Dossier impérialisme

Les documents présentés sur cette page sont à prendre en compte en ayant en vue les limites, erreurs et déviations du mouvement communiste international se réclamant du marxisme-léninisme analysées dans notre étude « Impérialisme et anti-impérialisme » de mai 2007.

Sommaire :

L'impérialisme français

L'impérialisme allemand

L'impérialisme japonais

L'impérialisme britannique

L'impérialisme américain

Mobiliser contre l'impérialisme

 

Les bases de la stratégie de l’impérialisme français

Cercle Henri Barbusse, France (mai 1996)

Contribution au dixième Séminaire Communiste International
« La révolution socialiste mondiale dans les conditions de la globalisation impérialiste »

Bruxelles, 2-4 mai 2001

Pour ce séminaire dont le thème est « la révolution socialiste mondiale dans les conditions de la globalisation impérialiste », il nous semble important de republier notre intervention au séminaire international de Bruxelles de 1996. En effet, nous y analysions brièvement la stratégie de l’impérialisme français, replacée dans son contexte historique, ce qui est essentiel pour déterminer une politique révolutionnaire. Nous ne changeons rien en particulier à ce que nous écrivions alors en terme de lutte contre « l’Union Européenne ».

1. La situation au sortir de la 2ème guerre mondiale

Au sortir de la 2ème guerre mondiale antifasciste, les USA devinrent la puissance impérialiste hégémonique. Comme le notait en 1952 J. Staline : « les Etats-Unis d'Amérique ont réduit à la portion congrue l'Europe occidentale, le Japon et autres pays capitalistes ; l'Allemagne (de l'Ouest), la Grande- Bretagne, la France, l'Italie, le Japon, tombés dans les griffes des Etats-Unis, exécutent docilement leurs injonctions ». Face à l'apparition d'un camp socialiste sous la direction de l'URSS, les USA devenaient la puissance tutélaire du monde impérialiste. Au niveau économique, le plan Marshall assurait des débouchés aux entreprises US et organisait cette hégémonie US. Quant à l'existence de l'OTAN, elle venait traduire au niveau politique et militaire ce leadership alors incontesté des USA.

L' Allemagne, qui se reconstruisit rapidement grâce au plan Marshall, ne possédait pas d'empire colonial: elle dut donc compter uniquement sur ses propres forces pour redevenir compétitive dans la lutte pour le leadership mondial. Ce que les économistes bourgeois ont appelé le « miracle économique allemand » était basé sur la priorité accordée à l'investissement dans les nouvelles technologies.

La France, au contraire, bénéficiait encore de son empire colonial. Celui-ci, après les indépendances, sera réaménagé en empire semi-colonial. C'est une caractéristique « nationale » de la bourgeoisie monopoliste française -que Lénine avait qualifié de « tondeuse de coupons » -que de vivre de ses rentes : elle continua donc après-guerre à investir dans des industries qui utilisaient une main d’œuvre à bon marché, taillable et corvéable à merci, notamment l'immigration.

2. L'évolution de De Gaulle à Mitterrand

Deux caractéristiques fondamentales de la stratégie de l'impérialisme français à l'époque de De Gaulle : De Gaulle était réticent face à la construction européenne. Après avoir agi dans le sens de découper l'Allemagne en cinq entités, c'était la politique des « petits pas ». Elle exprimait la tactique de la fraction alors dominante de la bourgeoisie de prendre la tête d'une construction européenne non-soumise aux Etats-Unis, et ce en contradiction avec l'Allemagne. On peut vérifier cela avec la sortie de la France de la structure militaire intégrée de l'OTAN dont l'une des manifestations fut la fermeture des bases militaires. Au plan économique, cette politique de la « France forte » était conditionnée par la constitution de grands groupes industriels nationaux et la préservation, dans le cadre d'un réaménagement semi-colonial, de son empire, ce qui était en contradiction avec les objectifs de l'impérialisme yankee d'ouverture des marchés des anciennes colonies au nom du « droit à l'autodétermination ».

La crise économique des années 1970 révéla cependant les faiblesses structurelles de l'impérialisme français face à l'Allemagne et son incapacité à prendra la tête d'un bloc européen face aux USA. Giscard chercha, sans la trouver, une voie permettant à l'impérialisme français de ne pas sombrer dans le déclin. Sa politique dite de « redéploiement industriel » visait à donner aux PMI-PME un « rôle éminent dans l'adaptation de notre appareil productif» (Les dossiers noirs de l'industrie française, Fayard 1985). Mais le vrai problème était la « perception tardive des mutations technologiques » (idem). Sur le plan de la production des moyens de production, la France n'a « pas assez développé les industries sophistiquées incorporant beaucoup de travail hautement qualifié. Dans ces secteurs à haute technicité, elle souffre d'un déficit par rapport aux grands pays industriels avancés (Etats-Unis, Allemagne, Japon). Elle s'est au contraire beaucoup trop spécialisée dans des activités faisant largement appel à une main d'œuvre peu qualifiée d'OS (ouvriers spécialisés) » (Bialès/Goffin, Economie générale, tome 2, Foucher 1982). Au seuil des années 1980, la France connaissait un solde négatif très important dans le secteur des machines-outils qui revêt une importance stratégique fondamentale. Elle dépendait fortement des autres pays industrialisés et en particulier de son voisin allemand.

La conséquence sur le plan du commerce extérieur est que la France était (et reste) déficitaire avec ses principaux concurrents impérialistes. Son solde industriel en particulier vis-à-vis de ces pays a toujours été déficitaire depuis 1974.

Le repositionnement économique de l'impérialisme français nécessitait des restructurations industrielles, une adaptation de l'appareil de production. C'est pour cette politique que fut porté au pouvoir Mitterrand en 1981 avec l'appui des révisionnistes du PCF. Pour ramener le coût unitaire de production des entreprises à un niveau plus proche de la moyenne européenne, la social-démocratie d'une part a procédé à des licenciements massifs dans la sidérurgie, les mines et l'automobile, a organisé la délocalisation du textile, et d'autre part a fait appel massivement à la robotisation. La force de travail issue de l'empire colonial a été touchée en premier lieu par les licenciements massifs, la montée du racisme venant faciliter ces licenciements. Lors de la grève de Talbot en 1982, le Premier ministre Mauroy, actuel président de l'Internationale Socialiste, s'est fendu d'une diatribe sur un soi-disant danger «intégriste » en comparant les grévistes immigrés à Khomeini.

3. Les faiblesses structurelles de l’impérialisme français

Premièrement, en dépit des restructurations mitterrandiennes des années 80 et 90, seule une petite fraction de l'industrie manufacturière française (20%) est aujourd'hui en capacité de se situer en position dominante sur le plan mondial, essentiellement dans des industries de base comme le verre, les ciments et bétons, métaux, caoutchouc et dans quelques industries d'équipement comme l’eau, le matériel électrique et la télécommunication. A noter que ces entreprises françaises sont celles qui ont réussi à préserver un certain contrôle de leur marché intérieur sur lequel s'appuie leur stratégie d'internationalisation.

Deuxièmement, si l'internationalisation des firmes françaises s'est accentuée au cours des années 80/90 par le biais d'une progression constante des investissements à l'étranger (principalement dans l’Union Européenne, surtout l'Allemagne, et les USA), toutefois ces investissements concernent surtout les services marchands (pour 47% ), l'agroalimentaire, le matériel électrique et la télécommunication.

Troisièmement, on peut observer que peu à peu les filiales de grands groupes allemands, américains et japonais s'emparent de pans entiers du marché intérieur français au point qu'ils contrôlent 22% des emplois industriels en France.

Ces facteurs déterminent l'évolution pro-maastrichienne d'une fraction aujourd'hui dominante de la bourgeoisie impérialiste française. Ils expliquent en outre que l'impérialisme français n'est pas en mesure de rivaliser avec les Konzerns allemands dans la conquête des nouveaux marchés des anciens pays de l'Est. On peut voir une preuve de cela dans l'alignement de l'impérialisme français sur la stratégie allemande de désagrégation de l'Etat yougoslave qui a conduit aux massacres fratricides qui ensanglantent ce pays.

Ce qui caractérise donc fondamentalement la stratégie de l'impérialisme français aujourd'hui est sa tendance à s'aligner sur l'impérialisme allemand pour faire face à l'impérialisme américain: telle est la signification de «l'axe franco-allemand » moteur de la construction européenne.

4. L'impérialisme français et l'Afrique

Le dernier atout de l'impérialisme français pour rivaliser dans la cour des « grands » reste la possession de son empire semi-colonial, constitué essentiellement de son « pré-carré » africain.

Déjà en 1971, comme le disait Yvon Bourges, « sur le plan économique, il est incontestable que la France retire certains avantages de sa politique de coopération dans la mesure où celle-ci lui permet d'exporter des hommes, des techniques ou des productions (...) et si le commerce qu'effectue la France avec les Etats africains et malgaches de la zone franc ne dépasse pas 4 à 5% de son commerce total, il n ' est pas négligeable pour autant à ses yeux que ces échanges lui permettent d'acquérir, sans sortir de devises, 83% de ses besoins en cacao, 87% de ses besoins en bois tropicaux, 62% de ses besoins en café, 68% de ses importations d'uranium » (Qui a peur du Tiers-monde ?, Editions du Seuil 1980, p.112). La dévaluation du franc CF A en 1994 a renforcé la position hégémonique des filiales africaines des entreprises françaises en divisant par deux le coup de la force de travail africaine et des matières premières et en multipliant par deux la dette des Etats africains.

Il est à noter que cet atout est fragilisé par la pénétration croissante en Afrique de ses concurrents américain et également allemand, qui dominent dans le FMI : par exemple, c'est le FMI qui a exigé la dévaluation du franc CFA.

Malgré la rivalité inter-impérialiste, en Afrique, le « nouvel ordre international » né de la défaite du socialisme maintient, pour l'essentiel, le continent dans son statut de zone de prédilection de l'impérialisme français. Mais cela dans un contexte de crise structurelle du capitalisme mondial. Cette donne fait que la marque essentielle des rapports Nord/Sud est « la crise de l'endettement », laquelle détermine les politiques d'ajustement structurel dictées par les institutions de Bretton Woods pour récupérer la dette. C'est la base sur laquelle s'opère une véritable recolonisation de l'Afrique dont le principal bénéficiaire demeure l'impérialisme français. L'exemple le plus éloquent de la barbarie macabre à laquelle l'impérialisme, notamment français, peut être conduit dans le but de conserver son empire semi- colonial a été l'organisation, la planification et l'exécution du crime contre l'humanité qu'a constitué le génocide ethno-fasciste perpétré par la dictature ethniciste pro-impérialiste d'Habyarimana au Rwanda en 1994.

C'est pourquoi l'impérialisme français tient si fermement à garder ses 6 bases militaires et ses 10 000 hommes de troupe sur le continent africain. C'est pourquoi Chirac vient de lancer une réforme de l'armée dont l'objectif est la mise sur pied d'une armée professionnelle capable de rapidement « projeter -selon sa propre expression - 60 000 hommes à l'extérieur ». Il s'agit de la constitution d'une armée de mercenaires coupée du peuple (et donc de l'influence des idées révolutionnaires dans le peuple), une armée chargée de rapidement rétablir l’ordre semi-colonial. 

5. Conclusion : quels axes de combat pour les communistes en France ?

Il apparaît que le mouvement ouvrier en France doit absolument partir des éléments de base ci-dessus mentionnés pour définir un politique révolutionnaire susceptible de lui permettre d'abattre « son » capitalisme.

 

 

La stratégie militaire de l’impérialisme allemand

Klaus Hubig, Ligue ouvrière pour la Reconstruction, 2 mai 1999, EM n°46

Nous nous concentrerons sur les développements qui se sont produits après 1990, l’année de l’annexion de la République démocratique d’Allemagne (RDA).

1. Tout comme la guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens, la stratégie militaire est naturellement le prolongement de la stratégie politique par d’autres moyens. Et, depuis 1945, cette stratégie politique de l’impérialisme allemand revient à liquider toutes les restrictions que les Alliés de la Coalition anti-hitlérienne, sous la direction de l’Union soviétique, ont imposées dans les accords de Potsdam. Rafraîchissons-nous la mémoire : les accords de Potsdam exigeaient notamment la destruction complète du militarisme allemand.

2. L’annexion de la RDA en octobre 1990 a mis un groupe de 16 millions de personnes à la portée de l’impérialisme allemand, pour exploitation immédiate. Elle a aussi créé une avancée qualitative dans la politique étrangère allemande agressive, et donc aussi dans la politique militaire. En janvier 1991, le chancelier Kohl dit, dans une déclaration gouvernementale : 'L’Allemagne en a fini avec son histoire, elle peut désormais se prononcer ouvertement pour son rôle de puissance mondiale et elle doit étendre ce rôle.' Des stratèges allemands se démènent pour que leur pays se considère comme le plus fort d’Europe et exploite cette force pour faire valoir ses intérêts impérialistes dans le monde. Sous le prétexte d’intérêts ‘humanitaires’ et de ‘droits de l’homme’, la République Fédérale d’Allemagne (RFA) a soutenu systématiquement chaque action militaire des Nations Unies. 'Pas de missions de combat, tout au plus des interventions en tant que casques bleus des Nations Unies', disaient, à l’époque, le parti socialiste SPD et les Verts. Mais aujourd’hui, l’Allemagne est impliquée dans chaque intervention à l’étranger — avec ou sans mandat des Nations Unies. Il peut être normal, pour des pays impérialistes, de stationner ses soldats à l’étranger. On peut considérer que c’est un impératif que requiert la domination du capital monopoliste et le partage du monde en sphères d’influence. C’est correct en général, mais la vérité est concrète.

Avant les deux guerres mondiales, une poignée d’impérialistes se partageaient le monde. Lorsque l’impérialisme allemand a expédié ses soldats à l’étranger, il a provoqué une nouvelle boucherie pour le repartage du monde. La puissance allemande était un impérialiste de trop, qui venait défendre ses prétentions. Etre le dernier impérialisme et de ce fait le plus agressif: telle est la faiblesse relative de l’impérialisme allemand mais c’est aussi cela qui le rend tout particulièrement dangereux. A deux reprises déjà au cours de ce siècle, cette confrontation militaire a eu des résultats épouvantables. Ypres, ici en Belgique, Verdun en France, Guernica en Espagne, Lidice en Tchéquie, la Crète en Grèce, etc., pour ne citer que quelques villes européennes: tous ces champs de bataille sont le résultat des plans allemands pour s’emparer du pouvoir.

3. Ces jours-ci, à l’occasion du 50e anniversaire de l’Otan, l’histoire de l’alliance des impérialistes a fait couler beaucoup d’encre. Le premier secrétaire général de l’Otan, Lord Ismay, décrivait comme suit les objectifs de l’Otan : 'L’Otan a été fondée pour tenir les Américains en dedans, les Russes en dehors et les Allemands en dessous.' Je vous le demande: qu’en reste-t-il encore après 50 ans ? Depuis des années, la RFA s’efforce, activement et de manière planifiée, de miner et en fin de compte de liquider le système d’alliance impérialiste mis en place après la Seconde Guerre mondiale contre l’Allemagne. Et, au début des années 90, elle a mené cette politique si loin qu’elle est même parvenue à retourner à l’avantage de ses propres intérêts impérialistes la revendication des manifestants pacifistes de gauche: 'Hors de l’Otan !'. En remplacement de la doctrine de sécurité transatlantique, l’Allemagne s’attèle de plus en plus à créer une identité militaire européenne propre, l’Union de l’Europe Occidentale (UEO), sans les Etats-Unis et, de ce fait, contre eux. Dans la lutte extrêmement aiguë avec d’autres Etats impérialistes européens, l’impérialisme allemand est le mieux équipé et le mieux préparé, comme le démontrent les comptes rendus des sessions de l’Union européenne: aucun accord bilatéral ou multilatéral, aucune armée européenne ne verra le jour sans la participation de la RFA. L’armée allemande, la Bundeswehr, a parrainé la formation des armées est-européennes.

4. Depuis l’annexion de la RDA, l’impérialisme allemand renforce d’une manière catastrophique ses préparatifs idéologiques de guerre contre le peuple allemand. L’anéantissement et la liquidation des organisations et partis de masse sur le territoire de la RDA annexée ont un effet de boomerang sur la classe ouvrière et le peuple de la RDA : aucune résistance organisée n’entre en action contre les pogroms fascistes organisés par l’Etat. La tradition de nationalisme et d’antisémitisme ne s’est jamais interrompue et a maintenant libre cours. Les forces réactionnaires exigent qu’Auschwitz et l’holocauste ne viennent plus stigmatiser la conscience des Allemands. Ils exigent que l’Allemagne redevienne ‘normale’. Et qu’a produit cette ‘normalité’ ? Jamais les peuples d’Europe ne peuvent l’oublier.

5. L’impérialisme allemand est une puissance nucléaire. Il dispose de toutes les conditions requises pour fabriquer des bombes atomiques. Etant donné qu’il ne peut encore en faire état officiellement, il est contraint de faire des concessions face aux autres puissances nucléaires. Néanmoins, il saisit toutes les occasions qui se présentent pour provoquer ses concurrents sur cette question, comme cela s’est encore passé récemment avec la proposition du ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer de modifier la doctrine de l’Otan en ce qui concerne le ‘premier recours’ à la bombe atomique. Il est clair que la motivation de cette proposition n’est pas l’amour des Verts pour la paix, mais le désarmement d’adversaires éventuels ou la justification de l’actuel réarmement allemand. Quelle autre justification y voir, sinon celle-ci: on entrevoit la possibilité d’un recours à l’arme atomique et le nouveau gouvernement adopte une attitude de défense face à la guerre de sa bourgeoisie ?

6. L’expérimentation de la stratégie militaire allemande dans la guerre contre le peuple yougoslave dévoile le véritable visage de l’impérialisme allemand. La destruction des alliances impérialistes a déjà tellement progressé sous nos yeux que le droit des peuples n’est plus qu’un bout de papier insignifiant. Avec leurs bombardements, une partie des grandes puissances impérialistes au sein de l’Otan acculent les peuples du monde à choisir: veulent-ils devenir leurs protectorats résignés ou veulent-ils être bombardés et anéantis ? Les grandes puissances impérialistes bombardent des hôpitaux et des usines. Elles assassinent et mettent en fuite des centaines de milliers de personnes.
L’impérialisme allemand est le principal responsable de cette guerre contre la Yougoslavie. L’Allemagne a attisé les conflits de nationalité et, durant l’été 1991, elle a fait pression sur les Etats de l’Union européenne pour qu’ils reconnaissent les mini-Etats de Slovénie et de Croatie. De ce fait, le conflit cessait d’être un problème politique interne de la Yougoslavie, et une intervention internationale était désormais possible. Et toute expansion allemande impunie vers l’Europe de l’est et du sud-est ouvre la voie à une autre ‘marche vers l’est’, l’ancien slogan nazi. C’est le gouvernement allemand, l’appareil militaire allemand et les services secrets allemands qui ont créé, financé et entraîné le groupe terroriste albanais de l’UCK. La guerre contre la Yougoslavie le démontre : l’impérialisme allemand n’est pas un impérialisme comme tous les autres. Aucun impérialisme n’est en mesure de pousser l’Europe à une confrontation au niveau mondial avec les Etats-Unis, à part l’Allemagne, parce que précisément, par ses tentatives de confrontation, elle est en train de construire une Europe sous domination allemande.

Ultérieurement, la guerre cruelle contre la Yougoslavie entraînera une guerre plus terrible encore.

Aujourd’hui, l’impérialisme allemand mène encore sa guerre contre la Yougoslavie dans le cadre de l’alliance de l’Otan. Mais la presse allemande demande déjà: pourquoi ? Et elle répond : grâce au démantèlement de l’Union soviétique, l’Otan est délivrée de son adversaire initial. Qu’est-ce qui soutient encore l’Otan ? C’est l’intérêt commun des impérialistes à imposer à d’autres pays leurs objectifs de guerre. Mais que se passera-t-il si ces objectifs guerriers communs disparaissent à leur tour? Ce sera alors la guerre des impérialistes entre eux. C’est ce qu’on appelle la ‘voie spéciale allemande’. Aujourd’hui déjà, il y a parmi la bourgeoisie monopoliste allemande, principalement dans la CDU et la CSU, d’influents députés qui refusent l’engagement de troupes au sol en Yougoslavie. L’Allemagne, disent-ils, ne doit pas être entraînée une nouvelle fois dans une guerre. Faisons-le plutôt sans cette camisole de force des alliances dominées par les Etats-Unis. Ce refus d’une participation allemande à la guerre contre la Yougoslavie est aussi dangereux que son approbation.

7. Le gouvernement Schröder, dirigé par les sociaux-démocrates, installé au pouvoir après les élections de septembre 1998, reprend à son compte la politique de guerre du gouvernement réactionnaire de Kohl et la poursuit à un niveau plus élevé. Ce changement de gouvernement n’a pas facilité la lutte de classe ni pour le prolétariat allemand ni pour le prolétariat international. La nécessité d’une lutte commune des peuples d’Europe contre l’impérialisme allemand se fait de plus en plus grande. En Europe, c’est l’impérialisme allemand qui annexe des pays, qui attise des guerres, déstabilise des économies, déplace des frontières, soumet des régions et impose son hégémonie. C’est le fait d’un gouvernement que de vastes pans de la classe ouvrière de RFA considèrent encore comme ‘le leur’ et qui est constamment sous pression pour démontrer à la bourgeoisie sa capacité de gouverner. Voilà qui ne réduit certes pas le danger de guerre, mais au contraire l’intensifie. La social-démocratie, c’est une tentative de la bourgeoisie de soumettre entièrement la classe ouvrière à ses plans de conquête mondiale par des moyens ‘pacifiques’, idéologiques, et non par des moyens terroristes ouverts. Si la social-démocratie ne remplit pas cette mission, la bourgeoisie la fustigera et l’écartera des affaires gouvernementales. Si au contraire elle remplit bien son rôle, la bourgeoisie la fustigera tout autant, pour la même raison, parce que c’est exactement cela qu’elle doit faire pour la bourgeoisie.

8. La majorité des travailleurs de RFA est passée du côté de la bourgeoisie. Pour les communistes, c’est une lutte longue, dure et difficile que de faire se dresser les travailleurs de notre pays contre la guerre. Notre tâche est de répéter sans cesse, d’expliquer concrètement quels grands intérêts secrets ont engendré la guerre, comment les choses se sont passées durant les dernières guerres et pourquoi il ne pouvait pas en être autrement. Dans chaque lutte de classes quotidienne, nous devons le révéler: la vie ne commence que quand la lutte contre la guerre — c’est-à-dire la lutte des travailleurs contre l’ennemi principal dans notre propre pays — a commencé.

Les communistes n’ont jamais rechigné face à cette lutte.

La guerre en Europe ne finira que quand les travailleurs enverront au diable les capitalistes de leur pays, contraignant ainsi les impérialistes à faire la paix avec le prolétariat triomphant. Seuls les travailleurs ont pu mettre fin à la première boucherie de ce siècle. Ce sont les travailleurs russes qui ont renversé leurs fauteurs de guerre tsaristes et ont instauré la paix prolétarienne grâce au socialisme. Ce sont les travailleurs serbes et albanais qui ont libéré la Yougoslavie — et pas seulement de la Yougoslavie — du fascisme hitlérien ravageur. Et au lieu du fascisme, ils ont construit une démocratie populaire pour une cohabitation pacifique des peuples. C’est aussi pour cela que les réactionnaires ont une telle haine à l’encontre du peuple yougoslave. Et si nous, Allemands de l’Ouest, avons eu le bonheur d’être libéré du fascisme, c’est grâce à la victoire décisive sur le fascisme. Une victoire qui, au prix de plus de 20 millions de victimes parmi la classe ouvrière révolutionnaire et triomphante de l’Union soviétique, a instauré la paix en Europe pour plusieurs décennies et qui a créé une République Démocratique Allemande où 16 millions de personnes ont vécu, libres des fauteurs de guerre allemands.

