Dossier guerres coloniales : Irak - Afghanistan - Palestine - Terrorisme

Ce dossier est surtout composé d'extraits d'articles du journal Solidaire du PTB

Sommaire :

Dossier Irak

La guerre contre l’Irak a commencé... il y a 80 ans

Irak : une guerre pour le pétrole et le contrôle de l'ensemble du Moyen-Orient

Faut-il soutenir Paris et Berlin contre Washington à l’ONU ?

Communistes du monde entier contre la guerre

Mort du consultant en désarmement David Kelly - Blair a du sang sur les mains

Dossier Afghanistan

Afghanistan - fiche

Le véritable programme de Bush : La 9ème guerre du pétrole ?

Suivez les routes du pétrole et vous trouverez les bases militaires des USA et les guerres qu’ils provoquent…

Stop à la guerre des Etats-Unis et de l’Europe contre l’Afghanistan

À bas la guerre impérialiste ! Non à la participation de la France !

Les négociations secrètes USA-talibans

Faut-il pleurer le commandant Massoud ?

Une colline attaque un avion US ?

Les semeurs de bombes se muent en humanitaires

Une étude américaine sur les conséquences des bombardements

Afghanistan : Crimes sans châtiments ?

Les Américains ne parviennent pas à contrôler l'Afghanistan

Dossier Palestine

Massacres, bouclage et asphyxie des territoires, chômage à un taux jamais égalé…

Israël : vers l’occupation totale de la Cisjordanie ?

Les résolutions des Nations Unies sur la Palestine ne servent-elles donc à rien ?

A propos de l’antisémitisme et du sionisme

Représailles ou stratégie d'épuration ethnique ?

Dossier Terrorisme

Des attentats impossibles sans complicités au sein des services secrets US

Pourquoi Bush a bloqué l’enquête sur Ben Laden ?

De 1939 à 2001 : les prétextes terroristes...

Un ouvrage révélateur sur le 11 septembre

Chapitre 1 - Des attentats avec la bénédiction de la CIA

Débats enflammés sur le livre «Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air»

Un menteur invétéré dirigera l'enquête sur les attentats du 11 septembre

En 1962, l'état-major général voulait entamer une campagne de terreur

La plus sanglante organisation terroriste de la planète

En Indonésie, les Etats-Unis voulaient provoquer un massacre

Dossier uranium appauvri

26 000 soldats US souffrent de ‘maladies inconnues’

Qui ne cherche rien ne trouve rien

Deux femmes admirables, Sara et Carol, ont démarré la résistance

Encore une histoire de fric ?

Paris et Londres produisent aussi des armes à l’uranium et ont aussi étouffé la vérité

Ils savaient… et ils n’ont rien dit

L’embargo empêche de secourir la population irakienne

Pourquoi l’Otan ne respecte aucune vie…

Pour faire justice

Pour (s’) informer

Dossier Salvador

Visionner l'animation Raisons d'envahir l'Irak (en anglais)

La guerre contre l’Irak a commencé... il y a 80 ans

De Lawrence d'Arabie à Bush et Blair en passant par Churchill, l’histoire de la longue guerre américano-britannique pour le contrôle de l'Irak a débuté dans les années 20.

Richard Becker, 08-01-2003

1914 - 1939 : Pourquoi et comment débuta l'intervention des Etats-Unis ?

Durant les innombrables heures que les grands médias consacrent à propager les mensonges et tromperies de l'administration Bush, cette question cruciale n'est presque jamais évoquée. Et pour de bonnes raisons.

Depuis son tout début, il y a 80 ans, la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak est orientée précisément sur un objectif : la prise de contrôle des riches ressources pétrolières de ce pays. Les fondements de l'intervention des Etats-Unis en Irak se basent sur les résultats de la Première guerre mondiale. C'était une guerre entre empires capitalistes. D'un côté, les empires allemand, austro-hongrois et ottoman; de l'autre, l'Entente entre les empires britannique, français et russe. La plus grande partie du Moyen-Orient était sous contrôle ottoman.

Les Britanniques, avec l'aide de leur agent T.E. Lawrence, que les cinéphiles connaissent sous le nom de «Lawrence d'Arabie», promirent aux chefs arabes que s'ils combattaient aux côtés de la Grande-Bretagne contre leurs maîtres turcs, les Britanniques soutiendraient la création d'un Etat arabe indépendant après la guerre.

Au même moment, les ministères des Affaires étrangères britannique, français et russe signaient secrètement l'accord Sykes-Picot. Cet accord dessina un nouveau Moyen-Orient. L'accord fut rendu public après la Révolution russe de 1917 par le parti bolchevique, qui le dénonça comme impérialiste.

Des révoltes de masse se déclenchèrent partout au Moyen-Orient, quand les peuples arabes et kurdes apprirent la traîtrise des «démocraties» impériales. Les rebellions continuèrent pendant toute la période coloniale. La répression était extrêmement brutale. En 1925 par exemple, les Britanniques bombardèrent au gaz empoisonné la ville kurde de Salaïmaniya, en Irak ; c'est la première fois que ce gaz fut déployé par avion.

1925 : une ville irakienne gazée par les Britanniques

Après la guerre, en 1918, la Grande-Bretagne et la France poursuivirent leurs plans. Ils s'accordèrent sur le fait que le Liban et la Syrie appartiendraient à l'empire français, tandis que la Palestine, la Jordanie ainsi que les deux provinces au sud de l'Irak, Bagdad et Bassorah, reviendraient au vaste empire britannique.

Cependant, ils ne purent se mettre d'accord sur la province de Mossoul, la partie septentrionale de l'Irak actuel. Selon l'accord Sykes-Picot, elle faisait partie de la «sphère d'influence» française. Les Britanniques étaient néanmoins décidés à ajouter Mossoul, région peuplée en majorité de Kurdes, à leur nouvelle colonie irakienne. Pour soutenir cette revendication, l'armée britannique occupa Mossoul quatre jours après la capitulation turque en octobre 1918, et ne quitta pas le territoire.

La solution à la lutte inter-impérialiste entre la Grande-Bretagne et la France à propos de Mossoul amena avec elle l'entrée en scène des Etats-Unis en Irak. L'importance de Mossoul pour les grandes puissances se basait sur les ressources connues de la région mais encore largement non exploitées à l'époque.

Les Etats-Unis étaient entrés en guerre aux côtés de la Grande-Bretagne et de la France en 1917, après que leurs amis et ennemis soient largement éreintés. Les conditions des Etats-Unis pour leur entrée en guerre comprenaient l'exigence que leurs objectifs économiques et politiques soient pris en compte dans le monde d'après-guerre. Parmi ces objectifs, l'accès à de nouvelles sources de matières premières, en particulier le pétrole. En février 1919, Sir Arthur Hirtzel, un officier colonial supérieur britannique prévenait ses associés : «On devrait se souvenir que la Standard Oil Company est très impatiente de s'emparer de l'Irak.»1

Face à la domination franco-britannique de la région, les Etats-Unis demandèrent tout d'abord un droit d'«ouverture». Les compagnies pétrolières US devaient être autorisées à négocier librement des contrats avec la nouvelle monarchie marionnette occupée par le Roi Fayçal, que les Britanniques avaient intronisé en Irak. La solution au conflit entre les alliés victorieux sur l'Irak fut trouvée en divisant le pétrole irakien. Les Britanniques conservèrent Mossoul en tant que partie de leur nouvelle colonie en Irak.

Pas une seule goutte pour l'Irak

Le pétrole irakien fut divisé en quatre fois 23,75% : pour la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas et les Etats-Unis. Les 5% restants allèrent à un baron du pétrole appelé Caloste Gulbenkian, connu sous le nom de «Monsieur Cinq pour cent», qui aida à négocier l'accord. Exactement 0% du pétrole de l'Irak appartenait à l'Irak. Cet état de choses devait se maintenir jusqu'à la révolution de 1958.

En 1927, une exploration pétrolière importante se mit en place. D'énormes réserves furent découvertes dans la province de Mossoul. L'Iraqi Petroleum Co., composée de BP, Shell, Mobil et Exxon, monopolisa totalement la production pétrolière irakienne. Deux ans plus tard fut créée l'Iraqi Petroleum Co., composée de Anglo-Iranian (aujourd'hui BP), Shell, Mobil et Standard Oil (Exxon). En l'espace de quelques années, elle monopolisa totalement la production pétrolière irakienne.

Pendant la même période, avec le soutien de Washington, la famille al-Saoud conquit la majeure partie de la péninsule arabe voisine. L'Arabie Saoudite fut établie dans les années 30 en tant que néocolonie des Etats-Unis. L'ambassade des Etats-Unis à Riyad, capitale du pays, se trouvait dans les bâtiments de l'ARAMCO (Arab American Oil Co.)

Cependant, les compagnies pétrolières US et leur gouvernement à Washington n'étaient pas satisfaits. Ils désiraient le contrôle complet du pétrole du Moyen-Orient, comme ils possédaient déjà un quasi-monopole des réserves pétrolières de l'hémisphère occidental. Cela signifiait le départ des Britanniques, encore maîtres dans la région. L'opportunité pour les Etats-Unis s'offrit suite à la Seconde guerre mondiale...

Note : 1 Cité dans Peter Sluglett, «Britain in Iraq, 1914-32», London, 1974.

1939 - 1945 : Les alliés s'affrontent sur le champ de bataille économique

Alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont généralement dépeints comme les alliés les plus étroits durant la guerre, ils étaient pourtant aussi de féroces concurrents.

La guerre affaiblit grandement l'empire britannique en métropole et par la perte de colonies-clés en Asie. Dans les premiers temps de la guerre, de 1939 à 1942, se posait la question de savoir si la Grande-Bretagne survivrait. Elle ne réussit jamais plus à recouvrer son ancienne domination. Les Etats-Unis, par contre, gagnèrent en force tout au long de la guerre, alors que les chefs à Washington avaient une fois de plus attendu leur heure pour entrer en lice.

Dans les dernières étapes de la Seconde guerre mondiale, les administrations Roosevelt et Truman, dominées par les intérêts des grandes banques, des firmes pétrolières et autres, étaient décidées à restructurer le monde d'après-guerre afin d'assurer la position dominante des Etats-Unis.

Les éléments-clés dans leur stratégie consistaient en : 1) la supériorité militaire US en armement nucléaire et conventionnel ; 2) la globalisation des entreprises dominée par les Etats-Unis, au moyen du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, créés en 1944, et de l'établissement du dollar comme monnaie mondiale ; 3) le contrôle des ressources globales, en particulier du pétrole.

Alors que le combat faisait encore rage sur les champs de bataille, une lutte derrière le rideau pour le contrôle économique global avait lieu entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Cette bataille fut tellement acharnée que le 4 mars 1944, trois mois avant le début du débarquement de Normandie, le Premier ministre britannique Winston Churchill envoya un message inhabituel par son contenu impérialiste et son ton hostile, au Président Franklin Roosevelt :

«Merci beaucoup pour vos assurances de ne pas avoir de vues innocentes [comprenez envieuses, ndlr] sur nos champs de pétrole en Iran et en Irak. Permettez-moi de vous rendre la pareille en vous offrant l'assurance la plus grande que nous n'avons pas la moindre intention de nous immiscer dans vos intérêts ou propriété en Arabie Saoudite. Ma position dans celle-ci comme dans toutes affaires est que la Grande-Bretagne ne recherche pas d'avantages, territorial ou autres, à l'issue de cette guerre. D'autre part, elle ne sera privée de rien qui lui appartient de droit après avoir donné ses meilleurs services à la bonne cause, du moins aussi longtemps que l'on aura confié à votre humble serviteur la charge de conduire ses affaires.»1

Cette note montre clairement que les dirigeants US étaient tellement décidés à s'emparer de l'Iran et de l'Irak, tous deux néo-colonies de la Grande-Bretagne, qu'ils avaient déclenché les sonnettes d'alarme dans les cercles dirigeants britanniques. Malgré les fanfaronnades de Churchill, il n'y avait rien que les Britanniques puissent faire pour contenir la puissance croissante des Etats-Unis. En quelques années, la classe dirigeante britannique s'adapta à la nouvelle réalité et accepta le rôle de partenaire adjoint à Washington.

Note : 1 Cité dans Gabriel Kolko, «The Politics of War», New York, 1968.

1945 - 1989 : Le rôle des Etats-Unis devient prédominant

En 1953, après que le coup d'Etat de la CIA ait porté le Shah (roi) au pouvoir, les Etats-Unis prirent contrôle de l'Iran. Vers le milieu des années 50, l'Irak était contrôlé conjointement par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

En 1955, Washington organisa le Pacte de Bagdad, qui comprenait les régimes qui lui étaient inféodés ­ Pakistan, Iran, Turquie, Irak ­ ainsi que la Grande-Bretagne,. Le Pacte de Bagdad ou Cento (Central Treaty Organisation) avait deux buts. Le premier était de s'opposer à la montée des mouvements de libération arabes et autres au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Le second était d'être une de ces alliances militaires ­ comme l'Otan, la Seato et l'Anzus ­ qui encerclaient le camp socialiste: l'Union soviétique, la Chine, l'Europe de l'Est, la Corée du nord et le Vietnam du nord.

L'Irak, cur de Cento, était indépendant seulement sur papier. Les Britanniques entretenaient des champs d'aviation militaires en Irak. Alors que le pays est très riche en pétrole - 10% des réserves mondiales - le peuple vivait dans une pauvreté extrême et connaissait la famine.

L'illettrisme dépassait les 80%. Il y avait un médecin pour 6 000 personnes, un dentiste pour 500 000. L'Irak était dirigé par une monarchie corrompue sous le roi Fayçal II et une clique de propriétaires terriens féodaux et de capitalistes commerçants. Le simple fait que l'Irak ne possédait pas ses grandes réserves pétrolières souligne la pauvreté de l'Irak.

La révolution irakienne

Le 14 juillet 1958, l'Irak fut ébranlé par une puissante explosion sociale. Une rébellion militaire se transforma en révolution nationale. Le roi et son administration disparurent d'un coup, sous la justice populaire. Washington et Wall Street étaient stupéfaits. Dans la semaine qui suivit, dans ses dix premières pages, le New York Times ne parlait pratiquement que de la révolution irakienne.

Alors qu'on se souvient mieux aujourd'hui d'une autre grande révolution qui eut lieu juste six mois plus tard à Cuba, Washington considérait, à l'époque, le soulèvement irakien comme beaucoup plus menaçant pour ses intérêts vitaux. Pour le président Dwight D. Eisenhower, elle était alors «la plus grande crise depuis la guerre de Corée». Le lendemain de la révolution irakienne, 20 000 Marines US commencèrent à débarquer au Liban. Le jour suivant, 6 600 parachutistes britanniques furent lâchés en Jordanie.

C'est ce qui devint connu sous le nom de «doctrine Eisenhower». Les Etats-Unis interviendraient directement ­ entreraient en guerre ­ pour empêcher la propagation de la révolution dans ce Moyen-Orient vital. Les forces expéditionnaires US et britanniques intervinrent pour sauver les gouvernements néocoloniaux au Liban et en Jordanie. S'ils ne l'avaient pas fait, l'impulsion populaire en provenance de l'Irak aurait certainement fait s'effondrer les régimes dépendants et pourris de Beyrouth et Amman.

Plan USA en 1958 : envahir l'Irak et placer un régime fantoche

Mais Eisenhower, ses généraux et son secrétaire d'Etat (ministre des Affaires étrangères) John Foster Dulles avaient aussi autre chose en tête: envahir l'Irak, renverser la révolution et installer un régime fantoche à Bagdad.

Trois facteurs forcèrent Washington à abandonner ce plan en 1958 : le caractère généralisé de la révolution irakienne; l'annonce par la République Arabe Unifiée, qui faisait frontière avec l'Irak, que ses forces combattraient les impérialistes s'ils cherchaient à envahir; le soutien énergique de la République Populaire de Chine et de l'Union Soviétique à la révolution. L'URSS commença une mobilisation de troupes dans les républiques soviétiques du sud proches de l'Irak. La combinaison de ces facteurs força les dirigeants US à accepter l'existence de la Révolution irakienne, mais Washington ne se résigna jamais vraiment à la perte de l'Irak.

Pendant les trois décennies qui suivirent, le gouvernement US utilisa de nombreuses tactiques visant à affaiblir et à miner l'Irak en tant que pays indépendant. A différentes époques ­ comme lorsque l'Irak termina la nationalisation de la Iraqi Petroleum Co. en 1972 et signa un traité de défense avec l'URSS ­ les Etats-Unis apportèrent un soutien militaire massif aux éléments kurdes de droite combattant Bagdad et ajoutèrent l'Irak à leur liste d'«Etats terroristes».

Les Etats-Unis soutinrent les éléments les plus à droite dans la structure politique post-révolutionnaire contre les forces communistes et nationalistes de gauche. Les Etats-Unis applaudirent, par exemple, la suppression du parti communiste irakien et des syndicats ouvriers de gauche par le gouvernement du parti Baas de Saddam Hussein à la fin des années 70.

Guerre Iran ­ Irak : Washington aide les deux à détruire l'autre

Pendant les années 80, les Etats-Unis encouragèrent et aidèrent le financement et l'armement de l'Irak dans sa guerre contre l'Iran. La domination US de ce dernier s'était terminé par la révolution islamique iranienne en 1979. En réalité, le but des Etats-Unis dans la guerre Iran-Irak était d'affaiblir et détruire les deux pays. L'ancien secrétaire d'Etat Henry Kissinger révéla la véritable attitude des Etats-Unis concernant cette guerre lorsqu'il dit : «J'espère qu'ils se détruiront l'un l'autre».

Le Pentagone livra des photos satellites des objectifs iraniens à l'armée de l'air irakienne. A la même époque, comme le révéla le scandale Iran-Contra, les Etats-Unis envoyaient des missiles antiaériens à l'Iran. La guerre Iran-Irak fut un désastre, tuant un million de personnes et épuisant les deux pays.

1989 - 2003 : Les graves conséquences de l'effondrement de l'URSS

Lorsque la guerre Iran-Irak se termina en 1988, les développements en Union Soviétique posaient un danger nouveau, encore plus grave pour l'Irak, qui disposait d'un traité militaire et d'amitié avec l'URSS.

