le créèrent par la révolution, par la violence et par l'action révolutionnaire, en se guidant à chacun de leurs pas sur la doctrine de Marx et d'Engels, qu'ils ont encore enrichie. A présent, le prolétariat dispose d'un grand trésor, la théorie marxiste-léniniste. Il doit l'étudier et l'appliquer avec esprit de suite. L'étude et la correcte application du marxisme-léninisme par le prolétariat et les partis communistes révolutionnaires, sur la base de la situation de chaque pays et de la situation internationale, la lutte impitoyable contre le révisionnisme moderne sous quelque forme qu'il se manifeste, la dénonciation de l'idéologie bourgeoise, le combat contre les menées de scission, de répression et d'exploitation de la part des ennemis de la classe ouvrière, ce sont là autant d'aspects de la lutte pour la cohésion et pour l'union du prolétariat mondial. C'est la condition indispensable de la victoire dans la lutte contre l'impérialisme mondial, le social-impérialisme, la bourgeoisie capitaliste, la réaction mondiale. » (Enver Hoxha, Rapport au VIIème congrès du PTA, 1er novembre 1976, édition numérique, p.40-41.)

 

Le Parti bolchevik de Lénine n'est devenu un véritable Parti capable de mobiliser les larges masses du peuple qu'en 1912 après avoir balayé toutes les formes de révisionnisme et d'opportunisme et être parvenu à forger l'unité idéologique du Parti sur les grandes questions, y compris les questions organisationnelles et de discipline du Parti qui ne sont nullement des détails. (Cf. L'Histoire du PC bolchevik de l'URSS, chapitre II-4.)

 

« Toute l’histoire de la lutte contre les « économistes », les menchéviks, les trotskistes, les otzovistes et les idéalistes de toutes nuances jusques et y compris les empiriocriticistes, n’est rien d’autre que l’histoire de la formation d’un parti tel que celui-là. Les bolchéviks entendaient créer un parti nouveau, bolchévik, qui soit un modèle pour tous ceux qui désiraient avoir un véritable parti marxiste révolutionnaire. A sa formation, ils avaient travaillé dès l’époque de la vieille Iskra. Ils le préparaient opiniâtrement, avec ténacité, envers et contre tout. Un rôle essentiel et décisif dans ce travail préparatoire revient justement aux ouvrages de Lénine comme Que faire ?, Deux tactiques, etc. Le livre de Lénine Que faire ? servit à la préparation idéologique de ce parti. Le livre de Lénine Un pas en avant, deux pas en arrière servit à la préparation de ce parti dans le domaine de l’organisation. L’ouvrage de Lénine Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique servit à la préparation politique de ce parti. Enfin le livre de Lénine Matérialisme et empiriocriticisme servit à la préparation théorique de ce parti. On peut dire en toute certitude que jamais encore dans l’histoire un groupe politique n’avait été si bien préparé pour se constituer en parti, que l’était le groupe bolchévik. Dès lors, la constitution des bolchéviks en parti était une œuvre prête, venue à pleine maturité. »  (Staline, Histoire du PC bolchevik de l'URSS, édition numérique, p. 116.)

 

C'est en étudiant les oeuvres de Marx, Engels, Lénine et Staline et en appliquant avec esprit de suites leurs enseignements que nous parviendrons à créer un tel Parti :

 

- Marx et Engels ont posé les bases théoriques du socialisme scientifique. Ils ont mis à nu les ressort de l'exploitation capitalistes et ont élaboré l'économie politique marxiste. Ils ont souligné le fait que le prolétariat était l'élément moteur de la révolution socialiste et la nécessité pour celui-ci d'exercer sa dictature sur la bourgeoisie. En philosophie, Marx et Engels ont élaboré la méthode du matérialisme dialectique et historique. Outre ceci, nous estimons que Marx et Engels ont fourni des armes précieuses aux communistes d'aujourd'hui dans leur lutte contre les mystifications démocratiques bourgeoises en combattant contre les socialistes petit-bourgeois, en dénonçant la laïcité bourgeoise et en rattachant la lutte pour l'athéisme à la lutte de classes.

 

- Lénine a systématisé ces enseignements. Il a mis en évidence le fait que le marxisme n'était rien sans la dictature du prolétariat et a élaboré les normes d'un parti communiste révolutionnaire de type nouveau, bolchevik Partant de son analyse du capitalisme de type monopoliste, l'impérialisme, et ayant élaboré la tactique capable de rallier les masses paysannes à la révolution, Lénine en est arrivé à conclure que la révolution socialiste était possible dans un seul pays pris à part et a mis à l'ordre du jour la révolution dans les pays coloniaux et féodaux, arriérés économiquement. Partant de l'inévitabilité des guerres à l'époque impérialiste et dénonçant les social-chauvins de la IIème Internationale, Lénine a élaboré la tactique de transformation de la guerre impérialiste en révolution socialiste. Enfin, Lénine a approfondi l'économie politique marxiste en définissant comme priorité pour un pays socialiste de réaliser son électrification, c'est-à-dire sa modernisation sur la base de la grande industrie socialiste, et sa coopération, en amenant la paysannerie sur la voie de la collectivisation agricole.

 

- Staline, dans un contexte international très difficile, a défendu avec persévérance les enseignements de Lénine et le pouvoir soviétique contre ses ennemis intérieurs et extérieurs. Enrichissant l'économie politique marxiste dans la phase de la construction de la société socialiste, il a réalisé l'industrialisation et la coopération agricole en un laps de temps très court. Il a mené une lutte intransigeante contre les tendances opportunistes, capitulardes au sein du Parti et contre les nouveaux courants révisionnistes, dès leur naissance, à l'échelle internationale.

 

Après la mort de Staline, nous pouvons affirmer que seul Enver Hoxha a mené une lutte sans faille contre le révisionnisme. Cela, Ludo Martens l'a bien compris, même si l'on a l'impression qu'il essaie de se dérober à ces conclusions. Ainsi, dans son discours présenté au Séminaire Communiste International de mai 1997, Ludo Martens déclarait :

 

« L'objection la plus souvent formulée contre la démarche du Séminaire International pour l'Unification est qu'avant se s'unir, il faut avoir atteint une unité idéologique à travers une lutte de principe. Dans les circonstances actuelles, prôner cette voie, revient à maintenir les divisions et en créer de nouvelles. Pendant quatre ans, de 1992 à 1995, les participants au Séminaire Communiste International ont discuté la question de la voie à suivre pour réaliser l'unification du mouvement communiste international. De ces discussions sont sorties les 'Propositions pour l'Unification' qui formulent un certain nombre de positions idéologiques et politiques. Ces Propositions forment un cadre minimal commun qui permet à des organisations marxistes-léninistes de différentes tendances de se rencontrer, d'échanger des expériences et des analyses et de prendre des initiatives communes. Ce cadre permet d'entamer un processus d'unification théorique et politique. Patrick Kessel a écrit 41 pages pour critiquer cette approche. Il affirme : «Il faut lutter pour l'unité idéologique sans compromis». Cette 'unité sans compromis' consiste entre autres à affirmer que seul Enver Hoxha a mené correctement la lutte antirévisionniste depuis la mort de Staline, que Mao n'a jamais été un marxiste et que la même chose vaut pour Castro et Kim Il Sung. L''unité sans compromis' de Kessel implique également une unité de vues sur l'instauration d'une dictature bourgeoise en Union soviétique dès 1956, sur le social-impérialisme, sur la théorie contre-révolutionnaire des Trois Monde formulée par Mao Zedong, sur la nature contre-révolutionnaire de l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, etc. Kessel déclare que sur toutes ces questions, on a vu surgir des divergences antagoniques qu'il faut d'abord tirer au clair avant de s'unir. Avec le groupe d'Ischia, le camarade Kessel se propose de mener 'un débat scientifique' jusqu'à ce qu'une clarté dans le domaine théorique et historique' soit atteinte, ce qui permettra de 'former une Internationale unie et basée sur des principes'. Quelque part dans son texte, Patrick Kessel évoque l'hypothèse que le marxisme-léninisme peut devenir 'une arme rouillée, vénérée de quelques sectes impuissantes'. Nous craignons qu'à la fin de sa longue 'lutte sans compromis', il se trouve exactement dans cette situation. » (Ludo Martens, Rapport du Séminaire Communiste International, Bruxelles, 2-4 mai 1997, http://www.wpb.be/icm/97fr/97fr02.htm)

 

Le danger de sectarisme souligné par Ludo Martens est bien réel, mais il ne doit pas éclipser un autre danger bien plus grand encore, celui de la possibilité de dégénérescence des partis communistes en partis social-démocrates. Certes, l'initiative du SCI est intéressante, puisqu'elle permet à des organisations d'horizons divers de débattre, mais l'unité obtenue, purement formelle, n'empêche pas chaque organisation de camper sur ses positions, ce qui ne fait guère avancer le débat sur les points de divergences. En outre, cela n'est accompagnée que de peu d'actions communes concrètes qui seraient à même d'agir comme catalyseur. Dans ce contexte ardu, la voie la plus sure pour progresser vers l'unité idéologique c'est de mener des luttes communes sur de grandes questions d'actualité.

 

A l'échelle française, le Collectif Militant Communiste a initié cette expérience en organisant une campagne commune pour promouvoir le "non" au référendum sur la constitution européenne. A l'échelle internationale une telle initiative serait le préalable nécessaire afin de pouvoir à terme créer une troisième Internationale.

 

« Lutter pour l’unification idéologique des communistes sur la base de la théorie ML appliquée à la résolution des questions concrètes de la révolution, bâtir pierre après pierre  l’unité des communistes sur les questions fondamentales du programme  et de tactique en les mettant en pratique dès que cela est possible voilà comment avancer sur l’édification du Parti communiste révolutionnaire du prolétariat. Toute autre voie ne fait qu’affaiblir la classe ouvrière  et retarder sa victoire sur la bourgeoisie. » (L'unité des communistes dans un seul Parti, une question cruciale à résoudre, Éditorial du Bulletin d'information Militant Communiste n°11, http://www.militcom.org/Bulletins/MC25092004.pdf)

C'est sur ces enseignements du PTA traitant des problèmes de l'unité des marxistes-léninistes que nous terminons cette réflexion :

« La création de nouveaux partis et groupes marxistes-léninistes [est] la conséquence du processus de différenciation qui [s'est] amorcé entre le marxisme-léninisme et le révisionnisme et qui ne [cesse] de s'accentuer. [C'est] là un processus naturel de lutte entre deux idéologies opposées, qui ne peuvent jamais coexister au sein d'un parti marxiste-léniniste en particulier, ni au sein du mouvement communiste international en général. L'opportunisme et le révisionnisme ont toujours été et demeurent aujourd'hui encore les principaux responsables de la scission entre les partis de la classe ouvrière et au sein du mouvement communiste et ouvrier international.

 

« L'histoire du mouvement communiste international prouve que celui-ci est passé tantôt de l'unité à la scission et tantôt de la scission à une unité nouvelle, sur une base nouvelle et plus élevée. » (Enver Hoxha, Rapport d'activité du CC du PTA, présenté au Ve Congrès du PTA, le 1er novembre 1966. Tirana, 1967, 2e éd. fr., p. 207.)

 

Le Parti du Travail d'Albanie avait précisément en vue cette loi objective, lorsqu'il déclarait fermement que :

 

« l'unité dans le mouvement communiste et dans le camp socialiste serait rétablie, mais qu'elle le serait par les marxistes-léninistes, sans révisionnistes et sans traîtres, et dans une lutte résolue contre eux. » (Ibid., p. 243.) » (Histoire du Parti du Travail d'Albanie, Édition numérique, p. 279.)

« Les manifestations de sectarisme ont surtout eu pour origine l'étroitesse des points de vue et la présomption d'un certain nombre de communistes d'origine petite-bourgeoise, paysanne et artisanale. Les manifestations de dogmatisme ont eu leur source : dans l'emprunt à l'expérience d'autres pays sans l'adapter aux conditions intérieures et sans la considérer d'un œil critique ; dans l'insuffisante préparation théorique et dans le bas niveau d'instruction d'un bon nombre de communistes. » (Histoire du Parti du Travail d'Albanie, Édition numérique, p. 313.)

V.G., septembre-octobre 2004

 

 

Notes :

(1) Cf. dossier http://www.communisme-bolchevisme.net/marxisme_leninisme_et_anarchisme.htm (Retour.)

(2) En 1906, le terme « social-démocrate », employé par de nombreux marxistes, n'avait alors pas encore la connotation fortement péjorative qu'il a aujourd'hui. Ce n'est qu'après la trahison de la IIème internationale lors de la première Guerre mondiale que Lénine insista pour qu'on se débarrasse du linge sale. Dès lors, le POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie) devient le Parti communiste bolchevik de Russie. (Retour.)

(3) - Cf. Lénine, Oeuvres choisies en deux volumes, Tome I, Edition numérique. (Retour.)

(4) - Cf. dossier http://www.communisme-bolchevisme.net/parti_communiste_francais_thorez_marchais_hue.htm (Retour.)

(5) - Il s’agit ici des éléments dont tous les dirigeants de Partis avaient connaissance. Outre ces éléments, le PTA avait déjà enregistré quelques signes inquiétants de la part de la nouvelle direction soviétique dès après la mort de Staline. Voir Enver Hoxha, les Khrouchtchéviens - souvenirs, édition numérique. (Retour.)