Soulignons aussi — et c’est un des vestiges de l’existence de la RDA — que la majorité de la population sur le territoire de l’ancienne Allemagne de l’Est est aujourd’hui opposée à la guerre de la RFA contre la Yougoslavie.
Ils n’étaient pas nombreux, ceux qui, au début, ont hissé haut le drapeau. Il y avait par exemple Karl Liebknecht, cofondateur du Parti Communiste d’Allemagne (KPD), qui, le 1er mai 1915, a refusé les crédits de guerre au parlement de Berlin en s’écriant ‘Non à la guerre ! Non à l’impérialisme allemand !’, indiquant ainsi une issue à la guerre meurtrière entre les peuples.

Sans cet appel de 1915, la Révolution allemande de 1918 n’aurait jamais eu lieu.

 

 

La stratégie militaire de l’impérialisme japonais

Ligue communiste du Japon, 4 mars 1999, EM n°46

Contrairement à l'impérialisme américain, l'impérialisme japonais a rarement révélé ou discuté en public sa stratégie militaire et, même s'il l'a fait en de très rares occasions, les révélations qu'il a pu livrer étaient suffisamment vagues pour masquer ses intentions réelles. C'est dû au fait que la bourgeoisie japonaise s'est toujours méfiée des regards et de la critique des peuples asiatiques qui ont subi l'invasion de l'armée impériale japonaise au cours de la Seconde Guerre mondiale et qui représentent aujourd'hui des marchés d'une importance vitale pour le capital japonais. En outre, elle y est contrainte par l'actuelle Constitution du Japon. Et de plus, durant la période de l'après-guerre, la bourgeoisie japonaise et son gouvernement ont également été contrés par le mouvement d'hostilité à la guerre dirigé par la classe ouvrière, et ils n'ont pu étaler publiquement leur propre stratégie militaire ni intégrer politiquement les classes moyennes à cette stratégie.

Tout au long de l'après-guerre, la bourgeoisie japonaise s'est ingéniée à jouer un rôle dans le cadre du parapluie nucléaire et de la stratégie militaire des Etats-Unis, lesquels s'appuient sur le Traité de Sécurité américano-japonais qui constituait en quelque sorte l'épine dorsale des politiques étrangère et militaire du Japon. La bourgeoisie japonaise s'est chargée elle-même de réaliser des études traitant des alternatives stratégiques, tant politiques que militaires, mais sans la moindre chance de pouvoir les publier en raison de la réalité des circonstances politiques et de son propre pouvoir de décision sur le plan militaire. Toutefois, la bourgeoisie japonaise a récemment décidé de dévoiler ses ambitions militaires à ce nouveau stade de la compétition entre impérialistes qu'est la ‘mondialisation’.
L'exposé suivant est destiné à faire comprendre aux camarades à l'étranger quelle est la stratégie politico-militaire de la bourgeoisie financière monopoliste du Japon, et comment le parti communiste d'avant-garde et le prolétariat révolutionnaire devraient la combattre.

Tendances de base du capitalisme mondial et la position de l’impérialisme japonais

La base économique de la ‘mondialisation’ réside dans les capitaux financiers monopolistes multinationaux dont le pouvoir productif à débordé du simple cadre de l'économie nationale conventionnelle. Leurs exigences sont représentées politiquement par les impérialistes qui essaient d'abaisser les frontières nationales et les réglementations imposées à la circulation des capitaux. Dans ce processus, le capitalisme a accepté la socialisation de la production au travers des frontières, et ceci a préparé une base matérielle à la société socialiste. Par conséquent, l'impérialisme, en tant que stade suprême du capitalisme, constitue également un tremplin à la révolution socialiste. Par ailleurs, la bourgeoisie a besoin d'un Etat national qui soit l'outil de sa domination de classe. Elle ne se débarrassera jamais de cet outil qui lui permet d'opprimer les luttes de classes prenant de l'ampleur ainsi que les luttes révolutionnaires menées en ces temps de mondialisation. Bien au contraire, elle compte bien consolider davantage encore cet outil.
Les exigences des impérialistes en matière de suppression des frontières des économies nationales, qui vont de pair avec la nécessité pour les Etats nationaux de maintenir leur domination de classe, les a poussés progressivement à instaurer des zones économiques régionales. En Europe, l'Union européenne s'est forgée une monnaie commune, l'Euro, alors qu'en Amérique du Nord se constituait l’ALENA, (Accord de Libre Echange Nord-Américain). En Asie, cette volonté s'est traduite par la formation de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) et cette dernière œuvre également à la création d'une monnaie régionale commune.

Dans le contexte de ces développements, la loi du développement inégal du capitalisme entre elle aussi en ligne de compte. La compétition inter-impérialistes s'intensifie entre l'impérialisme américain, qui est demeuré la puissance dominante, même après sa première dégringolade survenue dans les années 70, l'impérialisme de l'Union européenne dirigé par l'Allemagne, et l'impérialisme japonais. Le combat que se livrent ces trois grandes puissances impérialistes en vue d'accéder à l'hégémonie mondiale se déroule selon des initiatives visant à constituer une zone économique régionale de même qu'un système sécuritaire destiné à la protéger. Dans de telles circonstances, la bourgeoisie financière monopoliste du Japon est forcée de consolider son contrôle économique, politique et militaire sur la région Asie-Pacifique, où elle maintient la principale concentration de ses intérêts économiques. Sa stratégie à long terme sur le plan économique consiste à vouloir établir en Asie une zone économique dominée par le yen, afin de contrer le dollar et l'Euro. Militairement, elle définit la Chine, la Corée du Nord et les luttes populaires anti-impérialistes dans les pays d'Asie comme représentant des ‘menaces contre les intérêts japonais’. De ce fait, elle tente de contrer ces ‘menaces’ en combinaison avec l'impérialisme américain d'une part, et tente de prendre l'initiative en se forgeant un nouveau cadre de système de sécurité régional multilatéral tel que le Forum Regional de l'ASEAN (l'ARF) d'autre part.

La stratégie militaire de l’impérialisme japonais de l’après-guerre

Affublé de la spécificité d'une puissance impérialiste vaincue et aux prises avec la lutte des classes durant la période de l'après-guerre, l'impérialisme japonais a conservé quelques points faibles des plus importants, à savoir une infériorité dans sa stratégie militaire et dans ses capacités militaires. L'article 9 de l'actuelle Constitution japonaise, promulguée à l'initiative de l'impérialisme américain dans le but de réduire à néant le militarisme japonais au lendemain de la guerre, stipule la renonciation à la guerre, à l'entretien de forces armées et au droit de belligérance. Et, parmi les travailleurs et les gens qui ont vécu la défaite militaire, la misère et les bombes atomiques, il s'est développé une conscientisation profonde en même temps qu'un sentiment solidement ancré d'hostilité à l'égard de la guerre. Par ailleurs, confronté à la victoire de la Révolution chinoise et à la guerre de Corée, l'impérialisme américain a modifié sa politique étrangère en ce qui concerne le Japon. Il a érigé le Japon comme une digue contre le mouvement communiste asiatique et a conclu le Traité de Sécurité américano-japonais de 1951. Par la suite, le maintien de l'alliance américano-japonaise a constitué la base de la stratégie militaire de l'impérialisme japonais. Parallèlement, on a effacé de la Constitution la renonciation au maintien de forces armées en jouant sur son ‘interprétation’ et on a instauré des Forces d'Autodéfense (SDF - Self-Defence Forces), qui à l'époque portaient encore le nom de Force de Police de Réserve. Depuis lors, ces SDF n'ont cessé de se renforcer considérablement, bien qu'elles aient toujours dû essuyer des critiques leur reprochant d'être anticonstitutionnelles.

Au cours de la période de haute croissance économique, pendant la guerre froide, le cadre de la stratégie militaire de l'impérialisme japonais se limitait encore à la ‘défense de son territoire national’, au sein de l'alliance sécuritaire américano-japonaise dirigée par la stratégie américaine, contre le ‘principal ennemi potentiel’, c'est-à-dire l'Union soviétique. En d'autres termes, cela signifie toutefois que si l'impérialisme japonais définissait une stratégie mondiale, il ne le faisait certainement pas indépendamment, ni de son propre chef. Sous le parapluie nucléaire américain, il avait pour but le ‘pacifisme dans un seul pays’ et consacrait le plus clair de ses efforts à encourager un développement économique basé principalement sur le commerce extérieur: importations de ressources naturelles et exportation de produits finis, ce qui fut condamné plus tard par les Etats-Unis comme étant ‘une entorse sur le plan de la sécurité’.
En résumé, l'ambition de la bourgeoisie japonaise d'établir une stratégie mondiale qui lui soit propre fut contrecarrée par le statut avantageux et prépondérant des Etats-Unis, d'une part; et par la Constitution ainsi que par l'émergence au sein des travailleurs et du peuple d'un mouvement pacifiste hostile à la guerre, d'autre part.

Au cours de la décennie qui a suivi la période de transition des années 1970, la stratégie impérialiste japonaise a changé du tout au tout sur le plan de la politique étrangère et de la sécurité. Au début des années 1980, le premier ministre de l'époque, Nakasone, avait déclaré que l'archipel japonais devait fonctionner comme un porte-avions insubmersible. Et ainsi, le rôle crucial des Forces japonaises d'Autodéfense dans le cadre du Traité de Sécurité américano-japonais passa de l'option ‘défense uniquement’ à celle de ‘défense active’ dans le cadre d'une ‘stratégie sécuritaire totale’. Les tâches stratégiques des SDF japonaises furent organisées dans l'optique d'une mise à l'écart de l'Union soviétique via le blocus de trois détroits entourant le Japon et en assurant la défense des couloirs et voies maritimes. Et la limitation à 1% (du PNB) du budget de la défense fut abrogée. La toile de fond d'un tel changement radical dans la ligne politique de la défense japonaise fut le changement qui se produisit dans l'équilibre du pouvoir entre l'impérialisme américain et l'impérialisme japonais. Les mouvements pacifistes et hostiles à la guerre connurent un sérieux recul et le conservatisme acquit de l'ampleur même parmi les citoyens et travailleurs ordinaires. Le nationalisme chauvin en même temps que l'idéologie réactionnaire du système impérial firent l'objet d'une propagande des plus actives.

Depuis les ‘Accords Plaza’ de 1985, les firmes japonaises ont transféré leurs bases de production à l'étranger, et en particulier dans d'autres pays d'Asie. La guerre froide se termina en 1989, et après la guerre du Golfe de 1991, les SDF japonaises dépêchèrent leurs effectifs à l'étranger pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1994, la Conférence de la Table Ronde sur la Défense, constituant un comité de conseillers pour le Premier ministre, sortit un rapport à propos d'une nouvelle ligne politique de défense à adopter par le Japon après la guerre froide, lequel rapport comprenait également un examen du Programme national de Défense lancé en 1976. L'ancien sous-secrétaire de l'Agence de la Défense et l'ancien président du Conseil adjoint à l'Etat-Major des SDF se chargèrent de la constitution de ce comité. Le rapport dit que les Etats-Unis ont déjà perdu leur supériorité écrasante en termes de pouvoir national. Et il recommande que le Japon, au cours de l'époque succédant à la guerre froide, joue le rôle de bâtisseur actif de l'ordre, abandonnant cette politique passive soucieuse uniquement de la défense du territoire. En ce qui concerne ce rôle de bâtisseur actif de l'ordre, le rapport insiste sur les trois points suivants: 'Primo, la promotion d'arrangements multilatéraux de sécurité à la fois aux niveaux mondial et régional; secundo, la consolidation et le renforcement de l'alliance sécuritaire avec les Etats-Unis; tertio, le maintien d'une puissance de défense fiable et réelle reposant sur l'intensification des capacités de renseignements et de riposte rapide.'

Les arrangements sécuritaires multilatéraux mentionnés dans ce même rapport concernent divers corps de sécurité, de même que les échanges de vue et lignes de conduite formulés via les Nations Unies et le Forum Régional de l'ASEAN (ARF). Il convient de faire remarquer que ce rapport de 1994 insiste davantage sur les arrangements multilatéraux en matière de sécurité que sur l'alliance avec les Etats-Unis, qui passe au second plan, afin de rendre plus efficace les mesures de sécurité multilatérale. En ce sens, ce rapport peut être considéré comme une manifestation du plan ambitieux du capital financier monopoliste japonais en vue de renforcer l'indépendance des SDF vis-à-vis des forces américaines. Les Etats-Unis ont réagi immédiatement à la formulation de la nouvelle ligne de conduite japonaise en matière de sécurité. Dans les années 1990, de hauts fonctionnaires américains du Pentagone ont émis un tas de remarques et de mises en garde à propos de l'élaboration des structures militaires du Japon. En février 1990, le secrétaire américain à la Défense déclara que le budget japonais de la défense, qui se hissait quasiment au troisième rang mondial, était déjà trop élevé et que cet accroissement de l'armée japonaise n'était nullement approprié. On peut dire à coup sûr que l'un des intérêts stratégiques des Américains dans le Traité de Sécurité signé avec le Japon est de contenir l'expansion japonaise.

Les Etats-Unis ont exercé des pressions sur le Japon afin que ce dernier accepte la prétendue redéfinition de l'AMPO (Traité de Sécurité américano-japonais) et si le gouvernement japonais a revu son Programme national de Défense, il l'a fait principalement en fonction des exigences formulées par les Etats-Unis en novembre 1995. Prenant en considération d'une part l'opinion publique au Japon même et dans les nations asiatiques et d'autre part les capacités militaires actuelles des SDF, la classe dirigeante japonaise a finalement décidé d'accepter les exigences américaines en ce qui concerne la poursuite de ses propres visées impérialistes. Le nouveau Programme national de Défense réaffirma l'importance du Traité de Sécurité avec les Etats-Unis en déclarant qu'il était indispensable, si l'on voulait maintenir la sécurité au Japon. Il mentionne également la présence de puissances militaires régionales, y compris de potentialités nucléaires, autour du Japon et la tension continuelle régnant dans la péninsule coréenne. Il suggère et mentionne ouvertement que la Chine et la Corée du Nord sont les prétendus facteurs déstabilisants dans la région Asie-Pacifique.

Le nouveau Programme définit les trois tâches principales des SDF comme suit: la défense du Japon; la réponse aux désastres naturels et autres; la contribution à la création d'un environnement sécuritaire. La première est le rôle traditionnel des SDF vis-à-vis d’une agression directe ou indirecte contre le territoire japonais. La troisième signifie la participation aux opérations de l'ONU en faveur du maintien de la paix, à d'autres opérations de secours international, à des négociations concernant la sécurité et le contrôle des armements. La seconde tâche, c'est-à-dire la réponse aux désastres naturels et autres, devrait être davantage développée. Les situations censées être traitées sont rangées plus loin en deux catégories. La première reprend les 'urgences provoquées par des désastres naturels ou par le terrorisme et qui requièrent la protection des vies humaines et de la propriété'. L'autre consiste en 'situations pouvant se rencontrer dans des zones entourant le Japon et qui pourraient affecter la paix et la sécurité du Japon'. Le domaine des opérations définies dans la seconde tâche aussi bien que dans la troisième ne se limite pas au seul territoire japonais. Le rôle des SDF japonaises a été considérablement élargi aux activités d'outre-mer. En outre, la définition des 'urgences provoquées par des désastres naturels ou par le terrorisme' permet aux SDF de se rendre à l'étranger non seulement en temps de guerre mais également en temps de paix, et ceci tout en faisant partie intégrante de la stratégie des LIC (Low Intensity Conflits - Conflits de faible intensité) pour, par exemple, des opérations de sauvetage de nationaux japonais outre-mer ou encore de réfugiés, des opérations anti-‘terroristes’ et la défense d'aménagements importants. En réalité, elle définit le rôle contre-insurrectionnel des SDF contre les mouvements révolutionnaires dans les pays asiatiques.

Après la guerre froide, la stratégie japonaise en matière de sécurité a progressivement accordé moins d'intérêt à la 'défense du Japon contre une agression russe' pour se muer en interventions actives dans des situations critiques régionales, y compris la péninsule coréenne et pour traiter de 'situations dans des zones entourant le Japon et qui affectent la paix et la sécurité du Japon', ce qui suggère une menace de la part de la Chine. En avril 1996, les Etats-Unis et le Japon ont émis une Déclaration commune en matière de Sécurité qui assurait le stationnement ‘en douceur’ de troupes américaines au Japon ainsi qu'un examen critique des Directives de la Coopération à la Défense de 1978 entre les Etats-Unis et le Japon. Cet examen critique des Directives fut réalisé afin de permettre aux SDF de fournir des renforts aux forces américaines, même en dehors du territoire japonais, et il a débouché sur la signature des nouvelles Directives en septembre 1997. En bref, en ce qui concerne ces nouvelles Directives, l'intention des capitalistes financiers monopolistes japonais est de consolider les potentialités des SDF et de manipuler l'opinion publique à propos du déploiement outre-mer des SDF, principalement dans le cadre de la sécurité organisée en compagnie des Américains aussi bien que dans le cadre d'autres arrangements sécuritaires multilatéraux, comme les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Le but stratégique de l'impérialisme japonais est d'une part la mise en place d'un régime militaire (ce qui impliquera des amendements à la Constitution), et d'autre part l'établissement de son hégémonie régionale par le biais de corps de sécurité multilatéraux comme le Forum Régional de l'ASEAN.

Les nouvelles directives et la consolidation des SDF

La stratégie militaire américaine a été élaborée en vue du maintien d'une structure de guerre qui soit en mesure de pouvoir mettre sur pied des conflits simultanés, à la fois dans le golfe Persique et dans la péninsule coréenne, et de pouvoir assurer une intervention militaire dans d'autres zones de la région Asie-Pacifique et ce, par souci de renforcer l'influence politique et militaire des Etats-Unis. Le but des nouvelles Directives pour la Coopération américano-japonaise à la défense est de pouvoir impliquer les SDF - dans le cadre de cette stratégie américaine - dans des opérations militaires menées conjointement avec les forces américaines à l'étranger en vue de protéger les ‘intérêts nationaux’ du Japon dans la région Asie-Pacifique. Les opérations militaires conjointes entre Etats-Unis et Japon destinées à répondre à des 'situations se présentant dans des zones entourant le Japon et qui auront une influence importante sur la paix et la sécurité du Japon' sont décrites comme suit dans les nouvelles Directives :

1.Coopération dans des activités lancées par l'un des deux gouvernements :

2. Le soutien par le Japon aux Activités des Forces armées américaines :

3. Coopération opérationnelle entre le Japon et les Etats-Unis :

Le mécanisme complet

Ce ‘mécanisme complet’ sera composé des comités / organes suivants:

Mécanisme de coordination bilatérale

Ce ‘mécanisme de coordination bilatérale’ comprendra un ‘centre de coordination bilatérale avec l'informatisation hardware et software indispensable’, ce qui signifie l'installation dans des ‘circonstances normales’ de quartiers généraux unifiés en vue d'actions militaires conjointes par les SDF et les forces américaines. Même avant la signature des nouvelles Directives, les SDF avaient préparé leurs activités militaires à l'étranger. Il s'agissait d'un interdit imposé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par l'état d'esprit d'hostilité à la guerre et par la Constitution, à la classe dominante japonaise de déployer des troupes SDF en dehors du Japon. Toutefois, elle fut en mesure de violer cet interdit pour la première fois en dépêchant des dragueurs de mines dans le Golfe en 1991. L'année suivante, la loi concernant la coopération avec les opérations de maintien de la paix de l'ONU fut promulguée et la loi concernant l'équipe de secours international d'Urgence fut révisée afin de pouvoir incorporer les SDF dans cette équipe. Et des contingents SDF se succédèrent à l'étranger, d'abord au Cambodge en 1992, ensuite au Mozambique en 1993, au Rwanda en 1994 et sur les Hauteurs du Golan en 1996.

En juillet 1997, trois transports aériens par des C-130H (Hercules) furent dépêchés en Thaïlande sous le prétexte de secourir des ressortissants japonais au Cambodge. Cette opération fut 'décidée et ordonnée en tant que volonté claire de l'Etat de secourir des Japonais à l'étranger et ce, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale'. Au point culminant de la lutte du peuple de l'Indonésie contre la dictature de Suharto en mai 1998, six C-130H et deux navires d'inspection avec à bord des hélicoptères de l'Agence de Sécurité Maritime furent envoyés à Singapour sous le même prétexte. Les SDF ont également effectué à plusieurs reprises des manœuvres rassemblant Japonais et Américains et regroupant trois services, notamment dans une opération nommée Keen Edge 94 (Fil tranchant 94) en janvier 1994. En juillet 1998, les SDF maritimes s’entraînèrent afin d'intervenir dans des 'situations régnant dans des zones entourant le Japon', telles qu'une opération de blocus en mer, l'inspection de navires et le sauvetage de civils, sous le commandement de l'US Navy lors de l'Exercice RimPac 98 effectué par six nations autour de Hawaii.
Sur le plan organisationnel, les SDF ont été renforcées en vue de la préparation d'actions conjointes avec les Forces américaines: unification de trois services, renforcement du pouvoir du président du Conseil commun d'Etat-Major en 1998, établissement d'un Commandement central des Renseignements en 1997, et nouvelle formation du Commandement de Contrôle logistique en 1998.

La lutte du prolétariat japonais

La discussion sur les projets de lois se rapportant aux nouvelles Directives a débuté à la Diète japonaise et a pour but de donner forme à l'accord du Japon. Un autre aspect important des nouvelles Directives est qu'elles confèrent à la classe dominante japonaise la possibilité de modifier le cadre politique domestique de l'après-Seconde Guerre mondiale et de constituer une nouvelle structure de guerre. La Constitution est le symbole du cadre politique de l'époque d'après-guerre. Les projets de lois relatifs aux nouvelles Directives permettraient au gouvernement japonais de mobiliser 'les autorités et les installations des agences gouvernementales centrales et locales, de même que les installations des secteurs privés'. C'est un pas vers un nouveau cadre politique de construction d'une structure de guerre, y compris l'introduction d'un système de service militaire.

Les gouvernements japonais et américain ont insisté sur la ‘suspicion d'existence d'équipements nucléaires’ et sur les critiques suscitées par le développement de missiles de la Corée du Nord afin de manipuler l'opinion publique. A l'occasion du lancement d'un satellite artificiel par la Corée du Nord en août 1998, seul le gouvernement japonais insista sur le fait qu'il s'agissait d'un missile militaire, et les deux gouvernements firent tout un battage autour de la nécessité de concrétiser le plus rapidement possible les projets de lois relatifs aux nouvelles Directives et à la recherche conjointe par les Etats-Unis et le Japon d'un Plan de Défense Général contre les Missiles. En janvier 1999, le secrétaire américain à la Défense, Cohen, s'est rendu au Japon et s'est mis d'accord avec le gouvernement japonais pour que le Japon et les Etats-Unis, en compagnie de la Corée du Sud, conjuguent leurs efforts pour prendre des mesures sécuritaires contre d'éventuelles expériences balistiques de la Corée du Nord. Les Etats-Unis ont également exercé des pressions sur la Corée du Nord afin que celle-ci accepte une inspection inconditionnelle de ses ‘équipements nucléaires’, et ce bien que le gouvernement de la Corée du Nord ait formellement nié leur existence.