Poursuivant la «détente permanente» avec les Etats-Unis, la direction Gorbatchev à Moscou commença à réduire son soutien à ses alliés dans le monde en développement. En 1989, Gorbatchev alla plus loin et retira le soutien aux gouvernements en Europe de l'Est, qui s'écroulèrent pour la plupart. Ce brutal changement dans les rapports de forces mondiaux, qui culmina deux ans plus tard avec la chute de l'Union Soviétique elle-même, constitua la plus grande victoire de l'impérialisme US depuis la Seconde guerre mondiale.

Elle ouvrit également la porte à la guerre US contre l'Irak, en 1991, et plus de dix ans de sanctions/blocus et de bombardements qui ont dévasté le pays et son peuple.

A présent, l'administration Bush cherche à gagner le soutien du public pour une nouvelle guerre contre l'Irak en parlant d'«armes de destruction massive» et de «droits de l'Homme». En réalité, Washington ne se soucie ni de la capacité militaire réduite de l'Irak ni des droits de l'Homme, où que ce soit dans le monde.

Ce qui mène la politique des Etats-Unis envers l'Irak en 2002-2003 est le même objectif qui préoccupait Washington et Wall Street il y a 80 ans : le pétrole.

* Workers World News Service, 31 octobre 2002.

 

 

Irak : une guerre pour le pétrole et le contrôle de l'ensemble du Moyen-Orient

Etudes Marxistes n°60 ; 27 septembre 2002 (extrait)

 

1. Bush veut la guerre à tout prix

Bush a posé un véritable ultimatum à l'Onu. Il exige qu'elle lui donne carte blanche pour une invasion militaire de l'Irak, quel que soit le résultat de nouvelles inspections. Si l'Onu refuse, il agira quand même selon ses plans d'agression, décidés depuis longtemps. Le secrétaire général Koffi Annan a affirmé que l'ukase des États-Unis, s'il devait être mis en pratique, signifierait la fin de l'Onu.

Même en se soumettant aux exigences les plus humiliantes, l'Irak sera sauvagement attaqué. C'est depuis longtemps la conviction de Bagdad. Car l'impérialisme américain veut à tout prix conquérir l'Irak, anéantir un régime trop indépendant, le remplacer par un régime totalement soumis. Et, partant de là, soumettre l'ensemble du Moyen-Orient. L'Irak a néanmoins accepté le retour des inspecteurs de l'Onu sur l'insistance des pays arabes et d'autres pays (comme la Chine ou la Russie) qui n'acceptent pas l'intervention militaire américaine.

Les peuples du monde réagissent avec révolte et indignation aux plans de guerre américains. Il y a une douzaine d'années, la contre-révolution a complètement renversé le socialisme en URSS et dans les pays d'Europe de l'Est. Le système capitaliste avait «enfin» les mains libres. La superpuissance américaine croyait pouvoir imposer pour toujours son «nouvel ordre mondial». Celui-ci s'est révélé être encore plus terroriste, cruel et barbare que l'ancien ordre de Hitler. Le système de marché libre tant vanté par les puissances capitalistes n'engendre que misère, fascisme et guerres. La tyrannie impérialiste bute aujourd'hui sur une opposition grandissante. La prochaine agression contre l'Irak renforcera tant le danger de guerre impérialiste généralisée que le front mondial des peuples contre l'impérialisme.

Le PTB s'engagera à fond pour arrêter cette machine de guerre nazie, terroriste et criminelle. Il luttera de toutes ses forces avec les millions de manifestants qui s'opposeront à cette guerre partout dans le monde, avec le soutien du mouvement communiste international. Et si ce mouvement ne parvient pas à empêcher la guerre contre l'Irak, il devra s'engager pour la gagner contre les Etats-Unis.

Les dirigeants américains se croient les maîtres du monde. Mais ils se trompent quand ils pensent qu'ils se sortiront facilement de leur agression au Moyen-Orient. Depuis 1991, aucune de leurs guerres sauvages n'a encore vraiment abouti. Partout où ils débarquent, ils ne récoltent que colère et opposition. L'impérialisme américain a d'ambitieux plans de guerres tous azimuts. Mais l'Irak pourrait bien devenir un bourbier dans lequel sa machine de guerre s'enlisera profondément. En se battant contre cette nouvelle agression américaine et contre le soutien ­ passif ou actif ­ que les dirigeants de l'Europe impérialiste lui apporteront, les peuples verront plus clairement que seul le communisme peut apporter une paix réelle et juste.

2.1. Une région stratégique

Bush a défini comme région stratégique prioritaire toute la zone s'étendant du Moyen-Orient au Nord-Est de l'Asie. Il concentre ses guerres de conquêtes en premier lieu sur les régions riches en pétrole, en particulier le Moyen-Orient. A ses yeux, l'Irak n'est qu'un point de départ de sa croisade pour la conquête de toute la région.

En taxant l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord d'«Axe du Mal», en janvier 2002, Bush ne laissait plus aucun doute quant à ses intentions réelles. En fait, depuis la fin de la première guerre du Golfe, les forces politiques, militaires et économiques qui ont porté les deux Bush au pouvoir insistaient déjà sur le fait que le travail commencé en 1991 n'est pas fini. L'«Opération Tempête du Désert» (nom de la guerre de 1991) n'a pas pu déloger Saddam Hussein. L'impérialisme espérait que l'embargo dresserait les masses contre le président irakien. Mais aujourd'hui, Saddam Hussein jouit au contraire d'un soutien populaire plus grand, tant en Irak que dans le monde arabe: enfin un dirigeant qui ne se soumet pas, qui a même le front de résister.

«Aussi longtemps que Saddam Hussein reste au pouvoir en Irak (...), un rapprochement avec Bagdad serait perçu dans le monde comme une défaite et une humiliation majeure pour l'Amérique», écrit Henry Kissinger, secrétaire d'État à l'époque de la guerre contre le Vietnam. Il poursuit: «Une approche équilibrée de l'Irak ne peut être conçue que (...) pour l'après-Saddam».1 Kissinger dirige aujourd'hui l'un des nombreux «think tanks» (groupes de pression) qui orientent la stratégie de Bush afin de raffermir la domination sans partage des États-Unis. Et qui répètent tous la même chose depuis des années: Saddam Hussein doit disparaître.

Depuis plus de vingt ans déjà, les Etats-Unis travaillent au contrôle de l'Irak et du Moyen-Orient. Dans les années 80, par l'intermédiaire de Donald Rumsfeld, aujourd'hui Secrétaire à la Défense, alors envoyé spécial de Ronald Reagan, les USA encourageaient Saddam Hussein à faire la guerre à l'Iran. Ils lui fournissaient toutes les armes voulues. Ils tentaient ainsi d'abattre le régime iranien, le plus farouchement opposé à l'impérialisme américain de tout le Moyen-Orient. Mais ils espéraient en même temps voir l'Irak s'épuiser dans une guerre sans fin pour pouvoir installer un régime entièrement à leur botte.

Saddam Hussein n'a jamais accepté de laisser les États-Unis disposer du pétrole irakien. En 1990, il a tenté d'annexer le Koweït : il considère depuis toujours que les colonisateurs britanniques ont créé ce petit État dans le seul but d'arracher à l'Irak ses riches puits de pétrole. En contrôlant tout ce pétrole, l'Irak comptait imposer un prix plus juste pour cette richesse de nombreux pays du tiers monde. Alors que les impérialistes veulent exactement le contraire: une domination totale sur les régions pétrolifères pour garantir un prix toujours plus bas.

Note : 1 H. Kissinger, "Does America need a Foreign Policy", chap 5

2.2. But économique fondamental : le pétrole

Les plus grandes réserves mondiales de pétrole. Le Moyen-Orient contient les plus grandes réserves de pétrole au monde. Avec au moins 115 milliards de barils ­ peut-être même 300 milliards ­ l'Irak est la deuxième réserve au monde, précédée uniquement par l'Arabie Saoudite. Sa production de 5 millions de barils par jour pourrait passer à 9 millions dans dix ans. Et un baril de pétrole irakien ne coûte qu'un dollar.

Si les réserves confirmées de l'Irak ne comptent que pour 15% des réserves mondiales, plus de 90% de son territoire reste inexploré. L'Irak ne compte pas plus de deux mille puits, contre un million au Texas. Sur dix forages en Irak, huit fournissent effectivement du pétrole, contre moins d'un sur cinq en Arabie Saoudite. Un patron du pétrole, M. Teeling, a bien cerné l'importance du pétrole irakien : «À terme, cela n'a aucun sens pour les compagnies occidentales de dépenser d'immenses sommes à l'exploration du pétrole devant les côtes de l'Angola et d'y travailler à des centaines de mètres de profondeur sous la mer, alors qu'il y a un gigantesque champ pétrolifère de 40 milliards de barils à la surface en Irak»1.

Les guerres de Bush servent les intérêts des multinationales pétrolières. Dans leur logique coloniale, les puissances impérialistes industrialisées considèrent ces ressources comme leur appartenant. Et voient dans toute velléité d'indépendance des pays pétroliers une menace pour leur «sécurité». C'est-à-dire pour le bon fonctionnement de leur machine de production capitaliste. Kissinger l'avoue franchement : «Les États Unis et les autres démocraties industrielles ont un intérêt national contraignant à empêcher que cette région soit dominée par des pays dont les buts sont inamicaux envers nous. Les économies industrielles avancées dépendent des réserves d'énergies du Golfe»2. Les régions pétrolifères du Moyen-Orient étaient déjà un enjeu majeur des deux guerres mondiales passées. Elles ont repris une place prioritaire dans la nouvelle stratégie américaine3.

Les guerres de Bush servent les intérêts des multinationales américaines de l'énergie, comme celles de Hitler les patrons de la sidérurgie et de la chimie allemande. Bush est arrivé au pouvoir grâce à un coup d'État financé entre autres par les grosses multinationales du secteur énergétique américaines, dont émanent une vingtaine des plus hauts membres de son administration. Dont son vice-président Dick Cheney, ex-président et actionnaire de la compagnie énergétique Halliburton. Et son conseiller à la Sécurité Nationale, Condoleeza Rice, qui a siégé au conseil d'administration de Chevron4.

Ces grosses multinationales tirent des profits exorbitants du pétrole (extraction, transport, raffinage, commercialisation). Les réserves mondiales de pétrole diminuent réellement, ce qui ne peut qu'inciter les gros patrons du secteur à une agressivité accrue. C'est pour garantir sa mainmise sur ces sources de bénéfices gigantesques que l'État américain envoie son armée meurtrière au Moyen-Orient.

Comme toutes les industries dépendent largement du pétrole, les guerres de conquête de Bush répondent aux besoins de quasiment toutes les multinationales américaines. La crise économique s'aggrave chaque jour et menace les USA et les autres centres capitalistes de récession réelle. L'endettement des entreprises, particulièrement aux USA, est l'un des facteurs qui mènent le système entier aux portes d'une nouvelle crise mondiale qui dépassera en ampleur celle de 1929. C'est pour cela que les impérialistes exigent un approvisionnement garanti en pétrole au prix le plus bas.

Peur des armes de destruction massive ou de l'arme du pétrole ? Ce n'est pas d'hypothétiques «armes de destruction massives» que les impérialistes ont peur, mais de l'arme du pétrole. Kissinger l'indique clairement : «Un évènement de mauvaise augure est apparu à l'automne 2000, lorsque Saddam s'est efforcé de manipuler le marché des produits pétroliers en diminuant régulièrement les flux de pétrole autorisés sous le régime des sanctions. Ces efforts doivent être traités pour ce qu'ils sont : non pas un problème d'approvisionnement et de demande en énergie, mais un défi à la sécurité nationale (des USA, bien sûr)»5. Les pays détenteurs des plus grandes réserves sont des pays du tiers monde ­ dont ce pétrole est pour le moment souvent la seule richesse. Ils ont à juste titre utilisé cette arme dans le passé, ils l'utiliseront sans nul doute encore à l'avenir. Et c'est parce que Saddam Hussein voit le pétrole arabe comme une arme contre la domination des USA sur le Moyen-Orient qu'il doit disparaître.

Contrôler l'énergie des économies concurrentes. A mesure de l'exacerbation de la crise économique structurelle du capitalisme, les antagonismes entre centres impérialistes se manifestent plus brutalement. Les Etats-Unis ne veulent pas seulement garantir leur approvisionnement en pétrole ­ ils en produisent eux-mêmes beaucoup et s'approvisionnent surtout en Amérique Latine, n'importent que 5% du Moyen-Orient ­ ils veulent aussi et surtout contrôler l'énergie dont dépendent les économies de leurs concurrents européens et japonais. Les beaux discours des Louis Michel, Schröder, Chirac et autres sur leurs «différences tactiques» avec les USA cachent un conflit d'intérêt bien plus profond, qui à son tour fait monter le danger d'une nouvelle guerre mondiale inter-impérialiste. «Plus le capitalisme est développé, a écrit Lénine, plus le manque de matières premières se fait sentir, plus la concurrence et la recherche des sources de matières premières dans le monde entier sont acharnées, et plus est brutale la lutte pour la possession des colonies»6

Les Etats-Unis voient encore plus loin. Ils considèrent la Chine, puissance économique montante, «comme le plus grand défi à leur domination mondiale dans les quinze années à venir»7. Or la Chine est confrontée à un manque croissant de pétrole. La majeure partie de ses importations proviennent du Moyen-Orient. En contrôlant le pétrole de cette région, les impérialistes américains veulent aussi pouvoir saboter l'économie chinoise.

Notes : 1 Source: «Lalkar», September-October, qui cite e.a. Thomson Datastream et le Financial Times, 15 August 2002 ; 2 H. Kissinger, op.cit., chap. 5 ; 3 Cf. PTB "Thèses sur la Mondialisation", thèses 78; "Quadrennial Defense Review Report", September 2001, p. 4; p.20. ; 4 Voir: World Policy Institute, "The Role of the Arms Lobby In the Bush Administration's Radical Reversal of Two Decades of U.S. Nuclear Policy"; Center of Public Integrity, "The Public I - An Investigative Reportof the Center for Public Integrity" ; 5 Cfr Kissinger,op.cit, p. 195 ; 6 Lénine, "L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme», chap. VI (tome XXII, p. 281) ; 7 Voir PTB, "Thèses sur la Mondialisation", thèse 78.

2.3. But politique central : dominer tout le Moyen-Orient

Scénarios US contre l'Irak. Toute la violence, toutes les horreurs dignes de Hitler que les Bush, Clinton, Blair et autres dirigeants européens ont infligé à l'Irak n'ont pu faire plier ce petit pays du tiers-monde. Il ne s'agit pas seulement d'un Saddam Hussein «intransigeant et têtu», il s'agit de tout un peuple décidé à défendre son indépendance et sa dignité. Pas avec des «armes de destruction massive», mais, comme devait le dire le ministre irakien des Affaires étrangères, «s'il le faut avec des couteaux, des bâtons, nos mains nues».

Bush accuse Saddam Hussein de brutaliser sans cesse son peuple. Mais comment expliquer alors la détermination de ce dernier à défendre son pays et à s'opposer aux sauveurs autoproclamés de Washington ? Comment expliquer son soutien décidé au président irakien ? Ce constat d'un peuple plus uni que jamais dans la haine de l'impérialisme, tant de nombreux journalistes que les services de renseignement occidentaux le font.

Pour contrôler l'Irak, l'impérialisme américain doit d'abord renverser le régime de Saddam Hussein. Les États-Unis tentent de susciter une alternative du style de l'Alliance du Nord en Afghanistan. Depuis plusieurs mois, ils intensifient l'armement des organisations nationalistes et pro-américaines kurdes au nord de l'Irak afin de renforcer leur lutte pour le renversement de Saddam Hussein1. En même temps, ils misent sur une opposition réunie au sein du soi-disant «Congrès National Irakien» siégeant à Londres. Aucune de ces marionnettes des États-Unis ne signifie grand chose, ce qui rend nécessaire, aux yeux de l'administration Bush, une intervention militaire directe et massive.

A l'image du Hitler de 1940, triomphant et décidé à réorganiser le monde entier, les USA sont convaincus de gagner la partie et envisagent différents scénarios pour l'après Saddam. Un de ces scénarios serait tout simplement de mettre fin à l'existence de l'Irak et de le faire fusionner avec le régime pro-Américain de Jordanie. «D'après le correspondant du journal israélien Yediot Ahronot pour les affaires militaires, le côté israélien a été informé de plans, préparés par les faucons dans l'administration Bush, afin de changer totalement la face du Moyen-Orient, y compris l'idée de mettre fin à tout régime irakien et de faire fusionner le pays avec le royaume Hachémite»2.

De l'Irak à la Palestine. Parallèlement à ses plans contre l'Irak, les Etats-Unis accorde un feu vert à l'agression d'Israël contre le peuple Palestinien. L'Irak est un des défenseurs les plus décidés de la cause palestinienne. C'est afin de permettre à Israël de poursuivre sa politique d'expansion continue que les USA veulent anéantir l'Irak.

Si la «communauté internationale» ­dont Bush se prétend le porte-parole ­ cherche au Moyen-Orient des «armes de destruction massive menaçant la sécurité des voisins», c'est à Tel-Aviv et non à Bagdad qu'elle les trouvera. Israël possède des centaines d'armes de destruction massive, dont plus de 200 bombes nucléaires. Et menace ouvertement de les utiliser. Les Etats-Unis lui fournissent d'innombrables armes dernier cri. Ensemble, ils ont transformé la Palestine en laboratoire grandeur nature de leurs armes les plus sophistiquées.

S'il faut punir ceux qui ne respectent pas les Résolutions de l'Onu, qu'on commence par ce même État d'Israël qui, depuis 1948, se fout éperdument des innombrables résolutions du Conseil de sécurité rédigées à son adresse.

Si l'on ne peut tolérer qu'un pays en occupe un autre, qu'on commence par forcer l'État expansionniste d'Israël à quitter les vastes territoires arabes qu'il occupe en faisant fi du droit international.

S'il faut désigner des «dictateurs féroces, foulant aux pieds les droits de l'homme», il faut commencer par les Sharon et autres dirigeants sionistes. Dans les années 30, Himmler, chef de la Gestapo, se serait sûrement félicité de pouvoir passer systématiquement au bulldozer les maisons des familles de résistants (supposés).

De l'Irak à la Syrie et l'Iran. Le but de l'impérialisme américain est de passer du renversement de Saddam Hussein au renversement de tous les régimes qui s'opposent résolument à sa mainmise. Le ministre américain de la Guerre Donald Rumsfeld répète que si l'Irak est la cible première des États-Unis, d'autres «États voyous menacent également la sécurité des États-Unis». Et de citer l'Iran, la Syrie, la Libye.3 Tous ces pays du tiers-monde ont l'audace de s'opposer à la guerre d'agression américaine contre l'Irak, de refuser la mainmise de l'impérialisme sur leurs ressources naturelles, d'exiger la création d'un État Palestinien.

