Editeur:
Editions
sociales, Paris, 1953.
Numérisation:
Ysengrin, 2014.
De sombres nuages s'amassent au-dessus de nous. L'autocratie décrépite relève la tête et s'arme "du glaive et du feu". La réaction est en marche ! Qu'on ne vienne pas nous parler des "réformes" du tsar, appelées à renforcer l'infâme aristocratie : les "réformes" ne servent qu'à masquer les balles et les nagaïkas dont nous régale si généreusement le féroce gouvernement tsariste.
Il fut un temps où le gouvernement s'abstenait de verser le sang à l'intérieur du pays. Il faisait alors la guerre à "l'ennemi du dehors", il lui fallait la "tranquillité intérieure". Aussi faisait-il preuve d'une certaine "tolérance" à l'égard des "ennemis du dedans", il "fermait les yeux" sur le mouvement qui montait.
Maintenant, les temps sont changés. Epouvanté par le spectre de la révolution, le gouvernement du tsar s'est hâté de conclure la paix avec "l'ennemi du dehors", le Japon, afin de rassembler ses forces et de sévir "à fond" contre "l'ennemi du dedans". Ce fut alors le début de la réaction. Le gouvernement avait déjà révélé ses "plans" dans les Moskovskié Viédomosti[1]. Le gouvernement...
a dû faire deux guerres de front... écrivait
ce journal
réactionnaire, la guerre à l'extérieur et la guerre à l'intérieur. S'il
ne
faisait ni l'une ni l'autre avec suffisamment d'énergie... cela peut
s'expliquer en partie par le fait que ces deux guerres se contrariaient
l'une
l'autre... Si la guerre se termine maintenant en Extrême-Orient..., [le
gouvernement] aura enfin les coudées franches pour en finir
victorieusement
avec la guerre de l'intérieur... pour écraser sans aucune
négociation... les
ennemis du dedans... La guerre terminée, toute l'attention de
Tels étaient les "plans" du gouvernement tsariste lorsqu'il concluait la paix avec le Japon.
Puis,
la paix
conclue, il a de nouveau exposé ces mêmes "plans" par la bouche d'un
de ses ministres : "Nous noierons dans le sang, disait cet homme, les
partis extrêmes de Russie." D'ores et déjà, par l'entremise de ses
satrapes et de ses gouverneurs généraux, il applique ces "plans" : ce
n'est pas pour rien qu'il a fait de
Comme
on le
voit, le gouvernement déclare la guerre à la révolution et dirige les
premiers
coups contre son avant-garde, le prolétariat. C'est ainsi qu'il faut
comprendre
ses menaces à l'adresse des "partis extrêmes". Certes, il ne
"lésera" pas non plus la paysannerie et la gratifiera généreusement
de coups de nagaïkas et de balles, — si elle ne se montre pas "assez
raisonnable" et réclame des conditions de vie humaines ; mais pour
l'instant, le gouvernement cherche à la tromper : il lui promet la
terre et
l'invite à
Quant
au
"beau monde", le gouvernement, bien entendu, le traitera "avec
plus d'égards" et s'efforcera de s'allier avec lui :
... Tout doit être fait pour que
Est-il besoin de dire que les astucieux libéraux trahiront plutôt la révolution que Nicolas II ? Leur dernier congrès l'a amplement prouvé...
En un mot, le gouvernement du tsar fait tous ses efforts pour réprimer la révolution populaire.
Des balles pour le prolétariat, des promesses fallacieuses à la paysannerie et des "droits" pour la grande bourgeoisie, tels sont les moyens dont s'arme la réaction.
L'écrasement de la révolution ou la mort : voilà quel est aujourd'hui le mot d'ordre de l'autocratie.
De
leurs côté,
les forces de la révolution ne dorment pas, elles poursuivent leur
grande
oeuvre. La crise, aggravée par la guerre, et les grèves politiques de
plus en
plus fréquentes ont mis en effervescence tout le prolétariat de Russie,
le
dressant face à l'autocratie tsariste. La loi martiale, loin de
l'intimider, a
versé au contraire de l'huile sur le feu et aggravé encore la
situation.
Quiconque a entendu les cris répétés des prolétaires : "A bas le
gouvernement du tsar, à bas
En un mot, la vie prépare une nouvelle vague révolutionnaire, qui monte peu à peu et s'élance contre lé réaction. Les derniers évènements de Moscou et de Pétersbourg sont les signes précurseurs de cette vague.
Quelle doit être notre ligne de conduite en face de tous ces évènements? Que devons-nous faire, nous, social-démocrates ?
Si
l'on en
croit le menchévik Martov, nous devrions, dés aujourd'hui, élire une
Assemblée
Constituante pour saper à jamais les bases de l'autocratie tsariste.
Selon lui,
parallèlement aux élections légales à
Non, nous voulons autre chose.
La réaction la plus noire rassemble les forces ténébreuses et cherche à les unir par tous les moyens : notre tâche à nous est de rassembler les forces social-démocrates et de les grouper plus étroitement.
La
réaction la
plus noire convoque
La réaction la plus noire déclenche une attaque à mort contre la révolution ; elle veut porter le désarroi dans nos rangs et creuser la tombe de la révolution populaire : notre tâche à nous est de serrer les rangs, de lancer une attaque générale et simultanée contre l'autocratie tsariste et d'en effacer jusqu'au souvenir.
Pas
un château
de cartes à
Le salut du peuple est dans l'insurrection victorieuse du peuple lui-même.
La victoire de la révolution ou la mort — tel doit être aujourd'hui notre mot d'ordre révolutionnaire.
[
n°12, 15 octobre 1905.
Article non signé.
Traduit du géorgien.
[1]
Les Moskovskié Viédomosti [les
Nouvelles de Moscou], journal
paraissant depuis 1756, qui défendait les intérêts des milieux les plus
réactionnaires de la noblesse féodale et du clergé. A partir de 1905,
organe
des Cent-Noirs. Interdit après
[2] Les Rousskié Viédomosti [les Nouvelles de Russie], journal édité à Moscou depuis 1863 par des professeurs libéraux de l'Université de Moscou et des représentants des zemstvos, défendaient les intérêts des grands propriétaires fonciers libéraux et de la bourgeoisie. A partir de 1905, organe des cadets de droite. (N.R.).
[3] Voir le Prolétari*, n°17. (J.S.).
* Le Prolétari [le Prolétaire], hebdomadaire bolchévik illégal. Organe central du P.O.S.D.R., dont la création avait été décidée par le IIIe congrès du parti, était édité à Genève. Il en parut 26 numéros, du 14 (27) mai au 12 (25) novembre 1905. Lénine en était le rédacteur en chef. Le Prolétari, dont la ligne était celle de la vieille Iskra léniniste, succéda au journal bolchévik : le Vpériod. Il cessa de paraître quand Lénine partit pour Pétersbourg. (N.R.).
[4] Voir le Prolétari, n°15 où est exposé le "plan" de Martov. (J.S.).