(6) - Jacques Jurquet, avocat zélé de la ligne pourrie des révisionnistes puis des ultra-révisionnistes chinois a accusé le PTA d'avoir falsifié son histoire en procédant par « coupures, escamotages et remaniements » (cf. Prolétariat n°20, 1979.) Le PTA aurait soi-disant « épousé assez étroitement les thèses révisionnistes » lors de son IIIème Congrès en mai 1956. A cours d'argument face aux documents accablants du PTA contre le révisionnisme maoïste et les flottements marqués de Mao dans la lutte contre le révisionnisme, Jurquet n'a plus qu'à essayer de jeter le discrédit sur l'ensemble de l'oeuvre d'Enver Hoxha : « Assurément, de telles pratiques idéologiques font perdre beaucoup de crédibilité au PTA aujourd’hui. Comment le croire sur n’importe quelle question s’il est prouvé qu’il recourt sans vergogne à la falsification et au mensonge pour étayer « ses thèses » ? Ces manipulations malhonnêtes, ces prétentions à la grandeur et à l’infaillibilité jettent le discrédit sur la véracité de tous ces écrits et déclarations actuels. » Pour balayer d'un coup les écrits d'Enver Hoxha et du PTA, Jurquet va fouiller très très loin dans le passé pour essayer de trouver une faille et de l'exploiter. Jurquet se comporte ici ni plus ni moins comme Trotski qui avait lui aussi accusé Staline d'avoir falsifié l'histoire du PCUS. On sait maintenant qui était le falsificateur. Ces accusations sont d'autant plus abjectes, qu'elles sont invérifiables puisque ce serait soi-disant la comparaison avec le document original qui révèlerait cette falsification. A défaut de pouvoir vérifier cela, nous pouvons apprécier la probabilité de cette adhésion du PTA aux thèses révisionnistes par le fait que pour le PTA l'adhésion aux thèses khrouchtchéviennes aurait signifié la réhabilitation de Tito et donc des agents titistes condamnés autrefois et aurait donc fait imploser le PTA. Un autre document capital va dans ce sens, il s'agit du discours prononcé par Enver Hoxha à la Conférence des 81 partis communistes et ouvriers de Moscou en 1960. L'édition datant de 1972, on ne saurait reprocher au PTA d'avoir pu falsifier également ce texte pour contrer les arguments de Jurquet !!! Ce document fournit une explication plausible à la prétendue falsification du rapport présenté en mai 1956 au IIIème congrès du PTA :

« Notre Parti et notre peuple, unis comme les doigts de la main, firent preuve d'assez de vigilance pour démasquer les espions de Tito infiltrés dans notre Comité central et qui travaillaient en liaison avec la légation de Yougoslavie à Tirana. Tito fit savoir à ces traîtres qu'ils s'étaient trop hâtés et qu'ils devaient attendre des instructions. [Parmi les espions yougoslaves, mentionnons Tuk Jakova et Panajot Plaku. Le premier fut découvert. Le second réussit à s'enfuir en Yougoslavie. Tous deux, alors membres du Comité central, avaient écrit à Khrouchtchev pour lui demander d'intervenir contre leur propre Parti.] Ces espions écrivirent aussi au camarade Khrouchtchev pour lui demander d'intervenir contre le Comité central du Parti du Travail d'Albanie. Ce sont là des faits connus. Le dessein de Tito était de coordonner la contre-révolution en Albanie avec la contre-révolution hongroise. Quelque temps après le XXe Congrès du parti communiste de l'Union soviétique, devait se tenir notre IIIe Congrès. Le groupe yougoslave jugea le moment venu de renverser la direction albanaise « obstinée et stalinienne ». Il organisa le complot qui fut découvert et écrasé lors de la conférence du Parti à Tirana en 1956. Ses auteurs reçurent le châtiment qu'ils méritaient. D'autres agents dangereux de Tito en Albanie, Dali Ndreu et Liri Gega, reçurent de lui l'ordre de s'enfuir en Yougoslavie. En effet, selon Belgrade, ils « étaient en péril ». Et les actions « contre notre Parti» devaient être organisées à partir du territoire yougoslave. Le Parti connaissait l'ensemble de l'activité de Tito. Il fut donc informé de cet ordre secret. Les traîtres furent arrêtés à la frontière, au moment où ils tentaient de s'enfuir. Ils furent jugés et fusillés. Découvert, le groupe d'agents yougoslaves qui préparait la contre-révolution en Albanie fut complètement anéanti. Chose curieuse, le camarade Khrouchtchev se présenta comme le défenseur de ces traîtres. Il nous accusa d'avoir fait fusiller l'agent yougoslave Liri Gega, alors qu'elle était « en état de grossesse » — fait sans précédent « même à l'époque du tsar » et qui avait « produit une très mauvaise impression sur l'opinion publique mondiale ». C'était là répéter les calomnies lancées par les Yougoslaves. Le camarade Khrouchtchev avait plus confiance dans leurs affirmations que dans nos démentis. Bien entendu, nous avons rejeté ces accusations. » (Enver Hoxha face au révisionnisme, Œuvres choisies présentées par Gilbert Mury, Edition numérique, p.80.)

Ainsi les accusation du trotskiste Jurquet tombent d'elles-mêmes. Parlant des Réflexions sur la Chine, et alors que l'histoire est venue confirmer pleinement les analyses d'Enver Hoxha, Jurquet  affirme sans complexe :

« Je n’aurais jamais accordé le moindre intérêt à cette prose fallacieuse, nourrie de ragots et d’interprétations toujours tendancieuses, si je ne m’y étais trouvé pris à partie, personnellement, de façon stupide, injurieuse et diffamatoire. » (Jacques Jurquet, « A CONTRE COURANT  1963–1986 », 2001,  chapitre 37 pages 259-260)

Ludo Martens, quant à lui, malgré des reproches formulés concernant le gauchisme du langage employé par Enver Hoxha, reconnaissait au moins à ses Réflexions sur la Chine le mérite d'avoir formulé des « remarques pertinentes sur la lutte de classes au niveau international » et d'avoir « bien décelé le danger d'une réconciliation de la direction chinoise avec certains courants révisionnistes ». Concernant des individus du genre Jurquet, ces remarques d'Enver Hoxha sont particulièrement adaptées :

« Tous ces renégats ont assumé la tâche de diviser à nouveau la révolution et le mouvement marxiste-léniniste, qui a été mis sur pied et se renforce. Les Mijal, Jurquet, Hill et compères sont les Gierek, Jivkov, Gomulka, Sharkey et Marchais d'une nouvelle variante révisionniste, sur lesquels il convient de tirer à boulets rouges pour les démasquer, les battre en brèche et les liquider. Le Parti du Travail d'Albanie doit faire et fera preuve d'une grande patience à l'égard de ceux qui ne voient pas clairement les choses, car il ne faut pas sous-estimer l'importance du mythe et du culte de Mao comme «grand marxiste-léniniste» dans le monde. Mais des avocats comme Mijal ne font pas partie de ceux qui voient confusément les choses, ce sont des renégats lucides et dangereux, aussi faut-il faire feu sur eux pour les exterminer comme des rats ! » (Enver Hoxha, 14 février 1977 : « L'avocat charlatan de la ligne pourrie chinoise », Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 207.)

« De grands renégats comme Tito, Khrouchtchev et Mao, puis aussi de petits comme Mijal, Hill et Jurquet, surgissent immanquablement aux détours du mouvement révolutionnaire marxiste-léniniste, mais ces renégats, de quelque acabit qu'ils soient, seront tous démasqués, discrédités, et ils finiront, comme ont fini leurs prédécesseurs, dans la poubelle de l'histoire. » (Enver Hoxha, Ibidem, Réflexions sur la Chine, Tome II, édition numérique, p. 204.) (Retour.)

(7) - Ye Jianying est entré au C.C. du PCC en 1945. Il fut vice-commandant de l'Armée rouge durant la guerre de libération et fut nommé maréchal en 1955 puis commissaire politique et président de l'académie scientifique. Membre du comité central constamment réélu, il conduisit alors diverses missions en Europe, en Corée et en particulier en république démocratique du Vietnam durant les bombardements américains. La guerre du Vietnam lui donna un rôle stratégique accru et son influence grandit. Après la chute de Lin Piao en 1971, il assura les fonctions de ministre de la Défense (1975-1978) et fut considéré comme le successeur du maréchal disparu. En août 1977, le XIe Congrès du PCC est dominé par un triumvirat composé du président du parti Houa Kouo Feng et des vice-présidents Deng Xiaoping et Ye Jianying. Lors de la Ve Assemblée nationale populaire (février et mars 1978), Houa Kouo Feng est réélu Premier ministre et Deng Xiaoping premier vice-Premier ministre. Ye Jianying est nommé, quant à lui, président du Comité permanent de l’Assemblée, poste équivalent à celui de chef de l’État dans la nouvelle Constitution de 1978 et dont il ne sera relevé qu'en 1983 à cause de son très grand âge : 85 ans. Ce qui fit dire à Enver Hoxha qu'après la mort de Mao tous les vieillards réactionnaires prenaient leur revanche. (Retour.)

(8) - Mao ayant rejeté le modèle d'industrialisation socialiste effectuée sous Staline (Voir le paragraphe concernant son Discours sur les dix grandes relations), il ne restait plus à la Chine qu'à se développer en empruntant la voie de développement capitaliste, en attirant les capitaux étrangers. Lénine affirmait que « le socialisme, c'est le pouvoir des soviets plus l'électrification du pays ». En refusant de mener son industrialisation par ses propres moyens, la Chine ne se donnait pas la possibilité de moderniser son agriculture, asservissait son économie à l'impérialisme et se barrait la route au socialisme. (Retour.)

(9) - Le tome V n'a paru qu'en 1977 et regroupait des écrits de Mao postérieurs à la mort de Staline. Enver Hoxha soulignait le fait que dans les 4 premiers tomes de ses oeuvres les problèmes étaient généralement posés correctement. (Retour.)

 

 

 

Sélection de textes sur le révisionnisme de Mao Tsétoung

Cliquez ici pour télécharger les textes suivants de Mao : Sur le capitalisme d’Etat — La ligne générale du Parti pour la période de transition — Contre l’idéologie bourgeoise au sein du Parti — L'unique voie à suivre pour transformer l’industrie et le commerce capitalistes — Débat sur la coopération agricole et lutte de classe actuelle Sur les dix grands rapports Renforcer l’unité du Parti et continuer les traditions du Parti De la juste solution des contradictions au sein du peuple Intervention à la conférence nationale du Parti communiste chinois sur le travail de propagande Repoussons les attaques des droitiers bourgeois La méthode dialectique pour assurer l’unité du Parti

 

PRESENTATION

Cette sélection de textes est tirée du Tome V des œuvres Choisies de Mao Tsétoung publié en avril 1977 par les Editions en langues étrangères de Pékin. Elle est conforme au texte chinois publié en avril 1977 par les Editions du peuple. Ce tome contient des écrits de Mao Tsétoung de la période 1949-1957, qui ne furent pas publiés du vivant de l’auteur (sinon sous la forme de courtes citations figurant dans le recueil de Citations du Président Mao Tsétoung diffusé pendant la « Révolution Culturelle »). Ses écrits ultérieurs ne furent jamais publiés. Nombres d’écrits de ce Tome, dont nous n’avons placés que les plus essentiels (certaines conceptions spécifiques réapparaissant d’un texte à l’autre), illustrent l’exacerbation des conceptions révisionnistes de Mao Tsétoung, particulièrement après la mort de Staline.

Ces conceptions révisionnistes, ont été largement commentées par le camarade Enver Hoxha, principalement dans L’impérialisme et la révolution (Tirana, 1978), Réflexions sur la Chine (Tirana, 1979), ainsi que dans Les Khrouchtchéviens — Souvenirs (Tirana, 1980). Nous nous bornerons donc à donner les grands axes permettant de bien comprendre la portée révisionniste des textes de Mao Tsétoung.

Dans SUR LE CAPITALISME D'ETAT et dans L'UNIQUE VOIE A SUIVRE POUR TRANSFORMER L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE CAPITALISTES, Mao Tsétoung montre la réalité qui se cache sous les slogans « marxistes-léninistes » sur la « lutte de classe », la « socialisation des moyens de production » et l’établissement de la « dictature du prolétariat » en Chine. En fait de « lutte de classe » nous est proposée une « coopération » basée sur le « librement consentement des capitalistes ». En fait de « socialisation des moyens de production » nous est proposée un « capitalisme d’Etat » où les anciens propriétaires bourgeois continuent de percevoir des profits qui représentent 2/3 de la valeur du fond d’accumulation de l’industrie. Et enfin, en fait de « dictature du prolétariat » nous est proposée une gouvernance des « partis démocratiques ».

Cette « démocratie nouvelle », prétend être capable d’amorcer la « socialisation » du commerce et de l’industrie privés à travers une première étape de « capitalisme d’Etat ».

Le « capitalisme d’Etat » n’est nullement l’équivalent de la NEP appliquée aux conditions de la Chine, puisque la NEP n’est possible que lorsque le prolétariat tient fermement en main la grande industrie, ce qui n’était pas le cas en Chine. En URSS, toute la grande industrie avait été socialisée dès après la révolution d’Octobre, ainsi en 1923 l’industrie socialiste représentait 76 % de l’ensemble de la production industrielle. [L’exemple de l’Albanie socialiste a lui aussi montré que la socialisation de la grande industrie, c’est-à-dire l’expropriation sans indemnisation des exploiteurs (En Chine, on « socialisait » en rachetant les moyens de production à la bourgeoisie), était nécessaire dès les premières années du pouvoir populaire et que sans cette socialisation, aucun pas sérieux ne peut être fait sur la voie du socialisme.] Le but de la NEP était de lier la petite économie paysanne individuelle à la grande industrie socialiste ; de provoquer l’extension des emblavures pour augmenter la production agricole nécessaire au relèvement de l’industrie, relèvement qui permettrait ensuite l’édification des bases de l’industrie lourde capable de rééquiper toute l’industrie et de fournir les machines nécessaires à la mécanisation de l’agriculture. Cette mécanisation de l’agriculture permettait de lier étroitement le prolétariat à la paysannerie et d’amener cette dernière sur la voie du socialisme. La ligne marxiste-léniniste d’industrialisation permettait donc à travers une courte période de transition (la NEP), de poser les bases du socialisme dans l’industrie et à la campagne. « De la Russie de la NEP sortira la Russie socialiste » affirmait ainsi Lénine. Dans DEBAT SUR LA COOPERATION AGRICOLE ET LUTTE DE CLASSES ACTUELLE, Mao Tsétoung, prétendait utiliser la NEP, non seulement pour établir une nouvelle alliance du prolétariat avec la paysannerie (cela se conçoit parfaitement), mais encore pour établir une alliance avec la bourgeoisie « capitaliste d’Etat » qu’il comptait ainsi intégrer dans le secteur « socialiste » de l’industrie… [La confusion de la NEP avec l’intégration de la bourgeoisie dans le socialisme se rattache en définitive à ce que nous verrons plus loin : la question des étapes révolutionnaires : « révolution démocratique bourgeoise ou révolution socialiste ? »]

Selon Mao Tsétoung, le « capitalisme d’Etat » « revêt, dans une très grande mesure, un caractère socialiste ». Ce « socialisme », dans lequel la bourgeoisie serait « rééduquée patriotiquement » et serait censée perdre le goût du lucre (!!!), est selon Mao Tsétoung profitable « au Travail comme au Capital ».

Voici ainsi harmonisés les intérêts des ouvriers et de la bourgeoisie « patriotique », dont le cas était « différent de celui des propriétaires fonciers » et qu’il n’était pas question (pour le prolétariat chinois) de traiter de la même manière !!!

En réalité, les avancées « socialistes » du capitalisme d’Etat prôné par Mao Tsétoung résultent tout autant de concessions faites par la petite bourgeoisie [les partis soi-disant démocratiques] aux travailleurs, que de la nécessité pour elle de concentrer les moyens de production au niveau de l'appareil d'Etat pour réaliser les investissements lourds et édifier une industrie indépendante.

En septembre 1953, Mao Tsétoung parlait d’au moins 3 à 5 ans nécessaires pour transformer le commerce et l’industrie privés en capitalisme d’Etat. (Mais un peu plus loin il parlait de « plusieurs quinquennats » !!!)