Après les attentats de septembre 2001, l'administration Bush a longuement débattu de la question: quel pays agresser et soumettre en premier lieu. Plusieurs candidats figuraient sur la liste. Hormis l'Afghanistan, il y avait au moins aussi l'Irak, l'Iran, la Syrie, le Soudan et la Corée du Nord. Le vice-président Cheney et le Secrétaire à la Défense Rumsfeld plaidaient pour commencer par l'Irak. Mais sur avis de Colin Powell, Bush a décidé de commencer par l'Afghanistan. A ce moment-là, l'Irak était secondaire, plaidait le ministre des Affaires étrangères. En promettant de ne pas s'arrêter à l'Afghanistan. Aujourd'hui ce pays est rasé, Ousama Ben Laden court toujours et plus de 10 000 victimes gisent sur le terrain. Voici (re)venu le tour de l'Irak.

Les responsables américains déclarent que, par rapport à l'Irak, les autres «États voyous» sont moins importants». Pour le moment, rapporte le Washington Post : «Alors que l'administration Bush débat de la guerre contre l'Irak, les faucons de cette administration plaident pour une vision plus large sur le Moyen-Orient, qui ne considère le renversement de Saddam Hussein que comme un premier pas dans la transformation de la région... Après avoir chassé Saddam, les États-Unis auront une plus grande marche de manuvre pour agir contre la Syrie et l'Iran, ils seront dans une meilleure position pour résoudre le conflit israélo-palestinien et moins dépendants du pétrole saoudien. Bien que ces idées ne représentent pas la politique officielle des États-Unis, elles ont de manière croissante servi de justification pour une attaque contre l'Irak, et des éléments de cette stratégie sont apparus dans des discours d'officiels américains, en particulier du vice-président Dick Cheney»4

Soit la Syrie, l'Iran et d'autres seront entraînés dans la guerre (aux côtés de l'Irak) et les USA y étendront alors leur agression. Soit les impérialistes américains établiront d'abord de plus solides bases dans une Irak conquise, pour passer ensuite à une deuxième vague d'agression, dirigée contre l'Iran, la Syrie, la Palestine... Ces régimes peuvent compter sur un large soutien de leurs populations à leur politique d'opposition à l'impérialisme américain et son gendarme Israël. Il ne fait aucun doute que les hordes américaines devront les massacrer en masse avant de pouvoir instaurer des régimes qui leur soient entièrement inféodés. Pour rappel : en 1990, la capture du chef d'Etat Noriega par l'armée US dans le tout petit territoire de Panama a coûté 4 000 vies : on peut s'imaginer ce que ce sera dans ces plus grands pays, bien mieux préparés à l'agression américaine prochaine.

Une vaste guerre en préparation. Bush parle de l'Irak, mais c'est une guerre de très grande envergure que ses principaux collaborateurs préparent avec le Pentagone. Cheney, Rumsfeld et leurs adjoints planifient la conquête de tout le Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord à l'Iran. Les dirigeants arabes alliés aux USA lors de la guerre du Golfe payent cher leur soumission. Tant en Arabie Saoudite qu'en Egypte ou ailleurs, la révolte des masses gronde. D'après l'International Herald Tribune, «un rapport secret américain, basé sur une enquête des services de renseignements saoudiens auprès de jeunes de 25 à 41 ans, conclut que 95% d'entre eux soutient la cause de Ben Laden»5. Quoiqu'on puisse penser de Ben Laden, il est clair que dans ce contexte il s'agit du symbole le plus radical de l'anti-américanisme.

De plus, une frange de la grande bourgeoisie de ces pays n'accepte plus si facilement la tutelle américaine. Déjà, le commandement des troupes américaines dans le Golfe a dû déménager de l'Arabie Saoudite au Qatar6. En se distançant aujourd'hui de l'impérialisme américain, ces dirigeants tentent de sauver leur régime, de sauver leur peau. En novembre 2001, Bush reprochait à l'Arabie Saoudite et à l'Egypte leurs manquements dans la lutte contre le terrorisme. Sur quoi l'ambassadeur saoudien à l'Onu, le prince Faisal ben Bandar, lui a répondu : «Vous, dirigeants américains, si vous faites des erreurs vous ne perdez que des voix. Mais si nous faisons des fautes, c'est de notre tête que nous le payerons»7.

L'impérialisme américain n'a déjà plus confiance en ces régimes, estimant qu'ils ne pourront pas... tenir tête. Fin 2001, le stratège en chef du Pentagone, Richard Perl, confiait au journal israélien Yediot Aharonot : «D'après moi, les Saoudiens ne font pas partie d'une solution, mais partie du problème...»8 L'administration Bush sait que sa nouvelle guerre d'agression contre l'Irak mettra vraisemblablement tout le Moyen-Orient en feu. Loin de l'effrayer, cela l'arrangerait même beaucoup. Autant balayer en une fois toute la région, pour y installer des régimes encore plus entièrement liés à leur puissance.

Le même journal israélien apporte à ce propos des détails dont le Washington Post9 fait également état : «L'expert israélien des affaires terroristes, Ehud Shefernitsk a eu récemment plusieurs réunions avec des dirigeants du Pentagone. Il y a appris que "des discussions ont lieu au sein d'un groupe ayant une attitude fort différente envers le monde arabe et les risques qui en émanent". Shefernitsk résume leur tendance en une phrase : ils estiment que le monde arabe est un monde d'arriérés qui ne comprennent que le langage de la violence. Il ajoute que les tenants principaux de cette tendance sont le Vice-Président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. L'élaboration idéologique du travail est aux mains de trois personnes, le sous-secrétaire à la défense (Wolfowitz, ndlr), son adjoint Douglas Faith et Richard Perl... Celui-ci a commandé une étude auprès de la Rand-Corporation (think tank lié au Pentagone, ndlr) intitulée "Quelle stratégie américaine pour le Moyen-Orient". Ce document décrit l'Arabie Saoudite comme un ennemi, qui devra être traité comme tel. L'étude de la Rand place la guerre contre l'Irak comme une séquence logique dans un contexte plus large. D'après une source, l'étude aboutit à la conclusion que l'attaque militaire est un "objectif tactique" l'Arabie Saoudite étant "l'objectif stratégique" et l'Egypte "le grand prix". Cela signifie que ce groupe constitué au sein de l'administration américaine voit un changement de régime dans les trois pays mentionnés comme objectif stratégique, les transformant en pays démocratiques orientés sur l'Occident, limitant ainsi leurs capacité à menacer les États-Unis à travers ses intérêts dans les États arabes.»

On connaît ces régimes démocratiques made in the USA : les régimes des Pinochet et autres Sharon, opprimant les masses sous leur dictature fasciste, afin qu'elles servent sans broncher les dictats des États-Unis... Comme les nazis ont cherché pendant des années une «solution au problème juif» en tentant de les déporter en Afrique et au Moyen-Orient, Cheney, Rumsfeld et Wolfowitz ont en tête une «solution au problème palestinien». Selon ce même rapport israélien, «les Palestiniens pourraient réaliser leurs ambitions nationales en dehors de leur pays d'origine, notamment dans un État comme la Jordanie, rappelant ce que Rumsfeld a dit récemment quand il décrit l'occupation israélienne de la Cisjordanie comme une «prétendue occupation».

Le journal israélien conclut : «Ce n'est pas une coïncidence si les Américains ont invités le prince Hassan de Jordanie (ancien prétendant à la couronne) à deux réunions avec l'opposition irakienne résidant à Londres. Cela rappelle l'expérience Afghane : décapiter le régime et faire revenir le vieux bon roi»10

Notes : 1 De Standaard, 22/12/2001. ; 2 "Yediot Ahronot: Iraq, Jordan to be converted into one Hashimite Kingdom". ; 3 http://usinfo.state.gov/topical/pol/terror/02091809.htm ; 4 «Overthrowing Saddam 'just the first step'», , Washington Post, 11/09/2002. ; 5 «Saudi Warns U.S. to Respect Arafat - Downfall Would Cause Serious Repercussions, Intelligence Chief Says», Elaine Sciolino, International Herald Tribune, 28/01/2002. ; 6 Le commandement des bases américaines devait déménager de l'Arabie Saoudite au Qatar («An alternative to Saudi Arabia base - Pentagon makes plans for possible transfer to Qatar airfield», Bradley Graham, Washington Post, 8/04/2002. ; 7 «U.S.-Iraq Relations», Beijing Information, 4/04/2002 ; 8 Yediot Aharonot on March 27, 2002, http://israelbehindthenews.com/Archives/Mar-29-02.htm#Riyadh ; 9 «Overthrowing Saddam 'just the first step'», Washington Post, 11/09/2002. ; 10 "Yediot Ahronot: Iraq, Jordan to be converted into one Hashimite Kingdom".

2.4. Installer des bases américaines dans toute la région

Chaque guerre d'agression américaine depuis 1991 a été accompagnée de l'installation de bases militaires américaines à l'étranger. Contrairement aux promesses faites à ses alliés arabes en 1991, les Etats-Unis n'ont pas du tout démantelé leurs importantes bases en Arabie Saoudite et au Koweït. Ils maintiennent d'importantes facilités pour leurs troupes au Bahrayn, à Qatar, Oman et dans les Émirats Arabes Unis. La guerre en Afghanistan leur a permis d'implanter une douzaine de bases : trois en Afghanistan, le reste dans diverses républiques de l'Asie Centrale. La guerre est soi-disant finie, mais les bases y sont toujours.

La guerre contre l'Irak n'est qu'un prétexte pour installer des bases américaines dans tout le Moyen-Orient. Le ministère américain de la Défense désigne toute la région qui s'étend du Moyen-Orient au Nord-Est de l'Asie comme une zone stratégique de premier ordre. En même temps il constate que «la densité de bases américaines et d'infrastructure logistique y est plus faible que dans d'autres régions critiques. (...) Les États-Unis et leurs alliés continueront à dépendre des ressources énergétiques du Moyen-Orient, une région où plusieurs États constituent un défi militaire conventionnel et où beaucoup cherchent à acquérir ou possèdent déjà des armes chimiques, biologiques, bactériologiques, nucléaires. (...) Ces États tâchent (...) d'empêcher l'accès à la région aux forces militaires américaines». Et le rapport continue: «Le nouveau planning du département de la Défense demande le maintien de forces en Europe, en Asie du Nord-Est, le long du littoral de l'Asie de l'Est, au Moyen-Orient et dans le Sud Est Asiatique afin de rassurer nos alliés et amis et de dissuader toute agression contre les États-Unis, ses forces, ses alliés et ses amis»1.

L'hebdomadaire écossais Sunday Herald a publié le 15 septembre dernier la preuve que l'agression contre l'Irak n'est qu'un prétexte pour installer un contrôle militaire massif des États-Unis dans la région : «Un document secret prouve que Bush et son cabinet préparaient déjà une attaque contre l'Irak afin d'y opérer un changement de régime, juste avant qu'il n'entre en fonction en janvier 2001. Ce document fut rédigé par l'actuel vice-président Dick Cheney, par l'actuel secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et l'actuel sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz, par Jeb Bush, le frère cadet de George W. et par Lewis Libby, chef de cabinet de Cheney. Le document, intitulé «Reconstruire les défenses américaines : stratégies, forces et moyens pour le siècle nouveau», a été écrit en septembre 2000 par le think-tank néo-conservateur «Project for the New American Century (PNAC)». Ce plan montre que l'administration Bush avait l'intention de prendre le contrôle militaire de la région du Golfe, que Saddam Hussein soit encore au pouvoir ou pas. Il indique : «Les États-Unis ont cherché pendant des décennies à jouer un rôle plus permanent dans la sécurité du Golfe. Alors que le conflit en suspens avec l'Irak fournit une justification immédiate, la nécessité d'une force américaine importante dans le Golfe dépasse la question de Saddam Hussein»2.

Notes : 1 "Quadrennial Defense Review Report", September 2001, p. 4; p.20 ; 2 Sunday Herald, 15 September 2002.

3. George Bush sur les traces d'Adolf Hitler

Le «Mein Kampf» de l'administration Bush. L'oukase posé par George W. Bush dans son intervention à l'Assemblée générale de l'Onu le 12 septembre 2002 s'accompagne d'une redéfinition de la stratégie américaine. Celle-ci a été publiée le 20 septembre 2002 sous le titre «La stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis»1. Hitler annonçait dans «Mein Kampf» comment il comptait se rendre maître du monde. Le Hitler des années 2000 annonce aujourd'hui comment il compte maintenir une domination incontestable et un «leadership» absolu des USA sur cette planète, comment «il ne tolèrera plus jamais que sa suprématie militaire soit mise au défi comme au temps de la guerre froide»2. Il s'autorise à utiliser si besoin la force militaire la plus brute. «Nos forces seront suffisamment puissantes pour dissuader tout adversaire qui tenterait de dépasser, ne fût-ce même que d'égaler, la puissance militaire des États Unis»3. Il ne se gène pas de menacer directement tant l'Europe et le Japon que la Chine.

Bush moins bien élu que Hitler. A la différence de Hitler, Bush n'est pas vraiment arrivé au pouvoir par le biais d'élections. Il avait moins de voix que son adversaire, qui a fourni la preuve de nombreuses irrégularités. Mais c'est par la puissance des monopoles de l'armement et du pétrole, les Northrop et les General Electrics, les Chevron et les Exxon Mobile que Bush a réussi son coup d'État. Comme, en définitive, ce sont les Krupps et les Thyssens qui ont porté Hitler au pouvoir. Ces monopoles poursuivent les politiques les plus agressives dans le monde. Elles sont le moteur principal d'une politique sans cesse plus fasciste du gouvernement Bush.

Une même façon de tromper les gens. Hitler croyait tromper les travailleurs en se réclamant du «national socialisme». Bush l'imite et se pave d'«internationalisme» : «La stratégie de sécurité nationale américaine sera basée sur un internationalisme américain spécifique qui reflète l'union entre nos valeurs et nos intérêts nationaux». Le «socialisme» d'Hitler signifiait la soumission totale des travailleurs aux intérêts des patrons. L'«internationalisme» de Bush signifie que seuls seront épargnés ceux qui se plient aux «valeurs et intérêts» des multinationales américaines.

Assurer la sécurité des USA comme Hitler a assuré celle de l'Allemagne. Bush prétend ne poursuivre d'autre but que «la sécurité des États-Unis», comme Hitler prétendait ne rechercher que la «sécurité de l'Allemagne» en annexant la Tchécoslovaquie et la Pologne, avant d'anéantir toute l'Europe. Mais tout comme Hitler, Bush n'attendra pas que les États-Unis soient attaqués pour riposter. Sa «défense» sera dorénavant officiellement «l'attaque préventive» ­ il parle aussi de «contre-prolifération proactive». La machine de guerre américaine compte détruire tout régime ou toute force qui pourrait constituer une menace, ou même seulement un défi.

Le récent document de Bush est une déclaration de guerre à tous les pays, les peuples et les organisations qui n'acceptent plus la dictature terroriste et fasciste de l'impérialisme US. Mais il cite nommément deux cibles prioritaires : l'Irak et la Corée du Nord.

Notes : 1 "The National Security Strategy of the United States of America", White House, September 2002. ; 2 Comme le résume le The New York Times, 19/9/02. ; 3 "The National Security Strategy", p. 30

4. Les prétextes de Bush

Quelles sont les accusations de Bush contre l'Irak ? Bush pose un ultimatum à l'Onu, à son secrétaire général Koffi Annan, au monde entier: il faut attaquer l'Irak. Son acte d'accusation, présenté devant l'Assemblée des Nations Unies, compte à peine quatre paragraphes et est plein d'affirmations non étayées, contredites par des experts et des inspecteurs de l'Onu, y compris américains. Selon lui, l'Irak continuerait à cacher d'importantes informations concernant ses programmes nucléaires. Il disposerait d'éminents scientifiques et techniciens en matière nucléaire. Il aurait tenté plusieurs fois (sans succès ?) d'acheter des tubes en aluminiums spéciaux, qui peuvent servir à l'enrichissement de l'uranium pour des armes nucléaires. Si l'Irak pouvait acquérir des matières fissiles, il pourrait construire une arme nucléaire dans quelques années. L'Irak possèderai également des missiles du type Scud pouvant frapper des cibles au-delà de la limite de 150 kilomètres autorisée par les Nations Unies.

Toujours selon Bush, des travaux à des installations d'expérimentation et de production indiquent que l'Irak construit plus de missiles à longue portée que nécessaire pour causer des morts en masse dans la région. Saddam Hussein contournerait les sanctions économiques afin d'acheter de la technologie en matière de missile et d'autres matériels militaires. L'Irak refuse l'accès immédiat et illimité d'inspecteurs de l'Onu afin de contrôler s'il s'en tient à son engagement de détruire toutes ses armes de destruction massive et ses missiles à longue portée. > Lire le texte complet de Bush (en anglais)

D'après le président américain, l'Onu serait indigne de sa mission si elle permettait tout ce que fait l'Irak sans frapper dur. Or, la Charte des Nations Unies garantit l'indépendance et la souveraineté de chaque pays au monde, y compris le droit de décider lui-même de son système politique et de ses dirigeants. Pour Bush, il ne s'agit manifestement que d'un chiffon de papier: il s'autoproclame arbitre suprême, investi du pouvoir d'installer ou de renverser des régimes comme bon lui semble.

Pourquoi l'ami Saddam est-il devenu le grand Satan ? L'Irak est, avec ses 24 millions d'habitants, un pays relativement petit du tiers monde. Il est dirigé par une grande bourgeoisie nationaliste, qui rêve d'une grande nation arabe indépendante. Le parti Baas au pouvoir est fortement anti-marxiste et a exterminé une grande partie du Parti Communiste Irakien au cours des années soixante. Inutile de dire que l'impérialisme l'approuvait alors entièrement. Comme il l'approuvait et l'encourageait au cours des années 1980 dans sa guerre contre l'Iran, l'ennemi numéro un de l'impérialisme à l'époque.

