2017

Version 3.0



marx

Site des prolétaires de fer

La révolte de Spartacus

Les enseignements de la guerre civile à Rome


Il est très important d'étudier l'histoire de tous les mouvements révolutionnaires, des luttes de classes à toutes les époques.

L'une de ces périodes historiques à étudier est celle des "guerres serviles". Beaucoup de gens connaissent le nom de Spartacus, certains connaissent l'histoire de la révolte des esclaves qu'il a dirigé contre Rome il y a environ 2000 ans. Peu de gens savent en revanche que sa révolte était la troisième guerre du même type à Rome.

La première eut lieu en -140 en Sicile, dirigée Eunus (un esclave d'origine syrienne) qui établit un royaume au même endroit et leva une armée de 200 000 anciens esclaves. Il connut plusieurs victoires contre Rome mais fut battu environ 10 ans après le début de la révolte.

La seconde guerre servile débuta en -104 en Sicile, les esclaves révoltés fondèrent en royaume qui dura jusqu'à la défaite contre les romains en -100.

La troisième guerre servile est l'insurrection menée par Spartacus, la plus célèbre. La révolte commença dans une école de gladiateurs à Capoue puis entraîna tout le sud de l'Italie. A la tête d'une armée d'esclaves, Spartacus et ses gladiateurs réussirent à défaire plusieurs légions romaines avant d'être finalement battus.

Etudier l'expérience de cette guerre civile est important car les problèmes qu'ont du affronter les révoltés sont autant de problèmes qui se posent à nous aussi aujourd'hui. Malgré les 2000 ans qui nous séparent, un certain nombre de points communs relient nos deux époques, et nous permettent de tirer des enseignements politiques d'une grande importance et d'une valeur inestimable.

Malheureusement on ne peut être certain de la véracité des faits qui nous sont rapportés. Les esclaves de l'époque savaient rarement écrire. Dans tous les cas il aurait été peu probable que de quelconques survivants aient réussi à faire parvenir jusqu'à nous leur point de vue sur cette guerre. Le seul point de vue que nous avons est celui des historiens romains. Comme bien souvent, c'est la classe dominante qui écrit l'histoire puisqu'elle possède les moyens de production littéraire et intellectuelle.

Il faut d'abord poser le contexte de l'époque. Voici une carte de l'empire romain vers -74, date à laquelle a éclaté la révolte des esclaves :



L'empire de Rome était bâti autour de cette cité principale. La puissance de Rome reposait entièrement sur l'esclavage. Les esclaves venaient des pays conquis, aussi bien des civils que des prisionniers de guerre des cités et territoires conquis. Ils étaient ensuite immigrés de force en Italie où ils étaient employés comme travailleurs, serviteurs en tout genre, domestiques, ou encore gladiateurs dans les arènes.

Bien que le système économique de la Rome antique diffère du capitalisme dans lequel nous vivons, la société était aussi divisée en trois principales classes sociales.

La classe dominante était celle des propriétaires d'esclaves. Elle constituait une petite minorité vivant principalement à Rome et dans quelques autres grandes cités de l'empire. La république esclavagiste s'était dotée d'un sénat pour administrer l'état, c'est à dire les hommes en armes chargés de maintenir, protéger et préserver l'ordre social esclavagiste contre les révoltes. Les patriciens étaient les représentants politiques des plus grands aristocrates et des plus riches propriétaires d'esclaves au sénat.

La classe des citoyens libres était constituée de citoyens des cités romaines, c'est à dire qu'ils n'étaient pas esclaves, mais ne possédaient pas forcément eux-même des esclaves (ou peu). Ils vivaient parfois de leur travail, en tant qu'artisans ou petits producteurs, commerçants, fonctionnaires, soldats ou marchands. Aujourd'hui on parlerait de classe moyenne ou de petite bourgeoisie. Certains arrivaient à se hisser dans la classe dominante mais il n'était pas rare de voir certains finir dans la misère, voire finir esclaves pour payer leurs dettes, etc. Il arrivait aussi que certains esclaves soient affranchis et parviennent à devenir des citoyens libres. Les plébéiens étaient les représentants politiques de cette classe moyenne au sénat.