Cette transformation « socialiste » ne pouvait évidemment manquer d’avoir une influence sur le PCC qui devait « rapprocher à lui les capitalistes disposés à souscrire au capitalisme d’Etat ». On ne s’étonnera donc pas de voir Mao Tsétoung écrire des textes qui, à l’exemple de CONTRE L'IDEOLOGIE BOURGEOISE AU SEIN DU PARTI et de REPOUSSONS LES ATTAQUES DES DROITIERS BOURGEOIS, démontrent la large pénétration des idées bourgeoises, non seulement au sein des partis dits « démocratiques », mais également au sein du PCC !!! En effet, si la bourgeoisie « capitaliste d’Etat » ne pouvait officiellement pas faire partie du PCC, elle s’exprimait en revanche pleinement au sein des « partis et organisations démocratiques ». Cette bourgeoisie, dont les droits politiques étaient limités, ne pouvait aspirer qu’à les reconquérir afin de mettre en adéquation la superstructure juridique et politique avec son poids dans le domaine économique. Ainsi donc, quand Mao Tsétoung dénonce les « droitiers bourgeois » infiltrés au sein du PCC, ce ne n’est pas là une simple figure de style, mais une réalité objective !!!

La Chine suivant une voie titiste, puisque la lutte de classe n'était pas menée, la bourgeoisie « patriotique » se développait en effet au sens littéral en Chine maoïste... et infiltrait le parti...

Au moment où le Kominform et Staline avaient condamné Tito parce qu'il prétendait intégrer les paysans riches dans le « socialisme », Staline avait dit que c'était là se dérober à la lutte de classes.

Mao Tsétoung, lui, prétend intégrer (et rééduquer) les anciens capitalistes dans le « socialisme », les encourager à devenir de loyaux gestionnaires d'un « capitalisme d'Etat » où ils continuent à percevoir une bonne partie de leurs profits, et cela en parfaite harmonie avec les intérêts du prolétariat ! Y a-t-il là quelque chose de semblable avec la NEP ? Est-ce là « mener la lutte de classes » ? Quel beau « socialisme » on construisait alors en Chine ! Cette voie ressemble à s'y méprendre à celle de Tito qui ne prétendait pas mieux faire lui non plus quand il assurait intégrer les koulaks dans le « socialisme » ! [D’où l’indulgence de Mao Tsétoung vis-à-vis de Tito et son affirmation selon laquelle « Staline s’était trompé à propose des yougoslaves »…]

Enlevons la phraséologie révolutionnaire, et nous verrons que derrière les slogans marxistes-léninistes-maoïstes se cachait en fait l’esprit de capitulation et de conciliation face à la bourgeoisie nationale et que derrière la révolution socialiste se cachait une révolution anti-impérialiste démocratique bourgeoise !!!

On comprend donc l’attitude timorée de Mao Tsétoung dans le combat pour dénoncer la trahison de Khrouchtchev, puisque Mao Tsétoung, comme l’a souligné le camarade Enver Hoxha, nourrissait de la rancœur à l’égard de Staline. Dans SUR LES DIX GRANDS RAPPORTS, Mao Tsétoung, reprenant les accusations de Kaménev, rendait Staline responsable des reflux de la révolution chinoise :

« Staline a commis un certain nombre d'erreurs au sujet de la Chine. Il fut à l'origine de l'aventurisme « de gauche » de Wang Ming, vers la fin de la Deuxième guerre civile révolutionnaire, et de son opportunisme de droite, au début de la Guerre de Résistance contre le Japon. Pendant la période de la Guerre de Libération, d'abord, il ne nous autorisa pas à faire la révolution, affirmant qu'une guerre civile risquerait de ruiner la nation chinoise. Puis, lorsque la guerre eut éclaté, il se montra sceptique à notre endroit. » (Mao Tsétoung, Oeuvres choisies, Tome V, p.328.)

L’ouvrage de Staline, Le marxisme et la question nationale et coloniale, montre pourtant que Staline a su  parfaitement distinguer les étapes que devait suivre le mouvement révolutionnaire chinois. [Contrairement à Mao Tsétoung qui, nous allons le voir, a magistralement cafouillé dans la compréhension de la question nationale et de son lien avec la question sociale.] En 1927, Staline se réjouissait de l’union de larges masses de la paysannerie chinoise sous la direction du prolétariat. Pour Staline, l’idée de l’hégémonie du prolétariat dont il pensait qu’elle était un fait acquis au sein du PCC, constituait la meilleure assurance pour l’avenir du mouvement révolutionnaire chinois.

Mais c’était compter sans les nouveaux « développements » que Mao Tsétoung, le « Pougatchev chinois », allait apporter au marxisme, « développements » qui firent que ce « fait acquis » fut remis en question : lorsque Mao Tsétoung envoyait les ouvriers dans les campagnes avec le mot d’ordre « allez recueillir les idées justes au sein des masses », ces ouvriers tombaient sous l’influence de petits propriétaires privés qui leur apportaient effectivement leurs conceptions petites-bourgeoises, et dès lors les slogans sur la « dictature du prolétariat » perdaient leur portée pratique et sonnaient aussi creux que ceux sur la « lutte de classe »…

Quand Staline, sachant que l’élément paysan était très fort en Chine, voyait Mao Tsétoung transiger avec les « partis démocratiques » et théoriser la « démocratie nouvelle », il ne pouvait que se montrer soucieux du devenir de la révolution chinoise à sa libération : La Chine s’arrêtera-t-elle à la révolution anti-impérialiste démocratique-bourgeoise, ou bien passera-t-elle à la révolution socialiste ?

« Quand nous eûmes gagné la guerre, [Staline] soupçonna que c'était là une victoire du genre de celle de Tito et, en 1949 et 1950, il exerça sur nous une très forte pression. » (Mao Tsétoung, Oeuvres choisies, Tome V, p.328.)

A la lumière de ces éléments, il est indéniable que derrière la prétendue « révolution socialiste » chinoise se cachait une révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste dont le but était de libérer la Chine de son statut colonial et de briser les rapports de propriété féodaux, particulièrement persistants dans l’agriculture.

La Chine de Mao Tsétoung n’a pas connu de nationalisation des terres, mais un simple repartage (une « mesure bourgeoise visant à anéantir les rapports de propriété féodaux » dixit Lénine). Les communes populaires, tant vantées par les maoïstes étaient une forme très inférieure à l’artel soviétique. Le niveau technique était très bas et ne permettait pas de consolider les communes populaires où la propriété commune se réduisait en fait à ce que les travaux agricoles lourds étaient faits en commun. Les terres, elles, demeuraient propriété privée et restaient aliénables à un tiers. [En Albanie où la nationalisation immédiate de la terre n’avait pas été d’emblée réalisée en raison du sentiment de propriété très présent chez la petite paysannerie (qui n’avait pas comme en Russie de tradition communale), le PTA avait interdit l’aliénation des terres, ce qui en fait revenait pratiquement à leur nationalisation et permettait d’engager la paysannerie sur la voie du socialisme.]

Si Mao Tsétoung a donc effectivement fait la révolution en Chine, il l’a fait contre les propriétaires fonciers, c’est-à-dire contre la bourgeoisie latifondiaire qui se développait dans la Chine colonisée du début du 20ème siècle. La révolution « socialiste » chinoise était une révolution de la petite bourgeoisie, contre la féodalité et l’impérialisme. Dans ce combat se trouvaient donc côte à côte le prolétariat, la paysannerie (petite et moyenne) ainsi que la bourgeoisie « patriotique » contre le « capitalisme bureaucratique ». [Ce terme imprécis, sert en fait à masquer le caractère démocratique bourgeois de la révolution chinoise et désigne en fait la bourgeoisie latifondiaire profitant du colonialisme.]

Que Mao Tsétoung ait réalisé l’alliance des communistes avec la bourgeoisie patriotique lors de la première étape de la révolution chinoise [la révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste], c’était là indispensable :

« dans les pays coloniaux, les blocs et les accords provisoires avec la bourgeoisie, à une certaine étape de la révolution coloniale [souligné par nous, V.G.], sont non seulement admissibles, mais absolument indispensables. » (Staline, Ouvrage cité, Edition numérique, p. 124.)

C’est-à-dire qu’un accord est indispensable avec la bourgeoisie patriotique pour mener à son terme la révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste.

Mais que Mao Tsétoung ait décidé qu’il était possible d’aller au socialisme en alliance avec la bourgeoisie patriotique, c’était là confondre les tâches de la révolution démocratique avec les tâches de la révolution socialiste. C’était là s’arrêter à mi-chemin et refuser d’enchaîner la révolution démocratique bourgeoise de libération nationale à la révolution socialiste, c’était là refuser de passer au socialisme. C’était là une forme déguisée de tentative de passage pacifique au socialisme, puisque la révolution chinoise avait été une révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste.

La « révolution socialiste » chinoise devant passer par la « rééducation » graduelle de la bourgeoisie « capitaliste d’Etat », ceci démontre les convergences de vue essentielles de Mao Tsétoung avec toutes les espèces de révisionnisme : la capitulation devant l’ennemi de classe ainsi que la négation, pratique ici, de la révolution violente et de la dictature du prolétariat.

Face à ce constat, il était naturel que la bourgeoisie nationale détenant une partie du pouvoir, se soit arrogée une partie des profits sous le prétendu « socialisme » et que le PCC ait rejeté la voie de l’industrialisation socialiste léniniste au profit d’une des méthodes bourgeoises d’industrialisation : l’accumulation à travers l’industrie légère et l’agriculture, en bref, la formation d’un marché intérieur de type capitaliste. Dès lors, on comprend aisément pourquoi Mao Tsétoung renvoyait la construction des bases économiques du socialisme en Chine aux calendes grecques !!!

C'est aussi pourquoi la Chine avait plutôt tendance à se classer dans les pays du « tiers monde » (en d’autre termes, des Etats capitalistes faibles) que dans les « pays socialistes » [Lesquels, bien qu’ayant hérité d’une forte arriération économique, comme dans le cas de l’Albanie, n’en sont pas moins des pays socialistes.]

Que la formation de ce marché intérieur capitaliste « régulé » ait conduit à l’ouverture vers l’extérieur, cela n’était pas un accident, mais une nécessité économique inhérente au processus de réalisation du produit social et au mode d’industrialisation choisi.

Mais était-ce là une fatalité, dans un pays aussi arriéré économiquement que pouvait l’être la Chine à sa libération, que le socialisme ne puisse s’y développer sans avoir au préalable connu période transitoire de « capitalisme d’Etat » ?

Nullement, et l’expérience de l’Albanie socialiste est là pour le prouver. En Albanie, le mouvement communiste était très récent puisque le premier groupe communiste y avait été fondé en 1930, et le Parti Communiste d’Albanie, lui, fondé seulement en 1941. La jeunesse relative du PCC n’était donc pas un obstacle insurmontable. Voyons maintenant les conditions économiques à la libération.

En Albanie, on vivait dans les années 1930 comme en Europe au XVème siècle. Dans le pays le plus arriéré d’Europe, encore à demi féodal, l’espérance de vie était de 38 ans en 1938. En 1938, date du plus haut niveau de l’économie albanaise d’avant-guerre, il n’existait pour ainsi dire pas d’industrie, mis à part un peu d’artisanat et quelques mines exploitées par des concessions de l’impérialisme italien. En Albanie, il n’existait que quelques rares routes et pas du tout de chemins de fer. On mourrait souvent de la tuberculose, de la malaria et du paludisme. L’agriculture arriérée, où l’araire en bois était d’usage, était très loin de permettre au pays de se subvenir en pain, quant aux autres cultures vivrières et aux cultures industrielles, elles étaient quasiment inexistantes.

Avant de comparer cette situation à celle de la Chine d’avant la libération, il nous faut remarquer qu’il est extrêmement difficile de trouver des données socio-économiques chiffrées sur la Chine de Mao Tsétoung. Il n’existe d’ailleurs à notre connaissance aucun document édité par les Editions en langues étrangères de Pékin fournissant ce type de données.

A défaut, la plupart des données socio-économiques que nous citons pour la Chine proviennent donc de journalistes ou même de "marxistes" occidentaux. [Il nous faut remarquer que si ils ont une appréciation favorable de Mao Tsétoung et de son « socialisme » comme Edgar Snow ou Charles Bettelheim — le "must" en la matière —, ils n’ont en revanche aucune sympathie ni pour Staline et Enver Hoxha, ni pour leur socialisme. Suite à ce que nous avons dit avant, on ne s’étonnera pas de voir une plume aussi maladivement anti-stalinienne qu’Edgar Snow, représentant du lobby américain favorable à Mao Tsétoung, écrire un pavé de plus de 500 pages (La Chine en marche, Stock, 1973.) pour louer les différentes facettes du « socialisme » spécifique chinois et dénoncer dans le même temps Enver Hoxha qui « exprima les craintes et les haines de son petit nationalisme » face à Khrouchtchev... (p. 528). On ne peut évidemment pas parler d’indulgence pour la Chine, en tant que pays du « tiers monde » désirant se développer, ça ne tient pas. L'Albanie n'était pas plus développée que la Chine à sa libération, la bourgeoisie ne s’en montrait pas moins haineuse à son égard. Cette indulgence de la bourgeoisie, c'est donc une indulgence à l'égard du révisionnisme ! Concernant la minuscule Albanie socialiste, il n’y avait là nulle indulgence. La bourgeoisie cédait à la calomnie, mais elle lui préférait encore plus, quand cela était possible, la conspiration du silence. Les critiques que la bourgeoisie et ses alliés révisionnistes adressent à la RPSA d’Enver Hoxha n'ont rien à envier à celles de l’URSS de Staline...]

A l’inverse de la Chine, l’Albanie socialiste qui n’avait rien à cacher et qui clamait hautement qu’elle était engagée dans l’édification des bases de la société socialiste [et qui l’a prouvé par la vitalité de son ordre socio-économique du vivant d’Enver Hoxha], a édité plusieurs ouvrages comportant des statistiques détaillées, entre autres Visage de l’Albanie (Tirana, 1978) et 40 années d’Albanie socialiste (Tirana, 1984). Nous donnons ici un tableau comparatif compilant des indices économiques concernant le développement de l’industrie et de l’agriculture de la Chine et de l’Albanie.

Données économiques

(plus haut niveau d’avant-guerre)

Chine (1936)

Albanie (1938)

Fer

6,6 livres/habitant

Charbon

100 kg/habitant

3,5 kg/habitant

Electricité

10 kWh/habitant

8,9 kWh/habitant

Voies ferrées

20 000 km

Coton

2 m/habitant

0,3 m/habitant

Rendement moyen de l’agriculture (blé)

8,5 qx/ha

7,0 qx/ha

Part de l’industrie dans le PIB

10 % (1952)

7,0 % (1950)

De prime abord, la situation économique de l’Albanie ne semblait donc guère plus (sinon encore moins) favorable que celle de la Chine. A partir de ces données économiques, sommaires, certes, mais que nous aurions voulu beaucoup plus précises, notamment dans le domaine de l’agriculture, voici la comparaison des résultats concrets obtenus dans le développement de l’économie :

Données économiques

 

Chine (Voie titiste-capitaliste)

Albanie (Voie marxiste-léniniste)

Part de l’industrie dans le PIB

35 % (1978)

43,6 % (1980)

Croissance du revenu national

300 % en 1978

(soit un accroissement moyen de 4,2 % par an)*

1330 % en 1975

(soit un accroissement moyen de 9 % par an)**

* par rapport à 1952 ; ** par rapport à 1946.