Toutefois, le gouvernement japonais ne pense pas qu'il y ait la moindre possibilité réelle d'agression par la Corée du Nord. Asahi Shinbun, l'un des quatre principaux quotidiens japonais, a rapporté une remarque formulée par un haut fonctionnaire japonais qui s'était engagé dans les négociations à propos des nouvelles Directives: 'Nous ne pensons pas qu'il y aurait des mouvements militaires vers le Sud de la part de la Corée du Nord. La principale raison de faire allusion à l'urgence en Corée n'est pas qu'il y ait possibilité de conflit, mais que les réponses à la situation pourraient faire partie et constituer la base de la Coopération américano-japonaise à la Défense qui en contiendrait tous les aspects nécessaires.' Cependant, il est toujours hautement probable que les Etats-Unis puissent se livrer à une attaque contre la Corée du Nord ne serait-ce qu'en prétextant le ‘refus des inspections’, si l'on s'en réfère à ce qu'ils ont fait en Irak. Et le gouvernement japonais se hâte à faire passer les lois relatives aux nouvelles Directives afin de jouer le rôle de partenaire dans l'invasion contre la Corée du Nord.

Nous considérons les tâches suivantes comme les plus importantes pour les prolétaires japonais progressistes :

  1. Consacrer le maximum d'énergie à provoquer une levée de boucliers du peuple et des travailleurs contre les projets de lois relatifs aux nouvelles Directives et à empêcher l'invasion militaire de la Corée du Nord par l'impérialisme américain et japonais. Même si on a assisté au Japon à un sérieux recul des mouvements pacifistes et d'opposition à la guerre, nous pouvons observer des réactions et mouvements spontanés des gens et travailleurs ordinaires japonais contre la poursuite des préparatifs de déploiement de troupes SDF dans le cadre d'une agression américaine contre la Corée du Nord, contre la mobilisation d'installations civiles et de gouvernements locaux, et contre l'amendement de la Constitution. Il est plus que nécessaire de développer une combinaison de deux mouvements spontanés: ces problèmes politiques d'une part et d'autre part les exigences économiques et les luttes des travailleurs dans le cadre de l'actuelle récession à long terme que nous traversons.

  2. Elargir au plus haut degré cette prise de position des travailleurs et du peuple pour une lutte basée sur l'anti-impérialisme japonais et l'internationalisme prolétarien. Le Parti Communiste du Japon n'a cessé de dire qu'il était opposé à ce que les Japonais dépendent des Américains et à ce que les Japonais soient contraints de s'investir dans une guerre menée par les Etats-Unis. Mais cette position politique est définitivement incorrecte. Comme on l'a vu dans les nouvelles Directives, l'impérialisme japonais et son armement, qui est le troisième du monde, sont en train de se muer en ennemis directs des luttes révolutionnaires des peuples asiatiques. La tâche du prolétariat japonais doit être de combattre et de renverser l'impérialisme japonais dans une solidarité avec la lutte des peuples asiatiques. Les travailleurs progressistes japonais devraient combattre avec détermination l'attaque nationale chauvine du Japon contre le peuple coréen, attaque qui se rattache à la propagande du gouvernement japonais contre la Corée du Nord.

  3. Promouvoir la lutte conjointe internationale des travailleurs et des peuples de chaque pays asiatique et de toute la zone, contre l'impérialisme japonais et américain. Depuis 1992, nous avons concentré nos efforts sur le développement d'une lutte conjointe internationale des peuples asiatiques contre l'impérialisme. Nous avons soutenu des actions communes menées par des organisations anti-impérialistes de masse du Japon, des Philippines, de Taiwan, d'Indonésie, du Népal et de la Corée du Sud, de même que nous avons soutenu leur comité de coordination. Nous avons été à la tête de la lutte des gens d'Okinawa contre la plus importante base américaine en Extrême-Orient et avons développé une solidarité internationale entre les luttes des Coréens du Sud et des habitants d'Okinawa contre les bases américaines.

Nous aimerions exprimer notre résolution inébranlable à continuer de contribuer au développement d'une lutte commune internationale des peuples asiatiques contre l'impérialisme. Et nous lançons un appel à tous les camarades du monde entier, et en particulier aux camarades de la région Asie-Pacifique. Organisez un mouvement contre les nouvelles Directives dans vos pays ou zones respectifs. Soyez vigilants en ce qui concerne l'agression militaire par l'impérialisme japonais aussi bien que par l'impérialisme américain. Aidez-nous à développer une lutte commune internationale contre l'impérialisme !

 

 

La stratégie militaire de l’impérialisme britannique

Harpal Brar, EM n°46

 

La position économique de la Grande-Bretagne

Pour aborder le fond du sujet, il est d’abord nécessaire de faire référence, brièvement, à la position économique de la Grande-Bretagne, et cela pour deux raisons. Premièrement, la force économique d’un pays à un effet déterminant sur sa force militaire. Deuxièmement, la puissance armée d’un pays sert à sauvegarder son système et sa force économique : en effet, la politique militaire d’un pays — comme sa politique étrangère — n’est qu’une extension de sa politique économique. La Grande-Bretagne a été le premier pays à s’industrialiser. De 1848 à 1868, c’est-à-dire à partir de la défaite du mouvement chartiste — le premier parti prolétarien révolutionnaire au monde — jusqu’à l’apogée de l’empire colonial britannique et son monopole absolu sur le marché mondial, la Grande-Bretagne était décrite à juste titre comme ‘l’atelier du monde’

A partir des années 1870, la position de monopole de la Grande-Bretagne a été contestée, en particulier par l’Allemagne et les Etats-Unis. Dans le courant des années 1890, ce monopole avait disparu. Soit dit en passant, la fin du monopole britannique n’a absolument pas mis fin à tout monopole en général. Au contraire, avec la transformation du capitalisme de libre concurrence en capitalisme monopoliste, le monopole britannique a fait place à un monopole exercé par une poignée de pays capitalistes monopolistes — impérialistes — dont chacun gouvernait une zone à peine plus petite que celle régie par la Grande-Bretagne dans les années 1850. Depuis, le déclin relatif de la Grande-Bretagne par rapport aux autres pays capitalistes majeurs s’est poursuivi sans trêve. Les deux guerres mondiales ont encore accéléré ce processus.

Durant les trois dernières décennies, la main-d’œuvre industrielle a diminué de moitié (en passant de 8 à 4 millions) tandis que, dans le secteur des banques et assurances, l’emploi a presque triplé. Rien qu’entre 1979 et 1989, alors que les investissements dans les services bancaires augmentaient de 125%, les investissements dans l’industrie n’ont augmenté que de 13%. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que, durant ces dix années, l’emploi dans le secteur bancaire et financier a augmenté de plus d’un million. En 1992, la production industrielle était supérieure de 1% à celle de 1979 tandis que l’investissement industriel était inférieur à celui de 1979. Dans l’industrie, un emploi sur dix était lié à l’industrie de l’armement.

Avec une telle érosion de sa base industrielle et une si forte dépendance par rapport à l’industrie guerrière, comment l’impérialisme britannique peut-il supporter la proportion croissante de population improductive, qui ne produit pas de plus-value ? La réponse se trouve, pour l’essentiel, dans les revenus du capital et les bénéfices qui en découlent. En 1990, par exemple, les revenus que rapportait le capital investi à l’étranger étaient proches de 26 milliards, ce qui représente 26% de l’ensemble du profit réalisé en Grande-Bretagne cette année-là. Avec une proportion si élevée des profits dépendant de l’exportation de capital, on comprend pourquoi le secteur bancaire (la City) et le militarisme ont pris des dimensions monstrueuses et pourquoi la Grande-Bretagne est le plus belliqueux de tous les pays impérialistes européens.

Dans ces conditions, pour poursuivre son existence parasitaire et maintenir la condition privilégiée de la petite-bourgeoisie et de l’aristocratie ouvrière, l’impérialisme britannique doit subordonner toute politique gouvernementale aux intérêts des barons du capital financier. Chaque aventure militaire à l’étranger doit être soutenue pleinement et avec enthousiasme afin d’assurer le flot continu de la contribution des pays étrangers. Le soutien apporté par tous les partis bourgeois, y compris le parti travailliste, à la guerre génocidaire contre l’Irak n’est qu’un des innombrables exemples que l’on peut citer à ce propos. L’enthousiasme dégoûtant avec lequel tous les partis capitalistes de Grande-Bretagne soutiennent la guerre d’agression de l’Otan contre la Yougoslavie et la destruction de son infrastructure civile est bien la preuve de la subordination totale de la politique gouvernementale aux intérêts du capital financier.

Si l’impérialisme britannique est sorti très affaibli économiquement de la Seconde Guerre mondiale, la fin de la guerre a en revanche été témoin de l’ascension des Etats-Unis comme pays impérialiste le plus puissant, tant économiquement que militairement, assumant le leadership de tout le camp impérialiste dans la lutte contre l’Union soviétique et le camp socialiste. Les besoins de la reconstruction et le manque de ressources ont forcé les gouvernements britanniques successifs à abandonner peu à peu leurs illusions quant au rôle militaire indépendant de la Grande-Bretagne à l’échelle mondiale et à accepter la position de partenaire mineur de l’impérialisme US, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la belliciste Alliance atlantique. Cette position s’est reflétée dans la réduction du budget et de la puissance militaire.

Le rôle du militarisme

Ayant pris conscience du déclin de son statut, la Grande-Bretagne a diminué son budget militaire pendant plusieurs années. En particulier pendant les deux dernières décennies, le budget britannique de la défense a baissé de façon remarquable en termes réels. Cette année, il est de 22 milliards de livres, dont 9,7 milliards pour l’équipement et 8,2 milliards pour le personnel. Par rapport au PNB (produit national brut), les dépenses relatives à la défense ont diminué de moitié ces treize dernières années, passant de 5,1% à 2,8%. Pareillement, la taille des forces armées de Grande-Bretagne a presque diminué de moitié en deux décennies, passant de 347 700 en 1975 à 210 088 en 1997. De surcroît, le ministère de la Défense emploie à peu près 125 000 civils. La moitié des forces armées de la Grande-Bretagne sont stationnées à l’étranger, Irlande du Nord comprise, et mènent une guerre interminable contre les peuples opprimés.

A partir des chiffres ci-dessus, on ne doit pas conclure que la Grande-Bretagne est un pays pacifique engagé dans la poursuite d’un développement et d’une coopération pacifique. Rien n’est moins vrai. Malgré la réduction de ses dépenses consacrées à la défense, la Grande-Bretagne y a, pendant les années 70 et 80, consacré une part de son PNB plus grande que tout autre nation capitaliste, à l’exception des USA. Cela a néanmoins changé depuis 1997 car actuellement la France, avec des dépenses de défense à 3% de son PNB, y consacre un peu plus que la Grande-Bretagne.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les forces armées britanniques ont été impliquées dans 96 interventions militaires outre-mer, dont 28 au Moyen-Orient. Ce dernier chiffre n’est pas vraiment surprenant, étant donné que le Moyen-Orient est le dépositaire de 60% des réserves pétrolifères mondiales, dont dépendent la santé et la richesse fabuleuse des compagnies pétrolières et des producteurs d’armements, inextricablement liés via leurs investissements et l’imbrication de leurs directions. Dès lors, on ne s’étonnera pas de ce que la moitié des forces britanniques soient stationnées dans près de 30 pays étrangers parmi lesquels: l’Allemagne, la Turquie, le Golfe, le Koweït, l’Arabie Saoudite, Brunei, les Philippines, la Malaisie, le Belize, les Caraïbes, la Colombie, le Pérou, les Malouines, Gibraltar, Chypre et maintenant la Macédoine. A partir de ces bases stratégiques, elles sont disponibles pour une intervention à bref délai. De plus, la Grande-Bretagne est, après les USA, le second plus grand détenteur de capitaux outre-mer: la moitié des cinquante plus grandes multinationales européennes sont britanniques. La City de Londres, qui est l’une des principales places financières du monde, traite un quart des revenus de la Grande-Bretagne, soit un montant du même ordre que celui de l’industrie, dans lequel l’industrie des armes joue un rôle prépondérant. Si la classe dominante britannique veut préserver ses investissements et marchés outre-mer, le recours fréquent à sa puissance militaire ainsi que le stationnement de forces militaires britanniques à l’étranger lui sont indispensables.

La Strategic Review (Rapport stratégique), un audit des forces armées commandé par le ministère de la Défense, déclare avec une candeur admirable : 'Notre économie est fondée sur le marché international. Les exportations représentent une proportion plus élevée du PNB que pour les USA, le Japon, l’Allemagne ou la France. Nous investissons à l’étranger une part plus importante de notre revenu que n’importe quelle autre économie majeure. Nos partenaires économiques les plus proches sont l’Union européenne et les USA, mais nos investissements dans le monde en développement équivalent au total additionné de la France, de l’Allemagne et de l’Italie.' Si la Grande-Bretagne, comme toutes les autres puissances impérialistes, a besoin de projeter sa puissance militaire à l’étranger, c’est parce que c’est, finalement, le plus sûr moyen de s’assurer une ‘juste part’ des marchés intéressants et des matières premières. Marx a expliqué, il y a longtemps, l’importance de matières premières bon marché pour faire croître le taux de profit. Toutes autres conditions étant égales, le taux de profit croît et décroît de façon inversement proportionnelle au prix des matières premières. Cela montre, entre autres, l’importance pour les pays industrialisés de se procurer des matières premières à bas prix. Il s’ensuit que le commerce extérieur influence le taux de profit. Le développement de monopoles ne sert qu’à intensifier la lutte pour les matières premières. Développant l’analyse de Marx et l’appliquant à l’époque du capitalisme monopoliste, Lénine arrive à la conclusion : 'Plus le capitalisme est développé, plus il ressent fortement la carence en matières premières, plus intense est la compétition et la chasse aux sources de matières premières à travers le monde, plus désespérée est la lutte pour l’acquisition de colonies.' Pour maintenir sa position, l’impérialisme britannique n’a pas d’autre choix que d’être constamment impliqué dans une guerre contre-révolutionnaire contre les pays du tiers monde et dans la lutte contre ses rivaux impérialistes.

L'industrie et l’exportation des armements

On ne doit pas non plus conclure que l’industrie britannique de l’armement traverse des temps difficiles suite à ces développements. Malgré les restrictions budgétaires, l’industrie de l’armement est en bonne forme. Les entreprises britanniques d’armement ont répondu aux restrictions par une combinaison de rationalisations, de consolidation et d’exportations accrues. Pendant les dix dernières années, les exportations de l’industrie de la défense ont crû de façon radicale. La guerre sans fin de la Grande-Bretagne contre les pays opprimés est ravitaillée par sa puissante et lucrative industrie de l’armement. Après sa récente acquisition de Marconi, British Aerospace (BAe) est la troisième firme d’armement du monde. Avec une part de 25% du marché mondial (légal) des armes, la Grande-Bretagne est le second marchand d’armes après les USA. En 1990, les ventes outre-mer représentaient 65% du chiffre d’affaires de BAe. Parmi le ‘top 20’ des firmes industrielles britanniques, pas moins de onze sont impliquées dans l’industrie des armements.

Le budget de la Défense britannique ayant été réduit d’un tiers dans la décennie qui a suivi la chute du mur de Berlin, les producteurs d’armes dépendent encore plus des ventes à l’étranger. Dans le cas de la Grande-Bretagne, le besoin d’exporter des armes est crucial, vu l’érosion de sa base industrielle et le déficit commercial en produits manufacturés. Si le commerce de la Grande-Bretagne en produits manufacturés est déficitaire depuis plus d’une décennie, de façon significative, le commerce des armements continue d’être en surplus. Les gouvernements britanniques ont reconnu depuis longtemps l’importance et la nécessité, pour l’impérialisme britannique, d’obtenir sa ‘juste part’ du lucratif marché international des armes. C’est en tenant compte de cette nécessité que le travailliste Denis Healey, alors ministre de la Défense, a organisé la promotion des ventes d’armes. A l’époque, il a expliqué sa décision dans les termes suivants: 'Bien que le gouvernement attache la plus grande importance aux progrès dans le domaine du contrôle des armes et du désarmement, nous devons aussi prendre des mesures pratiques afin d’assurer à ce pays sa juste part de ce marché commercial profitable.' En d’autres termes, l’engagement formel, caractéristique de la bourgeoisie, quant au contrôle des armements, le désarmement et une politique étrangère éthique, va de pair avec le commerce de marchandises de mort à grande échelle, dans l’intérêt des profits du capitalisme monopoliste.

Madame Thatcher ne faisait que suivre les traces de Healey quand elle a conclu le plus grand, le plus lucratif contrat d’armement avec l’Arabie Saoudite, l’accord Al-Yamamah, qui représente encore aujourd’hui 3,1 milliards, sur les 28,1 milliards du carnet de commandes de BAe, c’est-à-dire un gigantesque 75% de ses ventes d’exportation.
Georges Robertson, ministre de la Défense travailliste, n’exagère pas quand il parle de l’industrie de défense de la Grande-Bretagne comme 'l’une des meilleures du monde: elle représente 5 milliards d’exportations par an et emploie 440 000 personnes.' Il ajoute : 'Nous devons montrer notre engagement envers elle.' D’après les chiffres de 1997, les exportations représentent 76% du chiffre d’affaires du secteur de défense et aérospatial britannique. La destination du chiffre d’affaires annuel de l’industrie des armes britanniques est le suivant: Royaume-Uni 24% ; USA 23% ; Moyen-Orient 19% ; Europe 19% ; Asie-Pacifique 11% ; autres 4%.

L’impérialisme britannique a emporté une sérieuse part du marché des ventes d’armes à l’étranger, en particulier au Moyen-Orient, à la suite de la guerre du Kippour en 1973. Accusant les USA d’armer Israël afin de priver les Palestiniens et d’autres peuples arabes de leurs droits légitimes, les producteurs arabes de pétrole, après leur réunion d’octobre 1973, ont réduit les approvisionnements. Ils ont ainsi provoqué un décuplement des prix du pétrole et une multiplication par huit de leurs propres revenus, qui sont passés de 7,2 milliards de dollars en 1972 à 57 milliards en 1977. Vers 1980, les fonds de l’OPEP se chiffraient à 350 milliards de dollars, tandis que les pays du tiers monde dépensaient 60 milliards en armement et en défense, la moitié de ces armes étant vendue à des pays du Moyen-Orient.

Les statistiques suivantes indiquent l’importance du Moyen-Orient pour l’impérialisme, non seulement comme réservoir de vastes quantités de gaz et de pétrole, mais aussi comme énorme marché pour l’armement. Rien qu’en 1984, l’Irak a dépensé 33 milliards de dollars en importations d’armes. D’après des estimations fiables, l’Irak a dépensé, entre 1980 et 1990, 80 à 100 milliards de dollars, soit au moins dix milliards de plus que la Grande-Bretagne durant la même période (69 milliards). Avant la chute du régime du Shah, près de la moitié du total des exportations d’armes des USA étaient destinées à l’Iran. Dans la décennie 73-83, les exportations d’armes US vers l’Arabie Saoudite se chiffraient à 35 milliards de dollars, 14 milliards vers l’Iran, 11 milliards vers Israël. Rien qu’en 1996, l’Arabie Saoudite a importé pour 9 milliards de dollars d’armes, soit plus que tout autre pays du Moyen-Orient, trois fois plus que l’Egypte, le second importateur de la région cette année-là. Aujourd’hui, le Moyen-Orient est la destination de 19% du chiffre d’affaires de l’industrie de l’armement britannique.

1987 a marqué l’apogée de la guerre froide dans le domaine des exportations d’armes, avec des ventes atteignant 88,5 milliards de dollars. Depuis, les ventes d’armes ont diminué de moitié et la compétition pour les commandes est donc devenue plus intense que jamais, ce qui se reflète dans la consolidation des industries de défense en Europe et aux USA. Malgré la diminution de moitié du marché d’exportation des armes, tout le monde n’a pas perdu. En 1997, tandis que la part des Etats-Unis dans les exportations d’armes passait à 45% — avec des ventes de 20,9 milliards contre 17,7 milliards en 1996 —, la Grande-Bretagne restait le deuxième exportateur d’armes — ses ventes passant de 8,2 milliards en 1996 à 8,5 milliards. La France, troisième exportateur d’armes, augmentait ses ventes de 5,9 milliards en 1996 à 7,4 milliards. Tandis que la part américaine du marché d’exportations d’armes avait crû de 7 à 45% pendant la décennie, celle de la Grande-Bretagne était passée de 4 à 15%. L’objectif de 8 milliards de dollars de ventes d’armes à l’étranger par an, fixé par le ministère de la Défense, a ainsi été plus qu’atteint. Dans cette lutte frénétique pour les marchés des marchandises de mort et de destruction, il n’y a pas de place pour des considérations humanitaires, de moralité, de conscience, d’éthique. Ce ne sont là que des bagatelles en regard de la recherche du profit maximum, qui est la seule raison d’être de l’impérialisme.

Le déclin continu de l’impérialisme britannique

La Grande-Bretagne est un pays impérialiste puissant, mais sur le déclin. Son déclin est devenu évident après la Seconde Guerre mondiale. D’autres pays impérialistes l’ont dépassée en termes de productivité et de force économique. Pour faire face à la situation, la classe dominante britannique a opté pour une ‘relation particulière’ avec l’impérialisme US d’une part, et pour une protection à tout prix de son industrie d’armements d’autre part. Le rôle de la Grande-Bretagne dans la guerre du Golfe, le maintien des sanctions contre l’Irak, les récentes frappes aériennes contre l’Irak et maintenant la guerre d’agression meurtrière contre la petite Yougoslavie sont des preuves éloquentes de ces hypothèses. Ajoutons à cela le fait que les USA constituent le principal marché d’exportation d’armements, que la Grande-Bretagne assure 40% des importations d’armes des USA, soit plus que tout autre pays européen, et que l’industrie aérospatiale et de défense britannique dépend du marché US pour 23% de son chiffre d’affaires — soit un pour cent de moins que la part du marché intérieur. On commence alors à comprendre pourquoi la Grande-Bretagne est prête à participer sans réserve à toute expédition contre-révolutionnaire organisée par l’Oncle Sam, et pourquoi les gouvernements britanniques successifs, conservateurs et travaillistes, sont toujours soucieux de rendre service aux USA dans les domaines militaire et diplomatique.

Ces paroles obséquieuses d’un laquais servile des USA jettent plus de lumière sur la relation de la Grande-Bretagne envers les USA que cent théories : 'Nous ne devons jamais oublier le rôle historique et présent des USA dans la défense des libertés économiques et politiques que nous considérons comme garanties. Laissant tout sentiment de côté, ils sont une force du bien dans le monde. On peut toujours compter sur eux dans les situations difficiles. Il devrait toujours en aller de même pour la Grande-Bretagne.' (Tony Blair)

Reste à ajouter que, loin d’être une ‘force du bien’, les impérialismes US et britanniques sont une force contre-révolutionnaire diabolique, prête à noyer dans le sang des dizaines de millions de personnes dans le monde dans le seul but de défendre les profits des entreprises impérialistes géantes de leur pays, pour le maintien du système d’exploitation de l’homme par l’homme, d’une nation par l’autre, et pour bloquer la marché en avant de l’humanité vers l’émancipation. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, 22 millions de personnes sont mortes dans des guerres, essentiellement menées ou inspirées par l’impérialisme US et britannique. Le Vietnam et la Corée à eux seuls comptent 6 millions de morts dans des guerres génocidaires menées par l’impérialisme US avec le soutien complet (et, dans le cas de la Corée, la participation active) de l’impérialisme britannique.

