I- L'idéalisme
1- L'idéalisme subjectif
2- L'idéalisme objectif
3- Le dualisme
II- Le matérialisme
1- Le matérialisme mécaniste
2- Le matérialisme dialectique
Depuis des milliers d'années déjà les philosophes élaborent des conceptions du monde. La question principale de la philosophie est le rapport entre la pensée et l'être, entre les idées et la matière. Beaucoup de gens savent aujourd'hui que les deux principaux courants sont le matérialisme et l'idéalisme, mais dire cela est insuffisant. Par exemple certains « camarades » affirment être matérialistes tout en professant un point de vue idéaliste. Comme disait Lénine, la conception matérialiste du monde a beau avoir été acceptée dans les mots par beaucoup de gens, dans les faits peu de gens l'appliquent vraiment. Le matérialisme et l'idéalisme ne sont d'ailleurs pas des bloc monolithiques mais une classification complexe, car au cours de l'histoire, la variété de philosophes et de pensée a été importante. Importantes aussi ont été les erreurs. Il convient donc de faire une cartographie la plus nette possible de tous les courants qui ont existé. Il serait bien difficile de mettre à chaque fois en lumière l'histoire de ces idées, ce qui a poussé tel homme ou tel à autre à accoucher de telle idée. Mais il faut garder à l'esprit que ces idées ne tombent pas du ciel, que toute classification doit se placer dans son contexte, même si elle est représentée de façon figée pour des raisons pratiques.
C'est pourquoi il faut rappeler qu'en général les hommes formulent des idées afin de défendre leur intérêt. Par exemple il est bien connu que les différentes variétés d'idéalisme défendent l'intérêt des classes dominantes selon les époques. Il est même flagrant que plus la fin des classes dominantes est proche, plus on constate une inflation de leurs théories idéalistes, qu'elles prêchent avec la force du désespoir. De même le matérialisme, non seulement formule la conception scientifique du monde, mais également met à nu les incohérences et les mensonges que profèrent les philosophes idéalistes. Aussi il ne suffit pas de connaître la philosophie matérialiste pour se prémunir des erreurs. Seule une connaissance approfondie des diverses tendances (et erreurs) permet de se repérer, et peut-être qu'elle telle « carte » aidera aussi les « camarades » qui ont dérivé loin du matérialisme, à retrouver leur chemin. Il ne faudra toutefois pas s'étonner dans ces descriptions de voir apparaître des incohérences. Elle ne sont pas dans l'exposé mais dans la pensée des philosophes idéalistes.
La variété très large des philosophies idéalistes s'explique par le fait que le progrès des sciences est à la fois utile aux classes dominantes, et en même temps celles-ci cherchent à maintenir les masses dans l'ignorance. De sorte qu'à chaque fois que le progrès des sciences démontre la fausseté de telle ou telle thèse idéaliste, une armée de « philosophes » au service du pouvoir s'acharne à contre-balancer cela par des thèses toujours plus farfelues, remettant soit disant en question ce qui vient d'être découvert. Malgré cela, il n'empêche que l'on peut classer toutes ces variantes car les « erreurs » sont souvent similaires. Le plus souvent, la science bourgeoise elle-même suit des chemins totalement idéalistes et se perd dans des théories fausses pendant des années et des décennies. C'est l'objet de ce texte.
On notera aussi que ces catégories, cette classification n'est pas figée et qu'il n'est pas possible de classer à 100% tel penseur dans telle case, et le schéma ci-dessous n'est pas non plus exhaustif. L'existence de ces catégories opposées ne fait que refléter l'opposition réelle de classes dans la société entre classes dominantes et classes dominées. La défaite de l'idéalisme sera la conséquence de la défaite inévitable de la classe dominante et la fin du capitalisme.
Nous devons nous rappeler avec Lénine : « Dans une société fondée sur la lutte des classes, il ne saurait y avoir de science sociale "impartiale". Toute la science officielle et libérale défend, d'une façon ou de l'autre, l'esclavage salarié, cependant que le marxisme a déclaré une guerre implacable à cet esclavage. Demander une science impartiale dans une société fondée sur l'esclavage salarié, est d'une naïveté aussi puérile que de demander aux fabricants de se montrer impartiaux dans la question de savoir s'il convient de diminuer les profits du Capital pour augmenter le salaire des ouvriers. […] Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. »
Note : le petit dictionnaire philosophique (Moscou 1955) contient des informations très nombreuses et précises sur ce sujet (malgré quelques traces déjà visibles de révisionnisme).