La bourgeoisie irakienne a d'autre part obtenu des succès dans l'édification économique du pays. L'Irak était relativement industrialisé, comparé aux autres États arabes de la région. La bourgeoisie irakienne a construit des écoles et des universités, elle a pratiquement éradiqué l'analphabétisme, poussé la scolarisation à un des taux les plus élevés du Moyen-Orient (87% des jeunes entre 12 à 17 ans allaient à l'école avant 1991). Elle a investi dans l'agriculture, l'électrification et la santé1. C'était aussi un des pays les plus laïcs du Moyen-Orient, caractérisé entre autres par une forte émancipation de la femme. Le régime Baas a effectivement commis des exactions contre la population kurde (avec le soutien des Etats-Unis) durant la guerre contre l'Iran. Mais c'est le seul pays où les Kurdes ont pu maintenir leur langue, même dans l'enseignement, jusqu'à avoir leur propre université.

Lorsque la bourgeoisie irakienne a refusé d'abandonner à l'impérialisme américain le contrôle de ses richesses pétrolières, l'administration Bush père (dont faisait déjà partie Cheney et d'autres responsables actuels de la Maison-Blanche) a démonisé Saddam Hussein à travers une propagande démentielle. Comme Goebbels, chef de la propagande nazie et inventeur de la formule «Mentez, il en restera toujours quelque chose», l'avait fait contre les Juifs et les communistes. But de Washington : embrigader l'Occident pour une agression sans commune mesure avec tous les crimes attribués au dirigeant irakien.

Les Irakiens ne sont pas dupes: ils comprennent que c'est sous la botte américaine qu'ils seront vraiment tyrannisés. Qu'ils n'auront d'autre choix que de subir la domination et l'exploitation de l'impérialisme américain et la spoliation de leurs richesses. Comme le peuple chilien sous la dictature de Pinochet, installée avec l'aide de Henry Kissinger, alors secrétaire d'État américain, aujourd'hui conseiller privilégié de la droite républicaine à Washington. Ou comme le peuple indonésien, après le coup d'État en 1965 de Suharto, manigancé par la CIA, suite auquel un demi-million de communistes, démocrates et progressistes furent exterminés. Ou comme en Arabie Saoudite ou au Koweït, où les Américains soutiennent depuis des décennies des aristocraties féodales où le mot démocratie est absent des dictionnaires.

De quels crimes la population irakienne est-elle victime ? En 1991, les bombardements contre l'Irak ont fait plus de deux cent mille victimes, militaires, mais surtout civiles. Cette agression barbare a été préparée par six mois d'embargo destinés à affaiblir et isoler l'Irak. Pendant ce temps, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux (notamment européens) ont en place la plus importante force de guerre impérialiste depuis la deuxième Guerre Mondiale. Ils ont complètement détruit la quasi-totalité de l'industrie irakienne, y compris des entreprises strictement alimentaires ou pharmaceutiques. D'innombrables écoles, maternités, hôpitaux, centres sociaux divers ont été rasés, liquidant les bases mêmes du développement de la société.

La situation des femmes s'est dégradée : elles n'ont plus de travail puisque tout a été ravagé et il n'y a presque plus de crèches. Les mères irakiennes se demandent si leurs bébés vont naître normaux ou pas, vu les ravages de l'uranium appauvri contenu dans les bombes américaines. L'intégrisme gagne du terrain. En Afghanistan, les Etats-Unis prétendaient faire la guerre contre les Talibans afin de libérer les femmes, de permettre l'éducation des enfants... alors qu'en Irak, leur guerre et leur embargo ont détruit tous ces acquis.

L'embargo empêche tout bonnement l'Irak de se reconstruire. Un blocus quasi-total interdit l'importation de tout matériel permettant de remettre les entreprises en marche, sous prétexte que ces matériaux pourraient servir au réarmement. L'Irak peut exporter certains quotas de pétrole, mais uniquement en échange d'un nombre tout à fait insuffisant de certains médicaments et produits alimentaires. Cet embargo tue cruellement. Selon les estimations (minimalistes) de l'Unicef > Document pdf (en anglais), un demi-million d'Irakiens sont morts entre 1991 et 1998 rien que des suites de l'embargo, surtout par malnutrition et manque de médicaments. Deux fois plus d'enfants en dessous de 5 ans meurent en 1998 qu'avant 1991. Un cinquième des enfants souffre de malnutrition. Le taux de mortalité a augmenté de 90 000 morts par an, soit 252 par jour. Via l'embargo, le terrorisme d'État américain fait crouler l'équivalent du WTC 25 fois par an. Et cela depuis 12 ans ! Voilà le résultat révoltant de guerres et embargos criminels, meurtriers, barbares, perpétrés au nom de la «défense de la civilisation occidentale».

L'Irak a-t-il toujours refusé les inspections de l'Onu ? Dans un pays complètement ravagé par la guerre et l'embargo, l'Onu a effectué pendant huit ans plus de 13 500 inspections, à la recherche d'«armes de destruction massive» et d'usines ou ateliers dans lesquels on pourrait en produire. Tout produit ou machine fonctionnant encore quelque peu et qui pourrait servir à produire des armes, a été détruit. Jamais l'intégrité et la dignité d'un pays formellement indépendant et membre de l'Onu n'ont été autant piétinées. Aucun pays au monde n'a jamais été obligé d'ouvrir si largement ses portes à des inspecteurs, dont une grande partie n'était que des espions. Jamais un pays n'a été contraint de démolir la quasi-totalité de ses installations industrielles ou simplement de recherche, sous prétexte qu'ils pourraient servir à produire des armes.

Tous les bâtiments officiels et semi-officiels, y compris les demeures du président Saddam Hussein, ont été fouillés de fond en comble. Les inspecteurs ont passé au crible l'ensemble du territoire, à l'aide des satellites les plus sophistiqués. Tout site quelque peu «suspect» a été retourné et entièrement démoli. L'Irak se trouve aujourd'hui encore plus dénudé qu'après les tapis de bombes de 1991. Même les installations strictement défensives sont bombardées et détruites par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Est-ce l'Irak qui a renvoyé les inspecteurs en 1998 ? Non. L'ancien inspecteur Scott Ritter l'a expliqué à CNN : «Il faut rappeler que Saddam Hussein n'a pas mis les inspecteurs à la porte. Ce sont les États-Unis qui ont pris le téléphone en décembre 1998 et qui ont ordonné aux inspecteurs de quitter endéans les 48 heures, avant qu'ils ne lancent l'Opération «Desert Fox», action pour laquelle ils n'avaient pas l'aval des Nations Unies et pour laquelle ils utilisaient les informations recueillies par les inspecteurs afin de frapper l'Irak.» > Interview complète (en anglais) Au cours de l'Opération «Desert Fox», l'aviation américaine et britannique a à nouveau déversé plus de 400 bombes sur toutes sortes de bâtiments irakiens, dont les inspecteurs avaient déjà prouvé qu'ils n'avaient rien à voir avec la production d'armes de destruction massive.

L'Irak s'oppose-t-il à un retour des inspecteurs ? Dans un premier temps, l'Irak a estimé que les inspecteurs avaient déjà très largement accompli leur mission et a refusé leur retour. Plus tard, Bagdad s'est déclaré prêt à envisager leur retour, pourvu que soit fixé en même temps un agenda pour la levée de l'embargo. Le ministre irakien des Affaires étrangères a répété : «Nous sommes disposés à envisager un règlement global dont le retour des inspecteurs ferait partie. Nous sommes par contre opposés à des nouvelles inspections qui ne cadreraient que dans le plan américain pour mettre à jour les informations dont ils disposent déjà afin de les transmettre à l'armée et aux services de renseignements américains pour qu'ils puissent mieux bombarder l'Irak».2

Les déclarations du diplomate suédois Rolf Ekeus, également un des chefs des inspecteurs de l'ONU en Irak de 1991 à 1997, justifient cette crainte du gouvernement irakien : «Il n'y a aucun doute que les Américains ont voulu utiliser les inspecteurs pour rassembler des informations sur d'autres sujets (que les armes de destruction massive). Par exemple sur l'organisation des services de sécurité, sur les endroits où se trouvait Saddam Hussein, pour pouvoir le cibler personnellement. Cela n'était pas dans le mandat des inspecteurs».3

L'Irak dispose-t-il encore d'«armes de destruction massive» ? L'Irak ne dispose plus d'aucune de ces armes et n'a plus la moindre capacité d'en produire. Les Etats-Unis sont les mieux placés pour le savoir : les «armes de destruction massive» dont disposait l'Irak avant 1991, y compris des armes biologiques et chimiques, provenaient des USA eux-mêmes4. Tout ce qui pouvait en rester a été anéanti lors des inspections des années 90 et les nombreux inspecteurs-espions américains eux-mêmes ont pu s'en convaincre.

C'est l'Américain Scott Ritter, ancien chef des inspecteurs de l'Onu en Irak de 1991 à 1998, qui l'affirme : «Pendant sept ans, ils ont inspecté chaque bombe, chaque missile et chaque usine censée fabriquer des armes chimiques, biologiques et nucléaires. Ils se sont rendus en Europe et y ont trouvé les fabricants qui leur vendaient les matériaux nécessaires. Parmi les fondations des bâtiments détruits au cours de la guerre du Golfe, ils ont découvert les ruines des labos de recherche et de développement. Tout ce qu'ils ont trouvé a été détruit sur place.»

Hans Von Sponeck a été le coordinateur humanitaire des Nations Unies en Irak de 1998 à 2000. Il a présenté sa démission pour protester contre les mesures inhumaines et dénuées de tout fondement imposées à l'Irak. Il écrit que «le Département de la Défense et la CIA savent parfaitement que l'Irak ne constitue de menace pour personne dans la région, et certainement pas pour les États-Unis. Argumenter le contraire ressort de la malhonnêteté. Ils savent, par exemple, qu'al-Doura, qui fut un centre de production de vaccins contre la rage, aux abords de Bagdad, ou al-Fallujah, une unité de production de pesticides et d'herbicides dans le désert occidental, sont aujourd'hui totalement détruits et irréparables... Lors de ma visite à la mi-juillet 2002, accompagné d'une équipe de télévision allemande, j'ai moi-même choisi où aller. J'ai revu al-Doura et al-Fallujah dans le même état tout à fait délabré que lors de mon inspection en 1999...» > Déclaration complète (en anglais) L'Institut d'études stratégiques de Londres ment donc consciemment au sujet de ces deux centres en prétendant, en septembre 2002, que les Irakiens «pourraient» y produire des armes de destruction massive.

D'où vient le danger de destruction massive ? Le budget militaire des États-Unis s'élève à 400 milliards de dollars, soit 45% de l'ensemble des dépenses militaires de cette planète. Aucun pays au monde n'a autant d'armes de destruction massive, nucléaires, biologiques, chimiques et autres. Aucun pays au monde n'égale de près ni de loin l'utilisation... massive qu'en ont déjà fait l'impérialisme américain: des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en 1945 à l'Agent Orange déversé sur le Vietnam, en passant par les armes biologiques employées lors de la guerre de Corée et les armes à uranium appauvri utilisées en Irak ou en Yougoslavie. Et les USA persistent dans le refus de s'engager à ne jamais utiliser ces armes les premiers. C'est aux États-Unis que s'impose d'urgence un changement de régime !

Tout pays a droit à posséder des armes de dissuasion tant que des puissances impérialistes les menaceront avec mille fois plus d'armes de destruction massive. Quelle objection y aurait-il à ce que les pays du tiers monde, menacés en permanence par une panoplie inégalée d'armes de destruction massive américaines, s'en procurent quelques-unes ? Sont-ils susceptibles de les utiliser les premiers et à d'autres fins que défensives, sachant que les USA en disposent de mille fois plus et n'ont aucun scrupule pour s'en servir ? Par contre, si ces pays disposaient d'armes nucléaires, les États Unis ne pourraient pas les attaquer impunément, comme ils n'auraient pas pu attaquer impunément la Yougoslavie si celle-ci avait eu accès à des armes nucléaires.

Une «guerre préventive» est-elle justifiée ? En 1991, Bush père prétextait l'invasion du Koweït pour agresser sauvagement l'Irak. Bush fils ne cherche même plus vraiment de prétexte: une guerre «préventive» doit garantir que l'Irak lui soit entièrement soumis. Lorsqu'on lui a demandé lors d'une récente réunion de l'Otan de fournir les preuves que l'Irak produirait des «armes de destruction massive», le ministre américain de la Guerre, Rumsfeld, a répondu de son ton sarcastique : «L'absence de preuve ne signifie pas la preuve de l'absence (des armes)». Une formule digne de Goebbels. Ce genre de réponse permet évidemment de justifier n'importe quelle agression contre n'importe quel pays.

Sachant d'avance que les inspections n'apporteront pas la moindre preuve que l'Irak possède des armes de destruction massive, Bush a inventé la nécessité d'une «attaque préventive» : si l'Irak ne possède pas de telles armes, il «pourrait en fabriquer». Chacun des 191 pays de cette planète pourrait en fabriquer. Donner l'aval à la nouvelle stratégie d'«attaques préventives» revient à s'accorder une carte blanche pour agresser tout pays dont le régime ne plaît pas à Washington. Comme Hitler avait envahi la Tchécoslovaquie en 1938 sous prétexte de prévenir une attaque de ce pays.

A quoi serviraient de nouvelles inspections ? L'administration américaine sait que les inspections ne rapporteront pas la moindre preuve de l'existence d'«armes de destruction massive». Mais Bush exige que de nouvelles inspections de l'ONU en Irak soient associées à des conditions tellement inacceptables qu'elles tourneront en véritables provocations. Et il entend aussi en faire des missions d'espionnage bien plus que de contrôle d'armes. Elles doivent lui permettre d'effectuer son agression criminelle, planifiée depuis longtemps. Son but établi est de renverser le régime de Saddam Hussein, par tous les moyens, quel qu'en soit le prix en vies humaines, pour le remplacer par un régime fantoche.

C'est pourquoi, n'attendant même pas les résultats des inspections, les USA accélèrent encore la mise en place de leur machine de guerre infernale. L'administration Bush prépare une résolution qu'elle soumettra au Congrès, afin que celui-ci lui donne l'aval que l'Onu risque fort de lui refuser. Le New York Times écrit que «selon certains juristes, le document proposé donne un pouvoir démesuré au président et l'autorise en fait à faire la guerre dans tout le Moyen-Orient»5. Le 20 septembre 2002, le Pentagone a déjà déposé à la Maison-Blanche ses différents plans de guerre, très concrets6.

Notes : 1 Newsweek, 13/08/1990, p. 16 ; 2 Financial Times, 30 July 2002 ; 3 http://www.sr.se/p1/godmorgonvarlden/sounds%20/Godmorgonvarlden2.ram ; 4 «How Saddam Happened», Christopher Dickey and Evan Thomas, Newsweek, 23/09/2002 ; 5 «Bush Lobbies Putin to Back U.S. Action Against Iraq but Still Meets Resistance», ELISABETH BUMILLER and JAMES DAO, New York Times, 22/09/2002 ; 6 «Bush Has Received Pentagon Options on Attacking Iraq», ERIC SCHMITT and DAVID E. SANGER, New York Times, 21/09/2002.

5. La crise pousse à la militarisation et au fascisme

Surmonter la crise par la production d'armes. Une caractéristique fondamentale de l'impérialisme est qu'il tente de surmonter sa crise profonde par la production d'armes. La crise de surproduction s'aggrave continuellement en raison de l'appauvrissement des masses, tant dans le tiers-monde que dans les pays capitalistes industrialisés. Au plus il y a de guerres, au plus elles consomment d'armes, au mieux se porte l'industrie de l'armement. Comme cette industrie passe des commandes à de nombreuses autres entreprises (électroniques, automobiles, moteurs, etc.), c'est la quasi totalité des gros monopoles qui en profitent.

Plus encore que le secteur de l'énergie, c'est le complexe militaro-industriel qui livre le personnel supérieur de l'administration Bush. Trente deux secrétaires d'État et membres de la Maison Blanche sont directement liés aux grosses entreprises militaires américaines. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld était par exemple directeur de Gulfstream Aerospace (devenue par la suite une filiale de General Dynamics). Son sous-secrétaire Paul Wolfowitz était consultant à Northrop Grumman, où Dov Zakheim, également sous-secrétaire à la Défense, était au conseil de surveillance. Et ainsi de suite...

Les «succès» des guerres américaines dans le Golfe, en Yougoslavie et en Afghanistan servent à prouver aux alliés et régimes dépendant du parapluie américain «que la technologie militaire des États Unis est de loin supérieure... Les clients qui considèreraient l'achat de matériel non américain sont avertis que cela pourrait poser des problèmes d'interopérabilité (c'est-à-dire de compatibilité). Ce qui veut dire qu'en cas d'opérations conjointes, les commandants américains pourraient ne pas pouvoir - ou ne pas vouloir - lier leurs instruments de communications et leurs armements à ceux d'une autre provenance»1.

Une déclaration de guerre à la sécurité sociale et aux soins de santé. Pour que les monopoles de l'armement puissent s'enrichir, ce sont forcément les travailleurs qui payeront. D'après des experts, dont le sénateur Joseph Bidden, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, la Guerre du Golfe de 1991 a coûté 61 milliards de dollars US, soit 80 milliards en dollars US actuels. Une nouvelle guerre contre l'Irak coûtera probablement 100 milliards de dollars.2 Franklin Spinney, un ancien officier de l'US Air Force, aujourd'hui spécialiste de la défense, a déclaré que «le choix d'un budget militaire de 4% du Produit National Brut signifie une déclaration de guerre à la sécurité sociale et aux soins de santé»3.

D'autant plus que les États Unis auront moins d'alliés qu'en 1991 sur lesquels reporter les frais. La première guerre du Golfe a été payée à concurrence de 90% par les alliés des États-Unis. L'Arabie Saoudite et l'Allemagne ont fourni les fonds les plus importants. Aujourd'hui, les gouvernements de ces pays s'opposent à une guerre d'agression au Moyen-Orient.

Pour faire payer les masses déjà appauvries, l'administration Bush fait tout son possible pour les convaincre que le 11 septembre 2001 a démontré que les États Unis étaient menacés et qu'on ne saura jamais assez investir dans sa sécurité militaire. Décidément, les attentats de New York auront été un vrai cadeau tombé du ciel pour l'industrie de l'armement.

