Sur la révision du programme agraire
(Discours prononcé à la septième séance du IVe congrès du P.O.S.D.R.[1], le 13 (26) avril 1906.)
Editeur:
Editions
sociales, Paris, 1953.
Numérisation:
Ysengrin, 2014.
Tout d'abord, quelques mots au sujet des méthodes d'argumentation de certains camarades. Le camarade Plékhanov s'est longuement étendu sur les "allures anarchistes" du camarade Lénine, sur le caractère dangereux du "léninisme", etc..., etc..., mais sur la question agraire, il nous dit, en somme, bien peu de choses. Pourtant il est l'un des rapporteurs de la question agraire. J'estime que ce procédé d'argumentation, qui crée une atmosphère de nervosité, outre qu'il est contraire à l'esprit de notre congrès, appelé Congrès d'unification, n'apporte aucun éclaircissement quant à la façon de poser la question agraire. Nous pourrions, nous aussi, dire quelques mots sur les allures de cadet du camarade Plékhanov, mais cela ne nous ferait pas avancer d'un pas dans la solution du problème agraire.
Ensuite,
John[2]
s'est
appuyé sur certaines données tirées de la vie en Gourie, en Lettonie,
etc...,
pour conclure en faveur de la municipalisation dans toute
En ce qui concerne le fond du problème, je dois dire que notre programme doit avoir pour tout point de départ la thèse suivante : étant donné que nous concluons une alliance révolutionnaire provisoire avec la paysannerie en lutte, étant donné que nous ne pouvons, en conséquence, négliger les revendications de cette paysannerie, nous devons les soutenir si, dans l'ensemble, elles ne contredisent pas la tendance du développement économique et la marche de la révolution. Les paysans réclament le partage ; celui-ci ne contredit pas les conditions indiquées ; donc nous devons soutenir la confiscation totale et le partage. De ce point de vue, la nationalisation et la municipalisation sont au même titre inacceptables. En formulant le mot d'ordre de municipalisation ou de nationalisation, nous rendons impossible, sans rien y gagner, l'alliance de la paysannerie révolutionnaire avec le prolétariat. Ceux qui parlent du caractère réactionnaire du partage confondent deux stades du développement : le stade capitaliste et le stade précapitaliste. Le partage est réactionnaire au stade du capitalisme, cela n'est pas douteux, mais dans les conditions précapitalistes (par exemple dans les conditions de la campagne russe), le partage est, dans l'ensemble, révolutionnaire. Certes, on ne peut partager les forêts, les eaux, etc..., mais on ne peut les nationaliser, ce qui ne contredit nullement les revendications révolutionnaires des paysans. Quant au mot d'ordre proposé par John : des comités révolutionnaires, au lieu du mot d'ordre : des comités révolutionnaires paysans, il est foncièrement contraire à l'esprit de la révolution agraire. La révolution agraire a pour but, avant tout et principalement, d'affranchir les paysans ; par conséquent, le mot d'ordre : des comités paysans, est le seul qui réponde à l'esprit de la révolution agraire. Si l'affranchissement du prolétariat peut être l'oeuvre du prolétariat lui-même, l'affranchissement des paysans peut être, lui aussi, l'oeuvre des paysans eux-mêmes.
Procès-verbaux du Congrès d'unification du
Parti ouvrier social-démocrate de Russie
tenu à Stockholm, en 1906.
Moscou, 1907, pages 59 et 60.
[1]
Le
IVe congrès ("Congrès d'unification") du P.O.S.D.R. se tint du 10 au
25 avril (23 avril-8 mai) 1906, à Stockholm. Y assistaient également
les
représentants des partis social-démocrates nationaux de Pologne , de
Lituanie,
de Lettonie et ceux du Bund. De nombreuses organisations bolchéviks,
détruites par
le gouvernement après l'insurrection armée de décembre 1905, n'avaient
pu
envoyer de délégués. Au congrès, la majorité, bien qu'insignifiante,
appartenait aux menchéviks. La prédominance des menchéviks au congrès
détermina
le caractère des résolutions qui y furent prises sur une série de
questions.
Staline, délégué par l'organisation bolchévik de Tiflis sous le
pseudonyme
d'Ivanovitch, intervint lors des débats sur le projet du programme
agraire, sur
la situation actuelle et sur
[2] John, pseudonyme de P. Maslov. (N.R.).