On entend par idéalisme, la conception selon laquelle la matière est un produit de l'idée. Il existe plusieurs courants idéalistes. L'idéalisme subjectif, l'idéalisme objectif et le dualisme.
L'idéalisme est un travers courant, rendu possible par le fait qu'une fois que nous avons une idée en tête, celle-ci semble exister indépendamment de l'objet représenté. Par exemple si je vois une chaise, l'image de la chaise parvient jusqu'au cerveau, qui la retient en mémoire. Le biais évident, le piège, consiste alors à oublier que cette représentation, n'a pas pu exister sans la chaise réelle, et n'existe que dans la tête. La "créativité" humaine par exemple nous donne l'illusion que le cerveau est capable de générer ex-nihilo des objets qui n'existaient pas dans la réalité. Or tout ce que nous pensons a pour brique de base des reflets de base que nous avons reçus à un moment ou à un autre, et que le cerveau est capable de recombiner de façon multiple, donnant ainsi l'illusion que nous "créons" quelque chose. En fait nous ne faisons que recombiner des représentations de choses réelles, ce qui donne des images d'objets irréels ou fantastiques, mais c'est un peu comme un jeu de miroirs déformants.
1) L'idéalisme subjectif
L'idéalisme subjectif met à la base de tout ce qui existe la sensation, la conscience de l'individu, du sujet. L'idéalisme subjectif prétend que le monde est le produit de la conscience personnelle, du « moi ». Le monde n'existerait que dans la conscience. De fait, cet idéalisme finit par rejetter complètement la philosophie, c'est à dire la recherche de la vérité, qu'il prétend dépasser.
L'archevêque Berkeley est le principal penseur de l'idéalisme subjectif.
Dans sa forme la plus courante, l'idéalisme subjectif se manifeste dans divers courants tels que l'agnosticisme. Ce courant fut porté par le philosophe Kant, qui en expose la version la plus proche du matérialisme, car il admettait l'existence d'un monde en dehors de notre conscience mais déclarait qu'il était impossible de le connaître (impossibilité de connaître la « chose en soi »). Nos connaissances n'iraient pas au-delà des sensations. Dans cette lignée, et plus idéaliste encore : le scepticisme, l'empirisme, le criticisme, « gnoséologie », le positivisme, le néo-positivisme, etc. représentent un pendant considérable de l'idéalisme subjectif. Hume, Auguste Comte, Ersnt Mach, Avenarius en sont les principaux représentants. La sociologie bourgeoise actuelle est typiquement dans cette voie.
Le néo-positivisme par exemple affirme que la seule chose qui existe sont les symboles et le langage.
Si l'on pousse ce courant jusqu'au bout de sa logique, l'idéalisme subjectif aboutit au solipsisme, c'est à dire l'idée selon laquelle le monde n'existe pas, qu'il n'existe que la conscience de l'homme et ses sensations. Et donc une multitude de réalités subjectives. Chacun peut alors croire ce qu'il veut et décider de dogmes auquel il serait en droit de croire.
L’existentialisme est une forme d'idéalisme subjectif particulièrement réactionnaire qui centre sa vision du monde sur le prétendu libre-arbitre de l'homme, et qui affirme le primat de la liberté humaine sur le monde. Ses principaux représentants sont le français Sartre, et les allemands Kirkegaard, Jaspers et Heidegger.
Bergson et son culte de l'intuition est également une forme d'idéalisme subjectif particulièrement appréciée dans la pseudo-science intellectuelle bourgeoisie.
La plupart des courants d'extrême gauche adhèrent en fait à l'idéalisme subjectif, notamment avec son concept central d'oppression (qui pour eux prend un sens bien différent du sens marxiste). Mao Zedong semble avoir adhéré dans sa jeunesse révolutionnaire à cette version de l'idéalisme.