Le peuple américain soumis à une dictature de plus en plus ouverte. De la même façon que Hitler n'a pu tromper le peuple qu'un certain temps, avant d'être obligé de passer à la dictature ouverte, l'endoctrinement américain basé sur l'émotion du 11 septembre ne peut avoir qu'un effet soporifique temporaire. Le 26 octobre 2001, Bush a signé la loi «USA Patriot Act». En de nombreux points, ce texte long de 342 pages fait revenir les Etats-Unis à l'époque anti-communiste de Mc Carthy. Elle prend les immigrés pour cible privilégiée, au point que des progressistes américains l'ont comparée avec les lois de déportation massive des travailleurs mexicains pendant la grande crise de 1929. Elle comporte de nombreuses mesures en matière de contrôle de la communication qui n'ont absolument rien à voir avec la lutte contre le terrorisme et la violence: elles visent tout simplement ce que le gouvernement veut bien considérer comme de la criminalité informatique.

Elle autorise l'emploi le plus large d'écoutes téléphoniques à l'égard de personnes qui ne font pas l'objet d'une poursuite judiciaire. Elle autorise la saisie de n'importe quel objet - comme des livres - qui pourrait être un indice de ce qui préoccupe un citoyen. La section 802 de l'USA Patriot Act instaure le «crime de terrorisme intérieur». Cela va jusqu'à des actes «qui ont pour but d'influencer la politique du gouvernement par l'intimidation ou la coercition (...) s'ils sont commis principalement sur le territoire sous juridiction des États-Unis». Les termes en sont délibérément vagues, de manière à ce toute opposition politique puisse être visée. Toute manifestation énergique, par exemple contre la mondialisation, mais aussi toute désobéissance civile pacifique peut facilement tomber sous la répression prévue par cette nouvelle loi. 4

La «nation démocratique par excellence» vantée par Bush est en passe de devenir la plus grande prison au monde. C'est à partir de cette prison que Bush tente d'imposer des mesures fascistes similaires à l'ensemble de la planète.

Notes : 1 "Buy American, Or Else: How Washington Is Pressing Asia To Procure U.S. Weapons ARMS SALES - Gripes Over U.S. Grip on Arms Trade", David Lague, Far Eastern Economic Review (FEER), 26/09/2002. ; 2 "The Cost of invading Iraq", National Priorities Project, vol 5, issue 5, 2002. ; 3 Cité dans le discours du 1er Mai 2002 de Nadine Rosa-Rosso. ; 4 Source: "Electronic Frontier Foundation".

6. Les USA contre l'UE et le Japon

Le monde impérialiste est plus divisé que jamais. Il ne reste plus grand-chose du «front mondial contre le terrorisme» constitué sous la coupe des Etats-Unis au lendemain du 11 septembre 2001. L'Union européenne reste incapable d'élaborer une politique étrangère commune, mais plusieurs pays européens prennent leurs distances par rapport à Bush. La Grande-Bretagne, suivie par les Pays-Bas, l'Espagne et l'Italie (provisoirement ?) restent des alliés presque inconditionnels des États-Unis et soutiennent sa stratégie de guerre d'agression. L'Allemagne et la Finlande rejettent jusqu'à aujourd'hui toute nouvelle intervention militaire en Irak. La France, et dans une certaine mesure la Belgique et d'autres membres de l'Union européenne veulent d'abord mettre l'Irak sous la pression de contrôles de l'Onu avant de décider d'un éventuel usage de la force.

Si la Grande-Bretagne et les Pays-Bas soutiennent les États-Unis, c'est que deux des trois plus grosses compagnies de pétrole sont britanniques ou anglo-hollandaises. Ils estiment leurs intérêts mieux servis par les États-Unis. La majorité des Etats européens craint que la stratégie militaire US ne mette le Moyen-Orient à feu et à sang. Que le chaos en découlant ne rende leur pénétration dans la région plus difficile. Qu'une agression américaine suscite une révolte parmi les nombreux travailleurs d'origine arabe.

Les pays européens opposés à la guerre ne sont pas moins impérialistes. Les différences de stratégies proviennent de la nécessité pour l'Europe de conquérir une place plus importante dans la domination du monde, ce qui ne peut se faire qu'aux dépens des États-Unis. Or, leurs moyens diffèrent profondément.

Les États-Unis sont une puissance économique en déclin, rattrapée et même dépassée par la puissance économique globale de l'Union Européenne. Mais sa puissance militaire reste incomparablement supérieure. Aussi, c'est en définitive sur cette force de destruction inégalée que l'impérialisme américain mise afin de maintenir et de renforcer au mieux sa domination et son exploitation. L'Europe, qui ne progresse que très timidement dans la construction de son euro-armée, tente d'empêcher les États-Unis de faire jouer leur atout militaire. Pas par dégoût des armes, mais par manque d'armes.

Actuellement, l'Europe mise donc de préférence sur la carte économique pour pénétrer au Moyen-Orient. Prenons l'exemple de l'Allemagne. Ses exportations en Iran sont passées de 1,6 milliards $ en 1999 à 2,33 milliards $ en 2001. Au cours des cinq premiers mois de 2002, elles ont augmenté de 17% par rapport à l'année précédente. L'Allemagne est devenue le plus grand importateur au monde de produits iraniens non pétroliers.1 Cette Europe cherche elle aussi à se débarrasser des régimes trop indépendants, trop attachés à leur souveraineté, trop jaloux de leur propre développement. Elle tente de mettre en place des régimes pro-européens en Irak, Iran, Syrie et ailleurs par la voie politique, c'est-à-dire en renforçant les groupes d'opposition pro-européens, baptisés «société civile».

Mais en même temps, la majorité des pays européens se rendent compte qu'ils ne peuvent pas encore se passer de la puissance militaire US. Ils voient d'un bon il Bush allant arracher des prix plus bas pour le pétrole ­ même si la guerre les rendra plus dépendants des Etats-Unis. Si l'agression américaine a quand même lieu, ils préfèrent y avoir la main, et donc empocher une part du butin, plutôt que de se retrouver dans la position de perdant. Pour autant que les USA leur permettent de prendre une part active à l'opération, ce qui n'est pas sûr du tout. Payer : oui ! Prêter ses ports et aérodromes : oui ! Mais venir sur place influencer le résultat des opérations et revendiquer une part du butin: faudra voir...

L'impérialisme japonais a modifié sa stratégie. Le Japon s'est tenu à l'écart de la première guerre du Golfe (ce qui n'a pas empêché les États-Unis de leur soumettre une facture). Mais depuis la guerre d'agression contre l'Afghanistan, l'impérialisme japonais a modifié sa stratégie. Pour la première fois depuis la Deuxième guerre mondiale, il a envoyé des navires de soutien logistique dans l'Océan Indien2.

Le Japon s'oppose jusqu'à présent à toute agression militaire américaine contre l'Irak. Son économie dépend quasi entièrement du pétrole du Moyen-Orient et il faut croire qu'il estime son approvisionnement mieux servi par une attitude de retenue. Ce qui ne veut nullement dire qu'au moment venu, il ne prêtera tout de même pas une nouvelle assistance logistique aux États-Unis3. Un cadeau empoissonné pour les stratèges américains. Car le but réel du Japon est de briser l'interdit que sa Constitution ­ imposée par les États-Unis lors de la défaite nippone en 1946 ­ lui dicte en matière d'envoi de troupes à l'étranger. Le Japon veut à nouveau pouvoir développer son armée d'intervention et diminuer sa dépendance militaire des États-Unis.

Une Otan incontournable... en attendant l'armée européenne. La bourgeoisie européenne est chaque jour plus convaincue de la nécessité d'avoir sa propre armée. Mais l'Otan reste le seul cadre dans lequel les impérialistes européens peuvent aujourd'hui intervenir militairement à grande échelle dans le monde. En même temps, c'est le cadre principal dans lequel la superpuissance américaine peut exercer son contrôle sur l'Europe. Seulement, les États-Unis ne comptent plus associer leurs alliés au-delà de leurs besoins réels. Lors des journées d'études organisées par la Rand-corporation, liée au ministère de la Défense américain, «il y avait un consensus général comme quoi toute action militaire requise dans le Golfe ou au Moyen-Orient serait entreprise plutôt par une coalition volontaire de membres de l'Otan que par l'Otan en tant qu'institution. La distance entre les forces que les États-Unis peuvent engager et celles de l'Europe est particulièrement grande dans les domaines de l'aviation de combat, de transport moderne et d'armes sophistiquées»4.

Les États-Unis ont fait appel à la «solidarité de l'Otan» lors de leur agression sauvage en Afghanistan. Ils ont fait jouer l'article 3 du Traité : lorsqu'un membre est agressé, tous doivent lui porter assistance militaire. Pour leur prochaine agression contre l'Irak, les États-Unis n'auront pas si facile à fonder à nouveau leur demande d'assistance sur cet article. Néanmoins, il fait peu de doute que tous les États membres, même s'ils sont opposés à l'agression contre l'Irak, prêteront assistance sous différentes formes. L'armée américaine pourra sans nul doute utiliser tous les ports, aérodromes et autres facilités d'infrastructure des pays de l'Otan. Ils mettront leurs informations à la disposition de l'impérialisme américain.

Notes : 1 D'après le ministère allemand de l'Economie, cité par H. Lerouge, «L'Europe et la guerre américaine contre l'Irak», Solidaire, 18/09/2002. ; 2 «Sep. 11 Attacks Render Japan to Expand Militarily», People's Daily, 9/09/2002 ; 3 «Some Ally -Koizumi's Pyongyang trip undercuts the doctrine of pre-emption against Saddam Hussein», EDITORIAL, Far Eastern Economic Review (FEER), 19/09/2002.; 4 Workshop on July 15-16, 1999 by RAND's Center for Middle East Public Policy and the Geneva Center for Security Policy.

7. La conscience révolutionnaire des peuples croît

La contre-révolution de 1989 a brisé toutes les vannes de l'agressivité de l'impérialisme. En février 2002, le 7ème Congrès du Parti du Travail de Belgique a adopté les Thèses sur la Mondialisation. Celles-ci permettent pleinement de saisir les développements récents. Le renversement du socialisme en Union Soviétique et Europe de l'Est en 1989 a brisé toutes les vannes de l'agressivité de l'impérialisme, en premier lieu de l'impérialisme américain. Comme l'a déclaré le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz, «jamais les Américains n'auraient osé attaquer l'Irak du temps de l'Union soviétique»1.

La prochaine agression fait partie intégrale d'une «guerre de cent ans» décrétée par l'impérialisme au lendemain de la contre-révolution de 1989. Elle vise à rétablir sur le monde la domination absolue que l'impérialisme avait perdue suite à la Révolution russe de 1917 et aux révolutions socialistes nées de la Deuxième guerre mondiale. La crise inextricable dans laquelle le monde capitaliste s'engouffre depuis le début des années 1970 ne lui laisse d'autre issue. Libéré du contre-poids que constituait le camp soviétique, l'impérialisme s'est lancé dès 1991 dans sa guerre globale de recolonisation brutale des peuples du tiers-monde. Cette guerre prendra chaque année plus d'ampleur, tandis que s'exacerberont les contradictions entre les puissances impérialistes.

Ce ne sont nullement l'harmonie, la paix et le progrès que les puissances impérialistes nous préparent, mais la guerre mondiale, le fascisme et la barbarie. Ce qui renforce notre conviction qu'en définitive, seul le socialisme pourra sauver l'humanité.

La situation mondiale a fortement évolué cette dernière décennie. La crise du système capitaliste n'a fait que s'aggraver. Une crise économique structurelle sans cesse plus profonde du capitalisme a secoué le monde à partir du Mexique (1994), de l'Asie (1997), de la Russie (1998), de l'Argentine (2001). Il fut un temps où les professeurs d'économie bourgeoise se moquaient des marxistes qui parlaient d'une nouvelle crise de 1929. Aujourd'hui, la crainte d'un crash encore pire hante toutes les Bourses.

Les guerres impérialistes n'ont pas cessé de semer terreur et souffrance partout dans le monde. Dès 1991, les États-Unis ont mis la poudre au feu dans diverses anciennes républiques soviétiques et régions autonomes de Russie, surtout autour de la Mer Caspienne, cette autre immense réserve de pétrole et de gaz naturel. A la guerre du Golfe ont succédé les guerres des Balkans. L'Otan s'est mise à bombarder la Yougoslavie, un pays indépendant, afin de renverser Milosevic et d'y installer un régime pro-occidental.

Les puissances impérialistes ont déclenché le génocide au Rwanda en 1994. Depuis, les Etats-Unis, la France et la Belgique se livrent une bataille, par pays africains interposés, pour contrôler les richesses minérales du Congo. Plus de trois millions de Congolais ont payé cette rivalité meurtrière de leur vie. En 1999, les États-Unis ont lancé leur plan Colombie dans l'espoir d'y abattre les mouvements de libération d'ouvriers et paysans. Ils ont armé leur allié Israélien jusqu'aux dents en l'encourageant à réprimer de manière féroce la courageuse résistance palestinienne. En 2001, sous le prétexte d'exterminer Ousama Ben Laden et son réseau Al Quaida, la violence aveugle des États-Unis s'est abattue sur un petit pays extrêmement pauvre et déjà totalement ravagé: l'Afghanistan. Ben Laden court toujours, les bombardements américains ont fait 10 000 morts.

La situation objective est plus mûre à la révolution. Les contradictions entre les grands blocs impérialistes augmentent le danger d'une nouvelle guerre mondiale. Mais elles affaiblissent aussi toujours plus le système capitaliste global, rendant la situation objective plus mûre à la révolution. Loin de renforcer le camp capitaliste et impérialiste, ces guerres n'ont fait qu'attiser leurs dissensions. Les contradictions entre les États-Unis et l'Europe et le Japon s'aggravent à la veille d'une nouvelle guerre barbare contre l'Irak.

Même au sein des États-Unis et de l'administration Bush, des conflits éclatent. «Alors que Rumsfeld et Cheney battent le tambour de guerre, le secrétaire d'État Colin Powell parle d'une solution possible par le biais des inspecteurs d'armements de l'Onu. Ces dissensions reflètent la confusion (...) qui frappe la bourgeoisie impérialiste au pouvoir, en quête de solution à ses crises inextricables. Si elle mène la guerre, les conséquences pourraient être terribles. Si elle ne fait pas cette guerre, elle y perd aussi. En cas de guerre, le risque est très grand de voir balayés de la scène nombre de régimes clients des USA. En se lançant dans cette guerre, les États-Unis soulèveront une pierre qui leur retombera sur leurs pieds».2

Essor de la haine de l'impérialisme et de la conscience révolutionnaire. Parallèlement à l'approfondissement de la crise économique et des guerres, la haine de l'impérialisme et la conscience révolutionnaire des masses ont connu un essor sans pareil. A nouveau, ce ne sont pas les ambitions de conquêtes militaires qui manquent dans l'administration Bush. Mais entre ces ambitions et les possibilités réelles, la distance ne fait que grandir. Comme si le monde allait indéfiniment accepter la politique de terreur barbare avec laquelle l'impérialisme américain tente d'imposer sa dictature fasciste sur le monde.

Pour n'en citer que quelques preuves.

La résistance héroïque du peuple palestinien, l'esprit de décision de l'Irak et leur courage commun inégalé face aux menaces et souffrances infligées animent les masses des pays arabes ­ et au-delà ­ d'une volonté chaque jour plus ferme d'en finir pour de bon avec le colonialisme et l'impérialisme. Le peuple palestinien n'a plus rien d'autre à perdre que ses chaînes. Les mères déclarent fièrement: aussi longtemps qu'il y aura des femmes palestiniennes, elles feront des gosses. Et les pères montrent à leurs gosses les crimes d'Israël, les préparant à devenir d'encore meilleurs combattants3. De même, il ne reste au peuple irakien plus grand-chose d'autre que sa dignité. Il est prêt à la défendre par tous les moyens.

Une marée d'anti-impérialisme monte de l'ensemble des masses arabes. Par centaines de milliers (plus d'un million rien qu'à Rabat (Maroc) le 7 avril 20024), elles manifestent leur haine de l'impérialisme américain et des régimes corrompus et soumis. Elles crient leur solidarité avec les peuples palestiniens et irakiens. Tous les trônes féodaux, réactionnaires et pro-occidentaux du Moyen-Orient vacillent.

Les impérialistes, que la victoire de la contre-révolution en URSS a rendu encore plus arrogants et imbus d'eux-mêmes, pensaient que les pays socialistes du Tiers Monde s'écouleraient d'emblée. Mais aujourd'hui, Cuba, la Chine, la Corée, le Vietnam et le Laos déclarent leur détermination à s'en tenir au socialisme. Ils renforcent leur coopération, ils renforcent leur front avec tous les autres pays du Tiers Monde.

La lutte pour la libération nationale, la démocratie et le socialisme regagnent en force. Il suffit de voir les succès de la guerre populaire aux Philippines, en Colombie, au Népal.

L'interminable série de fermetures d'entreprises, de Clabecq et Renault à la Sabena, les coupes répétées dans la sécurité sociale, l'augmentation des prix des soins médicaux, de l'enseignement, etc. minent la confiance des travailleurs dans le système capitaliste.

En Belgique, trente mille travailleurs d'origine immigrée ont participé en mars à la grande manifestation de soutien à la Palestine. Cette couche super-exploitée et opprimée de la classe ouvrière constituera sans nul doute sa force motrice dans les luttes à venir.

Le PTB s'engage à fond pour arrêter cette machine de guerre nazie, terroriste et criminelle. Il luttera de toutes ses forces avec les millions de manifestants qui déferleront dans les rues des villes arabes et qui seront rejoints partout dans le monde, jusqu'au cur même de l'impérialisme américain. Le PTB mènera ce combat de concert avec le mouvement communiste et révolutionnaire international. Et si ce mouvement n'est pas à même d'empêcher cette guerre contre l'Irak, il se battra pour la gagner.

Les États-Unis se croient réellement les seuls maîtres du monde. Mais ils se trompent quand ils pensent qu'ils s'en sortiront facilement de leur prochaine agression au Moyen-Orient. Aucune de leurs guerres sauvages depuis 1991 n'a encore vraiment abouti. Partout où ils débarquent ils ne récoltent que colère et opposition. Le Centre d'études stratégiques américain Stratfor parle d'«une haine généralisée contre les forces US» présentes en Afghanistan. Il écrit qu'«elles se font constamment attaquer et, d'après diverses sources, le nombre de morts est plus élevé qu'admis officiellement»5. L'opposition à la guerre contre l'Irak pourra dépasser le soutien au peuple Vietnamien des années 1970. L'impérialisme américain a des plans de guerres tous azimuts fort ambitieux. Mais l'Irak pourrait bien devenir un bourbier dans lequel sa machine de guerre nazie s'enlisera profondément.