La classe des esclaves était celle qui représentait la plus grande partie de la population (du moins dans certaines régions) au sein de la république esclavagiste romaine. Ils n'avaient aucune égalité en droit avec les citoyens libres (même pas sur le papier, comme dans la société actuelle). Ils étaient la propriété des maîtres d'esclaves, pouvaient s'acheter ou se vendre, et parfois être affranchis. Ils étaient le plus souvent utilisés comme travailleurs ou domestiques. Ils n'avaient évidemment aucun représentant politique, et leurs révoltes étaient systématiquement réprimées dans le sang. La différence avec les prolétaires modernes est que le prolétaire de l'époque actuelle est "propriétaire de lui-même" et de son temps, qu'il loue au capitaliste en échange de sa force de travail.

Sur cette image tirée du film Spartacus de Kubrick (1960), on peut voir le sénat romain. Ici il s'agit du sénateur plébéien Sempronius Gracchus. On peut noter à gauche un garde qui tient dans son bras gauche le faisceau de licteur (symbole de la république esclavagiste repris par la république française, les états-unis, et... le régime mussolinien, les nazis, ...)



Cette petite anectode permet d'évoquer un point important. A l'heure actuelle par exemple, notre cher ami Mélenchon ainsi que bon nombre de ses amis de gauche n'ont que le mot "république" à la bouche, sont fascinés par Rome et sa république (esclavagiste).

Contrairement aux gauchistes, les communistes considèrent que la "démocratie bourgeoise" est exactement ce qu'était la république romaine : un système esclavagiste.

Les communistes réels ne se revendiquent pas de la république romaine mais de la révolte de Spartacus.

Le parti communiste d'Allemagne (KPD) dans les années 1920 doit son existence à la ligue spartakiste, équivalent allemand des bolcheviques. Lénine écrivait ainsi en 1919 dans De l'état :

« L'histoire de l'esclavage connaît des guerres de dizaines d'années pour l'affranchissement des esclaves. Ainsi, le nom de "spartakistes", que se sont donné à présent les communistes d'Allemagne - seul parti allemand qui lutte réellement contre le joug du capitalisme, - ce nom, ils l'ont pris parce que Spartacus fut l'un des principaux héros d'une des plus grandes insurrections d'esclaves, il y a près de deux mille ans. Plusieurs années durant, l'Empire romain, entièrement fondé sur l'esclavage et qui semblait tout-puissant, fut secoué et ébranlé par une formidable insurrection d'esclaves qui s'armèrent et se rallièrent, sous la conduire de Spartacus, au sein d'une immense armée. »

Dans ce court extrait du film de 1960, on peut voir Spartacus briser le symbole du sénat et de la république (le faisceau) devant glabrus (le commandant de la première légion envoyée pour réprimer la révolte des esclaves).

L'histoire d'ailleurs nous montre que les plébiens comme Gracchus (voir la photo ci-dessus tirée du film) ont totalement approuvé la guerre contre les esclaves. Le clivage patricien-plébéien (tout comme le "clivage gauche-droite" de nos jours) était bien réel. En revanche dès que la survie de la république esclavagiste était en jeu, ils ne formaient plus qu'un seul camp dans le but de mener la guerre contre les esclaves révoltés.

La lutte de classe qui opposait la classe dominante à la classe moyenne avait d'ailleurs éclaté en guerre civile environ 10 ans avant la révolte de Spartacus. La "guerre sociale" éclata en -91 et dura jusqu'en -88. Elle opposait Rome à des citoyens de villes alliées mais qui n'étaient pas considérés comme des citoyens romains. Bien que leur insurrection fut matée, ils obtinrent satisfaction et la citoyenneté romaine fut étendue à toute l'Italie.

La lutte se poursuivit quelques années plus tard. Elle opposa les optimates et les populares. Les optimates (patriciens) étaient menés par le dictateur Sylla, les populares (réformistes populistes plébiens) étaient menés par Marius et soutenus par les anciens perdants de la guerre sociale. Sylla remporta les deux guerres civiles en 10 ans grâce à une répression sanguinnaire qui marqua Rome et le sud de l'Italie (où eut lieu par la suite la révolte de Spartacus).

On voit donc que l'histoire de la révolte de Spartacus se place dans un double contexte. Celui d'une part de guerres civiles serviles qui opposaient les esclaves à la république. Celui d'autre part des guerres civiles de la plèbe de citoyens libres ou de seconde zone qui souhaitaient réformer la république.