[Pour plus de précision dans notre comparaison, il nous aurait fallu disposer des Chiffres de 1973 pour la Chine, car dès 1973, la nouvelle orientation économique d'ouverture aux capitaux étrangers a très certainement dopé la croissance économique.]

Tandis que sous Mao Tsétoung, l’économie chinoise avançait, comme l’avait dit si justement Enver Hoxha, comme par inertie, les communistes albanais, eux, n’avaient fait que suivre la voie de Lénine et Staline, et non pas la voie titiste de Mao Tsétoung qui prétendait intégrer la bourgeoisie nationale dans le « socialisme » !!!

Ces données nous permettent également de juger de la pertinence d’Enver Hoxha critiquant la thèse de Mao Tsétoung [Cf. SUR LES DIX GRANDS RAPPORTS.] qui prétendait réduire la part des investissements affectés au développement de l’industrie lourde au profit de l’industrie légère pour soi-disant accélérer le développement économique, mais en fait pour développer le marché intérieur au bénéfice des profits immédiats de la bourgeoisie « capitaliste d’Etat », qu’il fallait bien « rapprocher du PCC » et dont il fallait donc satisfaire les appétits.

De ces données, ont peut légitimement conclure que la voie de conciliation de classe suivie par Mao Tsétoung a freiné le développement économique de la Chine, outre qu’elle a orienté l’économie chinoise sur les rails du capitalisme, a permis le renforcement et le triomphe de l’influence de la bourgeoisie « patriotique » au sein du PCC. Le « capitalisme d'Etat », avec participation des capitalistes aux profits, est anti-léniniste et n'était nullement une étape intermédiaire nécessaire pour marcher au socialisme dans les conditions d’un pays arriéré et semi-féodal, mais une étape de différenciation économique, une étape de formation du marché intérieur capitaliste chinois, une période où la bourgeoisie « patriotique » à la tête des entreprises d’Etat n’a eu aucun mal à corrompre les fonctionnaires chinois et à gangrener complètement la machine d’Etat pour en faire l’instrument d’une nomenklatura « capitaliste d’Etat ».

Quant on écoute Mao Tsétoung prétendant construire le « socialisme », et même un socialisme soi-disant fidèle à Staline et au marxisme-léninisme (Sic !!!), on voit la démagogie révisionniste dans toute sa splendeur ! [Cette démagogie profite aux trotskistes et aux révisionnistes eurocommunistes, puisque Mao Tsétoung, non seulement n'a pas contribué à prouver la supériorité économique du socialisme, mais a même travesti son « capitalisme d’Etat » en « socialisme » et a tenté de faire passer sa marchandise révisionniste pour un développement créateur du marxisme-léninisme. On comprend dès lors que quand les révisionnistes attaquent les erreurs effectives de Mao Tsétoung (comme son idéalisme et son subjectivisme en philosophie ou l’échec des transformations socialistes de l’agriculture et de l’industrie dans le domaine de l’économie politique), ils s’en servent pour mettre la faillite du maoïsme sur le dos du stalinisme et établir des « parallèles » avec la contre-révolution en URSS ! (Contre-révolution qui, elle, a été bien réelle.) Et si ça, ça n’est pas apporter de l'eau au moulin des trotskistes et des révisionnistes de tout acabit...]

Mao Tsétoung a certes beaucoup traité (en théorie) de l'unité théorie-pratique du marxisme, mais dans la pratique, il n'a pas pratiqué le marxisme et a tout misé sur « l'auto-éducation » détachée des condition matérielles. [Puisque ces conditions matérielles, où la « bourgeoisie patriotique » restait de facto propriétaire des moyens de production, s’opposaient à l’éducation socialiste des travailleurs.] Mao Tsétoung était donc foncièrement idéaliste. [D’où les reproches (généralistes et non argumentés) adressés à l’esprit « métaphysique » de Staline.] Mao Tsétoung faisait de beaux discours, certes, mais des discours [sur la « lutte de classe » et « l'industrialisation la plus rapide » en réduisant la part des revenu destinés à l'accumulation] qui sonnaient creux pour ceux qui n'ont pas oublié de Marx l'affirmation que l'institution du socialisme est « essentiellement économique ». Car qu'est qu'une société « socialiste » sans propriété commune des moyens de production et sans essor vigoureux de l'industrie ?

A la question : « la Chine de Mao Tsétoung a-t-elle connu 1° une révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste ou 2° une révolution socialiste ? », on doit donc répondre 1°.

Il n'y a donc pas eu à proprement parler de contre-révolution en Chine, puisque les chinois ne se sont jamais engagées dans la voie de la révolution socialiste. Avec Mao Tsétoung, la Chine est simplement passée du statut de colonie semi-féodale à celui de démocratie bourgeoise affranchie du joug colonial.

Que représentent donc les multiples changements de cap de la direction chinoise sur la scène internationale et les dérives, tantôt gauchistes, tantôt droitières de la politique intérieure chinoise, dérives qui ont mené à l’accession de Deng Xiaoping au pouvoir ? Rien d’autre que la transition d’une phase de démocratie bourgeoise venant d’accéder à l’indépendance, à une phase aboutissant à faire de la Chine une grande puissance capitaliste. C’est là l’attitude marxiste-léniniste au sujet de la révolution « socialiste » chinoise et de la « contre-révolution » de Deng Xiaoping.

Concernant la réalité sociale de la Chine d’aujourd’hui, il existe deux attitudes anti-marxistes en apparence opposées, mais en fait partant toutes deux du postulat que la Chine de Mao Tsétoung était socialiste, ce qui nous l’avons démontré est faux.

— La première attitude consiste à reconnaître que la Chine s’est transformée en puissance impérialiste où les maux si caractéristiques de la société capitaliste sévissent : creusement des écarts sociaux, inflation, chômage, etc., mais en mettant cette évolution et l’ouverture de la Chine aux capitaux de l’impérialisme sur le compte de la politique de Deng Xiaoping. C’est l’attitude adoptée par la petite paysannerie qui souffre aujourd’hui de l’exode rural massif et qui est amenée à idéaliser la période maoïste de conciliation des classes et de temporisation de la bourgeoisie « capitaliste d’Etat ». Le prolétariat chinois entretient toujours lui aussi ces illusions sur la Chine « socialiste » de Mao Tsétoung et il ne pourra renverser la grande bourgeoisie « capitaliste d’Etat » qu’après s’être réapproprié le marxisme-léninisme et après avoir fait une analyse de classe lucide de la période maoïste et donc des facteurs nationaux subjectifs (tel l’influence de la philosophie idéaliste confucéenne) et objectifs (tel la prédominance de petits propriétaires individuels et l’influence de la bourgeoisie patriotique intéressés à l’indépendance de la Chine) qui ont facilité la conciliation avec la « bourgeoisie patriotique » et son « rapprochement » avec le PCC.

— La seconde consiste à dire que la Chine se développe toujours dans la voie du « socialisme de marché », qu’elle en est toujours à la phase de construction des « bases de la société socialiste » et que si elle a certes privatisé des secteurs importants de son économie, demeurent toujours une planification et des secteurs nationalisés. C’est l’attitude des partisans déclarés de l’impérialisme et d’une partie des prétendus « marxistes-léninistes pensée Mao Tsétoung ». Cette attitude révèle tout autant l’incompréhension du révisionnisme et de sa base économique capitaliste que de celle des principes fondamentaux du marxisme-léninisme. Ces éléments spéculent, à l’exemple des khrouchtchéviens et des titistes, sur le « socialisme de marché » et sur les divers types de « propriété socialiste ». Ces éléments, lorsqu’il leur arrive de dénoncer Khrouchtchev et Tito (pour la forme), ne s’aperçoivent pas qu’ils perpétuent sous une forme à peine modifiée leurs mystifications et que ces mystifications ne peuvent que profiter aux affaires de la bourgeoisie et desservir la cause du prolétariat !!! On ne s’étonnera pas de trouver dans le rôle de premier larbin français des titistes chinois le « stalinien » Jacques Jurquet [comme disent les trotskistes…]. Il nous faut là ouvrir une parenthèse sur Jacques Jurquet qui défendait déjà la Chine de Mao Tsétoung puis celle de Deng Xiaoping contre Enver Hoxha à la fin des années 1970. [Il soutenait également la théorie des trois mondes qui a saboté la lutte de classe en France.] Et ça n’était pas là un aveuglement temporaire. Jacques Jurquet déclarait ainsi à la fin novembre 2004 :

« Je m'intéresse beaucoup à la politique actuelle du Parti Communiste Chinois. Ici on la présente comme capitaliste — la bourgeoisie de tous les pays ne peut pas accepter de reconnaître que l'essor de la Chine s'effectue sous la direction du PCC, alors elle dit « c'est le capitalisme ! » — mais c'est une manière de contester ses résultats spectaculaires. Le premier rôle de la chine reste de sortir de la précarité des centaines de millions de chinois(e)s. Le socialisme doit-il perpétuer la pauvreté ou la combattre ? Bien sûr que non. Mao a parlé de la probabilité de socialisme pour une époque assez lointaine : 2 ou 3 siècles (?!). Je pense qu'il avait raison. »

Pour justifier son règne d’exploitation, la bourgeoisie des pays capitalistes occidentaux clame elle aussi à l’occasion qu’elle a enregistré des résultats économiques spectaculaires et qu’elle a sorti de la misère des millions de travailleurs ! Et nous concevons très bien que la « bourgeoisie patriotique » chinoise ait réellement amélioré les conditions de vie du chinois moyen par rapport à l’ancien ordre féodal, mais cela ne fait pas pour autant de la Chine nouvelle un pays socialiste ! [La bourgeoisie internationale, contrairement aux affirmations mensongères de Jacques Jurquet, est très partagée dans son appréciation de la réalité économique chinoise : elle préfère s’en tenir à une appréciation plus agnostique, « médiane » dirons-nous.]

Après avoir dénoncé les petits groupes marxistes-léninistes français « bavards » et « sectaires » (Allusion à l’URCF, au PCOF et à CMC), l’extralucide Jacques Jurquet, se livre devant nos yeux ébahis à « la lecture dans le marc de café » : répondant à la question de savoir quel groupe se réclamant du marxisme-léninisme pourrait devenir le Parti dont a besoin la classe ouvrière, il affirme que « les Editions Prolétariennes [lui] paraissent les plus aptes pour l'avenir. » (http://membres.lycos.fr/edipro/Histoire/JacquesJurquet/interview/interview.htm)

Quand on connaît les effectifs des organisations citées et leur travail concret sur le terrain, on ne peut que rester médusé devant une telle myopie politique ! Après sa charge contre le "sectarisme" — le bâton, Jacques Jurquet essaie la "carotte" :

« Par delà des divergences tactiques inévitables, toutes les formations qui ont le même objectif stratégique doivent s'engager ensemble, et au sein des masses populaires, sur la voie révolutionnaire, seule capable de détruire le capitalisme pour instaurer le socialisme. Vive l'unité d'action pour le NON, première étape conduisant à de futures victoires prolétariennes fondées sur les principes irréversibles de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong ! » (Jacques Jurquet, Message de salutation envoyé aux E.P. le 01/05/2005 au sujet du meeting unitaire du 05/05/2005.)

Ainsi, Jacques Jurquet, outre qu’il trouve le moyen de caser le révisionniste Mao Tsétoung dans son message de salut, ne voit que des « divergences tactiques » entre le marxisme-léninisme et le « marxisme-léninisme » dans sa version mao-thorézienne ! Jacques Jurquet participe également à la réécriture de l’histoire du mouvement marxiste-léniniste français, réécriture qui dérive tout naturellement sur des positions néo-khrouchtchéviennes et de conciliation avec l’opportunisme. Il est ainsi reproché aux membres du PCMLF :

« leur propension à idéaliser globalement Staline et la période où il dirigea l’URSS et a assimiler toute critique de cette époque à du révisionnisme (alors que Lénine fut le premier à porter des critiques publiques sur Staline), leur caractérisation de l’URSS comme état « social impérialiste » et du PCF comme « parti révisionniste » (http://www.initiative-communiste.fr/wordpress/?p=47)

La défense conséquente des principes fondamentaux du marxisme-léninisme se trouve ainsi assimilée à une simple « idéalisation » de Staline qui n’aurait « pas facilité le dialogue, ni permis de défendre efficacement le marxisme-léninisme contre les dangers révisionnistes qui commençaient à devenir réel » ! [Voici légitimées la rupture tardive du PRCF avec le PCF et ses survivances thoréziennes prononcées…] La polémique entre marxistes-léninistes et révisionnistes se trouve ainsi réduite à un conflit sur l'appréciation de personnalités... Cette conception petite-bourgeoise-trotskiste ignore bien entendu le fait que l'on ne défend pas tant Staline ou Enver Hoxha que leur ligne politique et les avancées concrètes de l'URSS et de la RPSA dans la construction de la société socialiste !!!

Dans cette réécriture historique, on tait bien entendu la polémique entre « marxistes-léninistes pensée Mao Tsétoung » (tenant des théories fumeuses du PCC) et marxistes-léninistes (se reconnaissant dans les analyses du PTA). Cette polémique, qui est justement le point essentiel à avoir divisé le PCMLF, est tout simplement passée sous silence ! C’est là pour Jacques Jurquet proclamer son indigence de pensée et s’attribuer un certificat de mort politique ! [Jacques Jurquet fait très peu de cas de la pratique et des réalisations concrètes du socialisme en RPSA, réalisations socio-économiques concrètes qui prouvent que la ligne politique suivie par le PTA était fondamentalement juste (c’est-à-dire marxiste-léniniste) — et malgré toutes ses calomnies, Jacques Jurquet n'arrivera pas à effacer ce fait.]

Cette parenthèse fermée, nous devons souligner que le révisionnisme de Mao Tsétoung est également criant dans le domaine de la lutte de classe sous ses formes politique et idéologique. Ainsi, dans le chapitre « Du dogmatisme à l’inquisition » de son livre Albanie, la sentinelle de Staline (Seuil, 1979), Jean Bertolino prend prétexte de la politique maoïste des « 100 fleurs » pour attaquer la ligne marxiste-léniniste conséquente suivie par le PTA dans le domaine de la culture contre les courants décadents bourgeois pseudo-marxistes représentés par Sartre et Marcuse :

« « Les marxistes ne doivent pas craindre les critiques ou les confrontations avec d’autres idées que les leurs. Les plantes élevées dans une serre ne sauraient être robustes. » C’est encore Mao Tsétoung qui a écrit cela dans les années cinquante. » (p. 203.)

Ainsi, « l’André Gide » de l’Albanie, s’il ne peut pas encadrer le réalisme socialiste ni la censure des idées bourgeoises, ne manque pas par contre d'appuyer ses revendications sur la « liberté » de l'art, de la presse et de l’édition en utilisant (sans amendement préalable) les thèses libérales-opportunistes de Mao Tsétoung.