Les «Thèses sur la Mondialisation» adoptées au 7ème Congrès du PTB avancent qu'«au 21ème siècle, les conditions seront plus que jamais réunies pour mener à terme la tâche historique de mettre fin à l'impérialisme par la révolution.» Elles affirment aussi que «depuis 1989, l'impérialisme s'est résolument orienté vers la guerre comme stratégie essentielle de résolution de sa crise. C'est la caractéristique principale de la nouvelle situation.»6 En août 2002, le Comité Central du PTB a précisé que, dès lors, sa stratégie vers le socialisme consiste à transformer à terme la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire. En s'engageant à fond contre l'agression américaine et le soutien ­ actif ou passif ­ des dirigeants de l'Europe impérialiste, les communistes accumuleront toujours plus de forces militantes et organisées, conscientes qu'en définitive, seul le socialisme pourra apporter la paix. Il dépendra des communistes que la guerre impérialiste globale ­ dont la prochaine agression contre l'Irak fait partie ­ aboutisse à la victoire du socialisme, comme cela a été le cas après les deux premières guerres mondiales

Notes : 1 Le 3 septembre 2002: référence HL ? ; 2 Lalkar, September-October 2002. ; 3 Cfr e.a. un reportage sur place de la VRT en août 2002. ; 4 D'après l'AFP. ; 5 «Situation Deteriorating Rapidly in Afghanistan», Stratfor, 2/09/2002 ; 6 Voir les Thèses sur la Mondialisation dans "Le Communisme, l'avenir de l'Humanité", thèse 7, p. 56 et thèse 103, p. 82

8. Plate-forme de lutte

Nous ferons tout pour empêcher la guerre contre l'Irak, première étape d'une guerre annoncée de longue durée contre l'indépendance des peuples et des nations. Si nous n'arrivons pas à l'empêcher, nous ferons tout pour la gagner. Dans cet esprit nous nous engageons à lutter sur la plate-forme suivante:

Nous nous opposons à toute guerre contre l'Irak.

Nous refusons toute forme d'ingérence dans la politique intérieure irakienne.

Nous exigeons la levée totale, inconditionnelle et immédiate de l'embargo et l'envoi immédiat de médicaments, d'équipements sanitaires et de produits de première nécessité pour sauver les enfants irakiens.

Nous exigeons du gouvernement belge et de l'Union Européenne une opposition totale et active à l'agression américaine au Moyen-Orient. La Belgique et l'Europe doivent rejeter toute demande d'aide politique, militaire, financière et logistique de la part des Etats-Unis.

Nous nous opposons à toute participation belge ou européenne à de nouvelles missions de contrôle de l'Onu en Irak.

Nous ne donnons pas un euro, pas un homme, pour la guerre de Bush et des multinationales américaines. Nous soutenons activement la résistance du peuple irakien et nous organisons la solidarité avec sa lutte.

Nous exigeons la dissolution de l'Otan et nous ne reconnaissons pas les obligations liées à ce pacte. La Belgique et les pays de l'Union européenne doivent s'en retirer immédiatement. Nous nous battons pour le démantèlement de tous les centres et bases de l'Otan en Belgique, siège central de l'organisation.

Nous luttons pour le démantèlement de toutes les bases militaires étrangères où qu'elles soient dans le monde. Nous exigeons le départ immédiat de toutes les bases et troupes américaines en dehors des États-Unis.

Nous exigeons la destruction de toutes les armes nucléaires, biologiques, chimiques et autres armes de destruction massive à commencer par celles des puissances impérialistes, Etats-Unis, Union européenne et Japon.

Nous refusons la création de l'euro-armée. Vu le démantèlement du Pacte de Varsovie, prétexte pendant plus de trente ans à l'augmentation des budgets militaires, nous réclamons un dividende de la paix, c'est-à-dire une réduction des budgets militaires de 25%.

Nous combattons toute atteinte au bien-être du peuple et toute forme de taxation, d'impôt ou d'effort de guerre.

Nous combattons les atteintes aux droits démocratiques et aux libertés fondamentales. Nous exigeons la suppression de la liste des prétendues organisations terroristes. Nous développons la solidarité avec les partis, organisations et individus qui dirigent la lutte populaire contre la domination impérialiste et capitaliste.

Nous exigeons le respect intégral de la Charte de l'Onu, dont l'interdiction de toute ingérence extérieure dans les affaires intérieures d'un pays, le respect total de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de chaque pays, l'interdiction de l'utilisation de la force dans le règlement de conflits entre pays. L'Onu doit être démocratisée.

L'Assemblée générale des 191 pays membres de l'Onu doit avoir un poids décisif dans toutes les affaires importantes.

Nous exigeons le retrait inconditionnel de toutes les troupes israéliennes des territoires arabes qu'elle occupe illégalement depuis 1948. Nous exigeons qu'Israël applique à la lettre toutes les résolutions de l'Onu le concernant.

Nous voulons la reconnaissance immédiate de la Palestine indépendante par la Belgique et l'Union européenne. Le peuple palestinien a droit à la création immédiate de son État dans les frontières fixées par l'Onu en 1947.

Nous soutenons le combat des peuples du tiers-monde pour disposer librement des richesses naturelles de leur pays et pour fixer des prix équitables pour leurs matières premières, dont le pétrole.

Nous apportons notre soutien aux peuples et aux gouvernements des pays socialistes dans leur effort de développement indépendant. Nous dénonçons les pressions à leur encontre: embargo, menaces de guerre et ingérence dans les affaires intérieures.

 

Faut-il soutenir Paris et Berlin contre Washington à l’ONU ?

L’Irak désarme jusqu’à ne posséder bientôt plus que des lance-pierres. Le monde entier descend dans la rue. Malgré l’opposition de la majorité de l’ONU, de la moitié des gouvernements européens, rien ne semble pouvoir arrêter les va-t-en-guerre Bush et Blair. Que faire ?

Herwig Lerouge, 01-03-2003

La coalition US amasse contre l'Irak 250 000 hommes surarmés, 600 avions de combat, six porte-avions, des centaines de chars et même des armes atomiques dites tactiques. Cette armée d'agression est prête, d'après un rapport de l'ONU 1, à tuer directement ou indirectement 70 000 personnes. 500 000 civils pourraient être blessés ou malades. La guerre ferait plus de 3 millions de réfugiés et 3,6 millions de sans-abri.

L'impérialisme américain et ses vassaux sont prêts à payer (ou à faire payer par le reste du monde) plus de 250 milliards de dollars pour garder le contrôle de tout le pétrole du Moyen-Orient et pour renverser les gouvernements irakien et iranien, coupables de s'opposer à cette mainmise sur leurs richesses naturelles.

Bush ne veut pas s'arrêter, car il ne reste à l'impérialisme US que l'occupation militaire pour s'assurer que les régimes du Golfe continuent à investir 40 milliards de dollars par an dans l'économie américaine en crise. Il a besoin de mater toute tentative des peuples arabes de renverser les dictateurs locaux pro-américains. Les masses arabes ne supportent plus l'occupation fasciste de la Palestine, l'embargo contre l'Irak ni le pillage des richesses. Même en Egypte, la dictature militaire la plus pro-américaine de la région, 94% de la population dit haïr l'impérialisme américain.

Le début de la prochaine guerre mondiale

La guerre contre l'Irak est le début de la prochaine guerre mondiale. Elle sert aussi à pouvoir étrangler la Chine. La puissance socialiste, au taux de croissance annuel de 10%, est considérée par les USA comme son ennemi stratégique. Mais elle dépendra encore tout un temps du pétrole du Moyen-Orient.

La guerre est aussi dirigée contre les rivaux européens. Après le renversement du socialisme en URSS, les blocs impérialistes alliés ont déchaîné toute leur puissance technologique meurtrière contre l'Irak, pays du tiers monde affirmant son indépendance mais privé désormais du soutien du bloc socialiste. Dans cet engagement collectif, les rivalités entre impérialistes étaient déjà présentes.

L'opposition de certains pays européens à la guerre est plus ouverte que lors de la première guerre du Golfe. L'Allemagne et la France, qui constituent le noyau dur européen, ont décidé d'accélérer l'unification européenne au niveau de la politique étrangère et militaire.

Pour s'affirmer contre les USA sur les marchés mondiaux, les multinationales allemandes ont besoin d'une politique étrangère propre et de moyens militaires pour la mettre en pratique. L'Europe doit avoir les moyens de mettre et de maintenir des régimes pro-européens au pouvoir. Pour cela, l'Allemagne a besoin de l'Europe et notamment de l'arme nucléaire française. C'est dans cette perspective que Paris et Berlin poussent le plus au développement de l'armée européenne et augmentent le plus leurs budgets militaires. Elles plaident pour des institutions européennes fortes, capables de mener une politique extérieure. L'Allemagne a même proposé une Europe à deux vitesses, où les nouveaux membres n'auraient que des droits limités.

L'axe Paris-Berlin envoie Louis Michel, ministre d'un pays qui n'est un danger pour personne, préparer le terrain. Car la Grande-Bretagne, allié économique des USA depuis toujours, et l'Espagne, présente surtout en Amérique latine, ne sont pas d'accord. Londres s'oppose à la création d'une armée européenne appelée à intervenir dans le monde entier, car elle peut compter sur l'armée américaine pour défendre ses multinationales. La Grande-Bretagne est un cheval de Troie des USA, chargé de diviser et affaiblir l'Europe franco-allemande. C'est pourquoi elle pousse à un élargissement qui risque de rendre l'Union ingouvernable.

Dans l'intérêt de la paix, soutenir l'opposition européenne à la guerre

Les motifs de l'opposition franco-allemande à la guerre sont donc tout sauf nobles. Le Parti du Travail de Belgique s'oppose à toute intervention impérialiste, européenne ou américaine, contre un pays indépendant. Nous ne voulons pas d'une armée européenne. L'armement de la superpuissance européenne se fera au détriment des dépenses sociales, de l'enseignement, de la santé. Une armée européenne intensifiera l'ampleur de la guerre mondiale, qui verra sans doute les blocs s'affronter dans le tiers monde, en Asie, au Congo ou en Côte d'Ivoire, par exemple, pour la conquête ou la défense de certains marchés. Le PTB s'oppose au désarmement de l'Irak, pays indépendant, qui a droit à sa propre défense contre l'impérialisme.

Mais dans l'intérêt de la lutte contre la guerre, nous soutenons l'opposition européenne à la guerre et à l'impérialisme américain. Nous exigeons que ces pays aillent au bout de leur logique et quittent l'Otan, qui entraîne les pays membres dans une guerre dont les peuples ne veulent pas. Ils doivent empêcher les transports de troupes et de matériel américains sur leur territoire et refuser toute aide à cette guerre d'agression. Ils doivent supprimer les listes d'organisations dites terroristes, imposées par l'impérialisme US dans sa lutte contre les mouvements de libération. Ils doivent fermer les bases américaines en Europe. La France doit utiliser son droit de veto à l'ONU.

Et si, malgré tout, la coalition US déchaîne une guerre contre l'Irak sans l'approbation de l'ONU, les Européens doivent assumer leurs responsabilités et organiser, dans le cadre de l'ONU, la défense de l'Irak contre l'agresseur.

Note : 1 The Guardian, 28 février

 

Euro contre dollar

Depuis 1991, l'Union européenne est devenue un fait économique accompli, avec sa propre monnaie. Des pays en lutte contre l'impérialisme US tentent de profiter de cette rivalité croissante.

L'Irak a décidé, en novembre 2000, d'effectuer ses transactions pétrolières en euros au lieu de dollars. L'Iran envisagerait de le faire aussi. Les pays qui achètent du pétrole à l'Irak doivent donc vendre leurs dollars et acheter des euros. Il s'agirait de dix milliards de dollars depuis le passage de l'Irak aux transactions en euros. Si l'Iran et d'autres pays de l'OPEP faisaient de même, le dollar pourrait perdre de 20 à 40% de sa valeur et les Etats Unis leur hégémonie financière. 1

Les multinationales européennes tentent de conquérir les marchés aux dépens de leurs rivales américaines. 101 firmes allemandes, dont Siemens et Daimler-Chrysler, étaient présentes à la «Foire pour les biens industriels et de consommation» à Bagdad, fin 2002. 2 La France convoite le pétrole irakien. L'Allemagne et la France sont les partenaires commerciaux les plus importants de l'Iran.

Notes :

1 Recknagel, Charles, «Iraq: Baghdad Moves to Euro» (1er Novembre 2000) http://www.rferl.org/nca/features/2000/11/01112000160846.

2 The Financial Times Deutschland, 7/11/2002

 

Communistes du monde entier contre la guerre

Jean Pestieau, 24-03-2003

Du Portugal aux Philippines en passant par la Palestine, les partis communistes et révolutionnaires réagissent contre la guerre. Extraits des réactions principales.

« Bush vise à tout prix la suprématie mondiale et, pour ce faire, commet les pires crimes contre l’humanité », déclarent deux partis communistes russes. « Les Etats-Unis n’ont rien à voir avec la démocratie. »

Parti communiste russe des Travailleurs – Parti russe des Communistes (PCRT-PRC), 20 mars 2003

Les Etats-Unis et leurs complices ont entamé la guerre, prétendument contre l’Irak. Et, effectivement, bombes et missiles pleuvent sur ce dernier pays. En fait, c’est contre le monde entier, que les Etats-Unis ont entamé cette guerre. Contre la volonté de la majorité de la communauté mondiale. Contre la décision de l’ONU, contre un Etat souverain, membre de l’ONU, de surcroît.

Ils veulent modifier à leur propre convenance les structures sociales et politiques de l’Irak. Ce faisant, les Etats-Unis ont trahi leurs véritables intentions : élaborer un scénario d’action contre n’importe quel pays au monde, conformément à leurs ambitions d’installer leur domination mondiale absolue.

Dans la pratique, les fascistes d’aujourd’hui ont entamé la troisième guerre mondiale contre l’humanité. Il est du devoir de tous les citoyens honnêtes, partout dans le monde, de partir en guerre contre ce fascisme.

Les Présidents du CC du PCRT-PRC, Victor Tioulkine, Anatoli Krioutchkov

Union des Partis communistes – Parti communiste de l’Union soviétique (UPC-PCUS), 20 mars 2003

Une fois de plus, le gendarme et principal agresseur du monde, les Etats-Unis, de concert avec la Grande-Bretagne et leurs plus proches alliés à tous deux, ont une fois de plus commis un grave crime contre l’humanité en déclenchant la guerre contre l’Irak.

De nouveau, le monde entier a pu voir l’impérialisme sanguinaire à l’œuvre dans les prétentions sans bornes des Etats-Unis à la domination mondiale et dans leur ingérence brutale dans les affaires internes d’autres Etats souverains. L’exigence de Bush, « le chef de l’Etat doit démissionner », constitue une atteinte révoltante et sans précédent aux droits, à l’honneur et à la liberté de peuples entiers. Les prédateurs impérialistes sont déjà occupés à se partager entre eux le pétrole de l’Irak.

L’ordre mondial précaire, établi à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, a été définitivement détruit. La raison d’être et la finalité mêmes de l’ONU ont été balayées, bien que 200 Etats en fassent partie.

Les Etats-Unis n’ont rien à voir avec la « démocratie ». La machine de guerre américaine a transformé en ruines les villes de Yougoslavie. Elle a fait d’innombrables victimes innocentes en Afghanistan. Elle poursuit inlassablement ses provocations à l’encontre de la République démocratique et populaire de Corée et d’autres Etats encore. Partout, après les croisades de cette superpuissance on ne peut plus agressive, coulent sang et larmes et des milliers et des milliers de gens souffrent.

Le secrétariat du Conseil de l’UPC-PCSU condamne catégoriquement l’agression des Etats-Unis contre l’Irak. Nous exigeons l’arrêt immédiat des actions militaires américaines et de leurs bombardements sur ce pays.

Bush, le terroriste international numéro un, vise on ne peut plus manifestement la suprématie mondiale. Il n’a plus le droit de diriger un Etat, sa place est sur le banc des accusés de la Cour de Justice internationale.

Les peuples du monde doivent s’unir afin de protéger la paix mondiale.

Le président du Conseil de l’UPC-PCUS, Oleg S. Chénine

Front populaire de Libération de la Palestine, 18 mars 2003

L'histoire du monde montre sans aucun doute possible que la résistance et seulement la résistance, ensemble avec l'unité, la ténacité et la persévérance patiente, sont la garantie pour conduire l'agresseur à la défaite, combien colossale est sa puissance. Quand les fascistes conquéraient l'Europe et arrivaient aux portes de Moscou, ce furent seulement la résistance, la ténacité et l'unité des peuples qui arrêtèrent l'avance fasciste et commencèrent à creuser les tombeaux de l'agression et du fascisme.

Le peuple irakien et les masses de l'Intifada, la Nation arabe et la communauté islamique mondiale, n'ont d'autres choix, en dépit de la faiblesse de la plupart des chefs et des régimes arabes officiels, ils n'ont pas d'autres options que la résistance populaire patiente, employant tous les moyens et sous toutes les formes, afin d’être à la hauteur de la confrontation qui leur est imposée et afin de s’unir au peuple du monde dans le front mondial anti-guerre qui s’étend sur l’entièreté du globe.

Front national démocratique des Philippines (National Democratic Front of the Philippines)
José Maria Sison, conseiller politique en chef (Chief Political Consultant), 19 mars 2003

Les Etats-Unis entreprennent une guerre d’agression contre l’Irak non seulement pour s’emparer des ressources pétrolières mais aussi pour justifier l’augmentation drastique des dépenses militaires étasuniennes et l’accélération de la production de guerre. La clique actuelle au pouvoir aux Etats-Unis, ayant Bush à sa tête, croit que les guerres et l’augmentation de la production de guerre peuvent résoudre la grave crise économique et financière des Etats-Unis et du système capitaliste mondial. (…)

Affligé de l’orgueil d’une hyper puissance, les Etas-Unis sous-estiment que les larges masses du peuple et les forces démocratiques du monde peuvent réellement, résolument et de manière militante résister aux guerres impérialistes d’agression. Les conditions actuelles d’aggravation de la crise, de la répression et de la guerre sont un terrain fertile pour ce qui est maintenant une tendance croissante des forces de libération nationale, de démocratie et de socialisme d’aller de l’avant.