Dans le sud de l'Italie où eut lieu la révolte des esclaves, l'armée de Spartacus trouvait de nombreux soutiens chez les esclaves des latifundia (fermes où travaillaient des esclaves), ainsi qu'une certaine neutralité bienveillante des plébiens (populares). Ainsi le film de 1960 montre des scènes de liesse populaire quand l'armée de Spartacus traverse les villes du sud de l'Italie (même si on ne sait exactement quelle fut la réalité historique) :



Au contraire, quand l'armée de Spartacus arriva dans le nord de l'Italie, elle ne trouva que peu de soutien aussi bien chez les esclaves que chez les citoyens. En effet dans cette région, les esclaves bénéficiaient d'un meilleur confort de vie, ils menaient en un sens, une vie d'eslcaves embourgeoisés. Par conséquent la révolte piétina dans cette région et obligea les armées de Spartacus à repartir vers le sud, où ils furent défaits.

On le voit, ici, l'importance de la corruption d'une partie des esclaves par la classe dominante joua un rôle crucial dans la défaite des révoltés. C'est un parallèle tout à fait valable avec la situation actuelle des peuples des pays impérialistes. L'impérialisme achète et corrompt de larges couches des peuples des métropoles sur le dos de l'exploitation des pays étrangers (dans l'impérialisme, ce sont les exportations de capitaux, c'est à dire les investissements à l'étranger, sont la base de ce surprofit et de cette corruption de larges couches du peuple).

En 1919, dans Les tâches de la III° Internationale, Lénine notait ainsi :

« La question de l'impérialisme et de sa liaison avec l'opportunisme dans le mouvement ouvrier, avec la trahison de la cause ouvrière par les chefs ouvriers, est posée depuis longtemps, depuis très longtemps.

Pendant quarante ans, de 1852 à 1892, Marx et Engels ont constamment signalé l'embourgeoisement des couches supérieures de la classe ouvrière d'Angleterre en raison de ses particularités économiques (colonies ; monopole sur le marché mondial, etc.) . Vers 1870, Marx s'est acquis la haine honorifique des vils héros de la tendance internationale « bernoise » de l'époque, des opportunistes et des réformistes, pour avoir stigmatisé nombre de leaders des trade‑unions anglaises, vendus à la bourgeoisie ou payés par elle pour services rendus à sa classe à l'intérieur du mouvement ouvrier.

[...]

Ce phénomène est devenu maintenant, pendant et après la guerre de 1914‑1918, un phénomène universel. Ne pas l'avoir compris est le plus grand aveuglement de l'Internationale jaune « de Berne » et son plus grand crime. L'opportunisme ou le réformisme devait inévitablement se transformer en impérialisme socialiste ou social‑chauvinisme, de portée historique mondiale, car l'impérialisme a promu une poignée de nations avancées richissimes qui pillent le monde entier, et par là même a permis à la bourgeoisie de ces pays d'acheter avec son surprofit de monopole (l'impérialisme, c'est le capitalisme monopoliste) leur aristocratie ouvrière.
»

Ce parallèle historique permet d'éclairer l'histoire de la révolte des esclaves et les raisons de l'échec de cette révolte.

En 1916, dans L'impérialisme et la scission du socialisme, Lénine remarquait déjà cette propension de l'impérialisme à corrompre de larges couches du peuple de la nation exploiteuse :

« L'exploitation des nations opprimées, indissolublement liée aux annexions, et surtout l'exploitation des colonies par une poignée de « grandes » puissances, transforme de plus en plus le monde « civilisé » en un parasite sur le corps des peuples non civilisés, qui comptent des centaines de millions d'hommes. Le prolétaire de Rome [ici Lénine parle de la plèbe et non des esclaves] vivait aux dépens de la société. [...] Une couche privilégiée du prolétariat des puissan­ces impérialistes vit en partie aux dépens des centaines de millions d'hommes des peuples non civilisés. »

Reste à étudier un autre apsect de la révolte : la conduite des opérations militaires, le choix de la stratégie. Karl Marx étudia la longue histoire des insurrections et des révolutions. En 1852, il écrivit La révolution et la contre-révolution en Allemagne, dans lequel il tira les leçons suivantes sur l'art de l'insurrection :

« L'insurrection est un art au même titre que la guerre et que d'autres formes d'art. Elle est soumise à certaines règles dont l'omission conduit à sa perte le parti coupable de les négliger.

Primo, il convient de ne jamais jouer à l'insurrection, si l'on n'est pas décidé à la mener jusqu'au bout (littéralement, à affronter toutes les conséquences de ce jeu).

L'insurrection est une équation dont les paramètres sont indéterminés au plus haut point, et peuvent changer de valeur d'un jour à l'autre.

Les forces combattantes contre lesquelles il faut agir ont entièrement de leur côté la supériorité de l'organisation, de la discipline et de l'autorité traditionnelle. [...] Si les insurgés ne peuvent pas rassembler des forces supérieures contre leur adversaire, alors ils sont battus et anéantis.