La Strategic Review

Il faut à présent dire quelques mots de la récente Strategic Review de défense de la Grande-Bretagne. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a eu plus d’une douzaine de Review de la défense mais, écrit le Financial Times, 'peu ont porté sur un questionnement aussi rigoureux de questions fondamentales que celle conduite par Georges Robertson, l’actuel ministre de la Défense.' Tout en reconnaissant 'qu’une forte capacité de défense est une part essentielle de la politique étrangère britannique (Tony Blair)', la Review met l’accent sur la ‘flexibilité’ et le ‘déploiement rapide’ — s’éloignant de l’attitude statique de la guerre froide. De plus, l’audit se concentre sur l’efficacité des dépenses, une sorte de plus grande productivité militaire, qui ne peut signifier que plus de morts et de destructions pour chaque franc dépensé. A présent, plus de forces armées sont engagées activement dans des opérations qu’à n’importe quel moment depuis 1945. La revue insiste sur la nécessite de ‘corps expéditionnaires’ que la Grande-Bretagne s’apprête à envoyer dans des ‘régions troublées’ à l’avenir. D’après le Financial Times du 2 février 1998, les forces britanniques sont sollicitées car la Grande-Bretagne est l’un des rares pays qui peut véritablement projeter sa puissance et s’engager dans une guerre de haute intensité. Le journal ajoute que 'cette capacité confère une influence, notamment à Washington, que M. Blair est peu disposé à abandonner à la légère.'

Comme la Strategic Review du gouvernement cherche à rendre les forces plus flexibles et plus efficaces du point de vue des coûts, une grande priorité est donnée à les rendre plus ‘pourpres’ — c’est le mot utilisé pour décrire le mélange des couleurs des trois corps d’armée, la marine, la force aérienne et l’infanterie. Les officiels et les responsables militaires considèrent qu’une plus grande collaboration est essentielle, étant donné que la Grande-Bretagne s’attend à déployer des forces expéditionnaires polyvalentes qui s’intègrent facilement dans celles des alliés impérialistes, en particulier les USA. Il faut davantage d’entraînement commun, d’intégration de la logistique dans les trois corps, de mobilité et de flexibilité. Sur cette base, il faut augmenter les ressources disponibles pour la force commune de déploiement rapide, dont certaines parties doivent être prêtes à se déplacer vers des régions troublées en moins de 24 heures. Depuis 1996, les forces britanniques ont été disponibles pour un déploiement rapide dans deux opérations contre l’Irak, deux en Albanie et deux au Zaïre.

Le rôle de l’aviation, avec sa capacité bien démontrée d’afficher une force globale même quand l’utilisation de bases locales est refusée, doit être renforcé. Deux nouveaux porte-avions, de 4 milliards de livres chacun, et de deux fois la taille des porte-avions actuels, doivent être construits et déployés sur une échelle globale, prêts à l’action. La revue du parti travailliste se base sur les hypothèses suivantes, dont la dernière est de moins en moins valide, comme nous le verrons bientôt, étant donné le cours des événements dans l’Union européenne. Tout d’abord, aucune puissance ne menace la Grande-Bretagne ou l’Otan dans le courant des 10 prochaines années. Ensuite, la Grande-Bretagne doit avoir la capacité militaire de combattre sur deux fronts à la fois si elle veut maintenir sa position globale. Enfin, la Grande-Bretagne achètera l’Eurofighter et, le statut de la Grande-Bretagne comme puissance nucléaire étant sacro-saint, les quatre missiles nucléaires tridents, chacun armé de 48 têtes nucléaires, étaient exclus de l’audit car ils garantissent la prétention de l’impérialisme britannique à 'son rôle historique comme acteur global' (Tony Blair). 'Rien n’est sacré, écrit le Financial Times, si ce n’est deux faits: la Grande-Bretagne maintiendra sa force de dissuasion nucléaire, abritée dans les sous-marins Trident, et achètera l’Eurofighter.'

Il y a encore une autre hypothèse, que nous aborderons dans un moment. Comme il fallait s’y attendre, l’audit parle hypocritement de ‘missions humanitaires et de maintien de la paix’ — des euphémismes pour désigner les attaques de missiles sur l’Irak, le Soudan et la Yougoslavie, et l’agression et le pillage d’autres pays. Et cette machine militaire mercenaire et meurtrière est appelée ‘force du bien’ au service d’une ‘politique étrangère éthique’. Aucun euphémisme, aucune assertion hypocrite, ne peut cacher cette simple réalité que le capitalisme monopoliste 'est, en vertu de ses traits fondamentaux, caractérisé par un amour minimum de la paix et de la liberté, et par un maximum et universel développement du militarisme.'1 Rien ne peut non plus dissimuler que l’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles qui introduisent partout la lutte pour la domination, et non pour la liberté. Quel que soit le système politique, le résultat de ces tendances est, partout, la réaction et une intensification extrême des antagonismes. Le joug de l’oppression nationale en particulier va s’intensifier.

La sécurité européenne commune

Avant de traiter la question du rôle particulier de la Grande-Bretagne dans l’Otan et les contradictions politiques et militaires entre celle-ci et l’Allemagne, il est nécessaire de faire référence à la quatrième hypothèse qui sous-tend la revue stratégique de la défense britannique et de présenter un bref aperçu de certains développements récents.
La dernière hypothèse du rapport est qu’il n’y aura pas de défense européenne intégrée au-delà d’une ‘Identité européenne de défense et de sécurité’ efficace au sein de l’Otan, à travers l’Union de l’Europe occidentale (UEO). Cette hypothèse est le prolongement d’une vieille politique. Les gouvernements britanniques successifs ont insidieusement entravé la marche vers une politique européenne commune en matière d’affaires extérieures et de sécurité, qui pourrait aboutir à l’établissement d’une entité européenne de défense indépendante. La raison de cette opposition est qu’elle serait une rivale de l’Otan et, de ce fait, inamicale envers la relation particulière entre les impérialismes britannique et américain. Cependant, la Grande-Bretagne rencontre de plus en plus de difficultés pour maintenir cette position face à la détermination des membres dominants de l’Union européenne — en particulier la France et l’Allemagne — de promouvoir leurs plans pour une politique européenne commune relatifs aux affaires étrangères et à la sécurité.

En dépit de sévères restrictions depuis la chute du mur de Berlin, les dépenses européennes en matière de défense sont significatives. Elles se chiffrent à 60% du budget américain de la Défense. Mais ces énormes dépenses ne coïncident pas avec le niveau de force militaire qu’elles engendrent. Dès lors, l’Europe est déterminée à obtenir plus pour son argent. La Grande-Bretagne s’est finalement convertie à cette opinion. Tony Blair a abandonné la vieille opposition de la Grande-Bretagne à une politique européenne de défense commune, ouvrant ainsi la voie à l’accord de Saint-Malo de décembre dernier entre la France et la Grande-Bretagne sur la coopération en matière de défense. D’après la déclaration de Saint-Malo, l’Union européenne doit avoir une capacité d’action autonome soutenue par des forces militaires crédibles, les moyens de décider de son usage et l’aptitude de le faire afin de répondre à des crises internationales. Bref, la bourgeoisie européenne se prépare à mener ce que Delors a appelé la ‘guerre pour les ressources du XXIe siècle’, c’est-à-dire un combat pour un nouveau partage du monde, soutenu par des forces armées crédibles en mesure de rivaliser avec celles de tout autre bloc impérialiste.

Depuis l’effondrement de l’URSS et des pays socialistes d’Europe de l’Est, une zone énorme, avec de vastes richesses minérales et une force de travail hautement qualifiée, est soudainement à disposition et aiguise l’appétit des différents blocs et puissances impérialistes. Ils salivent tous, sans exception, à la perspective de s’emparer de la partie la plus grande et juteuse de ce fabuleux butin. Et, en dépit des déclarations des ministres des Affaires étrangères et des chefs d’Etat et de gouvernement des différents pays impérialistes sur la parfaite harmonie et la totale unanimité qui prévaudrait parmi eux, ces questions ne peuvent finalement pas être réglées pacifiquement. Le fait est que les puissances impérialistes, formellement alliés dans l’alliance Otan, sont divisées fondamentalement, car elles ont des intérêts opposés. Elles sont à la fois alliées et ennemies. Elles ne peuvent s’empêcher de se chamailler, tout comme, dans une place boursière, des capitalistes ne peuvent s’empêcher de faire un rapide profit aux dépens les uns des autres, ou que des voleurs ne peuvent s’empêcher de se battre entre eux pour leur butin. Comme dit Lénine, 'les puissances impérialistes ne peuvent prendre aucune position sérieuse dans n’importe quelle question politique sans se disputer entre elles.'2

La crise du Kosovo a fait apparaître les fissures — en fait des divisions profondes — au sein de l’Otan. Tout en prétendant être unies, chacune des principales puissances impérialistes —USA, Allemagne, Grande-Bretagne et France — poursuit son propre agenda particulier et essaye de vaincre ses rivaux. Une guerre à l’intérieur de la guerre se déroule, non seulement pour le partage des Balkans, mais aussi pour le partage et la domination d’une vaste région dotée d’une richesse fabuleuse en pétrole, gaz et autres minéraux, qui s’étend du Moyen-Orient aux rives de la mer Caspienne et de la mer Noire. C’est le combat à mort des puissances impérialistes pour les richesses de cette vaste région, et non un quelconque souci humanitaire envers les Kosovars, qui fournit la clef pour comprendre les raisons du carnage perpétré en Yougoslavie par l’alliance néo-nazie de l’Otan.

Puisque ces questions ne sont pas réglées de façon courtoise et pacifique autour d’un verre, chaque camp doit construire une force crédible pour se confronter à l’autre. D’où la déclaration de Saint-Malo, d’où la déclaration qui a clôturé le 73e sommet franco-allemand à Toulouse, le 29 mai 1999. Au sommet de l’Otan en avril dernier, les membres européens de l’Alliance sont parvenus à faire inscrire dans le concept stratégique de l’Otan l’idée d’une initiative de défense européenne. La déclaration franco-allemande de Toulouse va encore beaucoup plus loin. L’Allemagne et la France y proclament 'leur détermination de contribuer de tout leur poids à ce que l’Union européenne s’équipe des moyens autonomes nécessaires pour gérer des crises internationales. En d’autres termes, les signataires de la déclaration s’engagent à peser de tout leur poids pour que l’Europe acquière les moyens militaires nécessaires pour faire face à des crises internationales sans intervention directe des USA. Les événements du Kosovo, dit le Financial Times du 31 mai 1999, 'ont convaincu les Français que l’Europe doit maintenant s’engager à agir indépendamment des USA puisque l’UE a un ensemble de priorités de plus en plus différentes de celles de Washington.'

Suite à l’entrée en vigueur, le 1er juin 1999, du traité d’Amsterdam qui a créé le poste de Haut Représentant — le premier poste suprême en politique étrangère de l’Union européenne — le sommet européen de Cologne, qui s’est tenu la première semaine de juin, a désigné à ce poste le social-démocrate espagnol Javier Solana. Il possède d’impeccables références pour ce travail dégoûtant. En tant que secrétaire général de la belliciste et néo-nazie Otan, il a supervisé l’extension de cette organisation vers l’est, jusqu’aux frontières de la Russie, et a présidé à la guerre génocidaire d’agression de l’Otan contre la petite Yougoslavie. Le travail de Solana sera d’aider à insérer l’UEO dans l’Union européenne pour la fin 2000. Il devra aussi obtenir des Etats de l’Union européenne qu’ils renforcent leurs efforts de défense dans les domaines du renseignement, du transport militaire, du contrôle et du commandement, domaines dans lesquels, comme l’a montré la guerre contre la Yougoslavie, l’Europe est dépendante des USA.

Les conditions et les obstacles d’une politique de sécurité européenne commune

Sans aucun doute, l’Union européenne fait face à des difficultés énormes dans la poursuite de l’entreprise dans laquelle elle s’est engagée. D’abord, il y a tous les membres de l’Union européenne qui ne sont pas membres de l’Otan ni même de l’UEO. Alors que la Turquie, membre loyal — pour ne pas dire servile — de l’Otan et de l’UEO mais non-membre de l’Union européenne, resterait à l’écart, des pays neutres comme l’Autriche (qui a refusé l’accès de son espace aérien aux avions de l’Otan), la Suède, l’Irlande et la Finlande, membres de l’Union européenne, pourront exercer un droit de veto effectif sur la politique de sécurité européenne.

En outre, alors qu’elle s’est fixé l’objectif de créer une identité de défense indépendante, elle doit, dans l’immédiat tout au moins, prétendre que ses efforts en ce sens n’ont pas du tout pour intention d’affaiblir l’Otan. En effet, les dirigeants européens sont pleinement conscients de ce que, durant la dernière guerre des Balkans, c’est la puissance militaire américaine qui a dominé la campagne, que ce sont les bombardiers US B-2 qui ont fait tout le chemin depuis le Missouri pour décharger leur cargaison mortelle de bombes intelligentes sur des cibles yougoslaves, que seuls les USA possèdent des bombes guidées par satellite, des avions de reconnaissance et autres armes sophistiquées, et que seuls les USA peuvent lancer des missiles Cruise, à l’exception de la Royal Navy britannique, dont les quelques missiles sont fabriqués et chargés aux USA. Dès lors, ce n’est pas le moment d’énerver les USA. Précisément pour cette raison cependant, la crise du Kosovo a donné un caractère urgent à la question de la défense commune en soulignant combien les Etats membres de l’Union européenne dépendent collectivement des USA pour les technologies de défense sophistiquées, pour les tâches de contrôle et de commandement, et pour ce que les généraux appellent la ‘force stratégique’.

'Le Kosovo a réécrit les règles de la sécurité occidentale et les gouvernements doivent avoir la volonté politique de faire face à cette situation', écrit le journaliste réactionnaire Philip Stephens dans le Financial Times du 21 mai 1999. Il critique l’Union européenne de ne pas reconnaître que les USA 'n’ont plus la volonté de jouer le rôle de la puissance dominante du continent'. En langage clair, cela revient à dire que la vieille unité étalée par le bloc impérialiste occidental dans son ensemble face à la puissante URSS a fait place, depuis l’effondrement du bloc de l’Est, 'à des tensions visibles dans la relation atlantique'. Ainsi, l’Europe doit 'restructurer ses forces armées et réclamer une part significative des dividendes de la paix', c’est-à-dire une augmentation des dépenses de défense.
Georges Robertson, le belliciste ministre de la Défense britannique, approuve. Le conflit au Kosovo, dit-il, a rendu 'extrêmement évident' le fait qu’il faut obligatoirement accroître l’impact de l’Europe.

Bien qu’il ne soit pas nécessairement à la hauteur des USA dans le domaine des armes intelligentes, le projet de défense européen nécessite l’augmentation des dépenses de recherches afin de permettre à l’Europe de produire un équipement technologiquement sophistiqué, du type de celui que possèdent les forces armées américaines. Cela signifie acquérir des armes qui permettront à l’aviation européenne d’atteindre des cibles à longue distance, acquérir des capacités de recherche et de secours pour sauver des pilotes après un crash et accroître le nombre d’avions de transport. Pour renforcer sa capacité, l’Europe devrait dépenser plus dans la défense, en particulier dans la recherche, pour laquelle l’Europe dépense 10 milliards de dollars par an (contre 36 milliards aux USA). Des dépenses substantiellement accrues étant improbables du fait de l’opposition du public, il y a trois autres options possibles. Premièrement, une dépense plus intelligente des budgets existants. A ce propos, les ministres de la défense de l’Europe étudient attentivement la Revue Stratégique de Défense de la Grande-Bretagne, qui insiste sur le déploiement de forces flexibles aux équipements appropriés. Deuxièmement, la collaboration au-delà des frontières nationales sur les projets de défense, qui sera un test majeur vu la longue liste d’efforts avortés de collaborations à l’échelle européenne. Tout en proclamant son attachement à une politique de défense commune, la Grande-Bretagne s’est retirée du projet Horizon, un projet de construction de frégates impliquant trois nations et des investissements de 7 milliards de livres. Troisièmement, l’Europe pourrait s’engager dans la restructuration de son industrie de la défense afin d’obtenir un meilleur profit de ses investissements: 'Si nous voulons avoir plus de poids en tant que continent, dit Robertson, nous devrons nous attaquer à nos surcapacités.'

Les raisons de la rationalisation de l’industrie de défense européenne

La nécessité d’une rationalisation et d’une restructuration de l’industrie de défense européenne apparaît d’autant plus clairement que l’Union européenne possède un nombre très important d’industries d’armements, alors que ses dépenses militaires combinées se chiffrent à 60% de celles des USA. Par exemple, alors que l’Europe compte douze producteurs de missiles, les USA n’en ont que trois. La réponse est de consolider, de réduire la taille de ces entreprises par les privatisations et les licenciements massifs et de créer deux ou trois (si possible un seul) producteurs géants européens. Ceux-ci devraient être capables de fournir aux forces armées européennes des armes sophistiquées capables de rivaliser avec celles des USA, mais aussi de concurrencer les géants américains, Boeing, Lockheed Martin et Raytheon sur les marchés européens, américains et internationaux. Les difficultés immenses sur la voie d’une telle restructuration sont clairement apparues dans les circonstances qui ont entouré en janvier de cette année l’acquisition par British Aerospace (BAe) de la firme Marconi pour 8 milliards de livres, un marché qui, d’un seul coup, a fait de BAe la troisième compagnie mondiale de défense, et qui 'a laissé abasourdis le gouvernement britannique et les rivaux français et allemands.'3

Jusqu’alors, on s’attendait à ce que BAe fusionne avec la firme allemande DASA. Le PDG de BAe, Sir Richard Evans, était 'déterminé à ce que ni Thomson (France) ni Lockheed (USA) ne s’empare ce butin. La direction de BAe a alors décidé 'de mettre son meilleur atout en jeu' et a envoyé une offre de 8 milliards de livres à Marconi, convaincu que 'dans le jeu complexe et multidimensionnel de la restructuration de l’industrie de défense européenne, le premier à bouger capturerait les meilleures proies et les retardataires seraient marginalisés.'4 Cette même convoitise constitue un obstacle majeur à la création du complexe militaro-industriel européen, la future compagnie aérospatiale et de défense européenne, qui fournira la future force européenne en armes sophistiquées. Le combat sans pitié pour le contrôle et la domination du complexe militaro-industriel européen s’est intensifié dramatiquement depuis l’acquisition de Marconi par BAe, qui a rendu BAe trois fois plus grande que n’importe quelle autre compagnie de défense européenne. BAe a maintenant un pied dans une vaste gamme de partenariat avec des firmes européennes, Airbus, Eurofighter, des missiles, des sonars, des firmes spatiales. Elle est bien présente aux USA où elle dispose d’une impressionnante main-d’œuvre de 18 500 salariés. Elle possède 35% de la firme suédoise Saab. En fait, grâce à sa dernière acquisition, BAe deviendra une compagnie à grande échelle pour des projets de défense aériens, terrestres et navals, si bien qu’elle ne peut plus être décrite uniquement comme une compagnie aérospatiale.
Si l’acquisition de Marconi n’est pas bloquée par les législateurs — et il est très improbable qu’elle le soit — BAe deviendra une force formidable sur le marché global de la défense. Un développement que l’impérialisme US n’apprécie pas trop: il s’alarme à l’idée que la restructuration de l’industrie de défense européenne pourrait mettre en avant un petit nombre de groupes importants, comme BAe, qui seraient de taille à rivaliser avec les plus grandes compagnies de défense américaines.

L’impérialisme allemand avait espéré dominer le lucratif marché des armements à travers la fusion planifiée de DASA avec BAe, en prélude à une fusion encore plus importante, pour créer un complexe militaro-indusriel dominé par l’Allemagne. Au lieu de cela, DASA a été mis de côté par BAe. Il ne faut dès lors pas s’étonner que DASA soit furieux.

Sans aucun doute, la stratégie de BAe a retardé de façon significative, du moins pour le moment, le processus de restructuration de l’industrie de défense européenne. Le temps dira si les grandes compagnies de défense européennes recherchent, en plus des fusions nationales, des partenaires au-delà de l’Atlantique. Néanmoins, malgré le revers causé par la fusion BAe-Marconi, la restructuration de l’industrie de défense européenne se met en place, bien qu’à un rythme plus lent. Le 11 juin, DASA a absorbé le groupe aérospatial espagnol CASA, un marché qui pourrait ouvrir la voie à la réforme du consortium Airbus en une seule entreprise, une idée que BAe et DASA promeuvent depuis un certain temps. CASA absorbée, Matra-Aerospatiale ayant récemment été privatisée, la perspective pour Airbus d’être transformée en une seule compagnie, avec une structure de management centralisé, semble meilleure que jamais. Dès lors, 'bien que les sensibilités nationales et une sévère complexité entravent la progression d’une profonde restructuration, le dernier marché (CASA-DASA) montre que la transformation de cette industrie surpeuplée s’effectue peu à peu', observe Alexander Nicholl dans le Financial Times.5

Trois ou quatre groupes de défense ou aérospatiaux importants émergent en Europe, au lieu de la compagnie unique dont on parlait il y a à peine sept mois. Les dirigeants d’industrie et les analystes ne croient pas que ce nombre soit supportable. Avec l’élimination de CASA, 'la prochaine bataille concernera la section aérospatiale de Finmeccanica en Italie. BAe, DASA et Thomson cherchant tous un marché avec sa filiale Alenia, Alberta Lina, PDG de Finmeccanica, pourrait être l’homme le plus courtisé du Salon Aérien du Bourget.'6 Les restructurations ultérieures concerneront certainement les deux principales compagnies de défense françaises, Aérospatiale Matra et Thomson-CSF. Après l’échec de sa fusion avec Marconi l’an passé, cette dernière est considérée comme candidate à une fusion avec une autre compagnie européenne, voire américaine. Le résultat influencera la forme et l’orientation de l’industrie de défense européenne, ainsi que sa relation avec les géants américains de la défense.

Sur le marché encombré des marchandises de mort, une guerre totale a lieu en Europe, et entre l’Europe et les USA, pour une place au soleil. Comme dit le Financial Times, 'le premier à bouger capturera les meilleures proies et les retardataires risquent d’être marginalisés.' Nous pouvons en être sûrs: afin d’être les premiers à la table du banquet, chacune des parties en présence utilisera sans le moindre scrupule tous les trucs, tous les subterfuges, toutes les ruses et chicaneries possibles.

Ce qui se passe dans l’industrie de la défense n’est qu’une illustration spécifique de l’observation suivante faite par Lénine il y a plus de quatre-vingts ans: 'Les associations capitalistes monopolistes se sont d’abord partagé le marché national et possèdent plus ou moins complètement l’industrie de leur propre pays. Mais sous le capitalisme le marché national est inévitablement lié au marché extérieur. Le capitalisme a créé, il y a longtemps, le marché mondial. Comme l’exportation de capital s’accroît, et que les relations extérieures et coloniales, sous la forme de sphères d’influence des grandes associations monopolistes, se sont étendues à tous les points de vue, les choses ont naturellement conduit à un accord international entre ces associations, et ont la formation de cartels internationaux.'7
Cependant, la division du monde entre deux ou trois monopoles géants n’empêche nullement un repartage, si les rapports de forces se modifient à la suite d’un développement inégal, d’une guerre ou d’une faillite. Cette internationalisation (ou globalisation, dans la terminologie actuelle) du capital, loin d’apporter la paix dans les conditions du capitalisme, sert uniquement à préparer le terrain pour une lutte impitoyable (aujourd’hui pacifique, demain guerrière) entre les groupes capitalistes monopolistes — et les Etats capitalistes — pour la division du monde.