Dans INTERVENTION A LA CONFERENCE NATIONALE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS SUR LE TRAVAIL DE PROPAGANDE, Mao Tsétoung dit de la politique des « Cent fleurs » qu’elle

« n'est pas seulement une bonne méthode pour développer la science et l'art, mais aussi, si l'on en généralise l'application, une bonne méthode pour notre travail dans tous les domaines. »

On comprend sans mal qui servent en réalité ces critiques et à quelles fleurs elles permettent de se développer ! Ça n’est d’ailleurs pas un hasard si Mao Tsétoung fut rapidement obligé de mettre un terme à la politique de « l’épanouissement des 100 fleurs », car dans un organisme social où les petits propriétaires individuels dominaient et où la bourgeoisie détenait des postes importants de l’économie, ce libre « épanouissement des cent fleurs » ne pouvait signifier que des attaques contre le PCC venant de l’intérieur (par les opportunistes avançant leurs thèses révisionnistes sous le mot d’ordre de la « liberté de critique ») et de l’extérieur (par la bourgeoisie « capitaliste d’Etat » soucieuse de voir augmentés ses profits…) [Le slogan « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ! » a été un des slogans les plus en vogue auprès des courants gauchistes occidentaux].

Dans DE LA JUSTE SOLUTION DES CONTRADICTIONS AU SEIN DU PEUPLE, quand Mao Tsétoung cherche à prouver qu'une bonne mauvaise chose peut se transformer en une bonne chose [Ce qui peut justifier n’importe quelle politique pragmatiste, y compris celle d’intégration de la « bourgeoisie patriotique » dans le « socialisme »…], il prend deux exemples dont on doit le remercier tant ils illustrent à merveille la clairvoyance politique "géniale" que lui confère la méthode "dialectique" aprioriste, qui n'est rien d'autre ici qu'un travestissement de la méthode proudhonienne ou confucéenne des antinomies.

Mao Tsétoung prend comme premier exemple les évènements de Hongrie qui, selon lui, ont eu comme côté positif d'avoir soi-disant fait de l'Etat Hongrois un Etat plus solidement établi que par le passé. [Par le terme « passé », il faut bien sur entendre le passé stalinien, celui de Rákosi...]*

Il prend ensuite comme exemple la campagne anti-stalinienne internationale acharnée qui a suivi le rapport Khrouchtchev et qui aurait, selon lui, débarrassé les partis communistes des « éléments instables ». [Par l’expression « éléments instables », il faut bien sur entendre les éléments staliniens dont furent purgés ces partis...]** Ces Partis s’en seraient donc trouvés renforcés ! Ce que l’histoire a bien entendu infirmé, puisqu’on a vu ces partis se social-démocratiser et se décomposer…

Outre le fait que l'on peut constater la complète opposition de ces observations de Mao Tsétoung avec celles formulées par le PTA à la même époque et dont les prises de position clairvoyantes se sont vérifiées, elles nous illustrent encore une fois la défense pour le moins très conditionnelle de Staline...

Enfin, dans LA METHODE DIALECTIQUE POUR ASSURER L'UNITE DU PARTI, Mao Tsétoung, ne manque pas de nous illustrer ce que peut donner l’application concrète de sa méthode "dialectique", dans le cadre de la lutte politique pour réconcilier entre eux les révisionnistes. C’est avec raison que le Tome V des œuvres choisies de Mao Tsétoung ne donne que des extraits de ce texte et a zappé des passages à l’exemple de celui-ci « Gomulka est un bon camarade, il faut lui faire confiance » (Cité par Enver Hoxha dans le chapitre 10 de son ouvrage Les Khrouchtchéviens, Souvenirs.) [Gomulka était un partisan des idées de Tito et s’employait avec Togliatti à revendiquer une totale liberté de « création » dans les conditions nationales « spécifiques » à chaque Parti.]

En guise de conclusion générale à cette présentation, il nous faut souligner un trait général du révisionnisme qui sème souvent un grand désarroi idéologique parmi les communistes et aboutit à des confusions quant il s'agit de faire la distinction entre un "communiste" et un communiste ou entre un "stalinien" et un stalinien : Si l’on en croit la bourgeoisie, Mao, Khrouchtchev, Brejnev, Tito, Ceausescu, Castro, Thorez, Marchais, etc., seraient « communistes » voir même « staliniens », mais dans ces « communistes » et ces « staliniens », la bourgeoisie éclairée, elle, ne manque pas de faire des distinctions !!! D'un côté, la bourgeoisie les rejette (parce qu'ils semblent représenter un pas vers le « stalinisme », du fait de la phraséologie marxiste dont ils usent à l'occasion), tandis que de l’autre elle ne cache pas les préférer à Staline qui reste le diable incarné et à côté de qui Mao, Ceausescu et Cie font figure d'enfants de cœur. (Ce qu'ils sont en réalité, puisqu’ils divisent le mouvement ouvrier et permettent à la bourgeoisie de se maintenir.)

De même que les revues altermondialistes à destination de la jeunesse lycéenne et étudiante servent à l’intoxiquer d’illusions réformistes [Cette destination est une chose évidente quand on voit par exemple le fait que 90 % de la publicité faite dans ces revues correspond à de la publicité pour les grandes écoles, particulièrement pour les écoles de commerce et de management (dans la revue Alternatives économiques on peut parfois en trouver plus d’une dizaine de pages pour une revue en comptant une centaine !).], de même les épouvantails révisionnistes, ne peuvent qu’engendrer chez les éléments anti-capitalistes les plus avancés un pseudo-radicalisme basé sur... des références révisionnistes !!! (Et donc sans danger pour l'ordre capitaliste…)

Voici deux couvertures de l’un des journaux de la bourgeoisie éclairée illustrant magistralement le fait que la bourgeoisie sent bien cette essence pseudo-radicale et délétère du révisionnisme pour l’unité de la classe ouvrière :

Une illustration de la menace représentée par le marxisme-léninisme (Couverture du Time, 20/12/1937.)

 

Une illustration satirique du « panier de crabe révisionniste » : Mao, Brejnev, Tito, Ceausescu, Castro (Couverture du Time, 13/06/1969.)

  

Notes :

(Ajoutées le 24/05/2005 suite aux remarques d'un camarade.)

* Il est de fait que Mao a condamné les évènements de Hongrie, mais en les expliquant par les "erreurs" du stalinien Rákosi (Ludo Martens lui-même le reconnaît), et en défendant donc Kadar et Gomulka, deux révisionnistes plus soumis à Khrouchtchev. Le passé où l'Etat Hongrois était le plus solidement établi était celui de Rákosi qui engagea la Hongrie sur la voie communiste (1945-1953 et dans une certaine mesure 1953-1955). Mais Mao critique les erreurs de Rákosi. La voie révisionniste (Kadar-Gomulka) lui semble donc être plus solide que celle de Rákosi. Cette position était fondamentalement opposée à celle du PTA pour qui les racines du mal étaient toujours présentes et qui critiquait tout autant Nagy (partisan de l'impérialisme occidental) que Kadar et Gomulka (révisionnistes ayant prêté allégeance aux révisionnistes soviétiques). Aucunes de ces deux voies ne pouvait bien sur être stable. Mao ne le voit pas.

** Après le rapport Khrouchtchev, s'est opéré un saut qualitatif au sein du mouvement communiste international, le révisionnisme, jusque-là camouflé et retranché est passé à l'offensive : les révisionnistes et leurs thèses ont triomphé très rapidement au sein de la majorité des Partis. Mao ne voit absolument pas ça. Et c'est là encore l'essentiel.

V.G., 18/05/2005

 

 

 

 

Caricatures et simplifications maoïstes

Dans le paysage politique français, les maoïstes du PCMLM occupent une place bien particulière. Sous leurs airs « marxistes-léninistes-maoïstes » apparents, ils mènent une lutte acharnée pour discréditer dans son ensemble le mouvement marxiste-léniniste qui se reconstitue. Dans leur article A propos d'Enver Hoxha et de l'union des « marxistes-léninistes »,1 écrit en réaction au meeting commun du 5 mai 2005 organisé par cinq organisations françaises se réclamant du marxisme-léninisme et auquel ont contribué de nombreuses autres organisations se réclamant du marxisme-léninisme, ils nous livrent quelques-uns des procédés simplificateurs dont ils usent pour rehausser leur image « ultra-radicale » tout en esquivant la question de l’importance de la lutte contre le révisionnisme moderne au sein du mouvement marxiste-léniniste renaissant.

 

Pour le PCMLM, le fait que toutes les organisations participant au meeting « rejettent le maoïsme comme troisième étape du marxisme-léninisme » fait que les différences idéologiques entre les organisations se réclamant du marxisme-léninisme en arrivent à être minimisées voir même niées. Que les uns soient encore embourbés dans l’héritage social-chauvin et patriotard du PCF, entretiennent des illusions sur Cuba ou même la Chine « socialistes », alors que les autres veulent en revenir à un Parti communiste révolutionnaire, peu importe ! Pour le PCMLM, le révisionnisme et le stalinisme (« le PC imaginé comme dans les années 1930 »…) sont à mettre dans le même sac, puisqu’ils refusent de voir en Mao la troisième épée du marxisme après Marx et Lénine, et s’obstinent à rester prisonniers soit du révisionnisme le plus pur, soit de l’ère (sombre) du stalinisme ! (Obsolète depuis l’avènement de l’ère lumineuse de la « révolution culturelle » maoïste…)

 

Peu importe pour le PCMLM que les uns soient pour un Parti de conciliation des intérêts de la bourgeoisie et du prolétariat, tandis que les autres sont pour un Parti de lutte de classes ! Peu importe que les uns pensent qu’on arrivera au socialisme par le perfectionnement de la démocratie bourgeoise tandis que les autres clament que la révolution socialiste passera par la dictature du prolétariat ! Peu importe pour le PCMLM que les uns voient la Chine comme toujours socialiste tandis que les autres clament qu’elle ne l’a jamais été ! Peu importe que les uns soutiennent Cuba, le Vietnam et la Corée comme des pays « socialistes » tandis que les autres les soutiennent comme des nations ayant un caractère anti-impérialiste national-démocratique ! Peu importe que les uns restent frileux devant le déluge de propagande antistalinienne quand il s’agit de défendre l’URSS de Staline tandis que les autres en font une des lignes de démarcation d’avec l’opportunisme ! Peu importe que ces deux courants opposés se livrent une lutte à mort au sein de la mouvance se réclamant du marxisme-léninisme !

 

Peu importe tout cela pour le PCMLM, puisque les « hoxhaïstes » auraient de toute façon pour but ultime de « blinder l’idéologie » pour s’opposer mieux au « marxisme-léninisme-maoïsme » et de « permettre aux révisionnistes de la gauche du « PCF » de faire semblant de faire une autocritique » !!! Les marxistes-léninistes souhaitent-ils obtenir ce semblant d’auto-critique des révisionnistes ou bien souhaitent-t-ils leur arracher leurs masques « marxistes-léninistes » et détacher à la base les camarades soumis à leur influence en démontrant à ces derniers que les chefs social-chauvins ne font rien pour réaliser l’unité sur le terrain dans le cadre des luttes communes ? Quelle est la signification de la lutte pour le triomphe du NON au référendum constitutionnel européen ? C’est la lutte pour la conscientisation d’une frange du mouvement opposé à « l’ultra-libéralisme » en vue de la création d’une aile anti-capitaliste radicale au sein de ce mouvement. N’était-il pas aisé de démontrer aux yeux des travailleurs que la grande bourgeoisie souhaitait de toutes ses forces et mettait tout en œuvre pour que ce référendum, légitimant toutes les régressions sociales et les attaques les plus ouvertes contre les travailleurs, soit approuvé ? N’était-il pas aisé de démontrer aux yeux des larges masses le pseudo-démocratisme qui régnait au sein des médias au moment des débats ? N’était-il pas alors aisé de démonter aux travailleurs que la « démocratie » bourgeoise tant vantée par les médias ne pouvait être en définitive que la dictature de la bourgeoisie ? Que reste-t-il donc de la phraséologie « révolutionnaire » abstraite du PCMLM qui, lui, appelait à l’abstention ? (Ce que la bourgeoisie et ses représentants politiques, comme ils l’ont dit clairement, préféraient assurément à un « Non », même euro-constructiviste…) Le PCMLM prouvait-il aux larges masses que la société s’était scindée en deux camps antagonistes bien distincts ? D’une part celui des travailleurs (conscients que ce traité était un plan de bataille de la bourgeoisie monopoliste) rallié par une frange de la petite bourgeoisie hésitante, et d’autre part, celui de la bourgeoisie impérialiste, de ses médias et de ses partis politiques « de gauche » et de droite. Etait-ce là utiliser correctement les contradictions ou bien les nier sous couvert de « non participation aux questions posées par la bourgeoisie » ? La bourgeoisie était en droit se féliciter d’une telle non-participation qui lui laissait le champ libre, à elle et aux euro-constructivistes partisans d’un « Non » conditionnel ! Par cet exemple, on voit comment encore aujourd’hui, la maladie infantile du communisme continue de faire des ravages et comment le réformisme pur et l’ultra-gauchisme « radical » se nourrissent mutuellement !...

 

Pour le PCMLM, l’essence des « hoxhaïstes » « hostiles à la guerre populaire » au Népal et au Pérou serait forcément « contre-révolutionnaire » !!!

 

Les « hoxhaïstes », c’est-à-dire les marxistes-léninistes, ne sont pourtant hostiles à aucune lutte de libération nationale. Les marxistes-léninistes soutiennent la résistance palestinienne et irakienne face aux menées barbares de l’impérialisme, les régimes comme Cuba et la Corée du Nord qui osent braver les grandes puissances impérialistes, ils soutiennent les FARC de Colombie, les maoïstes du Pérou et du Népal dans lesquels ils voient des mouvements progressistes de libération nationale, mais il est vrai, nullement le nec plus ultra du communisme !

 

Héritier des avatars du maoïsme, le PCMLM confond révolution anti-impérialiste nationale-démocratique et révolution socialiste. Les marxistes-léninistes, eux, soutiennent les mouvements de libération nationale qui renforcent les aspirations de liberté véritable des peuples des nations néo-colonisées et qui brisent le front de l’impérialisme mondial. Pour autant les marxistes-léninistes n’oublient pas qu’une révolution anti-impérialiste n’est pas encore une révolution socialiste et que la première ne peut se transformer en la seconde que si les peuples subissant le joug de l’impérialisme ont à leur tête le prolétariat et son avant-garde organisée, le parti marxiste-léniniste – et non pas un parti marxiste-léniniste-maoïste qui, comme son grand frère chinois, éludera la question de la révolution socialiste.2

 

Pour le PCMLM les « hoxhaïstes » se caractériseraient par le « légalisme » et le « refus de la lutte armée » ! Quand on connaît la lutte menée par les marxistes-léninistes pour combattre les thèses khrouchtchéviennes sur l’exclusivisme de la voie parlementaire et pacifique au socialisme, quant on sait comment les communistes albanais ont combattu contre le fascisme les armes à la main, quant on sait comment le PTA a soutenu les luttes de libération nationale dans les colonies et semi-colonies, quant on sait comment le premier secrétaire du PTA, lors de la campagne électorale de 2005 parlait de la nécessité pour les communistes d’avoir leur propre armée en vue de la prise du pouvoir, cette accusation ne peut refléter que la malhonnêteté ou l’ignorance du PCMLM !