L'objectivisme d'Ayn Rand, contrairement à ce que son nom indique, est une forme d'idéalisme subjectif et une variante extrême du libéralisme.
Le structuralisme, développée par Ferdinand de Saussure, Jacques Lacan, Michel Foucault et Louis Althusser, est également une forme d'idéalisme subjectif, particulièrement tenace dans les milieux universitaires petits bourgeois. Cette idéologie pose uniquement l'existence de structures de signes et de symboles, habille ses thèses d'un langage pédant et confus, dans le pur style universitaire.
La plupart des doctrines libérales, ultra-relativistes, etc. s'appuient sur cette forme d'idéalisme. La bourgeoisie libérale s'appuie sur cette forme d'idéalisme. C'est la raison pour laquelle cette version de l'idéalisme est moins ancrée dans l'histoire. Les premières doctrines idéalistes n'opposaient pas strictement entre idéalisme subjectif et idéalisme objectif (par exemple dans l'hindouisme et le taoïsme mystique). En effet c'est seulement la bourgeoisie individualiste, libérale, qui dut vraiment rompre avec l'idéalisme traditionnel pour poser une vision du monde centrée exclusivement sur le "moi".
Le soit disant de rejet de la métaphysique (conception du monde figée et immuable) par l'idéalisme subjectif est en fait un rejet par le bas (une régression dans le développement des sciences). L'idéalisme subjectif qui prétend supprimer la métaphysique en limitant notre connaissance à nos simples sensations pose en fait la conscience humaine comme quelque chose d'immuable. La plupart des thèses idéalistes subjectives s'accomodent en fait très bien de la métaphysique. A condition qu'elle soit centrée sur le "moi". En fait, l'idéalisme subjectif peut se résumer de cette façon : "le monde est seulement ma conscience du monde, JE suis dieu".
2) L'idéalisme objectif
L'idéalisme objectif affirme que le monde découle d'une « idée absolue », d'une « raison suprême », première et intemporelle, éternelle. Il existe un grand nombre de variétés d'idéalisme objectif, la plupart des religions s'appuient sur l'idéalisme objectif.
L'idéalisme objectif est métaphysique, c'est à dire qu'il considère cette « idée absolue » comme immuable, éternelle, transcendante. Si la réalité découle d'une idée immuable, alors la réalité elle-même serait immuable.
Il suffit de lire le premier livre de la bible (livre de genèse) : "Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. [...] Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut. [...] Dieu dit: Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux. [...] Puis Dieu dit: Que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi." "Dieu" aurait donc l'idée de la terre, du ciel, de l'eau, de l'herbe et des semences avant que celles-ci existent réellement. Typiquement une conception idéaliste du monde. Ou encore le prologue de l'évangile selon saint Jean : "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle." Ici c'est encore plus clair, "au commencement était la parole". La parole qui serait l'origine du monde, le verbe en grec : le logos, dieu. Et le monde aurait été créé par cette idée.
Platon aussi parlait de « logos », existant avant la réalité et au-dessus d'elle. Il ne s'agit donc ni plus ni moins que de l'idée de « dieu ». Cette idée, reprise de Platon à Aristote jusqu'à l’Église catholique est restée la doxa officielle pendant des siècles. Des penseurs comme Pascal ou Thomas d'Aquin suivirent ce chemin.
Un des courants d'idéalisme objectif est né avec les mathématiques et Pythagore, qui prétendait que les nombres existent en dehors de la tête des hommes, et qu'ils étaient la réalité du monde. Il vouait même un culte à ces nombres. La mystique pythagoricienne fonda même une école en Grèce, qui était en fait une confrérie mystique, véritable organisation de la classe dominante aristocratique et défendant l'esclavagisme en politique. C'est sur ce modèle et sur la base de cette doctrine que sont nées notamment toutes les confréries mystiques qui se la jouent trop dark et secrètes (templiers, francs-maçons, etc.), vouant un culte aux rapports géométriques, ceux-ci devant s'incarner dans l'artchitecture (compas et équerre, construction des cathédrales, inspiration des pyramides égyptiennes, etc.).ce qui a donné notamment la religion de "l'être suprême" (une autre verision de dieu) pendant une courte période après la révolution française. Ces sectes combattirent le christiannisme, notamment le christiannisme primitif. Car malgré tout son idéalisme, le christiannisme contenait des germes révolutionnaires, s'opposait à l'esclavage, prônait une certaine forme d'égalité sociale, etc.