Comme dit Lénine, 'les formes de la lutte peuvent et doivent constamment changer en fonction de causes variables, relativement spécifiques et temporaires, mais la substance de la lutte (pour la division du monde), son contenu de classe, ne peut pas réellement changer tant que les classes subsistent. Les capitalistes divisent le monde non par malice, mais parce que le degré de concentration qui a été atteint les force à adopter cette méthode pour obtenir des profits. Et ils le divisent en proportion du capital, en proportion de leur force, car il ne peut y avoir d’autres méthodes de partage sous la production de marchandises et le capitalisme. Mais la force varie avec le degré de développement économique et politique.'8

Parallèlement à certaines relations entre associations capitalistes, basées sur le partage du monde, 'certaines relations se développent entre alliances politiques, entre Etats, sur base de la division territoriale du monde, de la lutte pour les colonies, de la lutte pour les sphères d’influence.'9

La consolidation et la restructuration à l’intérieur et au-delà des frontières nationales ont lieu à une vitesse accélérée. La division et la redivision économique du monde se déroulent sous nos yeux à un pas de plus en plus rapide et certaines relations entre monopoles capitalistes se développent sur base de cette division. Parallèlement à cette division — et en connexion avec elle —, certaines relations se développent entre les Etats capitalistes, entre les USA et l’Union européenne, entre les USA et des membres individuels puissants de l’Union, entre chacun de ces blocs et le Japon, entre tous et la Russie. L’objet de la lutte qui a lieu est la division du monde, chacun des prétendants manœuvrant pour la première place au banquet impérialiste, non pas ‘par malice particulière’, mais parce que le degré extrême de concentration du capital les force à recourir à ces méthodes pour obtenir un profit maximum.
Suite à l’effondrement de l’URSS et du bloc de l’Est, les développements au sein de l’Union européenne forcent la bourgeoisie britannique à choisir entre sa relation privilégiée avec les USA, et sa relation avec ses partenaires de l’Union européenne, en particulier l’Allemagne et la France.

La crise au Kosovo n’a que renforcé l’urgence de cette question. Dans le même temps, et bien que la bourgeoisie britannique soit divisée sur cette question cruciale, les sections dominantes du capital financier britannique, représentées par la City, veulent que la Grande-Bretagne intègre la monnaie unique et joue son rôle dans la formation d’une politique européenne commune en matière extérieure et de sécurité. Le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne, le plus servile laquais du capitalisme monopoliste britannique, fait tout son possible pour en faire une réalité. D’où la déclaration de Saint-Malo et les décisions du Sommet de Cologne. Les contradictions entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne proviennent du désir de chacun de ces Etats, éventuellement avec l’assistance de la France, de dominer le complexe militaro-industriel européen, qui commence à prendre forme.

Au bout du compte, l’une d’elles doit sortir victorieuse. Dans l’éventualité d’une défaite de la Grande-Bretagne face à l’Allemagne (un pays bien plus dynamique économiquement), c’est à chacun de deviner si la bourgeoisie britannique acceptera sa défaite avec philosophie ou si elle divorcera de l’Union européenne dans un éclat de chauvinisme nationaliste, pour joindre ses forces à celles de l’impérialisme US. Pour le moment cependant, elle a l’intention, tout en luttant pour la première position, de rejoindre les autres membres de l’UE pour créer une politique de sécurité commune et une industrie européenne de défense restructurée afin de soutenir cette politique. Actuellement, il est difficile de répondre définitivement à la question car, comme le dit J.A. Hobson, 'la situation est beaucoup trop complexe, les rapports de forces mondiaux trop incalculables.' Les événements, néanmoins, vont dans le sens de la création d’un nouveau bloc impérialiste centré autour de l’Union européenne, dans le but de la suppression du socialisme par la bourgeoisie européenne en Europe, la super-exploitation des nations opprimées à l’étranger, et pour défier l’impérialisme US et japonais.

Conclusion

Le prolétariat des pays européens n’a rien à gagner de ce projet si ce n’est des licenciements en masses à travers des rationalisations et des massacres dans des guerres impérialistes. Malgré les assurances apaisantes de la social-démocratie, le projet européen, avec sa politique étrangère et de sécurité commune soutenue par un puissant complexe militaro-industriel, est déjà bien engagé. Il n’a rien à voir avec les facilités de voyage, les vacances à l’étranger, le choix des consommateurs ou l’élimination de la guerre en Europe, comme la bourgeoisie et ses idéologues voudraient nous le faire croire. Au contraire, son seul but est de renforcer la bourgeoisie européenne pour une guerre sans précèdent contre la classe ouvrière en Europe et les nations opprimées à l’étranger, et de préparer une guerre commerciale impitoyable, avec une possibilité réelle que cette guerre commerciale dégénère en un conflit militaire titanesque contre ses rivaux impérialistes.

Au lieu de s’accrocher au chariot guerrier de la bourgeoisie, le prolétariat de l’Union européenne, s’il souhaite être loyal à ses propres intérêts de classe, s’il souhaite marcher sur la route de sa propre émancipation sociale, a le devoir de s’opposer à sa propre bourgeoisie et de travailler à son renversement. Pendant que le prolétariat européen médite les développements formidables qui ont lieu, pendant qu’il délibère des questions de guerre et de paix, laissons-le prendre conscience et saisir la signification des mémorables paroles de Lénine: 'Il est impossible d’échapper à la guerre impérialiste et au monde impérialiste qui engendre inévitablement la guerre impérialiste, il est impossible d’échapper à cet enfer, si ce n’est par une lutte bolchevique et une révolution bolchevique.'10

Tel est le message qui doit imprégner le mouvement ouvrier européen.

Harpal Brar est membre du Comité national exécutif du Socialist Labour Party et de sa commission économique.

Notes : 1 - Lénine, Œuvres, Tome 6. 2 - Discours donné le 5 mai 1920 à un meeting commun du Soviet moscovite des ouvriers et paysans, des délégués de l’Armée rouge, des syndicats et des comités d’usine. 3 - Financial Times, 31 janvier 1999. 4 - Financial Times, 23 janvier 1999. 5 - Financial Times, 14 juin 1999. 6 - Financial Times, 14 juin 1999. 7 - Lénine, Impérialisme, stade suprême du capitalisme. 8 - Idem. 9 - Idem. 10 - Lénine, 4e anniversaire de la révolution d’Octobre, 14 octobre 1921.

 

 

La stratégie militaire mondiale de l’impérialisme américain

Ray O. Light (USA), 20 février 1999, EM n°46

Dans sa préface à L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine nous enseigne que 'pour comprendre et évaluer la guerre moderne et la politique moderne (...) [nous devons comprendre] (...) la nature économique de l'impérialisme.' L'impérialisme est avant tout un phénomène politico-économique. Dans son introduction au même pamphlet, datée de 1920, Lénine ajoute : 'Le capitalisme s'est transformé en un système universel d'oppression coloniale et d'asphyxie financière de l'immense majorité de la population du globe par une poignée de pays ‘avancés’. Et le partage de ce ‘butin’ se fait entre deux ou trois rapaces de puissance mondiale, armés de pied en cap (Amérique, Angleterre, Japon) qui entraînent toute l’humanité dans leur guerre de partage du butin.

Dans les années 30, le major-général Smedley Butler, du corps américain des Marines écrivait : 'J'ai passé trente-trois ans et quatre mois de service actif comme membre de la force militaire la plus performante de notre pays, le corps des Marines. J'ai occupé tous les grades d'officiers depuis second lieutenant jusqu'à major-général. Et au cours de cette période, j'ai passé le plus clair de mon temps à jouer au Monsieur Muscles de première classe pour la Grosse Galette, pour Wall Street et pour les banquiers. En bref, je faisais du racket au profit du capitalisme.' 'En 1914, j'ai donc contribué à assurer au Mexique, et tout spécialement à Tampico, la sécurité des intérêts pétroliers américains. J'ai contribué à faire de Haïti et de Cuba des endroits propices à assurer les rentrées de la National City Bank. Entre 1909 et 1912, j'ai contribué à assainir le Nicaragua pour le compte de la société internationale de banque des frères Brown. En 1916, j'ai favorisé l'éclosion des intérêts sucriers américains en république Dominicaine. En 1903, j'ai contribué à préparer le terrain au Honduras pour les compagnies fruitières américaines. En 1927, en Chine, j'ai veillé à ce que la Standard Oil [plus tard Esso, puis Exxon] puisse poursuivre ses activités sans le moindre dommage.'

Quelles sont de nos jours les principales caractéristiques de la stratégie militaire de l'impérialisme américain ?

1. De nos jours, l'impérialisme américain est la seule puissance impérialiste à représenter une puissance économique à une échelle réellement mondiale. De ce fait, l'impérialisme américain exige l'élaboration d'une ‘stratégie militaire à l'échelle du monde’.

L'impérialisme américain est la seule puissance impérialiste à même de son seul chef de bombarder et/ou d'envahir d'autres pays unilatéralement sans l'autorisation de quelque autre pays que ce soit. C'est dans le contrôle monopoliste virtuel des médias d'information à l'échelle mondiale et des autres médias de propagande et de culture que se situe la clé de la capacité américaine à ‘justifier’ n'importe quelle cible militaire à plus ou moins brève échéance, comme en témoigne l'habileté des médias américains à ‘diaboliser’ les dirigeants anti-impérialistes et pro-socialistes tels que Fidel à Cuba, Khadafi en Libye et même les (anciens) alliés, larbins et marionnettes impérialistes comme Manuel Noriega à Panama, Saddam Hussein en Irak ou encore Slobodan Milosevic en Serbie.
Dans leur article publié dans Foreign Policy en automne 93 et intitulé ‘L'hégémonie américaine — Sans le moindre ennemi’, Benjamin Schwarz, de Rand, et Christopher Layne, du Cato Institute, prétendent que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'impérialisme américain a été impliqué dans un ‘programme d'activités à portée internationaliste’ qu'il aurait poursuivi même si l'URSS n'était pas apparue comme un rival géopolitique et idéologique. Ils citent la NSC #68 du Conseil national de Sécurité (National Security Council - NSC) de 1950 qui avait mis au point la stratégie américaine dans la guerre froide 'afin de favoriser un environnement mondial dans lequel le système américain eût pu survivre et poursuivre son épanouissement (...) même s'il n'y avait pas eu de menace soviétique.'

Dans le monde de l'après-guerre froide, Schwarz et Layne sont ‘extrêmement troublés’ par le fait que le président républicain Bush et son successeur, l'actuel président démocrate Clinton, ont continué à appliquer la NSC n°68 et à mettre en pratique l'assertion prétendant que 'la prospérité américaine dépend d'un ordre mondial imposé par les Etats-Unis'. Comme ils le disent : 'Plutôt que d'être l'incitant à la paix qu'elle serait censée être, l'interdépendance économique — et le besoin de protéger les parts américaines dans ce cadre — est invoquée afin de justifier, bien après la guerre froide, une présence militaire américaine en Europe et en Asie de l'Est ainsi qu'une intervention militaire dans le conflit des Balkans.' (p.13) Comme le déclarait fin 1996 le secrétaire américain à la Défense de l'époque, William Perry: 'Aujourd'hui, les Etats-Unis sont la seule nation sur terre dont les intérêts en matière de sécurité sont réellement de taille mondiale.'

Qu'est-ce que cela signifie pour le prolétariat international et pour notre cause révolutionnaire ? A brève échéance, la part économique mondiale de l'impérialisme américain procure une force terrible à ses agressions militaires, diplomatiques ou culturelles partout dans le monde. Toutefois, à longue échéance, cette même part économique mondiale mène inévitablement à une ‘surextension stratégique’. Même des experts de l'intelligentsia bourgeoise tels que Schwarz et Layne admettent qu'avec le temps, l'Empire américain court inévitablement à sa perte s'il s'obstine à poursuivre son actuelle politique de ‘nouvel ordre mondial’.

2. Le pragmatisme est la seconde caractéristique de la stratégie militaire mondiale de l'impérialisme américain.

Dans un article récent et qui fait autorité, le secrétaire d'Etat américain Madeleine Albright développait l'actuelle ligne de conduite américaine à l'étranger. Elle commençait son article par une citation tirée d'un texte de l'un de ses plus célèbres prédécesseurs de l'après-Seconde Guerre mondiale, Dean Acheson. A l'issue de la défaite mondiale du fascisme, défaite due en grande partie aux œuvres de l'Union soviétique, Acheson disait: '(...) Durant toutes nos existences, le danger, l'incertitude, la nécessité d'être vigilants, de produire des efforts et de faire preuve de discipline planeront au-dessus de nous (...) Nous sommes ici pour cela et la seule question véritable est de savoir si nous nous en rendrons compte assez rapidement.' Cette citation reflète la réalité de ce que l'impérialisme n'a pas d'avenir et qu'il devra passer ce qui lui reste à vivre dans le désespoir. Et c'est dans cette philosophie du ‘chacun pour soi’ que réside la nature même du pragmatisme.

En outre, Albright elle aussi utilise ce mot, ‘pragmatisme’. Ce n'est pas un hasard, car le pragmatisme est la philosophie de l'impérialisme en général et de l'impérialisme américain en particulier. Comme dirait William James, l'éminent philosophe du pragmatisme : 'Le pragmatisme est susceptible de recouvrir n'importe quoi' (p.80). 'Le pragmatisme pose sa question habituelle (...) Quelle est, en bref, la valeur au comptant de la vérité en termes expérimentaux ?' (p.200) En effet, aux yeux d'Albright et de l'impérialisme américain, le principe directeur est de savoir ce qui a ‘de la valeur au comptant’. Armée de ce pragmatisme, Albright déclare : 'A notre époque, ni les adversaires, ni les règles, ni même le lieu du terrain de jeu ne sont complètement fixés.' (p.51)

La poursuite du profit maximal par n'importe quels moyens, à n'importe quel prix à payer par le prolétariat international et les peuples opprimés de même que par leurs fantoches bourgeois nationaux, compradores et petits-bourgeois, voire également leurs partenaires et rivaux impérialistes, tel est leur unique ‘principe’. Par conséquent, l'impérialisme américain ne peut compter sur des alliances et des loyautés permanentes au-delà de la loyauté vis-à-vis du profit maximal sur base individuelle/associative et/ou bancaire et vis-à-vis de l'appareil d'Etat impérialiste américain, uniquement dans la mesure où ceci sert leurs intérêts. (N'oublions pas le rôle de Ford et de la General Motors dans la constitution de l'arsenal militaire hitlérien durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque leurs filiales européennes situées en zone d'occupation nazie fabriquaient des tanks, etc. pour la machine de guerre nazie et n'étaient pas bombardées par les Alliés.) Le pragmatisme gouverne la pensée stratégique militaire américaine au même titre que tous les autres secteurs.

3. L'impérialisme américain est capable de lancer ses agressions militaires unilatéralement mais préfère opérer par le biais de coalitions ou d'agressions multilatérales là où c'est possible.

Militairement, l'impérialisme américain mène sa guerre internationale de classe avec, ou sans ses partenaires et rivaux impérialistes européens et japonais, et avec ou sans la couverture des Nations Unies, par le biais des forces militaires de l'Otan ou de l'Onu, etc. Rien qu'en 1998, l'impérialisme américain, c'est-à-dire la puissance capitaliste qui détient l'hégémonie sur le monde, a bombardé l'Afghanistan, le Soudan et l'Irak en toute impunité. Aujourd'hui, l'impérialisme, au travers des mécanismes de l'Otan, menace la Serbie de destruction massive.

Fin 1996, le secrétaire à la Défense de l'époque, Perry, décrivait plusieurs programmes importants par lesquels les militaires américains avaient été à même de mobiliser les forces militaires de leurs alliés, et même de leurs anciens ennemis, afin de soutenir leurs propres forces militaires au cours d'engagements militaires régionaux. Par exemple, le Partenariat pour la Paix (PPP) de l'Otan a été proposé par les Etats-Unis en 1993 et est entré en application en 1994. Il a été utilisé pour intégrer l'Europe orientale et centrale ainsi que les pays de l'ancienne URSS dans ‘une nouvelle architecture de sécurité pour toute l'Europe’. En outre, un partenariat spécial entre l'Otan et la Russie fut conclu à la suite de l'utilisation de troupes russes au sein de l'Implementation Force (force d'intervention - IFOR) placée sous commandement militaire américain (!) en Bosnie en 1996. A Bruxelles, en juin de cette année, on est parvenu à un accord stipulant que des officiers russes seraient stationnés au grand quartier général de l'Otan et que des officiers de l'Otan se rendraient à l’Etat-major général russe à Moscou, institutionnalisant de la sorte leur programme de relations militaires. Et c'est ainsi que l'Otan et les forces du PPP, sous direction américaine, ont combiné d'envahir, d'occuper et de détruire l'ancienne Yougoslavie.

D'autre part, le Programme ministériel de Défense des Amériques, qui englobe la totalité des 34 pays de l'hémisphère occidental à l'exclusion de Cuba, est engagé dans une ‘défense participative’ et d'autres activités militaires conjointes. Dans la région Asie-Pacifique, le forum régional de l'ASEAN et autres alliances militaires multilatérales avec le Japon, la Corée du Sud et l'Australie sont maintenus. Et on cherche également à développer plus avant un ‘engagement incluant la Chine, y compris les militaires chinois’. Le secrétaire Perry insiste sur le fait que la ‘direction américaine’ constitue la clé du succès de toutes ces tentatives.

4. L'impérialisme américain doit exercer une hégémonie militaire dans toutes ces coalitions et alliances.

L'essai de Lénine, L'impérialisme et la scission du socialisme, rédigé la même année que L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, sans toutefois connaître les mêmes problèmes avec la censure tsariste, décrit la position monopoliste coloniale dont jouissait l'Angleterre à la fin du 19e siècle et fait remarquer que '(...) sans procéder à un repartage des colonies par la violence, les nouveaux pays impérialistes ne peuvent obtenir les privilèges dont jouissent les puissances impérialistes plus vieilles (et moins fortes).' Schwarz et Layne mettent en exergue l'embarras auquel ont dû faire face les défenseurs de l'Empire américain qui croient que 'Washington doit conserver son rôle proéminent dans la politique mondiale.' Comme le stipule le projet du Pentagone de Directives de planification de la défense pour les années fiscales 1994-1999 : 'L'Amérique doit empêcher d'autres Etats de défier notre hégémonie ou de chercher à renverser l'ordre établi sur les plans politique et économique. (...) Nous devons maintenir en place les mécanismes destinés à dissuader nos rivaux potentiels ne serait-ce que d'aspirer à un rôle régional ou mondial plus important.' Schwarz et Layne font remarquer que ces ‘rivaux potentiels’ sont l'Allemagne et le Japon.

Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Carter à la Sécurité nationale et architecte avec David Rockefeller de la Commission trilatérale, avait mis sur le tapis les préoccupations de l'impérialisme américain quant au réarmement du Japon. Brzezinski déclara: 'Il est loin d'être évident qu'il est de l'intérêt des Etats-Unis de pousser le Japon à assumer de plus importantes responsabilités militaires.' Dans un article daté d'octobre 1998 et intitulé ‘Le danger d'une grande dépression mondiale et d'une crise croissante de guerre et de révolution en Asie’, le Comité Central du Parti Communiste (de gauche) du Japon fait remarquer: 'Parmi ces pays de la zone Asie-Pacifique, seuls le Japon et la Corée du Sud hébergent des bases américaines, comptant respectivement 45 500 et 36 400 hommes.' (p.8) En fait, les Etats-Unis possèdent des bases militaires à travers tout le Japon, y compris à Tokyo même. Ainsi donc, puisque le Japon est la plus grande nation créancière du monde et les Etats-Unis le plus important débiteur, comment le Japon pourrait-il espérer recouvrer ses fonds ?!

Toute les éminents penseurs de l'appareil militaire américain semblent insister, même de nos jours, après l'effondrement de l'URSS, sur le fait que l'Europe et l'Asie du Nord-Est (le Japon et la Corée du Sud), de même que le golfe Persique et son pétrole, sont les zones clés du monde actuel. Fin 1996, selon le secrétaire à la Défense Perry, parmi le million et demi d'hommes que comptent les troupes américaines du contingent actif, plus les 900 000 réservistes, 100 000 étaient stationnés en Europe et 100 000 dans le Pacifique, alors qu'il y en avait encore 12 à 20 000 autres dans le golfe d'Arabie (avec toutefois du matériel prépositionné, etc.). Tout ceci sert à maintenir ‘à leur place’ les plus importants alliés de l'impérialisme américain, c'est-à-dire l'Allemagne et le Japon.

5. L'impérialisme américain dispose des technologies de pointe les plus sophistiquées et dangereuses, de même que des complexes militaro-industriels réellement gigantesques.

Fin 1995, le membre émérite du conseil de Brookings, Lawrence Korb, citait les chiffres de l'Institut National des Etudes Stratégiques pour montrer que l'impérialisme américain projetait de dépenser plus de trois fois ce que dépense tout autre pays sur terre et 'plus que ce que dépensaient tous ses ennemis potentiels et nations neutres mis ensemble'. Korb ajoutait : 'Son budget de 262 milliards de dollars pour la défense s'élève à environ 37% des dépenses militaires mondiales; ses alliés de l'Otan, en même temps que le Japon, Israël et la Corée du Sud, prennent à leur compte 30 autres pour-cent. Les 15 autres pays de l'Otan dépenseront quelque 150 milliards en défense en 1995. La Russie, qui se situe au second rang des dépenses, consacrera quelque 80 milliards de dollars, le Japon environ 42 milliards et la Chine environ 7 milliards. Les six pays réfractaires dans le monde, l'Iran, l'Irak, la Libye, la Syrie, la Corée du Nord et Cuba, ont à eux tous un budget total de défense évalué à 15 milliards de dollars par an.' Et ces prétendus pays ‘réfractaires’ sont considérés comme la source la plus probable des deux principales guerres régionales dans lesquelles l'armée américaine est prête à s’impliquer, la première se situant dans la péninsule coréenne et l'autre dans le golfe Persique.

Selon Korb, '(...) cette année, les Etats-Unis vont consacrer à la défense 15 milliards de dollars de plus (en dollars réajustés en fonction de l'inflation) qu'en 1980, au point culminant de la guerre froide.' Korb cite l'exemple du bombardier stratégique B-2 développé en vue de pénétrer les défenses aériennes hautement sophistiquées de l'Union soviétique et de larguer des bombes atomiques. Plutôt que de liquider directement ce programme, en raison de la disparition de l'Union soviétique, un compromis (agréable même à l'US Airforce) a été dégagé afin de construire 20 de ces bombardiers pour un prix global de 44 milliards de dollars. Mais 20 appareils de plus ont encore été construits, représentant une facture supplémentaire de 30 milliards de dollars, grâce à la délégation des congressistes californiens dirigés par l'ancienne sénatrice Diane Feinstein. Par inadvertance, cette sénatrice laissa échapper qu'il fallait conserver le programme du B-2 parce qu'il procurait de ‘grosses pincées’, ce qui fut corrigé le lendemain en ‘gros cahiers de charges utiles’. En outre, l'impérialisme américain est le plus important vendeur d'armes aux autres pays du monde. Rappelez-vous la remarque de Lénine disant que les impérialistes iront jusqu'à vendre la corde qui servira à les pendre! Néanmoins, les investissements colossaux en matériel et en effectifs représentés par 37% des dépenses militaires totales de la planète constituent un déploiement terrifiant et massif d'armes de destruction de masse aux mains des monstrueux impérialistes américains.

6. Les attributions de marché émanant de ce colossal budget militaire américain sont en majeure partie déterminées par des contrats d'association et par des rivalités entre services, plutôt que par des besoins militaires stratégiques.