Parti communiste portugais
Carlos Carvalhas, Secrétaire général
www.pcp.proletariat/pcp, 17 mars 2003

Le Parti communiste portugais (PCP) considère comme le sommet du cynisme le fait que maintenant, à la veille de lancer une nouvelle guerre, les Etats-Unis mettent en avant une promesse de résoudre le conflit israélo-palestinien quand est bien vivante, dans la mémoire du monde arabe et l'opinion publique mondiale, la longue complicité entre l'Administration Bush et la politique criminelle d'Ariel Sharon, accompagnée du non respect par Israël des Résolutions successives de l'ONU et du sanglant piétinement des droits nationaux du peuple palestinien.

Le PCP considère qu'il est indispensable de condamner fermement le gouvernement (portugais) pour ses responsabilités dans une politique qui fait honte au Portugal et qui constitue un des moments les plus sombres et les plus discréditants de l'intervention de notre pays dans les affaires mondiales après le 25 avril 1974 (Révolution des oeillets anti-fasciste), dû au fait que le gouvernement portugais devient associé à une guerre lancée unilatéralement contre les positions de l'ONU (…).

Coordination communiste pour la reconstruction d'un Parti communiste révolutionnaire
France,
18 mars 2003

(…) On voit où nous a conduit la défaite du socialisme en URSS et dans les pays d’Europe de l’Est : un monde où les impérialismes multiplient les expéditions militaires de type colonial (Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Irak de nouveau) et où les contradictions entre impérialismes s’aiguisent au point de faire se lever le spectre d’une troisième guerre mondiale !

Depuis des mois dans le monde entier c’est par millions que les partisans de la paix se sont mobilisés. Dans de nombreux pays la liaison a été faite entre la lutte contre la globalisation impérialiste et la lutte contre la guerre US. Ce mouvement sans précédent, s’il n’a pas pu empêcher la guerre, a contribué à accentuer les divisions entre impérialismes, retardé l’éclatement du conflit, permis un isolement sans précédent des agresseurs. La lutte doit continuer plus que jamais pour arrêter l’agression, pour empêcher le génocide qui se prépare contre le peuple irakien martyr, pour dénoncer l’impérialisme américain.

Parti communiste sud africain (South African Communist Party)
http://www.sacp.org.za/, 8 mars 2003

Comme la mobilisation anti-guerre l'a affirmé, l'intention déclarée d'attaquer l'Irak confirme l'intention des Etats-Unis d'agir unilatéralement, de saboter le dialogue global en vue d'imposer son hégémonie militairement et autrement partout dans le monde. (…)

Le Parti communiste sud africain désire qu'il soit bien clair que toute attaque contre l'Irak sans l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU (sans parler de la désirabilité de n'importe quelle guerre, étant donnée la domination du Conseil de sécurité par les pays capitalistes avancés) constitue une violation grossière des droits de l'homme. Ceux qui sont impliqués dans de telles actions devraient être regardés comme des criminels de guerre par toutes les forces progressistes et par le peuple aimant la paix.

 

Mort du consultant en désarmement David Kelly - Le Premier ministre britannique Blair a du sang sur les mains

Peter Franssen, 20 juillet 2003

La Grande-Bretagne a sa première victime de guerre sur son propre territoire : le consultant en désarmement David Kelly. Il a joué un grand rôle dans le démontage des mensonges sur les armes irakiennes de destruction massive. Il s'est donné la mort le jeudi 17 juillet après-midi. Des membres du gouvernement Blair l'avaient harcelé pendant deux semaines. "Je suis un homme brisé, physiquement et psychiquement" a-t-il déclaré la veille de sa mort.

1. Les préambules du drame

Les preuves contre l'Irak s'écroulent. L'opinion publique américaine et britannique fait de moins en moins confiance au duo Bush-Blair. Le journaliste Gilligan touche le gouvernement britannique au coeur. Blair et compagnie sont poussés à la défensive.

Le 29 mai 2003, le journaliste Andrew Gilligan révèle dans son émission Today sur les ondes de la BBC-radio qu'une source anonyme lui a dit que le gouvernement avait rendu "plus sexy" le dossier du 24 septembre 2002 sur l'Irak. Il a été gonflé, dans le but de faire paraître les preuves contre Saddam Hussein plus accablantes. Les plus hauts cercles gouvernementaux auraient ajouté sans preuve un passage disant que l'Irak est capable de lancer une attaque de missiles biologiques ou chimiques dans un délai de 45 minutes.

Le dossier de septembre a été annoncé pendant des semaines par le Premier ministre britannique Tony Blair comme la réunion des preuves qui montreraient clairement qu'une guerre contre l'Irak était nécessaire. Le rapport compte 50 pages et dit que "les armes de destruction massive de Saddam Hussein sont prêtes à être utilisées et leur arsenal ne fait que s'agrandir". Le rapport dit aussi que l'Irak a acheté de l'uranium en Afrique pour fabriquer des armes nucléaires. La plupart des assertions du dossier de septembre se retrouvent dans les nombreux discours et interviews des membres du gouvernement américain dans les mois qui précèdent la guerre. Le 12 septembre 2002, le président Bush tient un discours à l'Onu à propos du grand danger que représente Saddam. Ce discours est parallèle au contenu du dossier de Blair.

Le dossier du gouvernement Blair "prouvait" qu'il existait des liens étroits entre les services secrets irakiens et le réseau Al Qaida d'Ousama ben Laden. Cette partie du dossier a été reprise par le ministre US des Affaires étrangères, Colin Powell, dans un discours à l'Onu. Powell s'est cassé la gueule, tout comme Blair.

Au moment où le journaliste Gilligan fait sa révélation dans l'émission Today, le dossier de septembre est déjà presque entièrement démonté. A propos des armes de destruction massive, le Washington Post, journal pourtant très fidèle à Bush, a déjà écrit le 16 mars de cette année : "Des hauts fonctionnaires de la CIA sont d'avis que le gouvernement américain a gonflé l'information sur l'Irak pour convaincre l'opinion publique américaine et les gouvernements étrangers que l'Irak représente un grand danger." L'ancien ministre britannique des Affaires étrangères Robin Cook déclare : "L'Irak ne possède probablement pas la moindre arme de destruction massive." Et sur l'achat d'uranium en Afrique, George Tenet, le grand patron de la CIA, a dû avouer que les documents qui devaient le prouver étaient faux; mieux encore : Blair et Bush le savaient déjà avant de lancer leur allégation dans le monde entier.

Le gouvernement Blair, au moment où le journaliste Gilligan allume sa mèche, avait déjà perdu pied lors d'une autre controverse. En février de cette année, un mois avant le début de la guerre, le cabinet du Premier ministre britannique a publié le dossier qui allait définitivement montrer le caractère meurtrier de la police et des services secrets irakiens. Le dossier "prouvait" qu'il existait des liens étroits entre les services secrets irakiens et le réseau Al Qaida d'Ousama ben Laden. Cette partie du dossier a été reprise par le ministre US des Affaires étrangères, Colin Powell, dans un discours à l'Onu. Powell s'est cassé la gueule, tout comme Blair. Car il est très vite apparu que ce dossier n'était rien d'autre qu'un ramassis de données anciennes que tout le monde peut trouver sur internet, et de citations sorties d'un mémoire d'étudiant. Début mai, de longs rapports du contre-espionnage allemand ont révélé que les indices concrets contenus dans le dossier britannique étaient complètement faux. Il n'y a, concluent les Allemands, aucun lien démontrable entre Saddam Hussein et Ousama ben Laden.

Le deuxième homme du gouvernement Blair

Deux jours après son émission de radio, Andrew Gilligan publie un article dans le Mail on Sunday. Le journaliste écrit : "Quand ma source et moi avons évoqué les missiles qui pouvaient être lancés dans un délai de 45 minutes, je lui ai demandé qui était responsable de l'ajout de ce passage dans le dossier. Ma source m'a répondu d'un seul mot : 'Campbell'."

Alastair Campbell est un ancien journaliste. Il est le chef du bureau de communication de Blair. Lui et son équipe de spindoctors ont pour mission de traduire les mesures et décisions gouvernementales pour le public. Traduire veut dire ici : rendre acceptable, emballer, dissimuler, justifier, retourner le contenu négatif. En bref : faire passer la guerre pour la paix, et la dictature pour la démocratie. Campbell est le bras droit de Blair et, dans les faits, le numéro deux du gouvernement britannique.

Les révélations du journaliste Gilligan visent donc le cœur du gouvernement. Si elles sont vraies, alors le sommet du gouvernement Blair a consciemment menti et inventé des preuves contre l'Irak, ou à tout le moins présenté comme preuve des indices vagues et non démontrés.

Le journaliste Andrew Gilligan. Si ses révélations sont vraies, alors le sommet du gouvernement Blair a consciemment menti et inventé des preuves contre l'Irak

Les assertions de Gilligan alimentent le fort courant qui s'est dès le début opposé à la guerre en Grande-Bretagne, où des millions de gens ont manifesté contre la guerre. Ces gens ont, déjà avant que l'affaire Gilligan n'éclate, lu dans leurs journaux, entendu à la radio et vu à la télévision qu'ils avaient raison et que l'équipe Blair est dirigée par des menteurs. Toujours plus d'informations nouvelles et de témoignages sont venus montrer que les diverses accusations contre l'Irak étaient construites sur du sable. La déjà pas très grande confiance de l'opinion publique britannique dans le gouvernement a reculé de jour en jour. Et voici donc maintenant Gilligan. Qui raconte que cette partie de l'histoire officielle n'était, elle non plus, pas correcte.

Les assertions de Gilligan font aussi immédiatement encore diminuer le pouvoir de Blair au sein de son propre parti. Dans sa marche vers la guerre, Blair a été confronté à des remous encore jamais vus au sein du Labour. Des parlementaires l'ont ouvertement désavoué. Lors de votes au Parlement, on a vu jusqu'à un tiers des travaillistes voter contre Blair. Des membres de son cabinet ont démissionné. La pression était si forte durant cette période que Blair a même envisagé de renoncer, a-t-il révélé par la suite. L'affaire que Gilligan révèle maintenant provoque une nouvelle flambée de critiques, qui inquiète encore plus le Labour car, pour la première fois depuis quatre ans, les sondages pointent Blair derrière les conservateurs.

En même temps, la critique grandit aux Etats-Unis contre Bush et son équipe. Presque chaque jour paraissent des articles aux titres explicites : "Les services de renseignement disent que Bush a surestimé le lien entre l'Irak et Al Qaida" (The New York Times), ou "Un gouffre de méfiance : Bush a utilisé de fausses informations pour justifier la guerre" (Newsday), ou "Des experts disent que les USA ont présenté les choses de travers" (Los Angeles Times), ou encore "Bush savait que l'information était fausse" (CBS).

Dans ce contexte, une chose est sûre pour le gouvernement britannique: les critiques et remarques à propos de la politique de guerre doivent s'arrêter. Celui qui ouvre la bouche doit s'attendre à une contre-offensive. Et c'est ce qui arrive dans les semaines qui suivent.

2. Un homme intègre, physiquement et mentalement détruit

Comment le gouvernement Blair démarre son offensive. Comment la pression s'intensifie. Comment la BBC résiste. Comment David Kelly se fait connaître. Comment la Défense trahit sa confiance. Comment David Kelly se cache. Comment la commission parlementaire s'en prend violemment à Kelly. Et comment celui-ci est traité de vipère et de traître.

Dans les semaines qui suivent l'émission radio du journaliste Gilligan, la presse britannique continue à creuser l'affaire. Le 25 juin, le gouvernement estime que qu'il faut en finir. Alastair Campbell, le chef du bureau de communication de Blair dit : "L'affirmation de ce correspondant de la BBC qui a été étalée et répétée de long en large dans la presse britannique et étrangère, revient à dire que le premier ministre a trompé le pays et le parlement pour mettre en jeu la vie des soldats britanniques en Irak. C'est une accusation contre le premier ministre, contre le Ministre des Affaires étrangères, contre le gouvernement, contre les bureaux de renseignements, contre moi-même et contre les gens qui collaborent avec moi. Je prends cette affaire très au sérieux. Je sais que nous avions raison à propos de cette affaire de 45 minutes. Ce que le correspondant de la BBC prétend est complètement et totalement inexact. Il est - et je n'utilise pas ce mot à la légère - un menteur. Je dis que l'histoire de la BBC est un mensonge. Je continuerai à répéter cela jusqu'à ce que nous obtenions une excuse.»

"Nous ne pensons pas devoir nous excuser."
(BBC)

La BBC n'aime pas être traitée de menteuse et dit deux heures plus tard dans un communiqué qu'elle soutient Gilligan : "Nous ne pensons pas devoir nous excuser."

Un jour plus tard, Campbell envoie à la BBC une note dans laquelle 12 questions sont posées au sujet de Gilligan et de la manière dont le reportage a été réalisé. Campbell écrit qu'il veut la réponse avant la fin de la journée. Richard Sambrook, le directeur de service d'informations de la BBC répond la chose suivante : «Avec votre lettre, la pression qui émane de Downing Street (le premier ministre habite au numéro 10 de Downing Street) a atteint des sommets inconnus jusqu'ici. La BBC veut donner dans cette affaire une réponse adaptée aux questions posées, mais ne souhaite pas accepter les limites de temps qui sont imposées par monsieur Campbell.»

Encore un jour plus tard, le Conseil d'administration de la BBC se réunit. A l'issue de cette réunion, la radiotélévision diffuse un communiqué dans lequel elle déclare que la BBC continue à soutenir Gilligan et où il est demandé à Campbell de retirer ses accusations et ses insinuations vis-à-vis de la BBC et de ses journalistes.

David Kelly, 59 ans, était un docteur en microbiologie et attaché, en tant qu'expert en armement, au Ministère britannique de la Défense.

À ce moment, David Kelly se tourne vers ses supérieurs. Kelly, 59 ans et père de trois filles, est un docteur en microbiologie et attaché, en tant qu'expert en armement, au Ministère britannique de la Défense. Dans les années nonante, il s'est rendu 36 fois en Irak en tant que membre de l'équipe des inspecteurs en désarmement. Il est donc une importante source d'information lorsqu'il s'agit des armes de destruction massive qui l'Irak posséderait. Lorsque la polémique au sujet de l'affaire des 45 minutes se répand dans la presse britannique, il se tourne vers ses supérieurs et dit qu'il a eu, une semaine avant l'émission radio de Gilligan, un rendez-vous avec le journaliste à Charing Cross Hotel à Londres.

Le ministère de la Défense réagit durement. Pendant quatre jours, le service de sécurité de la défense interroge le docteur Kelly. Le samedi 19 juillet on lit dans la presse britannique que cela ne se passe pas en douceur : «Les enquêteurs font brutalement leur travail. Le docteur Kelly a aussi été menacé. Les enquêteurs lui ont dit qu'il serait poursuivi sur base de la loi sur le secret.» Finalement, la Défense et Kelly ont fini par décidé que son nom ne serait pas révélé dans le presse, car «si cela arrivait, mon nom serait éternellement discrédité», dit Kelly.

Le 8 juillet, la défense fait savoir qu'un cadre du cabinet a dit avoir eu contact avec Gilligan. Le Ministre de la Défense Geoff Hoon propose alors au président de la BBC, Gavyn Davies, le marché suivant: nous vous donnons le nom de ce cadre et en échange, vous nous dites si cette personne a été l'unique source du reportage radio. La BBC refuse ce marché et répond par un communiqué : «Nous répétons une nouvelle fois que monsieur Gilligan a consulté différents sources pendant la préparation de son reportage radio sur le problème des armes de destruction massive.»

Le jour suivant, Geoff Hoon envoie à la BBC une lettre dans laquelle est cité le nom de David Kelly Il demande à la BBC de nier ou de confirmer qu'il s'agit de Kelly. Ce que la BBC refuse de faire. Dans le courant de la journée, le nom finit par fuir - volontairement ou non de la part de la Défense, l'enquête doit encore le déterminer. Les journalistes téléphonent à Downing Street et le cabinet du Premier ministre confirme qu'il s'agit de Kelly.

Les interrogatoires et la mort

Lorsque le nom de Kelly paraît dans tous les journaux, il est pris d'assaut. Les journalistes étrangers et du pays veulent tout savoir, les mêmes questions lui sont posées cent fois... L'anonymat sur lequel il a tellement compté, n'existe plus. La situation est si terrible que Kelly fuit le 12 juillet vers une adresse inconnue.

Le mardi 15 juillet, il refait surface. A sa propre demande et dans l'espoir de faire savoir clairement qu'il n'est pas la première source, il témoignera ce jour-là pour la commission des affaires étrangères qui examine la décision prise d'entrer en guerre. La commission est présidée par un homme du parti travailliste de Blair, Donald Anderson.

Dès le début, il est clair que c'est une séance très tendue. Le docteur Kelly est pâle, il semble dépassé par les événements. Malgré les insistances répétées des membres de la commission, il continue à parler très doucement. Certains membres de la commission doivent littéralement tendre l'oreille afin de comprendre ce qu'il dit. Malgré la chaleur, la climatisation est arrêtée pour que le bruit ronronnant ne dérange pas Kelly.

A l'issue des interrogatoire devant les commissions, Kelly dit à un ami : «Je suis brisé, physiquement et mentalement.»

Les membres travaillistes de la commission sont décidés à épingler Kelly, à le désigner comme la source de Gilligan. À un certain moment, un des membres travaillistes demande à Kelly de dresser une liste de tous les journalistes avec qui il a eu des contacts au cours des derniers six mois. Le parlementaire aboie sur Kelly qu'il est assis face à une commission qui doit être considérée comme une cour d'appel et qu'il a le devoir impératif d'accepter immédiatement cette demande. Kelly ne répond rien. A cela, le membre de la commission Torrie, John Stanley, dit : «Monsieur Gilligan a abusé de vous. C'est très clair pour moi. Ou peut-être pas ?» à quoi Kelly répond, hésitant : «J'ai été mis dans cette position contre ma volonté, mais je ne dirais pas que j'ai été abusé par lui

Le bombardement n'est pas encore fini. Un autre jour, Kelly doit paraître devant une autre commission. Cette fois, il s'agit des parlementaires de la commission des Renseignements et la Sécurité. L'interrogatoire se passe à huis clos. A son issue, Kelly dit à un ami : «Je suis brisé, physiquement et mentalement

En rentrant chez lui, Kelly lit dans les journaux qu'il s'est comporté devant la Commission des Affaires Etrangères "comme une vipère tortueuse". D'autres journaux le trouvent "hésitant" et "évasif".