Le philosophe Kant, partisan de l'idéalisme subjectif, avait d'abord professé un idéalisme objectif, car il cherchait à poser des arguments en faveur de l'existence de dieu. Mais constatant les contradictions inhérentes aux idées (car on ne peut trancher toute question), il abandonna sa croyance dans la raison et préféra se terrer dans l'agnosticisme. Bien évidemment il était incapable de voir que les idées contradictoires avaient pour origine une réalité contradictoire. Refusant le matérialisme, Kant finit dans l'idéalisme subjectif.
Dans la lignée des idéalistes Allemands, Hegel, Fichte, Schelling, etc. étaient des idéalistes objectifs. Pour eux il était possible de résoudre le problème soulevé par Kant (contradiction dans les idées) grâce à la dialectique qu'ils ont redécouvert dans les textes grecs de Platon : thèse-antithèse-synthèse. Il s'agissait d'arriver à connaître « l'idée absolue » par une simple gymnastique de la raison, en opposant les idées contradictoires. Pour Hegel, l'idée se serait incarnée dans le monde pour donner l'histoire, dont le résultat est sa philosophie (oui il ne se prenait pas pour de la merde), qui résolvait l'histoire et l'idée absolue revenait à elle-même... Bref, une vision mystique où dieu s'incarnerait dans le monde pour se redécouvrir. Il s'agit du courant rationaliste.
La dialectique de Hegel et sa métaphysique sont en contradiction. En effet sa dialectique pose le mouvement infini de la pensée alors que pour Hegel son système logique mène à une "idée absolue" figée (dieu).
Schopenhauer refusa ce rationalisme hégélien et tenta de mélanger idéalisme subjectif et idéalisme objectif. Dans sa philosophie métaphysique inspirée de la mystique indienne et du bouddhisme, le « dieu » transcendant la réalité serait non pas "dieu" mais plustôt une sorte de "diable", une force aveugle et irrationelle, chaotique et violente, la "volonté" et qui s'incarnerait dans le monde, dans la nature, qui serait le monde lui-même. Mais il centrait en même temps sa doctrine sur le moi subjectif. Ses thèses ont été reprises maintes fois sous une forme ou sous une autre pour attaquer le communisme ; sous prétexte de la "nature humaine mauvaise" le monde ne pourrait pas être changé.
L'idéalisme objectif trouva aussi une variante dans la théorie des cycles, c'est à dire la théorie métaphysique selon laquelle le monde n'est qu'un éternel recommencement. Nietzsche et son éternel retour sont dans cette lignée. La version mystique du taoïsme fait également appel à ce concept de cycles d'inversions sans fin du ying et du yang (concepts opposés qui existeraient avant le monde). En fait, cette version de l'idéalisme accepte l'idée que le monde change, mais au fond la mort n'est pas réelle puisque tout recommence, et donc également la domination des classes privilégiées ne serait jamais vraiment révolue. Il s'agit d'une version subtile de métaphysique (à laquelle Mao Zedong semblait adhérer après la révolution, en conformité avec certaines versions du taoïsme, car une fois le pouvoir au mains de la bourgeoisie chinoise il n'était plus question d'admettre l'idée de changement réel). Ce concept a notamment influencé la saga Star Wars Georges Lucas où la «force» est une sorte de ying et de yang avec un côté lumineux et un côté obscur luttant l'un contre l'autre. La force, idée transcendant l'univers et qui aurait créé l'univers. L’Amérique des années 1970 a en effet connu une mode passagère pour la philosophie orientale.
Dans les sciences modernes l'idéalisme objectif se perpétue à travers la théorie du big bang selon laquelle le monde aurait pour origine une impulsion originelle, dans laquelle toutes les constantes fondamentales (vitesse de la lumière, charge électrique, etc.) existent en dehors du monde et auraient même existé avant le monde lui-même.