Ainsi, les complexes militaro-industriels entravent la capacité des décideurs politiques américains à utiliser les investissements massifs en dollars à leur effet maximal pour le compte de l'impérialisme américain. En effet, les profits faramineux provenant des contrats de la défense et les relations chaleureuses entre les gros pontes des services des armées et les contractuels privés jouent un rôle majeur lorsqu'il s'agit de déterminer la stratégie militaire américaine, au lieu que ce soit cette stratégie militaire qui détermine ces contrats et leur attribution. Par exemple, en effectuant des évaluations d'ensemble de la stratégie militaire américaine, une autorité comme l'ancien directeur des renseignements centraux, Stansfield Turner, ‘fait à coup sûr le lit’ de l'US Navy au détriment de l'US Army (et de l'US Airforce). Par contre, le lieutenant général à la retraite William Odom, ancien chef de l'Agence nationale de Sécurité, plaide ouvertement en faveur de l'US Army (et de l'US Airforce) aux dépens de l'US Navy (et des Marines). Odom écrit que : 'La lourde insistance en faveur des porte-avions et des forces amphibies a été financée en réduisant le volume des forces terrestres et aériennes.' Le général Odom veut des fonds afin de 'maximaliser les avantages d'un tank M-1 équipé de technologies les plus sophistiquées, d'un véhicule de combat Bradley, et de potentialités en avions à réaction' au lieu de ‘dilapider’ des fonds dans 'des programmes inspirés par la bureaucratie, tels le véhicule d'assaut proposé pour le corps des Marines ou son hélicoptère Osprey V-22 (...) [de même que] le programme de sous-marins Sea Wolf'.

Alors que le secrétaire à la Défense Perry admet que la Cour générale américaine des comptes et d'autres services mettent en doute l'efficacité d'un armement technologique hautement sophistiqué, et tout spécialement d'engins explosifs téléguidés à frappe chirurgicale, il affirme avec approbation : 'Aujourd'hui, la domination des diverses forces militaires est le but des militaires américains.' Et la domination des forces militaires regroupe : la domination aérienne (la technologie des avions ‘furtifs’), les forces de frappe de précision (les armes guidées à précision chirurgicale), la connaissance supérieure de l'espace de combat, c'est-à-dire la connaissance complète en temps réel de la disposition de toutes les forces tant ennemies qu'alliées (en utilisant le Système de Positionnement mondial, les senseurs nationaux et les senseurs tactiques), et la logistique ciblée (une technologie avancée nantie d'une capacité de détecter des approvisionnements partout dans le monde, y compris la nature du moindre chargement, son heure d'arrivée, etc.). De toute évidence, la prééminence des forces militaires représente un filon colossal pour les complexes militaro-industriels. Par conséquent, les complexes militaro-industriels américains, en tant que force économique à part entière, se trouvent en mesure de fournir la protection la plus efficace pour l'exploitation et l'oppression par les impérialistes américains des peuples de toute la surface de la terre.

7. Toutefois, on a assisté à un glissement stratégique dans la mesure où l'on a progressivement laissé de côté l'insistance en faveur de la préparation d'une guerre américano-soviétique sur le théâtre européen pour davantage se concentrer sur l'augmentation des capacités d'intervention militaire américaine ouverte au cœur même des nations opprimées.

Déjà en automne 1982, l'ancien directeur des renseignements centraux Stansfield Turner, ainsi que George Thibault, un autre officier de la marine, avaient collaboré à une importante proposition en vue d'une nouvelle stratégie militaire dans cette direction. Turner et Thibault admettaient franchement que : 'Si nous regardons en arrière vers les seules utilisations sur des théâtres de combats des forces militaires américaines depuis la Seconde Guerre mondiale, nous n'avons guère lieu d'être fiers. Au mieux, la Corée s'est soldée par un match nul, le Viêt-nam par une défaite, les opérations de Mayaguez et des otages en Iran par des désastres.' Turner et Yhibault attribuent la grosse part de responsabilité de cette suite d'échecs militaires à la concentration militaire stratégique sur le théâtre d'opérations européen. En lieu et place, ils font ressortir le besoin de développer 'une force de déploiement rapide en vue des contingences relatives au golfe Persique'. Ils plaidaient en faveur d'une stratégie militaire à même de pouvoir consolider la capacité américaine d'intervention dans le tiers monde contre des opposants autres que l'Union soviétique. Et avec le temps, en dépit de la corruption et de l'inertie des complexes militaro-industriels, une bonne partie de ce glissement s'est opéré.

8. L'illusion d'un appareil militaire américain tout-puissant a été lancée lors de la multiplication des théâtres militaires mis sur pied en faveur de l'impérialisme américain.

Depuis 1982, l'armée américaine a ‘combattu’ à Grenade, le plus petit Etat souverain de l'hémisphère occidental. Grenade est une île indépendante de quelque 100 000 habitants et où, pendant tout un temps, quelques milliers de travailleurs cubains de la construction ont vaillamment tenu tête à l'armée américaine d'invasion. Les Marines américains ont envahi Panama, leur allié — arrêtant Noriega, leur marionnette —, mettant ainsi en application leur plan de maintenir leur présence et leur contrôle militaire intensif sur le pays. L'appareil militaire américain a mené une guerre bestiale, en recourant à tous les moyens possibles, contre le peuple de l'Irak, tout en prétendant viser Saddam Hussein, dont le gouvernement avait également joué le rôle de fantoche de l'impérialisme américain au cours de la guerre entre l'Irak et l'Iran. L'armée américaine s'est également rendue en Somalie où les forces tribales s'avérèrent trop difficiles à contrôler par les Etats-Unis. Et elle est allée dans les Balkans, en compagnie de ses alliés de l'Otan, pour y prendre le contrôle, après avoir laissé un bilan de terreur dans l'ancienne Yougoslavie et ce, via la création d'un Etat bosniaque, via les Accords de Dayton, la complicité de Milosevic, etc. Le thème le plus récurrent ici est l'usage par les impérialistes américains de leurs propres marionnettes en tant que cibles militaires. Et vu que le clé de l'efficacité de l'armement de haute technologie se situe dans les informations logistiques et autres, que pouvez-vous imaginer de mieux que d'utiliser votre armement sur ceux dont vous avez financé et construit l'infrastructure militaire ? En combattant ces ‘clients’, le secrétaire à la Défense, Perry, pouvait déclarer, à la fin 1996 : '(...) chaque militaire dans le monde considère les forces armées américaines comme le modèle avec lequel il convient de rivaliser.'

9. Les forces militaires actives des Etats-Unis n'ont jamais été aussi réduites depuis la veille de la guerre de Corée. Et la stratégie militaire américaine exige des guerres de décision rapide de même qu'une stratégie de sortie.

Au moment où nous rédigeons cet article, les militaires américains traversent une période difficile en essayant d'obtenir approximativement les 200 000 ‘volontaires’ dont ils ont besoin pour combler leurs rangs relativement restreints. Pas étonnant dans ce cas que le président Clinton dans son Bilan de l'Union de 1999 ait plaidé en faveur d'un supplément de 110 milliards de dépenses étalées sur les six années à venir et ce, afin d'augmenter le salaire des militaires, les entraînements, les profits, les pensions, etc. Il n'est pas non plus étonnant que l'impérialisme américain requiert désormais une ‘stratégie de sortie’ avant même qu'il ne se soit engagé dans une action militaire. L'homme d'Etat anglais de la fin de 19e siècle, Lord Rosebery, faisait remarquer : 'Notre commerce est tellement universel et présente tellement de ramifications partout qu'il peut à peine surgir un problème dans n'importe quelle partie du monde sans qu'y soient impliqués des intérêts britanniques. Cette considération, au lieu de l'élargir, restreint plutôt l'étendue de nos actions. Car si nous n'avions pas strictement limité le principe de l'intervention, nous serions toujours engagés simultanément dans quelque quarante guerres.'

La stratégie militaire américaine requiert des guerres à l'issue rapide de même qu'une stratégie de ‘sortie’. Le général Odom a noté que depuis la guerre du Golfe, les changements majeurs dans la structure des forces ont consisté en réductions des capacités de l'armée de terre (US Army) et de l'armée de l'air (US Airforce). Il le déplore: 'La flotte en porte-avions de l'US Navy compte 12 unités, et on estime que le complexe de bataille accompagnant un seul porte-avions coûte au moins 50 milliards de dollars pour un cycle d'existence d'une dizaine d'années. Le nombre de divisions de l'armée de terre, au prix de 10 milliards pour une division lourde et pour un cycle de 10 ans, a été ramené de 18 à 10. En outre, environ 50 milliards de dollars à peine sont alloués en vue du recrutement de forces armées durant les dix prochaines années, comparés aux 152 milliards destinés aux porte-avions et aux 56 milliards destinés aux forces aériennes basées au sol. Néanmoins, les Marines conservent trois divisions actives et une division de réserve.' Par conséquent, l'appareil militaire américain est quelque peu fragilisé en cas de guerre terrestre prolongée, et spécialement s'il y a plus d'un champ de bataille important à la fois. Brzezinski a fait remarquer qu'une conséquence de la fin de la guerre froide s'était traduite par la liberté d'action dont les Etats-Unis avaient bénéficié dans la conduite de la guerre contre l'Irak en 1991. Mais il continue avec embarras: 'Cette victoire militaire a plongé l'Amérique dans une implication politique et militaire profonde, probablement de longue haleine, dans les diverses crises du Moyen-Orient.' D'où le besoin d'‘opérations de maintien de la paix’ coalisées, de Partenariat pour la Paix, de défense participative et autres opérations du même genre.

10. Au sein même des Etats-Unis, il existe toujours un soutien populaire débordant pour l'armée américaine, spécialement lorsqu'elle se rend au combat.

Même au beau milieu du scandale sexuel de Clinton, on a assisté depuis 1998 à un soutien politique bilatéral en faveur des bombardements du Soudan et de l'Afghanistan et plus tard de l'Irak. Même les pacifistes américains, conduits par Jesse Jackson, ont manifesté leur soutien à Clinton lorsqu'il a déversé ses pluies de bombes sur le peuple de l'Irak. Au contraire des illusions révisionnistes propagées tout au long des années, spécialement à partir de l'avènement de Khrouchtchev, et selon lesquelles ‘le grand peuple américain’ aime la paix et s'oppose aux propagandistes américains de la guerre, le peuple américain en règle générale, y compris la majeure partie du prolétariat, a soutenu ‘ses propres’ impérialistes tout au long de la période de 50 ans de l'après-Seconde Guerre mondiale qui a vu l'hégémonie de l'impérialisme américain sur le monde capitaliste.

Dans L'impérialisme et la scission du socialisme, Lénine discute du rapport qui existe entre le monopole colonial de l'Angleterre et la corruption d'une importante couche de la classe ouvrière anglaise qui existait il y a cent ans. Avec une clarté remarquable, Lénine fait remarquer: 'Les capitalistes peuvent sacrifier une parcelle (...) de ce surprofit pour corrompre leurs ouvriers, créer quelque chose comme une alliance (...) des ouvriers d'une nation donnée avec leurs capitalistes contre les autres pays.' C'est précisément ce qui est arrivé à la classe ouvrière des Etats-Unis (du moins à sa majorité blanche) ces cinquante dernières années. Ce fait selon lequel il n'y a pas de parti politique significatif, pas même un parti travailliste bourgeois comme il en existe dans tous les autres pays impérialistes, et qui défie l'impérialisme américain et ses visées en faveur de la guerre, fournit dramatiquement la preuve de cette réalité. Cette base arrière relativement stable a donné à l'impérialisme américain une grande flexibilité dans la mise à exécution de son rôle néfaste et belliqueux en tant que puissance impérialiste mondiale prépondérante.

11. Partout dans le monde, l'impérialisme américain fabrique, stimule, entraîne et arme des forces militaires réactionnaires qui aident à perpétuer à l'échelle mondiale le système d'asservissement et d'oppression qu'est l'impérialisme, le dernier stade moribond du capitalisme.

1998 a vu l'expulsion de Mobutu au Congo et de Suharto en Indonésie, deux des marionnettes les plus corrompues, brutales, et au règne très long, de l'impérialisme international dirigée par les Américains, et dont les pays ont été systématiquement dépouillés de leurs incroyables richesses naturelles tandis que leurs peuples respectifs ne cessaient de s'appauvrir d'année en année. L'année 1998 a également vu une bataille d'extradition autour de l'ancien dictateur chilien, Pinochet. Ces trois hommes, Mobutu, Suharto et Pinochet, étaient des généraux d'armée qui s'étaient mis au service du capital international et qui furent responsables d'escadrons de la mort et de tortures massives, etc., lesquels faisaient partie intégrante de leurs pratiques militaires coutumières pour le compte de l'impérialisme américain.

Ces trois tyrans respectivement originaires d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine constituent le modèle de direction militaire que l'impérialisme américain a imposé aux peuples opprimés dans la période de l'hégémonie américaine sur le monde capitaliste. Ce sont de tels tyrans qui ont fourni le soutien militaire indigène au capital international dirigé par les Américains. (C'est pourquoi la notoire ‘Ecole des Amériques’, par exemple, continue à opérer aujourd'hui en dépit du fait qu'elle ait été dénoncée en long et en large depuis longtemps.) Pourtant, la surexploitation du prolétariat et l'oppression nationale endurée par les centaines de millions d'habitants des pays coloniaux et dépendants génèrent et régénèrent les fossoyeurs du vieux et moribond système socio-économique capitaliste.

L'Empire américain constitue à brève échéance un ennemi barbare, puissant et mortel du prolétariat mondial et des peuples opprimés. La stratégie militaire mondiale de l'impérialisme américain est la clé de la perpétuation de cet empire brutal. Mais à longue échéance, l'étendue mondiale même de l'Empire contribuera grandement à sa vulnérabilité et aidera à hâter sa chute.

Il est de la responsabilité du mouvement communiste international de conduire le prolétariat international et les peuples opprimés à développer une telle unité dans la lutte contre le principal ennemi, c'est-à-dire l'impérialisme, dirigé par l'impérialisme américain, et à isoler cet ennemi au maximum, de façon à infliger à ces réactionnaires une défaite complète et décisive de toutes parts.

Vu que la stratégie militaire de l'impérialisme américain est de se lancer dans des préparatifs visant à mener simultanément deux guerres régionales majeures, notre défi (raviver les sentiments internationalistes révolutionnaires de feu Che Guevara) devrait être de provoquer 'Trois, quatre, plusieurs Viêt-nam' !!!

 

 

 

Mobiliser et organiser le peuple contre l’impérialisme, source de guerre

José Maria Sison, Président fondateur du Parti communiste des Philippines, Mai 1999, EM n°46

Le thème choisi pour ce séminaire est très important et d’une actualité brûlante : l'impérialisme signifie la guerre. Nous devons absolument bien comprendre la nature et l'histoire de l'impérialisme comme source de guerre pour affronter la réalité d'aujourd'hui, celle d’un nouveau désordre mondial qui s’aggrave et du fléau de la guerre qui s’étend.

Il faut organiser et mobiliser le peuple contre la guerre et donc, contre l'impérialisme qui en est la cause. Le moyen de combattre et de vaincre l'impérialisme, c’est de mener toutes formes de luttes révolutionnaires pour la libération nationale et la démocratie, et pour le socialisme. Depuis qu'il existe, l'impérialisme provoque et déclenche des guerres. Elles résultent de la pression de la bourgeoisie monopoliste des pays impérialistes, des contradictions entre pays impérialistes et de leurs interventions et agressions contre les pays et les peuples qu'ils oppriment et exploitent. Nier ou cacher la nature agressive de l'impérialisme et la nécessité d'une révolution dirigée contre lui, c'est accepter la guerre impérialiste. Les révisionnistes classiques et modernes ont joué un rôle spécial de propagation du pacifisme dans le seul but de favoriser l’impérialisme et la guerre. Aujourd'hui en Europe, la social-démocratie et certains partis ‘verts’, qui se vantaient d’être pacifistes, ont activement soutenu la guerre d'agression des Etats-Unis et de l’Otan contre la Yougoslavie.

N’oublions pas les démagogues de la ‘société civile’, financés par les impérialistes pour édulcorer la nature oppressive de l’Etat bourgeois et la nature agressive de l’impérialisme. Leur rôle, en tant qu’agents spéciaux de l’impérialisme, consiste à susciter un courant opposé aux luttes anti-impérialistes du peuple, à répandre le concept de collaboration avec l’impérialisme, les réactionnaires locaux et les entreprises monopolistes comme moyen pour faire progresser la soi-disant ‘civilité’ et à justifier les interventions et les agressions des puissances impérialistes contre les pays plus faibles pour les opprimer et les exploiter plus encore.

Nous sommes toujours à l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. L'impérialisme ou capitalisme monopoliste, est la forme finale et la plus développée du capitalisme. Elle est parasitaire, destructrice et moribonde. Les crises de plus en plus graves du capitalisme monopoliste, les guerres inter-impérialistes mondiales et l’émergence de révolutions prolétariennes et d'Etats socialistes contre l'impérialisme durant le XXe siècle en sont la preuve. La lutte historique entre les forces de l'impérialisme et celles du socialisme est loin d'être terminée. Le capitalisme n'est pas la fin de l'histoire. Comme expérience récente dans l'histoire de l'humanité, le socialisme doit passer par des hauts et des bas et connaître des détours. Les partis révolutionnaires du prolétariat doivent tirer les leçons aussi bien des expériences positives que négatives, pour renaître et l’emporter sur l'impérialisme.

La dégénérescence révisionniste du socialisme et les succès néocolonialistes du capitalisme monopoliste ont ramené les peuples du monde dans une situation comparable à celle qui prévalait avant la Première Guerre mondiale, lorsqu'il n'y avait pas d'Etat socialiste puissant pour s'opposer à l'impérialisme. Le succès temporaire de l'alliance impérialiste sous la direction des Etats-Unis et l’aggravation de l'oppression et de l'exploitation sont précisément les raisons pour lesquelles le prolétariat et le reste du peuple doivent mener la révolution de façon plus résolue et plus militante que jamais auparavant. Seules les luttes révolutionnaires du prolétariat et du peuple peuvent mettre fin à la violence quotidienne de l'exploitation et à l’éclatement de guerres.

1. L'impérialisme, source de guerre

Dans son évolution, partant du capitalisme de libre concurrence au XIXe siècle, l'impérialisme moderne ne s’est pas contenté d'extraire la plus-value du travail du prolétariat, mais a aussi impitoyablement accru le taux d'exploitation dans les pays impérialistes et dans les pays exploités. Après avoir acquis une place dominante dans le capital industriel et après avoir fusionné le capital industriel et bancaire pour former une oligarchie financière, la bourgeoisie monopoliste a poussé, durant ce siècle, à la concentration et à la centralisation du capital au détriment du prolétariat et des peuples du monde.

Elle a sans cesse cherché à accroître la composition organique du capital, accumulant du capital constant, sous la forme de moyens de production, au détriment du capital variable, les salaires. Après avoir utilisé au maximum le capital productif pour la reproduction et l'accumulation, il a utilisé des transactions financières pour accélérer l'exploitation du prolétariat et des peuples, les a écrasés sous le poids de la dette et a dégagé des superprofits par la pratique parasitaire de l'usure au niveau international.

Contrairement à la doctrine du ‘laissez faire’ de la bourgeoisie industrielle naissante du XIXe siècle, dirigée contre la doctrine mercantile des monopoles commerciaux, la bourgeoisie monopoliste a pris le contrôle complet de l'Etat bourgeois et l'utilise comme instrument pour préserver sa domination sur le prolétariat, pour s'approprier les ressources publiques dans son propre intérêt, pour protéger l'industrie nationale ; elle invoque la 'liberté de concurrence' pour dominer les autres pays et nations et pour déclencher des guerres d'intervention et d'agression en vue de diviser et rediviser le monde.

Quel que soit l'évolution de la politique ou le langage à la mode de l'impérialisme à une époque déterminée, la bourgeoisie monopoliste, qu'elle soit adepte du ‘marché libre’ ou de ‘l'intervention étatique’, utilise l'Etat, de l'une au l'autre façon, pour préserver et renforcer ses intérêts de classe. Quand ses propres intérêts l'exigent, la bourgeoisie monopoliste recourt au capitalisme monopoliste d'Etat et au fascisme.

L'utilisation du capital financier, pour stimuler la production et la circulation des biens et, surtout, pour dégager des profits de transactions financières, a fait de la bourgeoisie monopoliste une classe de plus en plus parasitaire. En tout cas, les monopoles atteignent des niveaux compétitifs, technologiques et productifs de plus en plus élevés. Cela conduit à une crise de surproduction, sur un marché qui se contracte, parce que la bourgeoisie monopoliste cherche à baisser la masse salariale pour contrer la tendance à la baisse du taux de profit.

La crise de surproduction conduit par ailleurs à la destruction de forces productives par des coupes sombres dans la production, le chômage et la faillite d’entreprises moins performantes, à l'intensification de la lutte de classes entre la bourgeoisie monopoliste et le prolétariat, à l'absorption ou à la faillite des entreprises les plus faibles, à l'utilisation des fonds publics pour cautionner les monopoles, à l’aiguisement des contradictions inter-impérialistes et, dans le pire des cas, au déclenchement d'une guerre mondiale.

Pour tenter de résoudre les contradictions au sein des pays impérialistes, la bourgeoisie monopoliste recourt à l'exportation des surplus de production et de capitaux vers les pays capitalistes plus faibles et les pays sous-développés. Elle essaye ainsi d'extraire des superprofits à l'étranger pour contrecarrer la baisse du taux de profit dans son économie locale.

Mais il y a des limites à l'expansion du capital et à l'extraction de superprofits à l'étranger. En premier lieu parce que l'impérialisme empêche l'émergence et la croissance du capitalisme industriel et de concurrents potentiels dans la plupart des pays dans le monde. Le développement inégal des pays se renforce sous l'impérialisme, avec une concentration croissante du capital dans les pays impérialistes.

Sous le colonialisme ancien, l'exportation des surplus de production était plus importante que l'exportation de capitaux. Sous l'impérialisme, l'exportation du surplus de capital s’est accrue. Tour à tour, les crédits et les investissements directs pour un profit immédiat l’emportent sur ceux pour un développement complet et équilibré des autres pays. L'exportation du surplus de capital n'est pas destinée à étendre le capital productif. Il sert à financer l'exportation des surplus de production des pays impérialistes, à aiguiser l'appétit des classes exploiteuses locales pour la consommation de biens importés et, surtout, à dégager des superbénéfices de quelques investissements directs destinés à pénétrer le marché et de prêts contractés par les Etats dépendants pour couvrir leurs déficits commerciaux et budgétaires chroniques.

Par l'exportation du surplus de capital, les impérialistes font de la majorité des pays leurs vassaux endettés. Sous les auspices du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les Etats dépendants subissent une domination financière et économique pire qu'avant la Seconde Guerre mondiale, malgré les déclarations d'indépendance et de souveraineté nationale de ces pays. La pratique de l'usure internationale montre, de façon très claire, le caractère parasitaire et décadent de l'impérialisme. C’est le cœur du phénomène de néocolonialisme.

Ecrasés par le poids de leurs dettes, les pays dépendants régressent un peu plus encore dans le sous-développement. Ils doivent sans cesse mendier de nouveaux emprunts pour payer les intérêts des précédents. Le niveau du service de la dette s'accroît, mais la dette cumulée augmente néanmoins. Les pays dépendants plongent dans l'austérité, la pauvreté et la misère extrême, comme on peut le voir en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans les pays de l'ancien bloc soviétique. Finalement, le marché global des surplus de production et des capitaux des impérialistes se réduit et met les impérialistes eux-mêmes dans une situation de crise sévère.

Les entreprises monopolistes forment des trusts pour organiser la production et le marché et maximaliser les profits au détriment du prolétariat et du peuple. Mais la compétition entre entreprises monopolistes ne cesse jamais. Elle provoque un cycle de crises de surproduction. Tant que l'impérialisme survivra, des crises cycliques apparaîtront. Dans un contexte de crise économique, la compétition inter-impérialiste s'aiguise de plus en plus, jusqu'au moment où elle provoque une rupture des trusts internationaux et le réajustement des monopoles et conduit à des guerres, comme la Seconde Guerre mondiale.

