Le réveil du dragon

Préface

En cette fin d’année 2010, comme depuis de nombreuses années, la confusion règne parmi les communistes et ceux qui se réclament du communisme. Les problèmes semblent insolubles, les peuples comme anesthésiés.

Le capitalisme aurait-il donc triomphé ? Serait-ce la « fin de l’histoire » ? Après tout, c’est que l’on entend partout sur les médias. Et si c’était vrai ?

Le seul critère de la vérité est à rechercher dans les faits. Partir de cette racine, puis en faire une analyse concrète, matérialiste, dialectique, voici la seule méthode pour savoir si « les dés sont jetés », si les communistes sont une espèce en voie de disparition.

Partir des faits ― facile à dire ― mais bien peu parmi ceux qui se réclament du communisme se mettent au travail. Alors on se contente de redire la messe, comme on la dite pendant plus de 50 ans. Car disons le ouvertement, le mouvement communiste est lourdement entaché de religiosité, c'est-à-dire de croyances toute faites, de certitudes, d’opinions, de dogmes. Historiquement, cela a sa source dans l’abandon déjà fort ancien de l’étude des ouvrages classiques du marxisme et des concessions grandissantes à la discipline qu’implique la méthode du matérialisme dialectique. Mais déplorer ne fait pas avancer les choses.

Partir des faits donc et d’eux seuls, voilà l’immense travail que l’auteur de cet ouvrage a mis en pratique.

Page après page, graphique après graphique, ligne après ligne nous est livré le tableau nouveau de l’économie mondiale et des rapports fondamentaux qui la régissent. C’est cela partir des faits. Partir de l’infrastructure, des rapports de production, pour arriver à désigner le lieu de la contradiction principale.

On quitte avec cet ouvrage le monde idéel de ceux qui « pensent que », « estiment que », bref le monde du clergé moderne, de ces clercs qui, de la droite à la « gauche de la gauche », prennent leurs fantasmes pour la réalité.

Les faits ont la tête dure et ils sont têtus.

Alors bien sûr des croyances tombent. On quitte l’idéalisme pour le matérialisme et le réveil demande une bonne dose de modestie.

L’impérialisme étasunien va mal et son cas s’aggrave. On s’en doutait, mais là, chiffres à l’appui, le tableau clinique est clair. Qui en serait mécontent ? Le « siècle américain » s’achève. Qui va le regretter ?

« Nos » impérialismes, le français entre autre, sont entrainés dans le tourbillon. Ils tentent de s’accrocher. L’Europe est leur champ de manœuvres et les peuples en savent quelque chose ! Mais ils tentent tout de même de jouer dans la cour des « grands », en Afrique, en Asie, ils font même du pied à la Chine. Efforts désespérés d’une bourgeoisie désormais aux abois qui hésite encore dans le choix de la protection de ses intérêts. Mais il est déjà trop tard, car l’Afrique, l’Inde, l’Asie du sud-est, et même le Japon regardent désormais vers l’Orient.

Et c’est là qu’intervient la pièce maîtresse de cet ouvrage. C’est là que les révisions les plus difficiles seront à faire pour les communistes du monde entier.

Bercés par le souvenir d’une URSS puissante qui, seule, sut tenir en respect les impérialismes ligués contre elle de 1917 jusqu’au 20ème congrès de 1956 ; rassurés par une Chine qui sortit son peuple de la colonisation et du féodalisme et refusa le diktat khrouchtchévien ; affermis par la position des camarades du Parti du travail d’Albanie, nombre de communistes pensent encore que le communisme a un « bastion » : la Chine.

Nous le disions : les faits sont têtus. Comment considérer la Chine comme communiste au regard de l’analyse économique comparative qui nous est fournie ici ?

Et pour être tout à fait clairs, ce n’est pas de gaité de cœur que nous faisons ce constat. Tout comme ce ne fut pas de gaité de cœur que nous vîmes l’URSS choisir la voie révisionniste après la mort de Staline et le coup d’Etat de Khrouchtchev.