Secundo, une fois l'insurrection commencée, il faut alors agir avec la plus grande détermination et passer à l'attaque.

La défensive est la mort de tout soulèvement armé ;

dans la défensive, il est perdu avant même de s'être mesuré avec les forces de l'ennemi. Il faut attaquer l'adversaire à l'improviste, alors que ses troupes sont encore dispersées, il faut s'efforcer de remporter chaque jour de nouveaux succès, même modestes ;

il faut maintenir l'ascendant moral que vous aura valu le premier succès des insurgés ; il faut attirer les éléments hésitants qui suivent toujours le plus fort et se rangent toujours du côté le plus sûr ;

il faut contraindre l'ennemi à la retraite avant qu'il ait pu rassembler ses troupes contre vous ; bref, agissez suivant les paroles de Danton, le plus grand maître jusqu'à ce jour de la tactique révolutionnaire : de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace !
»

Ici Karl Marx souligne un point important, l'erreur de la stratégie défensive (il est dommage qu'en 1871 les Communards n'aient pas eu entre leurs mains ces écrits de Marx ou un soupçon de clairvoyance... la même "erreur" ayant été reproduite par les républicains espagnols, ce qui prouve que la petite bourgeoisie est incapable d'avoir ne serait-ce que la volonté de gagner).

L'armée de Spartacus n'a pas réellement été sur la défensive. Sur ces cartes on peut voir le déroulement de la guerre :





On constate vite l'erreur des armées de Spartacus de n'avoir pas immédiatement attaqué Rome, laissant ainsi le temps à leurs ennemis de s'organiser pour mener la contre-révolution.

En réalité le projet de Spartacus semblait plus de fuir l'Italie que de renverser Rome. Et c'est compréhensible quand on sait que les gladiateurs étaient souvent des prisionniers de guerre d'autres pays (Spartacus était originaire de Thrace et Crixus, son second, était gaullois). Leur souhait était donc sans doute de retourner chez eux.

On peut également discuter de ce que serait devenue l'Italie si Spartacus et son armée avaient renversé la république romaine. On dispose de l'expérience des deux guerres serviles précédentes en Sicile pour voir l'évolution de la société fondée par ces armées d'esclaves révoltés. D'après ce que l'on sait, ils fondèrent des royaumes théocratiques sur le modèle hellenistique.

Il aurait été difficile d'imaginer à cette époque l'avènement d'une société socialiste. A vrai dire, on ne sait pas vraiment non plus ce que les principaux intéressés en pensaient puisque la seule histoire à laquelle nous avons accès est celle écrite par les romains.

La base sociale de la révolte était à la fois les esclaves et les plébéiens pauvres, en particulier à la périphérie de l'empire, dans les zones marquées par la dictature de Sylla. Il y a peu de documentation à propos de l'attitude des citoyens romains vis à vis de la rébellion mais il fait peu de doute sur le fait qu'ils étaient plutôt du côté de la réaction que du côté de Spartacus.

Pour mener la guerre à Spartacus, Rome envoya bien sur ses propres légions, mais utilisa aussi les esclaves les plus arriérés, l'équivalent du sous-prolétariat moderne. Marx remarquait à son époque que le « lumpenprolétariat, ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société, [...] ses conditions de vie le disposeront plutôt à se vendre à la réaction. »

A propos de la réaction, la montée en puissance de Marcus Crassus (riche patricien) au sein du sénat romain, qui ressemble à une sorte de "montée du fascisme" ne doit pas faire oublier que dans les faits, c'est l'ensemble du sénat qui portait le faisceau (le symbole de la république esclavagiste), aussi bien la "droite" que la "gauche". Lorsque les romains apprirent que l'armée de Spartacus avait pour projet de fuir l'Italie en louant des navires de pirates siliciens, Crassus réussit à soudoyer les pirates pour faire échouer le projet de fuite. Son intérêt était de maintenir la menace des armées de Spartacus au sein de l'Italie afin de jouer le rôle du sauveur de la république et de revenir ainsi dans les grâces du sénat qui l'avait marginalisé.

On voit donc une lutte de classes complexe, un jeu à trois camps (et non deux) qui n'est pas sans rappeler notre propre situation actuelle ici en France, et dans les métropoles impérialistes en général. Nous aurons, nous aussi à vaincre la difficulté que pose la classe moyenne. On voit que la victoire de l'insurrection suppose à la fois une certaine neutralité bienveillante, voire un soutien franc de la partie la plus pauvre de ces classes moyennes.