L'idéalisme objectif peut admettre en partie le subjectivisme, mais toujours comme partie du "divin" ; par exemple dans le catholicisme, la liberté humaine est la partie "divine" de l'homme.
Actuellement, c'est la bourgeoisie conservatrice, qui s'appuit sur l'idéalisme objectif.
3) Le dualisme
Le dualisme est une variante de l'idéalisme, qui se confond avec certaines formes d'idéalismes subjectif et certaines formes d'idéalismes objectif. En réalité, si on pousse la logique des idéalistes jusqu'au bout, on arrive toujours au dualisme. Mais tous les courants idéalistes n'assument pas cela, tous ne se réclament pas du dualisme. Et pour cause, une telle façon de faire jetterait du discrédit sur leurs thèses. Donc soit ils n'en parlent pas, soit ils inventent d'autre mot pour réintroduire la dualité "matière-esprit".
Le dualisme affirme que la matière et les idées sont faites de deux substances différentes. D'un côté le monde matériel (avec la matière et le vide) et de l'autre l'âme immatérielle, magique. Grande question de la philosophie, déjà le matérialiste Lucrèce démontrait il y a 2000 ans pourquoi il ne pouvait exister que le vide et la matière, et pourquoi une « troisième substance » se ramenait forcément à la première ou à la deuxième (donc n'existe pas).
Dans l'idéalisme subjectif, le dualisme s'invite dans l'existentialisme, la théorie du libre-arbitre,etc. qui sépare l'essence et l'existence (c'est à dire la matière et les idées).
Toujours dans l'idéalisme subjectif, la pseudo-science bourgeoise a créé les concepts "d'ontologie" (théorie de l'être) et de "gnoséologie" (théorie de la connaissance) ; prétendant séparer les deux, les opposer, affirmant qu'on ne peut qu'étudier la seconde. Il s'agit bien sur d'une forme d'idéalisme et de dualisme masqué.
Dans l'idéalisme objectif, le dualisme s'exprime à travers l'idée de dieu, des anges, et se mêle à toutes les formes d'obscurantisme.
Il est important de traiter le dualisme à part, car déjà réfuté depuis longtemps par la science, il n'est pas strictement égal à l'idéalisme en général, bien que le dernier retranchement de l'idéalisme, une fois mis en difficulté, soit le dualisme.
On entend par matérialisme, la conception selon laquelle « Les idées ne sont rien d'autre que les choses matérielles transposées et traduites dans la tête des hommes. » (Karl Marx)
Autrement dit la matière est première, et les idées sont secondes. Elles sont un certain reflet de la matière. Cette conception du monde est parfois difficile à accepter car nous avons l'impression "d'incarner" un corps. Mais si on y réfléchit bien, l'image dans un miroir n'est rien d'autre qu'un reflet du monde (et qui n'a pas de réalité en dehors du monde, on ne peut pas traverser le miroir pour rentrer dans un monde à l'envers existant indépendamment du reste). De même notre conscience est un système de miroirs complexes faits de neurones. La matière peut produire la conscience (sans cesser d'être de la matière). C'est ce que démontrera inévitablement le développement des robots et intelligences artificielles.
1) Le matérialisme mécaniste
En Grèce antique, Démocrite et Épicure sont les premiers à avoir formulé la conception matérialiste du monde. Démocrite affirmait que le monde était fait d'atomes et de vide. Plus tard, le romain Lucrèce écrivit aussi dans ce sens. Ce courant matérialiste était farouchement opposé aux thèses idéalistes, et ce dès le début (Démocrite était contre Platon par exemple).
Le matérialisme balayait l'idée du hasard, du libre arbitre, des divinités immatérielles, etc. Le monde tout entier, l'homme y compris, est régi par des lois qui sont l'essence même de la matière. Et la connaissance de ces lois permet à l'homme de maîtriser son environnement.
Mais ce matérialisme avait un défaut, c'est qu'il ne voyait pas l'origine du mouvement, la nature contradictoire du mouvement. Les premiers matérialistes savaient que le mouvement était une chose naturelle et propre à la matière, inséparable de la matière, mais ils restaient souvent flous sur cette question.