Mais l’impérialisme ne disparaîtra pas spontanément, même dans le cas d’une guerre inter-impérialistes.La crise de surproduction et les guerres inter-impérialistes créent seulement des conditions objectives favorables aux forces subjectives de la révolution pour se consolider dans la lutte et renverser l’impérialisme et les réactionnaires locaux. Seule la révolution armée du prolétariat et du peuple peut détruire le pouvoir de l’impérialisme et de la réaction. Certains prétendent que les monopoles, rebaptisés entreprises multi- ou transnationales, ont perdu leur caractère national et leur identité nationale. Rien n'est moins vrai. Nier le caractère et la base nationale des monopoles revient à dire que l'impérialisme a disparu. C'est une thèse antiléniniste qui cache la rapacité nationale et ultranationale de toute puissance impérialiste.

Les accords de Bretton-Woods, l’Agetac (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et maintenant l'OMC (Organisation mondiale du commerce), les banques régionales, les accords commerciaux régionaux et les fusions transnationales de capitaux doivent être perçus comme des manifestations d'un équilibre des forces à une période déterminée plutôt que comme l'expression d'une unité indivisible du capitalisme monopoliste, quelque qu'ait été l'unité impérialiste contre le prolétariat depuis la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd'hui encore, chaque pays impérialiste possède son propre groupe d'entreprises et de banques monopolistes, ses sociétés phares, dont la majeure partie du capital est aux mains de sa propre bourgeoisie et de son propre Etat, avec l'essentiel de son management recruté parmi les nationaux et avec ses principaux centres de direction et ses plus grandes usines sur le territoire national. Les puissances impérialistes ont leurs propres intérêts nationaux et il existe des contradictions entre elles. Elles utilisent des organisations internationales comme le G7, l'OCDE, le FMI, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce, etc., pour s'accorder sur des politiques économiques communes au détriment des Etats dépendants, principalement du prolétariat et des peuples.

Sous l'impérialisme, depuis la fin du XIXe siècle, le monde entier est devenu le territoire économique du capitalisme monopoliste. Il n'y a pas un coin du monde qui ne soit, d'une façon ou d'une autre, une zone d'investissements, un marché, une source de matières premières ou une base d’appui des pays impérialistes. Surpassant la poussée commerciale du colonialisme ancien, qui a favorisé le système de production marchande, mais a laissé une bonne partie du monde dans la sphère de l'économie naturelle de subsistance, l'impérialisme moderne a couvert le monde entier avec le système de production capitaliste.

Au début du XXe siècle, aucune partie du globe n'échappait aux tentacules des puissances impérialistes. Au-delà des territoires de ces puissances, il y avait des colonies, des semi-colonies ou des pays dépendants. Les puissances impérialistes recourent à la guerre pour rediviser le monde selon la croissance de leur force économique et militaire.
Des guerres éclatent lorsque les crises de surproduction rétrécissent le marché pour les puissances impérialistes montantes et génèrent, au sein des pays impérialistes, les forces et les courants économiques et politiques qui exigent l'expansion et la guerre. Les motivations réelles de la guerre sont obscurcies quand les fauteurs de guerre impérialistes et leurs porte-parole les expriment en termes de ‘mission’ civilisatrice, de christianisme, de démocratie, de droits de l'homme, de cause humanitaire et de maintien de la paix.

La Première Guerre mondiale (1914-1918) fut la première guerre inter-impérialistes entre les Alliés (Grande Bretagne, France, Russie et Etats-Unis) et les Forces Centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie et Turquie). Elle fut précédée par une crise de surproduction et la rivalité pour des territoires économiques dans diverses parties du globe. Les derniers arrivés dans le jeux colonial — Allemagne, Japon, Etats-Unis — ont bousculé les anciennes puissances coloniales affaiblies et tenté de créer leur propre possession coloniale depuis la fin du XIXe siècle. Leurs visées et leurs actions impérialistes ébranlaient l'ancien équilibre de forces.

Des dizaines de millions de gens ont péri durant la Première Guerre mondiale. L'impérialisme britannique, soutenu essentiellement par les Etats-Unis, conduisait le camp des vainqueurs. Mais la guerre a abouti à la création du premier Etat socialiste sur un sixième du globe, là où la chaîne des pays impérialistes était la plus faible. La victoire des Bolcheviks a aussi servi à réveiller les aspirations nationales et démocratiques des peuples et nations opprimés. Dès le début, les impérialistes ont haï la révolution prolétarienne. Ils ont incité à une guerre civile, mené une guerre d'intervention contre l'Etat du prolétariat et imposé un blocus économique contre lui.

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) fut essentiellement une guerre inter-impérialistes, même lorsque l'Union soviétique a rejoint les Alliés contre le camp le plus dangereux de l'impérialisme, les puissances de l'Axe. Avant et durant la guerre, les fascistes s'étaient fixés comme mission particulière, la destruction des partis communistes et de l'Union soviétique. La guerre mondiale résulta de la conjonction de la Grande Dépression, de l'intensification des contradictions entre les puissances impérialistes et de l'émergence du fascisme. A nouveau, des dizaines de millions de gens périrent durant cette guerre. L'Union soviétique, à elle seule, a perdu plus 20 millions de citoyens lorsqu'elle soutint la forte offensive de l'Allemagne nazie. Mais elle a pu mener une contre-offensive stratégique qui brisa l'épine dorsale des puissances de l'Axe. La Chine aussi compta plus de 10 millions de victimes lorsque son territoire devint la principale arène, mais aussi le plus grand cimetière, de l'agression japonaise en Extrême-Orient. L'ampleur de cette guerre reste inégalée dans toute l'histoire de l'humanité.

Comme durant la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis ont profité de leur position géographique et tiré d'énormes profits de la production de guerre, fournissant pendant un temps les deux camps et s’engageant à la fin pour s'approprier la part du lion du butin de guerre. Les Etats-Unis émergèrent comme puissance impérialiste dominante après la Seconde Guerre mondiale, rejetant l'impérialisme britannique au second plan.

Pour prévenir une offensive soviétique sur le Japon, l'impérialisme américain lâcha la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki alors même que le Japon était sur le point de capituler. Le bombardement atomique de la population civile marquait en fait le début de la Guerre froide, qui ne sera déclarée que bien plus tard. Les Etats-Unis étaient terrifiés par la démonstration de force de l'Union soviétique et par l'avancée des forces socialistes et des mouvements de libération nationale en Europe et en Asie.

L'issue de la Seconde Guerre mondiale fut plus grave, pour l'ensemble du système capitaliste mondial, que la Première Guerre mondiale. Plusieurs pays socialistes et des démocraties populaires sont apparus sur un tiers du globe. Avec un quart de l'humanité, la Chine représentait la plus grande perte pour le système capitaliste mondial. De nombreux mouvements de libération nationale déferlaient et s'orientaient vers une révolution démocratique en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

La Guerre froide a couvert pratiquement la seconde moitié du XXe siècle. En Europe surtout, une impasse stratégique existait entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, chaque camp évitant une guerre mondiale, surtout lorsque l'Union soviétique développa ses propres armes nucléaires. Pendant un demi-siècle, il n'y eut ni guerre déclarée entre forces impérialistes, ni entre les puissances impérialistes et les pays socialistes. Mais en fait, la Guerre froide provoqua une série de guerres d'agression lancées par l'impérialisme américain et ses alliés réactionnaires dans différents pays.

Les Etats-Unis ont mené la guerre d'agression la plus brutale contre la Corée, le Vietnam et le reste de l'Indochine. Elle provoqua des millions de victimes. Ils ont dirigé des campagnes d'élimination des communistes en Asie, en Afrique et en Amérique latine depuis la fin des années 40 et se sont rendus coupables de massacres, dont le plus important provoqua plus d'un million de morts en Indonésie en 1965. Dans les années 70 et 80, les Etats-Unis menèrent systématiquement des guerres contre-révolutionnaires, sur base de la théorie des ‘conflits de basse intensité’, en Angola, au Mozambique, au Nicaragua, au Salvador et en Afghanistan. Le nombre total de victimes durant la Guerre froide se chiffre en millions, comme durant une guerre mondiale. La Guerre froide était donc pratiquement la Troisième Guerre mondiale.

Les guerres déclenchées par le capitalisme monopoliste ont fait du XXe siècle la période la plus sanglante de toute l'histoire de l'humanité. Sous la domination de l'impérialisme, les peuples du monde ont, par milliards, souffert atrocement de l'oppression et de l'exploitation. Même dans les pays socialistes et anti-impérialistes, le peuple a dû supporter les blocus économiques américains et les menaces et les actes d'interventions. Malgré cela, la propagande de la ‘société civile’ de l'impérialisme et de leurs agents spéciaux désigne les révolutions armées du prolétariat et des peuples comme les responsables des guerres et de ‘l’incivilité’.

Pour surmonter les contradictions avec leurs alliés impérialistes, plus particulièrement après la reconstruction économique de l'Allemagne de l'Ouest de du Japon durant la Guerre froide, les Etats Unis ont contracté des déficits commerciaux et budgétaires élevés et un déficit public énorme pour intégrer leurs alliés dans le marché capitaliste américain et mondial, engager une production militaire et maintenir des bases militaires et des forces à l'étranger. Ils ont aussi investi dans la recherche et le développement de technologies militaires et spatiales. Lorsque l'Union soviétique passa du socialisme au capitalisme monopoliste d'état et au social-impérialisme, la Guerre froide se transforma en lutte inter-impérialistes entre l'alliance impérialiste dirigée par les Etats-Unis et le social-impérialisme soviétique.

Pour gagner la Guerre froide, les Etats-Unis et les autres puissances impérialistes traditionnelles ont utilisé à fond la puissance de l'Etat. Au nom de la croisade anticommuniste, ils ont détourné des sommes énormes du budget public pour vaincre l'Union soviétique. Pourtant, l'Union soviétique a perdu surtout à cause de facteurs internes : le révisionnisme moderne, l'émergence d'une nouvelle bourgeoisie, la dégénérescence sociale et le gaspillage de ressources dans la course aux armements. Les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes n'ont pas vaincu l'Union soviétique dans une guerre frontale, mais ont rendu inopérant son potentiel militaire très élevé en amenant la nouvelle bourgeoise de l'Union soviétique à détruire l'économie soviétique sous le couvert de réformes et à l'intégrer totalement dans le système capitaliste mondial.

La victoire de l'impérialisme américain et des puissances impérialistes traditionnelles dans la Guerre froide est une sorte de victoire à la Pyrrhus. L'impérialisme américain souffre, depuis la Guerre froide, de certaines faiblesses fatales qu'il ne peut essayer de surpasser qu'en occasionnant de graves contradictions avec ses propres alliés impérialistes. Il subit toujours les conséquences des énormes dépenses consenties durant la Guerre froide. La crise du système capitaliste mondial s'est encore aggravée. Toutes les contradictions fondamentales dans le système capitaliste mondial, entre le prolétariat et la bourgeoisie monopoliste, entre les pays impérialistes et les peuples opprimés, et entre les impérialistes eux-mêmes se sont intensifiées et ont généré un nouveau désordre mondial.

2. Une tendance vers des guerres plus nombreuses et plus importantes

Durant la dernière décennie, une tendance vers l'éclatement de guerres plus nombreuses et plus importantes s'est dessinée assez clairement. La démonstration la plus éclatante est la série de guerres d'agression contre l'Irak et contre la Yougoslavie. Les troubles sociaux et politiques s'amplifient d'année en année, démentant la propagande des impérialistes et de leurs défenseurs selon laquelle la fin de la Guerre froide apporterait les ‘dividendes de la paix’, une croissance économique globale et le progrès des droits de l'homme et de la démocratie.

La seule superpuissance aujourd’hui est plus arrogante que jamais. Elle mène ses alliés impérialistes à la guerre et s’impose aux pays dépendants. Elle profère des menaces. Les armes qu'elle utilise contre les autres pays incluent l'ingérence politique dans les affaires intérieures, le refus de crédits et de fournitures, la restriction des facilités commerciales et la pression militaire, les interventions et les agressions, avec recours à des armes de haute technologie. Elle diabolise les Etats qui défendent leur indépendance nationale et cherche ainsi à contraindre tous les pays à rester sous l’emprise du néocolonialisme.

Les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes pratiquent le terrorisme dans les relations d'Etat à Etat et dans leurs confrontations avec les partis révolutionnaires et les mouvements de masse anti-impérialistes. Ils plaquent l'étiquette ‘terroriste’ sur toutes les forces anti-impérialistes et justifient ainsi toutes les formes de barbaries qu'ils leur font subir. Le langage favori de l'impérialisme reflète les contradictions croissantes dans le monde et sa propre propension, avec ses marionnettes réactionnaires locales, à utiliser la force brutale contre le peuple.

Le passage de la théorie keynésienne à la théorie néo-libérale dans la politique impérialiste cadre bien dans le schéma suivi par les Etats-Unis pour se remettre des coûts énormes consentis pour gagner la Guerre froide. Sous le prétexte de promouvoir le 'marché libre', le capitalisme monopoliste américain intensifie le taux d'exploitation et l'appropriation des ressources de l'Etat, tire avantage de ses alliés impérialistes et ne fait même plus aux pays sous-développés la fausse promesse du développement.

A l'origine, l’accent néolibéral dans la politique économique était destiné à combattre le phénomène de stagflation, supposé dû à l'élévation des salaires et des dépenses de l'Etat. Cependant, les stratèges ont sous-estimé, dans les facteurs de stagflation, le poids des dépenses militaires dans la course aux armements, la guerre d'agression en Indochine, le déploiement de forces militaires américaines à l'étranger et la crise de surproduction croissante suite à la reconstruction et la restauration de la compétitivité du Japon et de l'Allemagne de l'Ouest.

Aujourd'hui, les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes présentent le néolibéralisme comme une ligne de conduite stratégique commune. Le but réel des monopoles est de tirer le plus possible de profits du prolétariat, de couper dans les dépenses sociales, de bénéficier de réductions et d'exemptions d'impôts et de s’emparer de biens et de fonds de l'Etat. Mais ces politiques sont menées sous le prétexte du combat contre l'inflation et pour la mise à disposition des entreprises d'un capital plus important, dans l'optique d'une croissance économique et de la création d'emplois.

Le résultat, c'est la concentration et la centralisation rapide du capital dans les mains des monopoles, l'inflation des moyens à disposition de la bourgeoisie monopoliste, un sous-emploi massif et chronique et des taux de croissance stagnant, en moyenne entre 2 et 3 % pour l'ensemble des pays de l'OCDE durant les dix dernières années.

Comparativement à l'Union européenne et au Japon, qui connaissent des taux de croissance et de profits plus bas et des taux de chômage notoirement plus élevés, les Etats-Unis affichent l'économie la plus dynamique et la plus forte. Mais en fait, le taux de croissance relativement élevé des Etats-Unis est largement dû à l'inflation des actifs des monopoles et au flux des investissements en provenance du Japon et de l'Europe de l'Ouest. Ce que les Etats Unis présentent comme le plein-emploi est en fait caractérisé par le remplacement d'emplois réguliers par des jobs à temps partiel.

Jusqu'ici, les Etats-Unis ont été en mesure de conserver leur position de leader sur le plan économique, mais c'est au détriment de leurs alliés impérialistes. Ils ont revitalisé leur capacité de production pour l'exportation et ont ainsi rétréci le marché global pour leurs alliés impérialistes. Ils n'ont néanmoins pas pu réduire leur déficit commercial ni leur dette étrangère colossale. Ils maintiennent un taux de dépenses militaires élevé grâce à des emprunts étrangers. Ainsi, les Etats-Unis gardent le titre de débiteur numéro un dans le monde.

L’accentuation de l'exploitation sous le mot d’ordre néolibéral et l'adoption de la haute technologie dans la production sociale forment un mélange explosif dans les pays impérialistes. Ils signifient une crise globale et chronique de surproduction et de stagnation. La productivité de tous les types de marchandises est très élevée et, par ailleurs, la concentration du capital productif et financier par la bourgeoisie monopoliste est très rapide. En conséquence, la demande effective du marché global s'est contractée.

La crise de surproduction dans tous les secteurs, industriels et agricoles, intensifie la compétition impérialiste. Malgré les hymnes à la ‘libre concurrence’ et l'OMC, le protectionnisme s'accroît sous des couverts variés dans les pays impérialistes. Les frictions entre ces pays se multiplient au sujet du dumping de plusieurs produits. On va donc vers une compétition acharnée dans un marché global qui se rétrécit

Même si les Etats-Unis s’efforcent de conserver leur position de leader économique et de superpuissance militaire, la concurrence inter-impérialistes s'intensifie et mène à une multi-polarisation. L'Union européenne est une forme de consolidation dans la compétition avec les Etats-Unis. Le Japon aussi se renforce pour être compétitif vis-à-vis des Etats-Unis, particulièrement dans l'Est asiatique. Chacun des trois centres globaux du capitalisme tente de se renforcer, de consolider ses marchés domestiques et régionaux et de pénétrer ceux des autres.

La douzaine de ‘marchés émergents’, tous des pays favorisés autrefois par l'afflux d'investissements étrangers des pays impérialistes, sont en train de s’effondrer depuis 1997. Ils sont frappés par une crise globale de surproduction dans toutes leurs exportations spécialisées. Contrairement aux attentes des impérialistes, ils ont cessé d'être les marchés en expansion pour la production impérialiste en échange des revenus de leurs exportations spécialisées.

C'est vrai pour la Corée du Sud, Taiwan et le Brésil (qui produisent et exportent des voitures, des appareils domestiques et de l'acier), la Chine et le Sud-Est asiatique (semi-conducteurs, vêtements, chaussures et jouets), la Russie et le Mexique (pétrole et gaz). La surcapacité productive, la surconsommation des classes sociales supérieures et la diminution des revenus de l'exportation ont conduit à des déficits commerciaux énormes et à l'incapacité de remboursement des crédits. Leurs déroutes bancaires ont provoqué, l'une après l'autre depuis 1997, des vagues mondiales de crise financière.Tous les pays qui, dans le passé, ont développé une base industrielle sous le drapeau du socialisme ou du nationalisme bourgeois ont été touchés par la crise globale de surproduction, ont fermé des centres industriels, ont licencié des millions de travailleurs et sont maintenant écrasés par le poids exorbitant de la dette. Tous connaissent la dépression économique.

Ils déclinent comme les pays exportateurs de matières premières qui connaissent la récession depuis la fin des années 70, lorsque la crise de surproduction a touché les matières premières. Il faut rappeler que, dans les années 60 et 70, les impérialistes ont détourné la demande de développement des pays pauvres en orientant les crédits étrangers vers des programmes de construction d'infrastructure et d'augmentation de la production de matières premières. Maintenant, même les quelques pays qui ont essayé de devenir des ‘marchés émergents’, surtout en Chine et dans le Sud-Est asiatique, se trouvent dans une situation économique désastreuse due à la surabondance générale de produits semi-finis à destination des pays impérialistes.

Dans ce contexte d'aggravation rapide de la crise économique du système capitaliste mondial, la crise politique fait naître toutes sortes de forces contre-révolutionnaires et génère toutes sortes de violences contre-révolutionnaires. L’histoire nous rappelle que, dans un pays impérialiste, la poussée guerrière surgit lors du passage d'une crise économique à une crise politique.

Dans les pays impérialistes, la bourgeoisie monopoliste anticipe l'intensification de la lutte de classes. C'est ainsi qu'elle fait voter des lois anti-ouvrières, antisociales et ‘antiterroristes’, encourage la propagande et les groupes nationalistes, fascistes et racistes et maintient un budget élevé pour l'armée et les forces de police au détriment des biens et services sociaux.

Les Etats-Unis sont en train de renforcer leurs alliances bilatérales et multilatérales comme l’Otan en Europe et leur partenariat stratégique avec le Japon dans l'Est asiatique. Les Etats-Unis utilisent aussi l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) comme cadre pour manipuler les Etats européens et les impliquer dans les interventions et les agressions impérialistes. Chaque fois que c'est possible, les Etats-Unis se servent du Conseil de Sécurité de l'ONU pour légitimer leurs guerres d'agression. Ils ont profité de leur situation de seule superpuissance et de leur armement de haute technologie et ont lancé une série de guerres d'agression importantes.

En menant les guerres d'agression contre l'Irak sous la bannière de l'ONU, les Etats-Unis ont réussi à resserrer leur contrôle sur les ressources pétrolières et sur les revenus pétroliers des pays dépendants du Moyen-Orient. Ils suscitent des troubles dans les Balkans pour étendre leurs bases en Europe de l'Ouest et en Turquie.

Après avoir cédé la Croatie et la Slovénie à l'influence Allemande, ils ont pris le contrôle de la Bosnie, de la Macédoine et de l'Albanie sous le couvert de la guerre en Yougoslavie. Ils proclament déjà que cette guerre d'agression contre la Yougoslavie à propos du Kosovo est un pas décisif dans la transformation de tous les Etats des Balkans en protectorats des Etats-Unis et de l’Otan.

L'objectif stratégique des Etats-Unis est de contrôler les deux rives de la Méditerranée et toutes les frontières de la Russie pour contrôler les ressources pétrolières sur une plus grande échelle et maintenir leurs propres alliés dans l’Otan sous leur hégémonie. La désintégration de l'Union soviétique et la soumission de la Russie à l'Occident ont rendu possible le déclenchement de guerres d'agression en Europe par les Etats-Unis et l’Otan. Les Etats-Unis ont l’arrogance de pouvoir déclencher une guerre d'agression en toute impunité et de soumettre n'importe quel pays.

En élargissant l’Otan (en incluant la République Tchèque, la Pologne et la Hongrie) et en l'étendant jusqu'aux frontières de la Russie, les Etats-Unis préparent le terrain pour leur implication dans des guerres plus fréquentes et plus importantes à travers toute l'Europe Centrale et Orientale et même en Russie. En ayant utilisé les forces de l’Otan pour des agressions au Moyen-Orient et dans les Balkans, les Etats-Unis ont bouleversé de larges couches des forces politiques russes par les menaces posées par l’intervention et l’agression des Etats-Unis. Le Caucase et les anciennes républiques d’Asie centrale de l’Union soviétique continuent à être des régions de guerre intestine. Les Etats-Unis s’y intéressent à cause de leurs ressources pétrolières et comme route d’acheminement du pétrole vers la Méditerranée.

Entre temps, les Etats-Unis ont gagné un partenaire flexible en la personne d’Eltsine, le représentant politique principal de la nouvelle bourgeoisie criminelle qui pille les avoirs publics et empoche chaque afflux de fonds de crédit du FMI. Eltsine et sa clique servent la stratégie politique des Etats-Unis visant à affaiblir économiquement et socialement la Russie et à laisser ainsi se détériorer le système d'armes de haute technologie de la Russie. Face à une situation catastrophique, deux tendance se dessinent en Russie: l’une est pour une soumission croissante aux forces impérialistes occidentales et l’autre est pour la polarisation, d’une part, entre la nouvelle bourgeoisie criminelle et une large couche d'opposition sur une base immédiate et, d’autre part, entre des courants militaires fascistes et la révolution prolétarienne.

Malgré les succès d'une expansion continue, les Etats-Unis portent les germes de futurs problèmes avec leurs propres alliés les plus importants. En poussant l’Allemagne et le Japon à s’engager à leurs côtés et partager les coûts de leurs guerres d'agression, ils les encouragent pratiquement à se renforcer eux-mêmes et à suivre leurs propres intérêts impérialistes.

Sur plusieurs aspects, les économies de la Chine et de la Russie sont complémentaires. Cela peut être la base d'une coopération politique et militaire stratégique. La Russie est menacée par l’Otan en Europe et par l'entente américano-japonaise sur la sécurité en Extrême-Orient. La Chine est également menacée par cette entente entre EU et Japon. Cependant, les Etats-Unis peuvent aussi pousser un de ces pays contre l'autre ou un de ces deux pays peut opposer l'autre aux EU. A plus long terme, la Russie peut aussi pousser l'Union européenne contre les Etats-Unis comme la Chine peut pousser le Japon contre les Etats-Unis.