D'autres problèmes se posaient aux armées d'esclaves, comme leur diversité d'origines. Certains étaient germains, d'autres syriens, thraces, ou grecs, etc. La capacité à unir une armée d'esclaves de peuples différents était plus facile à l'époque.

Toutefois, les maîtres esclavagistes avaient contume de mélanger les esclaves de différente nationalité afin d'empêcher les révoltes.

Il est très intéressant de lire le livre de Varron (De agricultura, livre 1, XVII), qui explique déjà les méthodes "managériales" de l'époque :

« Voici ce que recommande Cassius, à propos de ces manœuvres. Choisissez des sujets propres à la fatigue, au-dessus de vingt-deux ans, et qui montrent des dispositions pour l’agriculture. On juge de leur aptitude par des travaux d’essai, ou en les questionnant sur ce qu’ils faisaient chez leur précédent maître. Prenez pour les diriger des esclaves qui ne soient ni insolents, ni timides; qui aient une teinture d’instruction, de bonnes manières, de la probité, et qui soient plus âgés que ceux qu’ils surveillent: ils en seront mieux écoutés. Cette position, par-dessus tout, exige l’intelligence des travaux rustiques : car l’esclave n’est pas là seulement pour donner des ordres: il doit mettre la main à l’œuvre; montrer par l’exemple ce qu’il faut faire, afin que ses subordonnés comprennent que ce sont ses talents et son expérience qui le placent au-dessus d’eux. Il ne faut pas permettre au chef d’employer les coups pour se faire obéir, quand il peut arriver au même but par de simples remontrances. Évitez également d’avoir plusieurs esclaves de la même nation; car c’est une source continuelle de querelles domestiques. Il est bon de stimuler, par des récompenses, le zèle des chefs; de leur former un pécule, de leur faire prendre des femmes parmi leurs compagnes de servitude. Les enfants qui naissent de ces unions attachent les pères au sol; et c’est par suite de ces mariages que les esclaves d’Épire sont si réputés et se vendent si cher. Quant aux chefs, on fera bien de flatter leur amour-propre, en leur donnant de temps à autre quelque marque de considération. Il est bon également quand un ouvrier se distingue, de le consulter sur la direction des ouvrages. Cette déférence le relève à ses propres yeux, en lui prouvant qu’on fait cas de lui, qu’on le compte pour quelque chose. Stimulez encore son zèle par de meilleurs traitements, une nourriture plus choisie, des vêtements moins grossiers, l’exemption de certains travaux; ou bien encore par la permission de faire paître à son profit quelques bestiaux sur la propriété du maître. C’est ainsi qu’on tempère l’effet d’un ordre un peu dur, d’une punition un peu sévère, et qu’on leur inspire le bon vouloir, et l’affection que le domestique, doit toujours avoir pour son maître. »

Résumons. Varron conseillait de mélanger des esclaves de nation différentes (forcer le multicultarlisme, afin de créer une guerre horizontale entre les esclaves) ; il préconisait d'acheter la paix sociale par de meilleurs traitements, notamment envers les chefs, mais aussi en feignant d'avoir de la considération pour le travail des ouvriers, etc. Bref autant de choses possibles parce que Rome croulait sous les richesses et pouvait se permettre un traitement privilégié de certaines catégories d'esclaves ; tout comme nos maîtres esclavagistes actuels sont capables, quand ils en ont les moyens (c'est à dire quand ils ont suffisament de peuples étrangers à saigner sous la main), de financer de généreux "acquis sociaux", etc.

Aujourd'hui la situation est plus difficile car ces méthodes de domination et de division des esclaves sont bien plus efficaces sous le captialisme qu'elles ne l'étaient sous l'esclavagisme. La traite esclavagiste migratoire moderne a des conséquences différentes. La classe dominante crée des catégories de travailleurs selon leur origine, privilégiant les uns par rapport aux autres. Le résultat est qu'elle réduit ainsi la possibilité des travailleurs de diverses nationalités et origines de s'unir, ou limite leurs luttes à de simples luttes pour l'égalité bourgeoise entre étrangers et non-étrangers (chose parfaitement acceptable pour la bourgeoisie surtout lorsqu'elle le fait au dépens des travailleurs de souche ce qui accroit la division du prolétariat).

Nous voyons donc que la révolte des esclaves menée par Spartacus est riche en enseignements politiques et historiques qu'il convient de continuer à étudier et à enseigner à l'heure actuelle pour éclairer notre propre situation.

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