Et ce défaut est aussi vrai pour le matérialisme des penseurs français comme Descartes, le Hollandais Spinoza, ou les philosophes des lumières comme Diderot. Les physiciens comme Copernic, Galilée ou Newton sont aussi dans cette lignée.
Le matérialisme mécaniste ne voit pas la vraie cause du mouvement. Il affirme que tout mouvement vient de l'extérieur, c'est à dire d'un autre mouvement, antérieur. Le mouvement ne serait qu'un enchaînement de causes et de conséquences.
Très vite ce problème nous amène à la question de la « cause première ». D'où vient le premier mouvement ? Posé de cette façon, le problème nous amène à une question métaphysique, et à la métaphysique elle-même, c'est à dire à une forme d'idéalisme qui met au début de tout « dieu », le big bang ou une autre idée farfelue.
Descartes lui-même était en partie matérialiste, et professait à côté une vision du monde idéaliste et métaphysique. Il restreignait sa vision matérialiste à l'étude de l'environnement tandis qu'il réservait à l'homme une part de libre-arbitre, il restait attaché à la religion.
Spinoza par exemple, bien que matérialiste, cherchait dans la cause du mouvement une sorte de dieu universel (panthéisme) qui serait le monde lui-même. Il s'agit à nouveau d'une forme de métaphysique et donc d'idéalisme.
Malgré tout, le matérialisme mécaniste a été le support du développement des sciences, et il était une étape historiquement nécessaire. Il permit à la bourgeoisie de lutter contre l'obscurantisme féodal mais est désormais un frein pour le développement du socialisme.
Par exemple le behaviourisme en psychologie ou d'autres courants, bien que matérialistes, sont en fait métaphysiques et mécanistes.
Le courant réaliste, Hobbes, Rousseau, et la plupart des philosophes français des lumières participent de ce mouvement matérialiste.
La bourgeoisie est en général incapable de dépasser cette forme de matérialisme. Car le matérialisme mécaniste contient en lui des "portes dérobées" bien utiles qui reconduisent aux vielles formes d'idéalisme obscurantistes. Par exemple la bourgeoisie réactionnaire, bien qu'acceptant la plupart des résultats des science (théorie de l'évolution par exemple), remet "dieu" à la base de tout et déclare le matérialisme "mort" grâce à la soit disant découverte du "big bang". Cette forme de matérialisme est donc en général une concession apparente au matérialisme, mais suffisament faible pour permettre d'admettre en son sein des thèses totalement idéalistes et religieuses.
2) Le matérialisme dialectique
Un penseur grec du nom d'Héraclite professait pourtant déjà presque en entier la bonne philosophie matérialiste. Il énonçait trois principes : le principe de totalité, le principe du devenir et le principe de contradiction. Pour lui, le monde n'était pas figé et immuable mais en mouvement permanent.
C'est d'ailleurs en réaction à la philosophie d'Héraclite que fut écrit « métaphysique » d'Aristote, décrivant un monde où « l'être » est figé, immuable (et où bien sur, donc, la domination des classes privilégiées est éternelle aussi).
C'est Hegel qui a déterré Héraclite. Hegel cherchait dans Héraclite un moyen de développer sa logique dialectique. Il cherchait dans les penseurs grecs de quoi alimenter sa propre philosophie. Mais Hegel refusait le matérialisme.
C'est Marx qui a finalement posé le plus complètement possible le matérialisme. Pour Marx, toute vérité est concrète, cela signifie que si quelque part il y a des contradictions dans les idées, c'est que quelque part il y a des contradictions dans la réalité elle-même, puisque nos idées découlent de la réalité matérielle et en font partie.
Marx reprend à Hegel son schéma dialectique, mais le transpose dans la réalité elle-même. Ce ne sont plus des idées qui s'affrontent pour découvrir une « idée absolue » ou « dieu ». C'est la réalité elle-même qui est contradictoire. Et c'est justement ces contradictions qui poussent sans cesse le monde à évoluer, à se développer.
Lénine dit : « Le développement est la lutte des contraires ».