 

« Le pouvoir est au bout du fusil », rabâche le PCMLM. En d’autres termes, c’est le fusil qui commande et non plus le Parti Communiste ! Le Parti Communiste n’a plus besoin de la théorie marxiste-léniniste qui serait bonne à jeter aux orties, une fois saisi le miraculeux fusil maoïste ! Il suffit de prendre les armes pour faire la révolution ! Peu importe quel est l’état d’esprit des masses et le niveau de préparation du Parti ! Ce fétichisme de la « guerre populaire », capable de remplacer la travail de Parti peut tromper quelque gauchiste « marxiste-léniniste-maoïste », mais personne d’autre, car derrière la totipotence du fusil se cache en fait l’impuissance du Parti et la négation de son rôle organisateur et mobilisateur. Non, les marxistes-léninistes ne nient pas l’importance de la lutte armée pour la prise du pouvoir. Les marxistes-léninistes, comme Lénine le leur a appris, utilisent simplement toutes les possibilités légales et illégales de lutte, y compris les moyens parlementaires, sans oublier un seul instant les limites des moyens légaux de lutte dès lors que la bourgeoisie se sentira menacée. Et alors les marxistes-léninistes ne reculeront pas devant la guerre civile, quand la guerre entre les travailleurs et la bourgeoisie éclatera au grand jour. Les bolchéviks ont démontré qu’il savaient faire la guerre populaire et n’ont pas attendu Mao pour mobiliser ouvriers et paysans et défendre les armes à la main la jeune Union soviétique contre l’intervention étrangère puis contre les bandits fascistes ! De même les communistes albanais, à la tête de la guerre de partisans, ont démontré qu’ils avaient su mobiliser les travailleurs de la ville et de la campagne contre les occupants fascistes et la bourgeoisie collaboratrice !

 

Le PCMLM, impuissant à « blinder l’idéologie » tombe, comme le maoïsme en général, dans le spontanéisme et la sous-estimation de l’importance de la lutte idéologique. La lutte idéologique du PCMLM contre le « hoxhaïsme » se ramène en effet au rabâchage de ses « arguments » bien connus contre le PTA : Le PTA aurait attendu la mort de Mao pour attaquer le maoïsme et aucun signe avant-coureur n’aurait pu le laisser présager. Nous avons réfuté cette vision simpliste – pure reprise de l’historiographie bourgeoise concernant la rupture sino-albanaise – dans notre texte « A propos des divergences sino-albanaises ». Quels nouveaux arguments apporte donc le PCMLM ? Bien sûr le PCMLM ne peut mettre en doute la réalité de la construction socialiste en Albanie et la justesse de la ligne politique du PTA dans ce domaine. Le PCMLM en est donc réduit à triturer les écrits du PTA et à tenter – comme Jurquet autrefois – de jeter le discrédit sur l’authenticité des sources utilisées par Enver Hoxha. Le PCMLM cite un extrait du discours prononcé par Enver Hoxha à la Conférence de Moscou en 1960 pour prouver qu’il avait souscrit à la critique khrouchtchévienne du culte de la personnalité – procédé foncièrement malhonnête quant on connaît la lutte précoce menée par le PTA pour dénoncer ceux (Tito puis Khrouchtchev) qui sous couvert d’attaques contre le culte de la personnalité de Staline, attaquaient le marxisme-léninisme. Le PCMLM a juste oublié une petite phrase, un « détail » dans ce discours » : « Le culte de la personnalité de Staline devait, certes, être surmonté. Mais peut-on dire, comme on l'a dit, que Staline était lui-même l'artisan de ce culte ? ». Le PTA fut le seul Parti à avoir posé aussi nettement la question concernant le culte de la personnalité, et pour le PTA, la défense de l’œuvre de Staline était inséparable de la défense de l’expérience de la construction du socialisme – contrairement aux appréciations subjectives de Mao pour qui la défense très conditionnelle de Staline se faisait en dépit de ses prétendues erreurs dans le développement de l’industrie et de l’agriculture soviétiques.

 

L’idéalisme du PCMLM transparaît nettement dans son incapacité à relier la lutte politique contre le révisionnisme à la lutte pour le construction de la société socialiste : les attaques du PCMLM contre le PTA ignorent la réalité sociale et économique de l’Albanie d’Enver Hoxha tout comme la « défense » de Mao ignore la réalité sociale et économique de la Chine de Mao ! Ces réalités sont mises sous le boisseau parce que ces éléments irréfutables sont en contradiction flagrante avec les thèses du PCMLM ! Voilà comment les « marxistes-léninistes-maoïstes » abâtardissent le matérialisme historique à seule fin de ne pas faire perdre la face à Mao !

 

Le PCMLM critique l’ouvrage d’Enver Hoxha « L’impérialisme et la révolution »3 comme étant « l'ouvrage de Hoxha attaquant Mao Zedong », alors que cet ouvrage génial constitue avant une étude des contradictions du système capitaliste-impérialiste mondial à l’aube du 21ème siècle. Cet aspect matérialiste essentiel, le PCMLM le met également sous le boisseau ! « L’impérialisme et la révolution » constitue en outre un immense travail de clarification idéologique traitant des principaux courants révisionnistes, alliés objectifs de la bourgeoisie dans la lutte contre le communisme. Dans la dénonciation des courants révisionnistes, une place particulière est évidemment réservée au maoïsme.

 

Voyons la « critique » qu’en fait le PCMLM.

 

Le PCMLM s’est mis à compter les citations : 47 de Mao, dont 19 extraites du Tome V de ses œuvres ! Et le PCMLM de crier à l’infamie : ces 19 citations n’ont pas été publiées du vivant de Mao ! Qu’est-ce à dire ? Que la « troisième épée » du marxisme n’a rien publié de 1949 à 1976 ! Est-ce la faute du PTA ? Non, c’est celle de Mao qui n’a rien fait publier de ses écrits postérieurs à 1949 ! Les camarades albanais sont les premiers à en avoir été étonnés, et nul doute que les camarades albanais auraient pu confirmer les doutes émis dès l’époque de la révolution culturelle si ils avaient eu entre les mains les textes de Mao présents dans le tome V de ses œuvres choisies ! Mais cela permet-il de remettre en cause l’authenticité des textes du Tome V des œuvres choisies de Mao ? Apparemment non, puisque le PCMLM parle simplement des notes de ce volume soutenant Deng Xiaoping. Le PCMLM reproche ensuite à Enver Hoxha d’utiliser des publications bourgeoises pour étayer son argumentation. Mais un marxiste-léniniste ne doit-il pas se montrer attentif au jugement de classe de la bourgeoisie ? Marx, Engels, Lénine et Staline n’ont-ils pas eux-mêmes utilisé dans leurs travaux des références de publications bourgeoises quand elles venaient illustrer leur raisonnement ? Enfin, le PCMLM qui en est venu à compter le nombre de citations de Mao, « oublie » de souligner que dans cet ouvrage d’Enver Hoxha une quinzaine de ces citations proviennent des tomes I à IV des œuvres choisies de Mao ou de documents du PCC publiés du vivant de Mao… Un « détail » ! A quoi riment donc ces comptes ? A rien, sinon à éluder le contenu de la critique du maoïsme formulée par Enver Hoxha, puisque le PCMLM se contente d’affirmer (sans rien prouver, évidemment !) qu’Enver Hoxha caricature les positions de Mao concernant la guerre populaire et la primauté des campagnes ! Mais le PCMLM observe un silence complet concernant les théories économiques maoïstes et l'intégration de la bourgeoisie « patriotique » dans le socialisme...

 

Bref, beaucoup de bruit et d’indignation pour pas grand-chose : la montagne vient d’accoucher d’une souris !

 

De qui le PCMLM fait-il donc objectivement le jeu ? Sûrement pas celui des travailleurs et de la révolution socialiste, mais bel et bien celui de la bourgeoisie, qui a intérêt à voir nier la différence fondamentale entre marxistes-léninistes et révisionnistes au moment où l’on assiste à un renouveau du mouvement authentiquement marxiste-léniniste en France.

 

Ce mouvement, sortant des entrailles de la société bourgeoise, ne naît pas du néant et s’appuie sur des éléments légués par le passé, d’où la nécessité de pousser à fond la critique marxiste-léniniste des stigmates du révisionnisme moderne sous ses différentes variantes. Cela inclut la critique franche entre camarades, en veillant toujours à bien faire la différence entre la direction d’une organisation n’ayant pas rompu avec le révisionnisme et les camarades de la base trompés et sincères qui militent en son sein. De là découle la nature à la fois « dogmatique » et « opportuniste » des « hoxhaïstes », c’est-à-dire des marxistes-léninistes qui essaient aujourd’hui de construire un Parti Communiste Révolutionnaire rassemblant tous les marxistes-léninistes en fusionnant les forces des camarades sincères aujourd’hui dispersés dans les diverses organisations qui se sont fixées pour but la révolution socialiste.

 

V.G.

25/09/2005

 

Notes :

 

1. Cf. http://www.lescommunistes.net/~infos/docus1/hoxha2005.html  

2. Cf. présentation de la sélection de textes sur le révisionnisme de Mao.

3. Cf. Enver Hoxha, Œuvres choisies, Tome V, édition numérique. (Le PCMLM ne dit rien des deux tomes des « Réflexions sur la Chine » qui fournissent pourtant de nombreux matériaux sur la dénonciation du révisionnisme maoïste…)

 

 

 

 

 

 

LES FALSIFICATIONS MAOÏSTES DANS LE DOMAINE DE LA THÉORIE DE LA CONNAISSANCE

Extrait traduit par P. Bobulesco à partir de l'ouvrage L'essence antimarxiste des conceptions philosophiques de la pensée de Mao Zedong (Vasillaq Kureta, Tirana, 8 Nëntori, 1984.)

 

La théorie de la connaissance est un autre domaine de la philosophie à propos duquel Mao Zedong et les révisionnistes chinois actuels ont spéculé et falsifié la philosophie marxiste-léniniste.

Selon les révisionnistes chinois, Mao aurait, comme il l'a fait pour d'autres questions, apporté sa « contribution importante » à la question de la théorie de la connaissance, il aurait permis un « développement approfondi » de celle-ci. Ses conceptions et ses thèses seraient en particulier « développées » dans De la pratique et D'où viennent les idées justes ?

L'analyse des conceptions maoïstes du problème de la théorie de la connaissance et, surtout, la mise à nu de l'action et de la pratique maoïste montrent clairement que ces conceptions sont au service des intérêts de classe de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie chinoises. Elles ont servi les objectifs pragmatiques du groupe dominant au pouvoir.

Les conceptions maoïstes de la théorie de la connaissance sont éloignées de la théorie matérialiste dialectique de la connaissance. Il existe un contraste radical et de principe entre elles. Mao a traité de la théorie de la connaissance à partir de positions subjectivistes, métaphysiques et mécanistes, éclectiques et pragmatiques.

a) Mao Zedong a falsifié la notion marxiste-léniniste de processus de la connaissance.

Dans De la pratique et D'où viennent les idées justes ?, Mao s'arrête sur les problèmes du processus de la connaissance, mais il en traite à partir de positions métaphysiques.

En tant que phénomène social, la connaissance est un processus complexe, qui comprend de nombreux maillons et degrés et se développe en s'approfondissant constamment. La connaissance s'acquiert à travers les relations organiques établies entre ses éléments sensibles et rationnels. Les sens et la raison œuvrent donc ensemble au cours de ce processus qui, bien plus, exprime la différence entre les sensations et les perceptions humaines et celles des animaux. Lorsque l'homme saisit par la perception, sa raison n'est pas inactive. D'un autre côté, lorsqu'il raisonne, l'homme pense à partir des données fournies par ses organes des sens. Sur cette base et grâce à la pratique, la connaissance s'approfondit graduellement et de connaissance empirique devient connaissance théorique, les théories existantes s'enrichissent et de nouvelles théories se créent.

La scission du processus unique de la connaissance en empirisme et en rationalisme, c'est-à-dire le fait de considérer unilatéralement comme absolues les données des sens ou celles de la pensée abstraite au cours de ce processus, a constitué une caractéristique propre à la philosophie pré-marxiste. Les fondateurs de la philosophie marxiste-léniniste ont traité de manière matérialiste dialectique du processus unique de la connaissance, en critiquant les conceptions idéalistes et métaphysiques. Lénine a caractérisé ainsi ce cheminement dialectique : « De l'intuition vivante à la pensée abstraite, et d'elle à la pratique tel est le chemin dialectique de la connaissance de la vérité, de la connaissance de la réalité objective. » (Œuvres, t. 38, p. 160.)

En totale opposition avec la dialectique marxiste, Mao Zedong scinde de manière métaphysique le processus dialectique de la connaissance en deux étapes auxquelles il attribue une existence indépendante, en soi. Cette division est en fait un retour à la conception philosophique prémarxiste, bien que les révisionnistes chinois aient proclamé qu'il s'agissait d'une « découverte » de Mao Zedong.

Selon celui-ci, le premier degré de la connaissance est celui de la « perception sensible », des « sensations et représentations ». Selon Mao, donc, la sensation, la perception... existent, mais sans la raison. Quant au concept léniniste d'« intuition vivante », il ne s'identifie pas aux sensations, aux perceptions, aux représentations, mais il représente l'unité dialectique, organique, de l'élément sensible et de l'élément rationnel.

Mao appelle second degré de la connaissance celui des concepts, des jugements et des déductions. Ce degré aussi a dans la conception maoïste une existence indépendante, en soi. Dans cette conception, la raison, la pensée abstraite en soi constituent un degré de la connaissance. « L'expression du San kouo yen yi : "Il suffit de froncer les sourcils et un stratagème vient à l'esprit" ou celle du langage ordinaire : "Laissez-moi réfléchir" signifient que l'homme opère intellectuellement à l'aide de concepts, afin de porter des jugements et de faire des déductions. C'est là le second degré de la connaissance. » (Œuvres choisies, t. 1, p. 332.) De cette façon, la sensation, la connaissance sensible est détachée de la raison, de la connaissance rationnelle. Ceci constitue une déformation de l'essence du processus de la connaissance, une négation de son caractère social.

Lorsque l'homme connaît les choses, les phénomènes, la réalité objective, il acquiert un savoir. Sans savoir, il n'y a pas de connaissance. Mais la formation du savoir, sa formulation, sa fixation et son expression s'effectuent en traitant l'expérience sensible au moyen des méthodes et des formes de la logique. Lénine a dit que la forme du reflet de la matière dans la connaissance humaine, ce sont justement les concepts, les lois, les catégories, etc. « L'homme, poursuit-il, ne peut pas embrasser = refléter = représenter toute la nature entièrement dans sa "totalité immédiate", il peut seulement s'approcher perpétuellement de cela en créant des abstractions, des concepts, des lois, un tableau scientifique de l'univers, etc., etc. » (Œuvres, t. 38, p. 172.)