Les Etats-Unis suivent une double politique vis-à-vis de la Chine. Un aspect de cette politique consiste à entraîner la Chine, à l’amener à devenir une néo-colonie des Etats-Unis et à se débarrasser de l’enseigne du socialisme et du parti communiste comme l'Union soviétique l'a fait. L'autre aspect consiste à ‘contenir’ la Chine par le partenariat stratégique Etats-Unis-Japon et éventuellement à jouer sur la contradiction Inde — Pakistan pour la maintenir en alerte sur un autre flanc.

Actuellement, la ligne stratégique qui prévaut aux Etats-Unis à l'égard de la Chine est de l’entraîner, même si certaines fractions de l'administration américaine évoquent la croissance économique et militaire de la Chine et affirment que la Chine pourrait devenir l'ennemi numéro un des Etats-Unis au XXIe siècle. A l'intérieur même de la Chine, la situation économique et sociale se détériore profondément et les contradictions sociales engendrent une instabilité politique. Des contradictions existent entre une fraction de la nouvelle bourgeoisie qui veut encore maintenir les signes extérieurs du socialisme et du parti communiste et une autre fraction qui veut s'en débarrasser. En réalité, la Chine a été affaiblie économiquement et socialement par ses réformes d'orientation capitaliste et la restauration tous azimuts du capitalisme, par sa focalisation sur la production de biens à faible valeur ajoutée destinés à l'exportation et par le démantèlement en cours des fondements de son industrie d'Etat. La faiblesse grandissante de la Chine est une invitation au Japon et aux puissances impérialistes occidentales pour intervenir dans ses affaires intérieures.

La profonde instabilité de la Chine générée par la restauration du capitalisme s'est marquée, depuis 1989, par des manifestations de masse à Beijing, mais aussi dans plus de 80 villes, et par des manifestations répétées des paysans et des grèves ouvrières dans les années 90. Bien qu'il préfère nettement une ‘démocratisation’ progressive de la Chine, comme en Russie, l'impérialisme américain est aussi préparé à une action agressive contre la Chine. A cet égard, le partenariat Etats-Unis-Japon sur la sécurité s'est encore renforcé en se présentant comme protecteur supposé de Taiwan et de la Corée du Sud, comme rempart face à la Chine et à la Corée du Nord, comme sentinelle sur les arrières de la Russie, comme garant de la paix et de la sécurité pour le ‘libre commerce’ et la ‘démocratie’ contre les mouvements révolutionnaires de l'Est Asiatique et comme base pour les forces de déploiement rapide au Moyen Orient.

Dans un nombre croissant de pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et de l'ancien bloc soviétique, l'agitation sociale et politique a pris la forme de coups et contrecoups d'Etat, de soulèvements de masse, de guerres entre forces réactionnaires, de brèves guerres civiles et de guerres populaires prolongées.

L'éclatement de violence contre-révolutionnaire domine encore aujourd'hui. Les forces réactionnaires en conflit jouent sur des slogans religieux et ethniques. Certains pédants parlent de ‘guerre de civilisations’. Mais en fait, la lutte sociale est toujours précédée et causée par un désastre économique et social provoqué par les entreprises monopolistes étrangères et par des organisations multilatérales de l'impérialisme comme le FMI, la Banque mondiale et l'OMC.

Suite au désastre économique et social engendré par l'impérialisme et en l'absence de tout parti révolutionnaire solide du prolétariat ou de mouvement révolutionnaire, les réactionnaires locaux rivalisent pour le pouvoir régional, en jouant sur le chauvinisme, la religion et d'autres slogans réactionnaires, à l'instigation des impérialistes ou bien de leur propre initiative. L'enchaînement des événements menant au grand massacre de 1994 au Rwanda, comme celui qui a conduit à l'éclatement de la Yougoslavie, au conflit ethnique plus complexe en Bosnie jusqu'à la guerre d'agression actuelle des Etats-Unis et de l’Otan en Yougoslavie, ont débuté par une crise économique et sociale générée par l'impérialisme.

L'effondrement des soi-disant marchés émergents a provoqué des troubles sociaux et la chute de Suharto en Indonésie. Maintenant, les forces militaires dirigées par les Etats-Unis jouent sur les différences ethniques et religieuses et provoquent des conflits ethniques pour détourner la colère du peuple de l’impérialisme américain, de Suharto et de ses partisans, pour prolonger le rôle des forces militaires fascistes comme arbitre de la société et empêcher le progrès du mouvement révolutionnaire du peuple.

L'impérialisme est responsable d’une série de désastres économiques et de troubles politiques. Tantôt il s’agit de situations où il déclare cyniquement qu'il n'a aucun intérêt vital à l'exportation des matières premières d'un pays dépendant et semble ne pas se préoccuper d'intervenir, tantôt de cas où il met en avant de façon grandiloquente les intérêts humanitaires et intervient sans vergogne et de manière agressive. L'impérialisme est responsable des conditions économiques et sociales insupportables qui ont précédé les troubles politiques aboutissant au massacre de plus d'un million de personnes au Rwanda, de plus de 250 000 personnes en Bosnie et de tant d’autres dans les guerres intestines ailleurs dans le monde.

Il existe des luttes révolutionnaires armées, anti-impérialistes et démocratiques à des degrés divers, comme par exemple celles qui ont liquidé les dictatures de Mobutu au Congo et de Suharto en Indonésie. Il y a aussi des guerres populaires prolongées de démocratie nouvelle, avec une perspective socialiste, sous la direction de partis marxistes-léninistes et maoïstes. Ces luttes révolutionnaires armées sont très importantes parce qu’elles dépassent les conflits armés insensés, où seules les forces réactionnaires rivalisent pour le pouvoir, et qu’elles contribuent à la défaite de l’impérialisme et à la victoire de la révolution prolétarienne mondiale.

3. La lutte du peuple contre la guerre

L’aggravation de la crise du système capitaliste mondial ainsi que l’oppression et l’exploitation insoutenables poussent le prolétariat et les peuples du monde à lutter contre l’impérialisme, et donc contre la guerre, dans les pays capitalistes industrialisés, dans les anciens pays socialistes, dans les pays à gouvernement anti-impérialiste et dans de nombreux pays exportateurs de matières premières.

Dans tous les grands pays impérialistes, comme les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne, la lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie monopoliste refait surface. Des grèves éclatent dans des industries clés et dans certains secteurs entiers de l’industrie. Parfois, ce sont des grèves générales. Ce qui est particulièrement marquant dans ces grèves, c’est qu’elles constituent une rupture. Il faut les analyser dans le contexte de l’érosion du mouvement syndical qui dure depuis la fin des années 50 et la prédominance de l’aristocratie ouvrière dans ce qui subsiste de ce mouvement. Aujourd’hui, il y a une volonté croissante, parmi les travailleurs, de former des syndicats combatifs qui défendent réellement leurs intérêts de classe.

Les travailleurs ont déclenché plus de grèves en Europe occidentale qu'aux Etats-Unis et au Japon. Les grèves et les manifestations de masse les plus fréquentes et les plus importantes ont lieu dans les petits pays capitalistes industrialisés, comme l’Espagne, la Grèce et le Portugal. Le taux de chômage y est plus élevé et les conditions sociales bien moins bonnes. Jusqu’ici, les travailleurs américains ont mené plus de grèves que leurs camarades japonais. Ils ont réagi plus énergiquement aux licenciements massifs, aux fermetures d’entreprises et à la mise au travail à temps partiel.

Mais les ouvriers japonais vont sortir des griffes de l’aristocratie ouvrière discréditée et du paternalisme des entreprises. Le Japon est la grande puissante impérialiste la plus touchée par la crise. Chez son proche voisin, la Corée du Sud, les ouvriers ont déclenché de grandes grèves générales contre la fermeture brutale d’entreprises et le chômage.

Le désastre social est si grave que les Etats-Unis, le Japon et leurs marionnettes sud-coréennes ont été contrecarrés dans leur tentative d’utiliser la Corée du Sud pour harceler la Corée du Nord et profiter des calamités naturelles qui y survenaient.

Dans les pays capitalistes industrialisés, les conditions sont favorables pour l’édification de partis marxistes-léninistes, de syndicats progressistes et d’autres organisations de masse et de solidarité avec les peuples étrangers. Le prolétariat et le peuple ont de plus en plus de dégoût pour la bourgeoisie monopoliste, l’aristocratie ouvrière, l’ensemble des partis conservateurs et soi-disant progressistes et les courants réformistes et révisionnistes. Les chômeurs, les femmes, les jeunes et les immigrés se joignent aux manifestations des travailleurs. Ils abordent des questions communes touchant tous les aspects de leur vie sociale. Avec le prolétariat, ils luttent aussi bien pour des améliorations immédiates des conditions sociales que dans le but stratégique de construction du socialisme. Ils manifestent également leur solidarité avec les peuples en lutte pour leur libération nationale, la démocratie populaire et le socialisme, contre la domination impérialiste, les blocus économiques, les interventions et les agressions extérieures.

Partout dans le monde, les travailleurs manifestent contre la politique de ‘flexibilité du travail’qui les prive de la sécurité d’emploi, d’avantages pourtant durement gagnés et de tous les droits démocratiques fondamentaux. Ces mesures constituent la base de la doctrine néo-libérale, qui encourage les capitalistes monopolistes, aidés par l’état, à exploiter les travailleurs de la façon la plus brutale.

Les travailleurs ont ainsi renoué avec les grèves dans les pays impérialistes et dans les enclaves industrielles des pays dépendants. Il y a chez eux une conscience de plus en plus claire de la nécessité d’un véritable mouvement syndical fort contre les tentatives de la bourgeoisie monopoliste de détruire complètement les syndicats ou de les enfermer dans des schémas de collaboration avec le monde des affaires et l’Etat contre-révolutionnaire.

La dégénérescence révisionniste du socialisme a fait reculer la marche historique de l’humanité. La restauration complète du capitalisme dans les pays de l’ancien bloc soviétique a eu pour conséquence la destruction de forces productives, l’apparition des formes les plus hideuses d’exploitation et a permis à l’impérialisme américain et à l’Otan de déclencher une guerre d’agression en Europe. Aussi bien l’industrie que l’agriculture sont dévastées sous la houlette de l’impérialisme occidental et de la nouvelle bourgeoise. C’est l’aboutissement de décennies de trahisons révisionnistes, de corruption bureaucratique et de stagnation économique depuis la fin des années septante. Le mécontentement et le dégoût augmentent parmi les masses et se manifestent sous la forme de grèves générales et de grandes actions de protestations. Quelques groupes et partis s’efforcent de défendre les positions marxistes-léninistes et de diriger les luttes de masse. Ils doivent tirer les leçons de l’expérience historique, appliquer les enseignements révolutionnaires de Lénine et Staline pour diriger les luttes révolutionnaires du prolétariat et du peuple.

En Russie, la rapacité de la nouvelle bourgeoisie criminelle est sans limite. Après avoir privatisé les entreprises les plus rentables, cette bourgeoisie utilise les institutions et les ressources de l’Etat pour s’enrichir davantage encore. Mais elle échappe aux impôts et ne s'acquitte pas des biens et services fournis par les institutions et les entreprises d’Etat qui subsistent. L’Etat est en faillite et est incapable de payer les salaires des fonctionnaires. Les entreprises privées ont aussi des problèmes pour verser les salaires. Du coup, de nombreuses grèves générales et manifestations de masse ont éclaté un peu partout.

Totalement retournée au capitalisme, la Russie joue à nouveau son rôle traditionnel de puissance impérialiste faible, tout comme elle le faisait avant la Première Guerre mondiale. La situation est complètement désespérée. Les véritables communistes doivent aujourd’hui relever un défi: diriger le prolétariat et le peuple contre la nouvelle bourgeoisie monopoliste et suivre une voie révolutionnaire au milieu d’une cacophonie de nationalistes, révisionnistes et libéraux.

Le prolétariat et le peuple haïssent la nouvelle bourgeoisie, mais aussi l’impérialisme des Etats-Unis et de l’Allemagne, le FMI et d'autres organisations multilatérales ainsi que l’Otan, pour s’être approchés des frontières de la Russie et avoir déclenché une guerre d’agression contre la Yougoslavie. Dans les manifestations, ils scandent: 'D’abord l’Irak, puis la Yougoslavie, et après la Russie.'

En Chine, des luttes se développent contre les fermetures et les restructurations des entreprises d’Etat, la détérioration des conditions salariales, le retard dans le payement des produits livrés par les paysans et la prolifération d’impôts spéciaux, réminiscence du régime du Guomindang. La pompe ‘keynésienne’ est maintenant amorcée sous la forme de travaux publics, mais cela ne peut résoudre les problèmes dus à la politique économique axée sur les produits semi-finis pour l’exportation.

Quelques révolutionnaires prolétariens se battent pour construire un parti communiste révolutionnaire. Il devra propager la pensée de Mao et diriger le peuple sur la voie révolutionnaire, pour dépasser la rivalité croissante entre une faction anticommuniste de la nouvelle bourgeoisie et une faction révisionniste qui porte toujours les signes extérieurs du socialisme et du parti communiste. Des organisations de masse et des structures révolutionnaires se développent discrètement, même si des groupes révolutionnaires sont maintenus à l’intérieur du parti dirigeant discrédité et de l’Etat.

Par sa double politique d’entraînement et de ‘contrôle’ à l’égard de la Chine, les Etats-Unis poursuivent l’objectif de rétablissement du capitalisme, l’élimination du parti communiste dirigeant et la réunification de Taiwan et de la Chine sous les auspices des Etats-Unis. Dans la mesure où les Etats-Unis et d’autres puissances impérialistes menancent la souveraineté nationale et l’indépendance de la Chine, les peuples du monde devront soutenir le peuple chinois, tout comme ils apportent leur soutien au peuple Cubain, à la Corée du Nord, à la Libye, à l’Irak, à la Yougoslavie et à d’autres pays qui sont les cibles des blocus, d’interventions et d’agressions par les Etats-Unis et les autres pays impérialistes.

On trouve aujourd’hui un large éventail de forces anti-impérialistes dans le monde. Il inclut les partis marxistes-léninistes et d’autres partis révolutionnaires, des organisations et mouvements de masse, des institutions et quelques gouvernements qui prônent l’indépendance nationale. Ces forces mènent des formes de lutte variées. Il existe une interaction positive entre la lutte anti-impérialiste générale et le combat révolutionnaire pour la démocratie du peuple et le socialisme.

Un nombre significatif de mouvements révolutionnaires armés de libération nationale et de démocratie nouvelle subsistent et se renforcent en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Certains d’entre eux sont dirigés par des partis marxistes-léninistes maoïstes, comme aux Philippines, en Inde, au Népal, au Pérou et en Turquie. Ils suivent la ligne générale de la révolution nationale et démocratique, avec une perspective socialiste. D'autres sont dirigés par des partis non maoïstes, comme en Colombie, au Mexique, au Kurdistan et quelques autres pays. Ils sont révolutionnaires dans la mesure où ils combattent l’impérialisme et la réaction. Au-delà de la Guerre froide, tout cela signifie la continuation de la lutte révolutionnaire contre l’oppression et l’exploitation incessante des impérialistes et des réactionnaires locaux.

Ces mouvements révolutionnaires armés jouent un rôle très important: tenter d’apporter une réponse à la question centrale de la révolution, à savoir la prise du pouvoir politique par les armes. Ils infligent des coups réels aux impérialistes et aux réactionnaires locaux et encouragent le prolétariat et le peuple des autres pays à se préparer à la révolution armée.

Les maillons les plus faibles dans la chaîne de la domination impérialiste se situent dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux. Ils regroupent la grosse majorité de la population mondiale et comptent beaucoup de paysans. Dans la plupart de ces pays, il est possible de mener une guerre populaire prolongée dans la ligne de la révolution de démocratie nouvelle. Les désastres causés par la crise actuelle de l’impérialisme ont préparé le terrain pour des guerres populaires prolongées.

A ce propos, des partis marxistes-léninistes et d’autres partis se sont rencontrés lors d’un séminaire en décembre dernier pour défendre la théorie et la pratique de la révolution prolétarienne, promouvoir la guerre populaire prolongée dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux et soutenir mutuellement leurs luttes révolutionnaires pour la libération nationale et la démocratie. La déclaration sur Mao et la guerre populaire élaborée par le séminaire met en avant le rôle important de la guerre populaire prolongée dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux et son interaction dialectique avec les luttes révolutionnaires dans les autres pays.

Pour sa part, le prolétariat des pays capitalistes industrialisés mène une lutte de classe pour affaiblir l’impérialisme et préparer la révolution armée. Il peut profiter des défaites et de l’affaiblissement de l’impérialisme à l’étranger. En fin de compte, pour que le socialisme l’emporte sur le capitalisme à une échelle globale, le prolétariat des pays impérialistes doit vaincre la bourgeoisie monopoliste.

Il est important et urgent d’appliquer, dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux, la ligne stratégique consistant à encercler les villes à partir des campagnes, pour construire et consolider une force armée pendant une longue période de temps, jusqu’au jour où la prise du pouvoir dans les villes devient possible. Cette ligne est, aujourd’hui et pour longtemps encore, la voie la plus rapide pour libérer les coups meurtriers de la révolution armée contre l’impérialisme et pour édifier des bases rouges dans les campagnes avant de s’emparer du pouvoir politique à l’échelle nationale.

L’influence globale de la pensée de Mao et de la pratique de la guerre populaire était à son summum au moment de la victoire de la révolution chinoise, jusqu’à la fin de la guerre du Vietnam et de la Grande Révolution culturelle. Mais cette influence a été contrée par des courants fortement révisionnistes, le concept de l’assistance soviétique comme facteur décisif et d’autres positions petites-bourgeoises sur la victoire militaire rapide, alors même que des mouvements révolutionnaires armés de longue haleine, maoïstes ou non, mettaient en pratique la lutte dans les campagnes.

On constate, assez ironiquement, que lorsque la ligne stratégique de Mao sur la guerre populaire prolongée était dénigrée par les révisionnistes et la petite bourgeoisie radicale, les impérialistes américains engrangeaient des succès en utilisant une certaine forme de bases rurales populaires, basées sur l’ethnie ou la religion, pour s’attaquer aux régimes soutenus par l’Union soviétique et basés dans les villes, comme en Angola, au Mozambique, au Nicaragua et en Afghanistan. Tandis que la stratégie de 'guerre spéciale' de Kennedy, utilisant la lutte antiguérilla, a échoué au Vietnam, Reagan marquait des points avec la théorie du ‘conflit de faible intensité’.

Au contraire, le cas des Philippines montre clairement que lorsqu’un parti révolutionnaire du prolétariat applique correctement la stratégie de la guerre populaire prolongée, les impérialistes et les réactionnaires locaux échouent dans leurs tentatives de copier et d’appliquer les tactiques de la guerre populaire contre l’armée du peuple. Des ONG anticommunistes, des renégats engagés comme espions de guerre, des unités paramilitaires, des sectes religieuses armées et des projets visant à dresser une communauté contre l’autre ont été contrecarrés par les mouvements révolutionnaires armés.

La pensée de Mao et la pratique de la guerre populaire sont des armes puissantes de la révolution prolétarienne mondiale, quand elles sont correctement appliquées dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux. Lorsque de plus en plus de partis du prolétariat adopteront et mettront en pratique cette stratégie de la guerre populaire prolongée dans ces pays, les puissances impérialistes et leurs régimes dévoués perdront du terrain.

Dans les pays où la ligne stratégique de guerre populaire prolongée est applicable, l’armement de haute technologie des US sera inefficace, comme la guerre du Vietnam l’a prouvé. Et si plus de peuples mènent une guerre révolutionnaire sur cette base, les impérialistes et les réactionnaires locaux seront perdants dans le combat corps à corps. Avec leur méthode lâche de tir à distance, ils n’auront jamais assez de missiles de croisière et de bombes guidées au laser pour atteindre les cabanes des paysans et l’armée populaire. Dans l’arsenal du prolétariat et du peuple, la guerre populaire prolongée est l’arme indispensable pour mener l’impérialisme à sa perte. Elle peut couper l’herbe sous le pied des impérialistes avant même qu’ils ne déclenchent une guerre d’agression ou une guerre mondiale. Elle peut réussir cela sur une échelle encore plus grande lorsque les impérialistes déclenchent une guerre mondiale ou une guerre importante dans une ou deux régions du globe.

Dans l’histoire de la révolution bolchevique, les travailleurs ont conquis le pouvoir d’abord dans les villes. Mais des luttes avaient lieu dans les campagnes, parmi les paysans, pendant la guerre civile et durant la guerre contre l’intervention étrangère. Dans la révolution chinoise, le pouvoir a été établi d’abord dans les campagnes, pour une longue période.

Cela signifie-t-il que la guerre révolutionnaire dans les campagnes n’est possible que dans les pays où les paysans constituent la majorité de la population? Dans les pays où les paysans forment une part importante, mais non majoritaire, de la population, une combinaison ou un enchaînement de soulèvements armés dans les villes et de guérilla rurale est possible. Dans certains anciens pays socialistes, dont les industries sont démantelées et qui sont sujettes à une compradorisation et à un retour au féodalisme, la révolution prolétarienne peut initier la guérilla rurale en combinaison avec des soulèvements ouvriers. Même dans certains pays capitalistes industrialisés, dans les conditions d’une guerre inter-impérialiste, une certaine forme de guérilla rurale est possible, comme durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour combattre l’impérialisme et la guerre et faire progresser la révolution prolétarienne mondiale, il ne suffit pas de mener des guerres populaires prolongées dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux. Le développement de la révolution prolétarienne mondiale dans différentes régions du monde, dans des conditions différentes, prendra des formes de lutte révolutionnaire variées.

A l’heure actuelle, où il n’y a pas de pays socialiste jouant le rôle de rempart industriel pour la révolution prolétarienne mondiale, il est extrêmement important de développer le mouvement révolutionnaire aussi bien dans les anciens pays socialistes que dans les pays impérialistes. Les guerres populaires prolongées et les autres formes de luttes révolutionnaires dans les pays dépendants aident le prolétariat et le peuple dans les pays impérialistes à développer leur propre mouvement révolutionnaire.

L’Inde est un Etat semi-colonial et semi-féodal mais possède, dans une certaine mesure, une base industrielle comme la Russie en 1917. Contrairement à l’Inde, les Philippines n’ont pas d’industrie de base. Pour que la révolution aux Philippines puissent passer de l’étape de révolution nationale et démocratique à l’étape socialiste, il doit y avoir d’autres peuples qui mènent à bien la révolution dans leurs propres pays et avec lesquels le peuple philippin pourra coopérer pour établir les fondements d’une industrie et contrer tout blocus économique impérialiste.

En dirigeant une guerre populaire prolongée selon la ligne de démocratie nouvelle, le Parti Communiste des Philippines, parmi les partis marxistes-léninistes, se retrouve aujourd’hui à l’avant-garde de la lutte contre l’impérialisme et la réaction. On peut être fier d’être en première ligne, mais cela implique de lourdes responsabilités, de grands risques et des sacrifices.

Les communistes philippins espèrent que, dans un laps de temps assez court, de plus en plus de peuples prendront la voie de la révolution armée. Ils envisagent la période actuelle comme celle de la transition d’un creux de vague temporaire vers un niveau plus élevé de la lutte du prolétariat et du peuple.

Nous croyons vraiment que le grand mouvement anti-impérialiste et la révolution prolétarienne mondiale vont renaître et feront de grands progrès durant le XXIe siècle, parce que nous avons vu, durant cette dernière décennie, le caractère violent, destructif, parasitaire et moribond de l’impérialisme. Les partis marxistes-léninistes, le prolétariat et les peuples du monde doivent résolument se préparer de façon active pour un nouveau round important dans la lutte historique entre le capitalisme et le socialisme.

 

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