Marx remit à sa place la religion : ce n'est pas dieu qui a créé l'homme mais l'homme qui a créé l'idée de dieu. Les idées n'existent que dans la tête des hommes et n'ont pas d'existence en dehors de celle-ci.
Cessant de voir le monde comme un ensemble de choses isolées les unes des autres, où ces choses sont éternelles et immuables, Marx démontre au contraire que tout est lié, et donc tout change en permanence. Ce qui était n'est plus, ce qui est disparaît. Partout il y a quelque chose qui naît et quelque chose qui meurt.
Marx développe en fait la théorie générale de l'évolution, et sa façon de faire a été confirmée par le développement des sciences, comme la théorie de l'évolution de Darwin. Darwin a démontré que le monde tel qu'il était n'était que le résultat d'une longue évolution. Il n'en a pas toujours été ainsi, et l'évolution elle-même n'est pas finie. Le monde n'est pas figé. Donc ce qui existe aujourd'hui, comme les espèces actuelles, la société actuelle, etc. disparaîtront inévitablement.
En cela, la théorie de Marx est réellement révolutionnaire, et rend compte réellement de ce qu'est la science. Car la science elle-même ne peut jamais produire de résultat définitif, de vérité figée définitivement dans le marbre. Toute vérité est concrète, donc si le monde change en permanence, la vérité aussi est changeante. La science n'est pas une doctrine morte, desséchée et figée, mais vivante, en développement permanent, tendant toujours vers une connaissance plus précise, plus juste de la nature.
Tout comme le matérialisme primitif avait permis le développement des sciences et la maîtrise de l’environnement par la technique, le matérialisme dialectique permettra à l'homme de se prendre en main lui-même, conscient des lois qui régissent sa vie et le fonctionnement de la société.
Le matérialisme dialectique fait la différence entre les formes simples de la matière et les formes complexes. Selon qu'on s'intéresse aux astres, aux atomes, ou à la société humaine, on ne peut pas utiliser les mêmes lois pour comprendre ces choses différentes. Il y a des lois absolues, par exemple la gravitation, qui sont tout le temps vraies. Mais les lois qui régissent la société humaine sont fluctuantes, relatives, temporaires. Il faut donc en permanence les actualiser.
Marx a notamment appliqué cela à l'étude de la société pour montrer comment l'humanité évoluait d'étapes en étapes, par bouleversement successifs, pour arriver au communisme. En cela, il s'est attiré les foudres des classes dominantes qui continuent soit à fulminer contre sa doctrine, soit à tenter de la récupérer pour la détruire de l'intérieur, la réviser, en y introduisant des conceptions idéalistes erronées.
Le matérialisme dialectique n'est pas une forme de matérialisme parmis d'autres, mais le seul matérialisme complet, cohérent, réellement scientifique. Les seules choses justes dans le matérialisme bourgeois ou mécaniste sont ce qu'il emprunte au matérialisme dialectique. Il n'y a pas plusieurs sciences, mais une seule.
Informations sur ce site
Ce site entend donner aux communistes les outils intellectuels et idéologiques du marxisme-léninisme. A son époque déjà, Lénine notait "la diffusion inouïe des déformations du marxisme", il concluait que "notre tâche est tout d'abord de rétablir la doctrine de Marx". Ces éléments théoriques ont pour but de participer à la formation des jeunes cadres dont le parti du marxisme révolutionnaire aura besoin en France au cours des prochaines années. A son époque, Marx remarquait déjà "qu'en France, l’absence de base théorique et de bon sens politique se fait généralement sentir". Le manque de formation marxiste-léniniste est un obsctacle majeur à la construction d'un futur parti et un terreau fertile au maintien (voire au retour) des thèses réformistes, révisionnistes, opportunistes qui occupent actuellement tout le terrain sous une multitude de formes. Ce site n'est qu'une initiation au marxisme-léninisme. Les textes ne sont pas suffisants à la maîtrise du marxisme, ils sont une tentative de vulgarisation, d'explication de la pensée marxiste, ainsi qu'un éclairage de l'actualité à l'aide de cet outil. Il va de soi qu'une lecture des classiques du marxisme-léninisme est indispensable.
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