Mais les communistes ne doivent-ils pas tenir compte de la réalité ? Ne doivent-ils pas savoir s’adapter aux conditions changeantes que pose l’histoire des hommes et des sociétés ?

Certains nous disent que la Chine développe le socialisme mais « d’une autre manière ». Qu’elle a « sa tactique ». Ainsi il suffirait presque qu’un drapeau rouge flotte sur Pékin, pour que la Chine fut communiste !

Mais qu’on lise attentivement ce livre essentiel pour comprendre ce qui se joue aujourd’hui en Chine et pour les décennies à venir.

Une « tactique socialiste », de faire du peuple chinois le prolétariat des capitalistes du monde entier avec des salaires de misère et avec les conséquences qu’on sait sur le chômage et le dumping social partout dans le monde.

Une « tactique socialiste », de planifier la mise au travail des paysans des campagnes pour en faire une immense armée de réserve et maintenir ainsi des bas salaires (c'est-à-dire des profits) et constituer ainsi une couche petite-bourgeoise.

Une « tactique socialiste », les prévisions chinoises de déplacer à moyen terme les moyens de productions vers des pays comme l’Inde ou l’Afrique.

A l’égard de son peuple, comme des peuples du Monde, la Chine se comporte comme n’importe quel impérialisme naissant. Certes, la forme a changé. On n’a pas affaire aux « chevaliers d’industrie » anglais » du début du capitalisme, ou aux « cowboys » étasunien. Les chinois ont appris de ces impérialismes. Leur culture multi-millénaire est toute autre. Leurs méthodes sont différentes. La forme a changé, mais le fond ?

Il est une chose qu’on ne peut travestir, ce sont les rapports de production : comment on traite le peuple, comment les flux financiers sont gérés, investis, transformés. Et tout cela, cet ouvrage nous le révèle.

Il nous révèle le stade actuel de la division internationale du travail et son évolution pour les décennies à venir. Implacablement se dessine un monde nouveau. Pas celui que nous souhaitons, mais celui que nous avons et que nous aurons à combattre.

Cette nouvelle division internationale du travail IMPOSE que tous les communistes soient en ordre groupé et ne se trompent pas de cible.

Certains disent qu’il faut attendre pour voir ce qui va vraiment se passer en Chine. Qu’on « ne peut pas savoir ». Désormais nous affirmons : on peut savoir, car ça se passe aujourd’hui. L’attentisme, c’est de l’opportunisme.

D’autres reviennent vers la défense de ce qui est national. Face à l’impérialisme  chinois, aux diktats de l’Europe, ce discours trouve des échos dans les rangs de ceux qui se réclament du communisme. Le vieux républicanisme français ressuscite. Comme si la République n’était pas autre chose qu’une des formes de l’Etat de la classe des capitalistes. Le national-chauvinisme n’est pas loin et là aussi c’est une impasse, voire une trahison : 

« Le marxisme est inconciliable avec le nationalisme, fût-il le plus "juste", le plus "pur", le plus fin et le plus civilisé. A la place de tout nationalisme, le marxisme met l’internationalisme ». (Lénine : Notes critiques sur la question nationale)

Pour notre part, notre programme stratégique reste inchangé : édification d’un Parti communiste, renversement de la bourgeoisie débouchant sur la création d’un Etat socialiste.

Quant à notre tactique elle ne tombera pas du ciel et ne peut venir que de la volonté des masses une fois conscientes de leurs propres forces, c'est-à-dire désaliénées, et prêtes à se mobiliser pour la défense de leurs intérêts.

Le chemin sera certes long et difficile, d’autant plus long et difficile si les communistes ne tirent pas les leçons du passé, de leurs insuffisances pratiques et théoriques. D’autant plus long et difficile s’ils envisagent l’avenir sans chercher la vérité dans les faits.

Cet ouvrage leur est destiné.

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G.L. — France — Septembre 2010

 

 

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