Editeur:
Editions
sociales, Paris, 1953.
Numérisation:
Ysengrin, 2014.
A la mi-septembre s'est tenu le congrès des "hommes publics des zemstvos[1] et des municipalités". A ce congrès a été fondé un nouveau "parti"[2], ayant à sa tête un Comité central et des organismes locaux dans les différentes villes. Le congrès a adopté un "programme", défini sa "tactique" et rédigé un appel spécial, que ce "parti" frais émoulu doit adresser au peuple. En un mot, les "hommes publics des zemstvos et des municipalité" ont fondé leur propre "parti".
Que sont ces "hommes publics", comment s'appellent-ils ?
Que sont ces bourgeois libéraux ?
Les représentants conscients de la bourgeoisie aisée.
La bourgeoisie aisée est notre ennemi irréductible ; sa richesse repose sur notre pauvreté, sa joie sur nos malheurs. Il est clair que ses représentants conscients seront nos ennemis jurés, qu'ils s'attacheront consciemment à nous écraser.
Ainsi, il s'est formé un "parti" d'ennemis du peuple, qui se propose d'adresser un appel au peuple.
Que veulent ces messieurs, que défendent-ils dans leur appel ?
Ce ne sont pas des socialistes, ils détestent le mouvement socialiste. C'est dire qu'ils consolident l'ordre bourgeois et luttent à mort contre le prolétariat. Aussi jouissent-ils d'une grande sympathie dans les milieux bourgeois.
Ce ne sont pas non plus des démocrates. C'est dire qu'ils consolident le trône du tsar et luttent aussi avec acharnement contre la paysannerie si durement éprouvée. Voilà pourquoi Nicolas II "a daigné"autoriser leurs réunions et leur a permis de convoquer le congrès de leur "parti".
Ils ne veulent qu'amputer un petit peu les droits du tsar, et encore à la condition que ces droits passent dans les mains de la bourgeoisie. Quant au tsarisme, il doit, selon eux, subsister à tout prix comme un sûr rempart de la bourgeoisie aisée, qu'elle utilisera contre le prolétariat. C'est pourquoi, dans leur "projet de constitution", ils disent que "le trône des Romanov doit rester intangible" ; autrement dit, ils veulent une constitution étriquée et une monarchie tempérée.
Messieurs
les
bourgeois libéraux "ne voient pas d'inconvénient" à l'octroi du droit
de vote au peuple, mais seulement à la condition qu'au-dessus de
Messieurs les bourgeois libéraux seront "très heureux" de voir octroyer la liberté de parole, de la presse et d'association, pourvu que le droit de grève soit limité. C'est pourquoi ils dissertent si longuement "sur les droits de l'homme et du citoyen", alors qu'ils ne disent rien d'explicite sur le droit de grève, en dehors de quelques balbutiements pharisaïques au sujet de vagues "réformes économiques".
La sollicitude de ces singuliers personnages s'étend aussi à la paysannerie : ils "ne voient pas d'inconvénient" au passage des terres seigneuriales aux paysans, mais à la condition que ceux-ci les rachètent à leurs propriétaires au lieu de les "obtenir gratuitement". Ils sont vraiment trop bons, ces pseudo-"hommes publics !
S'ils
vivent
jusqu'à la réalisation de tous ces voeux, les droits du tsar passeront
finalement dans les mains de la bourgeoisie, et l'absolutisme du tsar
deviendra
peu à peu l'absolutisme de la bourgeoisie. Voilà où entendent nous
mener les
"hommes publics des zemstvos et des municipalités". C'est pourquoi
ils ont peur, même en rêve, d'une révolution populaire et parlent de la
"pacification de
Quoi
d'étonnant,
après cela, si ces malencontreux "hommes publics" ont placé de grands
espoirs dans ce qu'on appelle
Quel
rôle est
appelée à jouer
"...
La première et principale tâche de
En
quoi
consiste donc cette "réorganisation"? En ceci :
Bebel
a dit :
ce que nous conseille l'ennemi nous est nuisible. L'ennemi nous
conseille de
participer à
Mais
que dire
de certains "social-démocrates", qui nous prêchent la tactique des
bourgeois libéraux ? Que dire de la "minorité" du Caucase, qui répète
mot pur mot les conseils perfides de nos ennemis ? Voici, par exemple,
ce que
déclare la "minorité" du Caucase : "Nous estimons nécessaire de
participer à
Cette même "minorité" nous donne le conseil suivant :
Si la commission Boulyguine... accorde aux seuls possédants le droit d'élire
les députés nous devons intervenir dans ces élections et obliger
révolutionnairement
les électeurs à choisir les candidats avancés et à exiger au "Zemski
Sobor" la convocation d'une Assemblée constituante. Enfin, par tous les
moyens possibles... obliger le "Zemski Sobor" à convoquer une Assemblée
constituante ou à se proclamer telle
(Voir le Social-démocrate, n°1).
Autrement
dit,
même si les possédants ont seuls le droit de vote, même si les
possédants sont
seuls à siéger à
Comme on l'a déjà vu, c'est aussi ce que nous prêchent les bourgeois libéraux.
De deux choses l'une : ou bien les bourgeois libéraux sont devenus menchéviks, ou bien la "minorité" du Caucase est devenue libérale.
De toute façon, il est hors de doute que le "parti" frais émoulu des bourgeois libéraux tend adroitement son piège...
Briser ce piège, l'exposer au grand jour, lutter sans merci contre les ennemis libéraux du peuple — telle doit être à présent notre tâche.
[
n°12, 15 octobre 1905.
Article non signé.
Traduit du géorgien.
[1] Au lendemain de "l'affranchissement des serfs" (1861), l'appareil administratif fut réorganisé, On institua en 1864 les zemstvos, sorte de conseils généraux, composés de représentants élus séparément par les paysans (au suffrage universel, mais à plusieurs degrés), les bourgeois des villes et les propriétaires fonciers. Ces zemstvos, aux attributions assez larges, comprenaient des délégués de tous les ordres de la société ; ils se trouvaient en réalité sous le contrôle effectif de la noblesse et le contrôle légal de l'administration. (N.T.).
[2]
Le
parti constitutionnel-démocrate (K.-D., cadet), principal parti de la
bourgeoisie monarchiste libérale se constitua en octobre 1905. Sous le
couvert
d'un démocratisme mensonger, les cadets, qui se disaient le parti de la
"liberté du peuple", s'efforçaient de gagner la paysannerie. Ils
voulaient conserver le tsarisme sous la forme d'une monarchie
constitutionnelle. par la suite, les cadets devinrent le parti de la
bourgeoisie impérialiste. Après la victoire de