C'est précisément parce que l'homme opère avec la raison qu'il peut comprendre les choses, les objets ou les phénomènes qu'il ressent et perçoit. Les données que lui fournissent ses organes des sens constituent le contenu de savoirs de niveaux différents. Ainsi, la conception matérialiste dialectique ne scinde pas le processus unique de la connaissance en connaissance sensible d'une part, où la raison serait absente, et en pensée abstraite d'autre part, d'où le sensible serait exclu. Mais ceci ne veut pas dire non plus que l'existence de degrés dans la connaissance, de niveaux de savoir est niée. Le savoir va en s'approfondissant et en s'élargissant sans cesse. Il ne faut donc pas confondre le processus unique de la connaissance avec le niveau du savoir atteint à un moment donné ou à une étape déterminée de ce processus.

Pour Mao, au contraire, l'unicité du processus de la connaissance est formelle, puisque pour lui, en fait, dans sa première phase, inférieure, la connaissance n'est que sensible, et ne devient rationnelle que dans sa deuxième phase, supérieure. « ... au degré inférieur la connaissance intervient en tant que connaissance sensible, au degré supérieur en tant que connaissance logique... La perception ne peut résoudre que le problème des apparences des choses et des phénomènes, le problème de l'essence, lui, ne peut être résolu que par la théorie. » (Œuvres choisies, t. 1, p. 333-334.) Chez Mao, la sensation est séparée de la raison et les deux œuvrent de manière différente et indépendante l'une de l'autre.

On sait que la connaissance s'approfondit sur le chemin qui la conduit depuis les phénomènes jusqu'à l'essence des choses et des faits. Le phénomène et l'essence constituent précisément des moments déterminés de la connaissance. Mais ceci ne signifie en aucune façon que la connaissance du phénomène par les sensations ne fait pas appel à la raison, ou que la raison seule permettrait de connaître l'essence, sans les données des organes des sens. Cette coupure en deux du processus de la connaissance est une forme de conception métaphysique. « Le monde des phénomènes et le monde en soi, dit Lénine, sont des moments de la connaissance de la nature par l'homme, des degrés, des modifications ou des approfondissements (de la connaissance). » (Œuvres, t. 38, p. 144.) Cette conception léniniste du processus de la connaissance est dialectique. Lénine ne considère en aucune façon l'appréhension du phénomène comme étant l'œuvre des seules sensations ou perceptions, sans intervention de la raison, pas plus qu'il ne considère l'appréhension de l'essence des choses ou des faits comme l'œuvre de la raison séparée. Lénine envisage l'acquisition de données sur les phénomènes ainsi que l'appréhension de l'essence des choses ou des faits comme l'œuvre de la connaissance en tant qu'unité de l'élément sensible et de l'élément rationnel et qui prend son origine dans la pratique sociale matérielle. C'est ainsi que la connaissance s'approfondit continûment.

Mao Zedong, qui sépare de manière métaphysique le phénomène de l'essence, s'efforce de relier le sensible et le rationnel en intercalant entre eux un bond. En effet, il appelle « bond » le passage du sensible au rationnel. Puis, selon lui, quand on passe à la pratique, un autre bond s'effectue. Ainsi le processus de la connaissance se résume selon Mao au schéma suivant : sensible bond rationnel bond pratique bond et ainsi de suite, sans fin. « Quand les données sensibles se sont suffisamment accumulées, écrit Mao, il se produit un bond par lequel elles se transforment en connaissance rationnelle. » (Quatre essais philosophiques, p. 150.) Et plus loin : « En passant par le creuset de la pratique, la connaissance humaine fait un autre bond. » (Id., p. 151.)

La scission métaphysique, mécaniste, du processus unique de la connaissance conduit Mao à le considérer comme un processus par bonds. En fait, il confond la question de la source du savoir et le problème du processus de la connaissance lui-même. Il est vrai que la sensation et la perception, les formes du reflet sensible, diffèrent des formes du reflet rationnel, tels que les concepts, les jugements et le raisonnement. Mais la connaissance est un processus qui ne peut se réaliser en séparant les formes du reflet sensible en soi des formes du reflet rationnel. Lorsque le processus de la connaissance s'approfondit, la connaissance subit des changements qualitatifs, elle s'enrichit du contenu des savoirs et des vérités objectives, les vieilles théories disparaissent et se crée une théorie nouvelle. Dans le processus de la connaissance, les savoirs deviennent toujours plus profonds et plus complets. Mais ces savoirs ne peuvent s'acquérir sous des formes du reflet sensible qui seraient séparées des formes du reflet rationnel et non liées directement à la pratique. La conception maoïste élimine la base, le fondement, la source de la connaissance, la force qui l'entraîne et la pousse à aller de avant la pratique. Dans la conception maoïste, le sensible en soi, la pensée abstraite et la pratique sont séparées. Le fait est donc nié que la synthèse des éléments sensibles et rationnels dans la connaissance se réalise avec la pratique à la base. C'est seulement ainsi que se réalise la connaissance, que se vérifient les savoirs, qu'on parvient à fa vérité objective.

La vérité, dit Lénine, est un processus. De l'idée subjective, l'homme parvient à la vérité objective au moyen de la pratique. Mais, précisément, la séparation de manière métaphysique et mécaniste du sensible et du rationnel, des formes du reflet sensible et des formes du reflet rationnel, du phénomène et de l'essence, conduit Mao à séparer la connaissance de la pratique. Quand il appelle premier degré de la connaissance le degré des sensations, il laisse dans l'oubli la pratique. La séparation du processus de la connaissance effectuée par Mao le place en contradiction avec la thèse de la philosophie marxiste-léniniste sur la pratique comme base de la connaissance. En fait, la scission maoïste est la négation de cette thèse essentielle du matérialisme dialectique.

Mao Zedong traite le processus de la connaissance d'une façon tout à fait vulgaire. Dans son écrit D'où viennent les idées justes ?, il formule l'idée que le premier degré de la connaissance est celui du passage « de la matière, qui est objective, à l'esprit, qui est subjectif, de l'être à la pensée. » (Quatre essais philosophiques, p. 151). Il considère ensuite comme second degré celui du passage « de l'esprit à la matière, de la pensée à l'être » (Ibid.). « Quand les données sensibles se sont suffisamment accumulées, il se produit un bond par lequel elles se transforment en connaissance rationnelle, c'est-à-dire en idées. C'est là un processus de fa connaissance. C'est le premier degré du processus général de la connaissance, le degré du passage de la matière, qui est objective, à l'esprit, qui est subjectif, de l'être à la pensée... Vient ensuite le second degré du processus de la connaissance, le degré du passage de l'esprit à la matière, de la pensée à l'être. » (Ibid.) Mao opère donc avec les concepts hégéliens de « matière objective » et d'« esprit subjectif », il parie comme Hegel de « transformation de la matière en esprit» et de « l'esprit en matière». Cette conception maoïste est une déformation du problème de l'objet et du sujet de la connaissance. Elle traduit l'ignorance philosophique de Mao, le mélange éclectique qu'il effectue avec les principaux courants philosophiques.

Pour le matérialisme dialectique, l'objet de la connaissance n'est pas la matière en général, la réalité objective en général, mais seulement la partie de la réalité objective sur laquelle s'applique la pratique sociale. Au contraire, le sujet de la connaissance n'est pas la conscience, l'esprit subjectif, mais l'homme, la société humaine. D'un autre côté, la connaissance est le reflet par le côté subjectif de la connaissance, sur la base de la pratique, des côtés ou des rapports de la réalité objective. Dans ce reflet sont reproduits sous la forme de figures idéales les choses, leurs caractères et leurs rapports objectifs. Le concept maoïste de « transformation de la matière en esprit » est en fait une déformation vulgaire du concept matérialiste dialectique du reflet.

La conscience et la connaissance sont indissolublement liées, mais elles ne sont pas la même chose. Dans la conscience de l'homme, les savoirs constituent le noyau. Mais dans la structure de la conscience humaine existent aussi d'autres éléments. De cette façon, l'identification par Mao Zedong de « l'esprit » avec la connaissance nie cette différence et dans le même temps déforme la conception même de la connaissance, son contenu.

Enfin, selon la gnoséologie marxiste-léniniste, la connaissance est le résultat de l'action réciproque du sujet et de l'objet de la connaissance, sur la base de la pratique. Dans cette coopération, le sujet de la connaissance acquiert des savoirs sur l'objet de la connaissance, en le reflétant. Il n'existe donc pas la moindre « transformation de la matière en esprit » ni « d'esprit en matière », mais il s'opère le reflet des propriétés, des aspects, des caractéristiques, des liens des choses et des objets. D'un autre côté, il se produit réellement un changement au cours du processus de la connaissance, mais il s'agit du passage de la connaissance des phénomènes à celle de l'essence des choses ou des faits donnés. Ce changement n'est pas soudain et la connaissance de l'essence des choses ou des faits est un processus qui s'approfondit constamment d'un degré à l'autre. C'est là la dialectique de la connaissance. « La pensée humaine, dit Lénine, pénètre sans cesse plus profond du phénomène à l'essence, de l'essence du premier ordre, pour ainsi dire, à l'essence du second ordre, etc., sans fin. » (Œuvres, t. 38, p. 239.)

b) Mao Zedong déforme la conception marxiste-léniniste de la pratique et de l'unité théorie-pratique.

Dans les écrits et discours de Mao Zedong, la notion de pratique est abondamment utilisée et l'exigence du lien entre la théorie et la pratique est mentionnée. Dans De la pratique, il emprunte à la philosophie marxiste-léniniste la thèse selon laquelle la pratique doit occuper la première place, qu'elle est à la base de la connaissance, la source de la connaissance et le critère de la vérité. Mais la question ne doit pas être vue de manière formelle, comme un slogan. Il importe particulièrement d'éclaircir ce que Mao entend par pratique. L'analyse de ce problème indique clairement que le concept maoïste de pratique provient du matérialisme spontané et vulgaire, entrelacé d'idéalisme subjectif et de pragmatisme.

Pour Mao, la pratique est une action opérée par la volonté humaine. Il réduit la pratique à l'expérience personnelle de l'homme, à une activité individuelle, en lui déniant ainsi tout caractère objectif et social en soi. Cette conception conçoit d'abord la pratique comme une activité subjective de l'homme, c'est-à-dire, comme chez Hegel, comme la réalisation de l'idée. En identifiant pratique et expérience personnelle, individuelle, Mao envisage la pratique comme une activité individuelle, comme une activité subjective, comme la réalisation des idées et de la volonté humaines. Cette opinion constitue une négation ouverte du caractère objectif, matériel et social de la pratique. Pour Mao, au cours du processus de la connaissance, le tout est sous la dépendance de l'expérience personnelle et c'est cette expérience personnelle, individuelle, qui sert de base pour connaître, pour parvenir à la vérité, « pour devenir révolutionnaire ». Même quand, partant du contenu de la pratique il mentionne l'activité productive, l'activité politique et sociale et l'expérimentation scientifique, Mao réduit la pratique à une action particulière, à l'expérience personnelle d'un individu ou à l'action définie d'un groupe particulier. L'homme ou le groupe déterminé sont conçus dans ce cas de manière abstraite, l'homme n'est pas vu comme un être social, comme membre d'une société et d'une classe déterminées. L'homme social qui agit sur la réalité objective acquiert une expérience individuelle. Cela ne peut être nié, mais l'homme est avant tout un être social, le porteur de rapports sociaux déterminés. Dans la société divisée en classes il n'y a pas d'homme qui se situe au-dessus des classes ou en dehors des classes. De cette façon, la pratique est l'activité matérielle et sociale d'hommes et de classes déterminés pour transformer la nature et la société.

La pratique et la connaissance sont liées organiquement de manière dialectique. Mais la pratique est à la base de ce rapport dialectique, elle est la base de la connaissance, la source du savoir, la force qui pousse en avant la connaissance. C'est pourquoi Lénine souligne que « la pratique est au-dessus de la connaissance (théorique), car elle a la dignité non seulement de l'universel mais aussi du réel immédiat. » (Œuvres, t. 38, p. 203). La connaissance ne peut s'obtenir en dehors de la pratique, tandis que Mao oppose l'une à l'autre et nie le lien dialectique entre elles. « La pratique, la connaissance, puis de nouveau la pratique et la connaissance. Cette forme cyclique n'a pas de fin... » (Œuvres choisies, 1.1, p. 344). C'est une division mécaniste de la pratique et de la connaissance. D'abord, la pratique en tant qu'activité matérielle objective n'est en rien instinctive. La pratique est une activité sociale et consciente des hommes. De cette façon, l'activité matérielle, la pratique sociale n'est pas affranchie de la connaissance. C'est là un aspect de la question.

D'autre part, la pratique et la connaissance ne constituent pas deux domaines absolument séparés, qui se succéderaient dans l'espace et le temps, se répéteraient constamment. Mao sépare en fait la pratique et la connaissance dans l'espace et le temps. Pour lui, à l'origine il y a la pratique affranchie de la connaissance, puis la pratique s'achève et débute la connaissance, puis la connaissance s'achève et la pratique recommence et le cycle se poursuit ainsi sans fin. C'est une forme mécaniste, métaphysique du concept de rapport pratique-connaissance.

Il est vrai que la pratique sociale matérielle est à la base de la connaissance, la source des savoirs, l'objet de la connaissance, le domaine d'application de la connaissance et que, selon cette conception, elle se situe plus haut que la connaissance, que la théorie, qui est le reflet synthétisé de la pratique. Mais la théorie ne suit pas aveuglement la pratique. Elle a une indépendance relative. Elle va et doit aller au devant de la pratique. L'opposition maoïste entre pratique et connaissance ne tient pas compte de cet aspect important de leur rapport. Dans la conception maoïste la théorie ne va pas au devant de la pratique.

La conception maoïste ne tient pas non plus compte d'un autre aspect essentiel du rapport entre pratique et connaissance. La pratique et la connaissance ne sont pas, dans la conception matérialiste dialectique, reliées de façon externe et temporaire, cyclique. La pratique rencontre constamment la connaissance, à chacun de ses degrés, à chacune des étapes de son développement. Sur la base de la pratique naissent les savoirs, s'approfondit la connaissance, se constituent les théories ; sur la base de la pratique se vérifient et sont corrigés les savoirs, les théories ; dans la pratique s'appliquent celles-ci et à travers la pratique s'effectue le perfectionnement continu du savoir, de la connaissance, de la théorie. La connaissance approfondie de la réalité objective, les savoirs théoriques, le passage du phénomène à l'essence, la connaissance de la nécessité et des lois ont pour fondement la pratique.

Mao voit quant à lui le passage de la connaissance à la pratique et de la pratique à la connaissance comme étant le passage de l'esprit à la matière et de la matière à l'esprit, comme la répétition cyclique et sans fin de cette transformation. « Pour que s'achève le mouvement qui conduit à une connaissance juste, il faut souvent mainte répétition du processus consistant à passer de la matière à l'esprit, puis de l'esprit à la matière, c'est-à-dire de la pratique à la connaissance, puis de la connaissance à la pratique. » (Quatre essais philosophiques, pp. 151-152.) De cette façon, la matière s'identifie à la pratique et la connaissance à l'esprit (conscience). La notion philosophique de matière a en vérité un contenu différent de celui de la notion de pratique. La notion de matière désigne la réalité objective, qui existe indépendamment de la conscience humaine, alors que la notion de pratique désigne l'activité matérielle des hommes pour connaître et transformer la nature et la société. La pratique est effectivement objective, mais c'est l'activité sociale des hommes en tant qu'êtres de raison. Alors que la matière existe objectivement, en dehors et indépendamment de la conscience de l'homme.

Mao déforme le contenu de la théorie marxiste-léniniste de la connaissance. Tout à fait à l'opposé de ses « théorisations », la théorie marxiste-léniniste de la connaissance, en tant que partie indissociable de la philosophie marxiste-léniniste, possède un contenu très vaste. Elle inclut le problème de la source et de la base de la connaissance qui est la pratique, le problème du processus dialectique de la connaissance, celui de la vérité objective, absolue et relative, de la pratique comme critère de la vérité, etc.

c) Mao Zedong déforme la conception marxiste-léniniste de la vérité objective, du rapport entre vérité absolue et relative, du problème du critère de la vérité.

La conception de Mao de la vérité, de sa source et de son contenu est une forme de négation de la vérité objective. Selon la dialectique matérialiste, la vérité objective est le savoir, qui coïncide avec la réalité objective, qui ne dépend pas de l'homme ni de l'humanité et se vérifie dans la pratique. Pour Mao, au contraire, le contenu des savoirs est subjectif. Pour lui, la vérité dépend des buts que se fixent les hommes, de l'intérêt et du profit qu'ils obtiennent. Pour Mao, sont vrais la théorie, le plan, la directive qui « conduisent au but fixé », qui « entraînent le succès », qui » produisent les résultats attendus ». La vérité selon lui n'a donc pas de contenu objectif, indépendant de l'homme. Elle dépend du sujet, des buts et des intérêts des hommes ou de groupes sociaux déterminés. C'est une conception pragmatique de la vérité, une négation de son caractère objectif.

En traitant de manière métaphysique du rapport entre vérité et erreur, Mao Zedong conçoit la vérité comme produit et comme résultat des erreurs survenues dans le processus de la connaissance. « L'erreur existera toujours », dit Mao. Et plus loin, il poursuit : « Sans erreur... pas de vérité... » (Œuvres choisies, t. 5, p. 470). En tentant de justifier cette idée, Mao utilise son concept philosophique de « transformation en son contraire » de chaque chose. La connaissance, le savoir et la vérité sont ainsi, selon lui, le résultat de l'accumulation quantitative ininterrompue d'erreurs qui, à un moment déterminé, quand elles se sont beaucoup accumulées, se transforment en leur contraire ; alors naît la vérité. « Devenues trop nombreuses, les erreurs se transforment nécessairement en leur opposé. Ça, c'est du marxisme, les choses poussées à l'extrême se convertissent en leur contraire quand les erreurs s'amoncellent, l'avenir lumineux est proche. » (Œuvres choisies, t. 5, p. 356.) Ainsi, la vérité naît de l'erreur. Il est vrai que les erreurs sont une leçon pour l'homme, mais c'est une autre question. La source des savoirs de l'homme est la pratique, la réalité objective. Dans le processus de la connaissance, l'homme acquiert des savoirs, qui ont valeur de vérité relative. L'approfondissement du processus de la connaissance a pour conséquence l'enrichissement du contenu de la vérité. Il y a donc un rapport dialectique entre la relativité de tout savoir et le contenu absolu de chaque pas en avant de la connaissance (Lénine, Œuvres, t. 38, p. 170).

Dans Matérialisme et empiriocriticisme, Lénine pose le problème du rapport entre vérité absolue et vérité relative : « 1) Existe-t-il une vérité objective, autrement dit : les représentations humaines peuvent-elles avoir un contenu indépendant du sujet, indépendant de l'homme et de l'humanité ? 2) Si oui, les représentations humaines exprimant la vérité objective peuvent-elles l'exprimer d'emblée, dans son entier, sans restriction, absolument, ou seulement de façon approximative, relative ? Cette seconde question est celle de la corrélation entre la vérité absolue et la vérité relative. » (Œuvres, t. 14, p. 125.)

Lénine souligne le caractère objectif de la vérité absolue et de la vérité relative. Il conçoit le rapport entre les deux de manière dialectique. Comme critère de la différence et, en même temps, du lien existant entre elles, Lénine prend l'approfondissement, le degré de résultat du savoir, c'est-à-dire si le savoir reflète la vérité objective d'emblée, de manière absolue, ou approximativement, de manière relative.

Mao se place sur les positions du relativisme subjectif. Il se livre à une interprétation métaphysique du processus de la connaissance. « En réalité, dit Lénine, seule la dialectique matérialiste de Marx et d'Engels résout, en une théorie juste, la question du relativisme, et celui qui ignore la dialectique est voué à passer du relativisme à l'idéalisme philosophique. » (Œuvres, t. 14, p. 321.)

Mao déforme la conception léniniste du rapport entre la vérité relative et la vérité absolue. « De la somme d'innombrables vérités relatives, écrit Mao, se constitue la vérité absolue. » (Œuvres choisies, t. 1, p. 343.) Mao remplace donc le rapport dialectique par un lien externe, non organique, ou plus exactement il divise ce rapport de manière métaphysique : Pour Mao, la vérité absolue est une somme arithmétique de vérités relatives. Comment Lénine pose-t-il et conçoit-il cette question ? : « ... la vérité absolue résulte de la somme des vérités relatives en voie de développement. » (Œuvres, t. 14, p. 323.) En soulignant « en voie de développement », Lénine exprime la conception dialectique du processus de la connaissance, du rapport entre vérité absolue et vérité relative. L'objectif de la connaissance et son développement sans fin visent donc à l'approfondissement et à l'accomplissement toujours plus poussé de la vérité relative. Cette conception dialectique du processus de la connaissance, du rapport entre vérité absolue et vérité relative, est au contraire absente de la conception maoïste. En même temps, Lénine souligne un autre aspect de l'unité de la vérité absolue et de la vérité relative : « ... les vérités relatives sont des reflets relativement exacts d'un objet indépendant de l'humanité ; ... ces reflets deviennent de plus en plus exacts ; ... chaque vérité scientifique contient en dépit de sa relativité un élément de vérité absolue... » (Œuvres, t. 14, p. 322). Se distinguant de la conception maoïste, subjectiviste, pragmatique et métaphysique, la conception léniniste conçoit donc le savoir relatif comme une vérité objective, elle admet l'unité organique et dialectique de la vérité absolue et de la vérité relative.

Lénine soulignait qu'il n'y a pas de vérité abstraite et que la vérité est toujours concrète. Mao spécule aussi à ce sujet. La déformation maoïste de cette thèse du matérialisme dialectique ressort clairement de l'interprétation métaphysique qu'il fait du concret, de l'absolutisation du particulier dans son rapport au général. Il proclame que le particulier est fondamental, le transforme en général d'où il tire un autre particulier, en plaçant ainsi le général sous la dépendance complète du concret, du particulier. Mao considère le général comme quelque chose d'abstrait, sans contenu. Partant de ce concept, il affirme que « toute chose étrangère doit être rejetée », que l'expérience des autres, généralisée et synthétisée dans les livres et dans des théories déterminées, « n'est pas valable ». De cette façon, Mao utilise ses propres principes philosophiques erronés pour justifier le cours révisionniste qu'il suivit dans sa politique intérieure comme dans sa politique extérieure, pour dissimuler son éloignement total du marxisme-léninisme.

Mao Zedong déforme aussi la thèse de la philosophie marxiste-léniniste sur la pratique comme critère objectif de la vérité. Dans De la pratique, il rappelle que la pratique est le critère de la vérité, seulement il faut souligner que Mao apprécie cette question à partir de positions pragmatiques. Pour lui, la réalité concrète est toujours telle que l'homme la produit, la réalité est soumise à la volonté, à la force humaine. D'un autre côté, comme critère destiné à prouver si le savoir est la vérité ou non, s'il coïncide avec la réalité objective ou non, Mao utilise le but, le profit, l'utilité, le succès. Ce point de vue maoïste est identique à celui du pragmatique James qui dit que « la vérité est ce qui est utile ». Ainsi, selon Mao, pour distinguer la vérité de la non-vérité, il faut « appliquer la théorie dans la pratique et voir si elle peut conduire au but fixé. » (Œuvres choisies, t. 1, p. 340). Il est donc clair que Mao nie totalement le caractère objectif de la vérité.

La pratique, comme critère objectif de la vérité, prouve si le savoir acquis coïncide ou non avec la chose, avec l'objet et avec la réalité objective. « Il faut que l'homme prouve dans la pratique, dit Marx, la véracité, c'est-à-dire la réalité et la puissance de sa pensée, qu'il prouve que sa pensée correspond à ce monde ». Mais selon Mao, que la connaissance soit vraie ou non, cela n'est pas déterminé par le fait qu'elle coïncide avec la réalité objective ou non, mais par le fait qu'elle conduit « aux succès désirés ». La vérification des connaissances par Mao consiste dans le fait de savoir si « les théories, les directives, les plans, les mesures, etc., conduisent ou non au succès désiré. » (Œuvres choisies, t. 1.). Si le succès que nous attendons arrive (indépendamment du fait que les connaissances soit vraies ou non, indépendamment de la classe dont on parle), les connaissances, les thèses, les théories, les directives, les plans, etc., sont alors vrais. Mais, une théorie ou une directive, une thèse ou un point de vue déterminés peuvent être souhaitables, utiles pour un homme déterminé ou un groupe social, et ne pas être vrais. D'un autre côté, une théorie vraie peut ne pas conduire à un moment donné à un résultat utile pour un homme ou une classe déterminés, mais ceci ne prouve pas que les connaissances, les théories, ne coïncident pas avec la réalité objective. Cela ne peut être prouvé que par la pratique. La logique pragmatique de Mao est une forme de justification de « théories », de pratiques contre-révolutionnaires des classes exploiteuses et de la politique opportuniste et pragmatique qu'a suivie et suit la direction révisionniste chinoise.

Quand les connaissances, la théorie, un point de vue déterminé reflètent correctement la réalité objective, lorsque la pratique prouve la véracité de leur contenu, alors le succès dans l'activité humaine survient. « Pour le matérialiste, dit Lénine, le succès de la pratique humaine démontre la concordance de nos représentations avec la nature objective des choses perçues. » (Œuvres, t. 14, p. 143.) Alors que pour Mao, le « succès » est le critère qui distingue le vrai du non vrai. « En général, écrit-il, est juste ce qui réussit, est faux ce qui échoue. » (Quatre essais philosophiques, p. 151.) Pour Mao, les faits prennent une grande importance, comme porteurs de la vérité. Qui produit un fait, dit-il, a pour lui le vrai. Si on juge de cette manière, il faut alors admettre que pour le même objet, le même phénomène ou la même action existent plusieurs vérités. C'est une conclusion erronée, contraire à ce que prouvent la vie et la science, contraire à l'analyse que la philosophie marxiste-léniniste fait de la vérité et de la pratique, en tant que son critère unique.

La conception maoïste de cette question se reflète dans l'ensemble de la ligne politique des révisionnistes chinois, qui prennent pour critère de la vérité les idées de Mao Zedong. Selon eux, chaque thèse, chaque action qui ne coïncide pas avec les idées de Mao n'est pas juste, n'est pas marxiste, est contre-révolutionnaire. Ainsi, la question se pose de cette manière : des connaissances, des thèses, des points de vue sont vrais s'ils correspondent aux idées de Mao ; ils sont erronés quand ils sont en contradiction avec elles. Pour les révisionnistes chinois, « l'attitude à adopter à l'égard des idées de Mao, leur acceptation ou leur refus, le fait de les soutenir ou de s'y opposer, d'y être attaché ou de les rejeter, constituent une pierre de touche distinguant les vrais révolutionnaires des contre-révolutionnaires, le marxisme-léninisme du révisionnisme. » (Jifanjibao, 7 juin 1966). « Nous approuvons et soutenons, poursuivent-ils, tout ce qui concorde avec les idées de Mao Zedong. » (Hongqi, n° 8, 1967). Selon eux, celui qui soutient les idées de Mao, qui soutient la politique et l'attitude chinoise « est sur la voie juste », « a la vérité avec lui » !

Les idées de Mao Zedong n'ont rien de commun avec le marxisme-léninisme, avec la vérité. Elles leur sont complètement opposées. Ceci est un aspect de la question. La conception des révisionnistes chinois présentant les idées de Mao comme le critère de la vérité est subjectiviste, c'est une négation ouverte de la thèse matérialiste dialectique sur le critère objectif de la vérité, sur la pratique comme le critère de celle-ci. « La question de savoir si la pensée humaine peut parvenir à la vérité, explique Marx, n'est en rien une question théorique, mais c'est une question pratique... la discussion sur le caractère réel ou non réel de la pensée isolée de la pratique est une question purement scolastique ».

Les idées, les théories ne peuvent servir comme critère de la vérité. Elles proviennent de la pratique et se vérifient dans la pratique. Il est vrai que cette dernière ne peut démontrer la véracité de toute représentation humaine à un moment déterminé, mais elle demeure en définitive le critère absolu de la vérité. Le critère objectif de la pratique est un puissant moyen pour, comme l'indique Lénine, « permettre une lutte implacable contre toutes les variétés de l'idéalisme et de l'agnosticisme. » (Œuvres, t. 14, p. 146).

Pour les révisionnistes chinois, le critère de la vérité, de l'évaluation des pensées et des positions particulières ne réside pas seulement dans l'attitude à l'égard de la pensée de Mao Zedong, mais aussi dans celle à l'égard de la Chine, du parti chinois, tout comme à l'égard de ceux que la Chine appelle ses ennemis, même s'ils ne le sont que temporairement. Pour Mao et les révisionnistes chinois actuels, la pensée ou l'action juste est celle qui exprime son appui complet au groupe maoïste, au PCC. Un tel critère témoigne du pragmatisme appuyé de Mao et des dirigeants chinois actuels, qui ont toujours aspiré à l'hégémonie et à l'expansion, aux alliances et aux compromis opportunistes contre-révolutionnaires, à la transformation de la Chine en superpuissance.

Soulignons pour conclure qu'il n'y a rien de nouveau, rien d'original dans la théorie maoïste de la connaissance, qui est en complet désaccord avec la théorie marxiste-léniniste de la connaissance. La « théorie » maoïste de la connaissance a été échafaudée en unissant de manière éclectique des concepts empruntés à la théorie marxiste-léniniste de la connaissance, au matérialisme pré-marxiste, à la philosophie idéaliste et au pragmatisme. Elle a servi et continue de servir aujourd'hui les révisionnistes chinois dans leur politique intérieure et extérieure contre-révolutionnaire.

 

 

 

 

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