Le même jour, la pression du Premier ministre Blair atteint son paroxysme. Il assigne la BBC à donner le nom de la source. Blair dit : «Il n'y a qu'une instance qui connaît la source de Gilligan et c'est la BBC. Si un doute existe au sujet de la source, alors la solution est très simple. Ils doivent simplement répondre oui ou non à la question de savoir si Monsieur Kelly est la source. Ils peuvent quand même faire cela ? Pourquoi ils ne font pas cela ?» Ben Bradshaw, le ministre d'environnement, en rajoute encore une couche : «Aussi longtemps que la BBC ne nie pas qu'il s'agit de Monsieur Kelly, nous devons accepter que Monsieur Kelly est une taupe.» Tout simplement. Le terme est lâché : David Kelly est une taupe, un traître. Un homme intègre qui, même au moment où il était inspecteur en désarmement en Irak a toujours fait passer la vérité avant les exigences politiques de Bush et Blair, est un traître. L'homme qui comptait sur l'anonymat, lit dans le journal qu'il est une vipère tortueuse.

Le 17 juillet, à trois heures de l'après-midi, David Kelly quitte sa maison de la bourgade de Southmoor près d'Oxford «pour une petite promenade». Peu de temps après, il s'ouvre les veines du poignet gauche dans un bosquet à quelques kilomètre de là. Sa femme Janice raconte à un ami : «Il est revenu terriblement stressé de l'interrogatoire devant les commissions. Il était très malheureux de cette issue.» Sa belle-soeur Sandra Vawdrey dit : «Je pense que les politiciens ont beaucoup de questions à se poser sur eux-mêmes.»

Pour le journaliste Gilligan, l'histoire n'est pas encore terminée. Au moment où Kelly franchit la porte de sa maison, Gilligan paraît devant la commission des affaires étrangères. Son interrogatoire est encore plus brutal que celui de Kelly. A l'issue de celui-ci, le président de la commission dit que le journaliste n'est « pas fiable». Et : «C'était une séance insatisfaisante avec un témoin insatisfaisant.» Mais d'autres parlementaires prétendent qu'ils ont assistés à un procès d'inquisition et qu'ils se sont demandés ce qui subsistait de la liberté de la presse et de la garantie de la protection des sources lorsque les journalistes sont intimidés de la sorte.

3. Un boomerang dans la figure de Blair

Blair fabrique le critère "du dictateur". Les vrais motifs de la guerre se clarifient. Blair reçoit la mort de Kelly comme un boomerang dans la figure.

Jeudi dernier, au moment où David Kelly se suicidait, Blair était en visite chez Bush. Lors d'une conférence de presse, on a demandé à Blair si la guerre contre l'Irak était bien justifiée s'il apparaissait qu'il n'y avait jamais eu d'armes de destruction massive menaçantes. Blair a répondu : "Je ne crois pas que nous nous sommes trompés. Je suis convaincu qu'il y avait de telles armes. Mais même si nous nous sommes trompés sur ce point, la guerre était quand même justifiée. Nous avons chassé un dictateur qui était comme la peste pour son propre peuple et pour les pays voisins." Plus tard, dans un discours devant le Parlement américain, Blair l'a encore répété. Les parlementaires américains se sont levés dix-huit fois pour lui offrir une ovation.

Les Américains et les Britanniques ont commencé la guerre contre la volonté de l'Onu et de l'immense majorité de la population mondiale. Pour pouvoir agir à leur guise, ils ont raconté mensonge sur mensonge à propos de l'Irak et Al Qaida, des armes biologiques, chimiques et nucléaires. Maintenant s'écroule la plus grande machine à mensonges de l'histoire de l'humanité, comme l'appelle Ignacio Ramonet du Monde Diplomatique. Mais attention, Blair a déjà préparé sa porte de sortie : la condition pour partir en guerre est qu'il doit y avoir là-bas un dictateur au pouvoir. Selon le gouvernement britannique, le président Mugabe du Zimbabwe est un dictateur. De même que le président Kim Jong Il de Corée du Nord. Et le président syrien Assad. Et le dirigeant cubain Fidel Castro. Mais pas le chef militaire rwandais Kagame qui, sur ordre des Américains, a envahi le Congo et causé la mort de quatre millions de Congolais. Ni le Premier ministre israélien Ariel Sharon qui ordonne de tirer sur des femmes et des enfants et laisse même un tank écraser des manifestants pacifistes américains. Ni monsieur Bush, le président `presque élu' des Etats-Unis, qui pense être le président du monde entier et dit lui-même vouloir partir en guerre dans soixante pays.

Le gouvernement de Blair s'est comporté comme un régime qui cherche frénétiquement à supprimer toutes les libertés démocratiques car ces libertés font obstacle à sa politique de guerre.

Qui décide qui est dictateur ? Les Américains et les Britanniques n'ont-ils pas déjà choisi leur prochaine cible, pas en fonction de la présence ou non d'un dictateur, mais bien selon la place de ce pays et son régime en travers de la route de l'hégémonie américaine ?

Dans l'affaire Kelly-Gilligan, le gouvernement britannique s'est démené comme un enragé. Sans scrupules, il a mis David Kelly, Andrew Gilligan et la BBC sous forte pression, en ne faisant que peu ou pas de cas de la liberté de la presse ou de l'intégrité des personnes concernées. Le gouvernement britannique s'est comporté comme un régime qui cherche frénétiquement à supprimer toutes les libertés démocratiques car ces libertés font obstacle à sa politique de guerre. Ce comportement fascistoïde ne s'explique que parce qu'une poursuite du déshabillage des preuves contre l'Irak montre de plus en plus clairement que Bush et Blair ont délibérément menti au peuple, aux médias et au Parlement car ils voulaient la guerre à tout prix. Le démontage des preuves permet aussi de voir plus clairement que la guerre avait d'autres raisons et d'autres objectifs. Les manifestants pour la paix ont maintenant plus d'autorité quant ils disent qu'il s'agit d'une guerre pour le pétrole, pour contrôler la région et finalement le monde, pour l'instauration d'une nouvelle ère de colonialisme qui doit permettre au capitalisme de sortir de 25 ans de crise.

Le suicide de David Kelly retombe heureusement comme un boomerang à la figure de Blair. Le samedi 19 juillet, on peut lire à la Une de The Independent : "La mort d'un serviteur de l'Etat, une victime de guerre." The Daily Mail imprime en première page les photos du Premier ministre Tony Blair, de son conseiller en communication Alastair Campbell et du ministre de la Défense Geoff Hoon sous le titre en grandes lettres : "Et vous êtes fiers de vous ?" Lors d'une conférence de presse au Japon, où Blair était de passage samedi, un courageux journaliste lui demande : "Avez-vous du sang sur les mains, monsieur Blair ? Ne pensez-vous pas que vous devez démissionner ?" Oui, Blair a du sang sur les mains. Celui de plusieurs milliers d'Irakiens, de 270 soldats américains et britanniques morts en Irak, et celui de David Kelly. Blair a dit devant la presse à Washington : "L'histoire me jugera." L'histoire l'a déjà jugé.

 

Dossier Terrorisme

G. W. Bush

Attention, dangereux terroriste à la tête de la coalition néo-colonialiste occidentale camouflée sous le masque de la "lutte internationale contre le terrorisme". Prétendant agir au nom de la "démocratie"et de la défense des "droits de l'homme", il est le chef de meute des fondamentalistes yankees impérialistes, valets à la solde du grand capital.

 

Des attentats impossibles sans complicités au sein des services secrets US

Déclaration du Bureau Politique du Parti du Travail de Belgique

Le jour même de l’attentat contre le WTC et le Pentagone, le 11 septembre, le Bureau Politique du Parti du Travail de Belgique a rédigé et diffusé via internet la déclaration que nous reproduisons ci-dessous. Celle-ci a été lue dans le monde entier.

‘‘Les attentats contre le WTC et le Pentagone, qui stupéfient la terre entière, témoignent avant tout de l’état de crise dans lequel se trouve le monde, quoiqu’en disent les dirigeants de ce monde lors des grandes messes des pays riches du G-8.

Nous partageons la tristesse des familles et des proches des victimes et nous leur adressons nos condoléances. Les victimes civiles américaines, tout comme la grande majorité du peuple américain, ne peuvent être jugées comme responsables de la politique barbare menée par leur gouvernement et les multinationales qu’il représente. En même temps, nous sommes profondément choqués par l’hypocrisie du gouvernement américain. Celui-ci porte une responsabilité écrasante dans ce qui est arrivé aujourd’hui.

La plus grande puissance impérialiste, qui se vante depuis la chute du Mur d’être le gendarme incontesté de la planète, se trouve confrontée pour la première fois sur son propre sol à des attaques qui font des milliers de victimes civiles, comme les ont connues de la part de l’armée américaine, à une échelle beaucoup plus grande, les peuples vietnamien, irakien, yougoslave et tant d’autres.

Depuis plus de 50 ans, le gouvernement et les multinationales des Etats-Unis imposent leurs quatre volontés au monde entier, détruisent les économies locales, exproprient les paysans, renversent des gouvernements populaires et mettent au pouvoir des Pinochet, Marcos et Mobutu à leur solde qui n’hésitent pas à massacrer leur propre peuple, loin des caméras. Ce faisant, ils ont suscité la haine et la révolte de tous les peuples qui en sont les victimes. De plus, la crise économique qui frappe les Etats-Unis aiguise toutes les contradictions à l’intérieur du pays.

Depuis 50 ans, Washington recrute, arme et forme comme terroristes des fascistes et des intégristes

Dans un monde bourré de contradictions économiques, politiques et militaires, toutes les hypothèses sont possibles quant à l’origine de ces attentats.

Néanmoins, le niveau technique supérieur et le degré élevé de risques dans un pays aussi surveillé que les Etats-Unis portent à croire qu’une telle entreprise n’aurait jamais pu être réalisée à partir du sol américain sans des complicités au sein des services secrets US ou d’autres organisations parallèles.

Depuis 50 ans, pour protéger les intérêts des multinationales américaines et pour combattre le communisme et les mouvements de libération, les services secrets des Etats-Unis soutiennent tous les courants fascistes, intégristes et nationalistes dont ils se servent pour diviser les peuples. Ils recrutent, arment et forment dans ces pays comme terroristes de haut niveau les éléments les plus fascistes et intégristes. Cela va des anciens nazis recrutés dans les services secrets US après la deuxième guerre mondiale aux escadrons de la mort au Salvador, en passant par les mercenaires intégristes en Afghanistan.

En fonction d’alliances politiques changeantes, ces terroristes peuvent se retourner contre leurs anciens maîtres. Ce scénario est le cas pour le terroriste saoudien Oussama Ben Laden. Celui-ci était, il y a quelques années, un « combattant de la liberté », homme de main des Etats-Unis dans leur lutte contre l’Union soviétique en Afghanistan.

Tout comme on ne peut exclure l’hypothèse de complicités de forces d’extrême droite américaine, comme à Oklahoma, inspirées par des forces décidées à pousser Bush vers une politique économique et militaire encore plus musclée.

Ces attentats pourraient rendre une fausse légitimité à un gouvernement US contesté dans le monde entier

Ces attentats pourraient aussi rendre une fausse légitimité au gouvernement américain à un moment où une vague de contestation anti-impérialiste se répand dans le monde entier, prenant comme cible ce gouvernement, fer de lance de la globalisation capitaliste, de la destruction de l’environnement et de la nouvelle course aux armements.

Il peut aussi occulter les préoccupations économiques et sociales du peuple américain lui-même, qui connaît une envolée du chômage et une expansion rapide de la pauvreté sur son propre sol.

Nous nous joignons aux appels visant à empêcher le gouvernement américain et les gouvernements alliés des Etats-unis de prendre ces attentats comme prétexte pour attaquer des pays complètement étrangers à ce terrorisme, mais depuis longtemps dans le collimateur du gouvernement américain à cause de leur politique indépendante, ou d’utiliser ces attentats pour renforcer toutes les mesures antidémocratiques tant aux Etats-Unis qu’ailleurs. Une telle réaction ne ferait qu’accroître le danger de guerre et de fascisme.

Les peuples du monde entier ont raison de s’inquiéter de la signification profonde de ces attentats. Ils sont la conséquence de l’aggravation de toutes les contradictions fondamentales de la société, dénoncées à juste titre par les travailleurs et les jeunes dans le cadre du mouvement contre la mondialisation impérialiste. Pour résoudre ces contradictions, il n’y a pas d’autre voie possible que de travailler à l’unité des combats des travailleurs et des peuples du monde entier, de porter encore plus haut les revendications de justice sociale, de démocratie véritable et de paix. Si l’action terroriste ne permet pas de réaliser ces objectifs, les mesures de représailles militaires et de répression et le racisme exacerbé des gouvernements impérialistes le permettent encore moins.

Poursuivre sur la voie tracée par les mouvements de Seattle ou de Gênes, par les peuples d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine contre toutes les conséquences du colonialisme et du néo-colonialisme, telle est la seule manière de travailler sérieusement à l’avenir de l’humanité.’’

  

Pourquoi Bush a bloqué l’enquête sur Ben Laden ?

Michel Collon, 19.11.01

Pourquoi donc George Bush bloqua-t-il, en été 2001, une enquête du FBI sur les réseaux terroristes de Ben Laden et de ses complices ? Pourquoi Bush a tout fait pour maintenir les talibans au pouvoir et s’arranger avec eux afin de construire le pipeline afghan tant désiré ? Un nouveau livre Ben Laden-La Vérité interdite, dont les auteurs sont proches des services de renseignements français, le révèle.

Pourquoi donc George Bush bloqua-t-il, en été 2001, une enquête du FBI sur les réseaux terroristes de Ben Laden et de ses complices ? Pour ne pas gêner ses amis saoudiens qui finançaient Oussama depuis longtemps ? Oui. Mais aussi pour d’autres raisons.

«Depuis 1998, pétroliers et diplomates américains étaient convaincus qu’une victoire totale des talibans – qu’ils avaient souhaitée pour stabiliser l’Afghanistan – n’était plus envisageable.» (chapitre 6) Et pourquoi les démocratiques Etats-Unis souhaitaient-ils la victoire de ces ultra-fanatiques aux crimes bien connus ? Parce que la firme pétrolière US Unocal misait sur eux pour construire un très profitable gazoduc. Du Turkménistan à l’Océan Indien et aux marchés prometteurs d’Asie du Sud.

En 1998 déjà, l’administration Clinton négocie avec les talibans, pour obtenir l’extradition de Ben Laden, dit-on, en échange de la reconnaissance de leur régime. Dès son arrivée au pouvoir, l’administration Bush accélère et intensifie ces négociations. Pourquoi ? Parce qu’elle est directement importée des multinationales pétrolières.

Bush ? Une grande famille du pétrole texan. Le vice-président Cheney ? Longtemps directeur d’Halliburton, une des plus grosses firmes de services pétroliers du monde. Condoleeza Rice (Conseil National de sécurité) ? Neuf ans chez Chevron. Donald Evans (secrétaire au Commerce) ? Toute sa carrière dans le pétrole. Sa sous-secrétaire Kathleen Cooper ? Chef économiste d’Exxon.

Quatre jours après la prestation de serment, Cheney, crée l’informelle Energy Policy Task Force «pour organiser une politique énergétique conquérante»

Quatre jours après la prestation de serment, Cheney, crée l’informelle Energy Policy Task Force «pour organiser une politique énergétique conquérante» (chap. 6). Structure si secrète que le Congrès devra menacer de poursuite judiciaires pour obtenir la liste des participants.

Tout de suite, l’administration Bush cherche à s’arranger avec les talibans. Au placard les dénonciations des organisations des droits de l’homme ! En mars et en juillet 2001, des réunions discrètes ont lieu à Berlin. Le marché reste: livrer Ben Laden, élargir un peu leur gouvernement et profiter d’une manne financière. N’oublions pas qu’en 2001 encore, les Etats-Unis ont été le principal bailleur de fonds des talibans, sous couvert d’aide humanitaire.

Et s’ils ne se soumettent pas ? «Un Américain aurait dit en juillet aux Pakistanais que si les talibans acceptaient de livrer Ben Laden et de signer la paix avec le front uni, ils auraient un "tapis d’or", mais que s’ils refusaient, ils s’exposaient à "un tapis de bombes"» indique Le Monde, ce 13 novembre.

L’affaire a commencé bien avant le 11 septembre

On se doutait bien que l’affaire n’avait pas commencé le 11 septembre. A France 3, (Pièces à Convictions, 18 octobre), l’ex-ministre pakistanais des Affaires étrangères, présent aux discussions de Berlin, révélait : «L’ambassadeur US Simons a indiqué qu’au cas où les talibans ne se conduiraient pas comme il faut, (…) les Américains pourraient utiliser une opération militaire.»

La boucle est bouclée. Beaucoup de choses nous sont encore dissimulées, mais le vrai scénario a probablement été ceci. 1. Voulant absolument son gazoduc, Bush menace les talibans. 2. Ben Laden prend les devants en tuant Massoud, chef de l’Alliance du Nord rivale des talibans, puis avec les attentats aux USA. Une attaque surprise, même s’il reste des zones d’ombre sur le rôle des services secrets US. 3. Bien que mise en difficulté tactiquement, l’administration Bush en profite pour mettre en place le plus vite possible son vieux projet : installer des bases militaires en Asie centrale, entre Russie et Chine, à côté des républiques pétrolières et gazières convoitées.

Conclusion : à toutes les étapes, la cause profonde des souffrances du peuple afghan se trouve à Washington. C’est l’ingérence colonialiste, la volonté de mettre au pouvoir des agents dociles pour les intérêts des multinationales, puis de les retirer s’ils ne conviennent plus. Le jeu continue puisque Washington essaie d’imposer des talibans dits «modérés» dans le nouveau gouvernement afghan qu’elle entend toujours contrôler. Le monde est malade de l’ingérence néocolonialiste américaine.

 

De 1939 à 2001 : les prétextes terroristes...

Herwig Lerouge ; Solidaire ; 22-05-2002

Le 31 août 1939, des terroristes, vêtus d'uniformes polonais, ont attaqué l'émetteur radio allemand de Gleiwitz près de la frontière germano-polonaise. Tous ont été abattus. Le lendemain, Hitler ripostait en attaquant la Pologne. C'était le début de la Deuxième Guerre Mondiale, qui a coûté la vie à 66 millions d'êtres humains. Le commando terroriste «polonais» était composé de ... militaires allemands du service secret dont faisait aussi partie le commandant Gehlen. En 1945, les Américains sauvent Gehlen et l'engagent pour les aider à mettre sur pied leurs actions subversives en URSS et en Europe de l'Est. Il avait dirigé les services secrets nazis opérant en Union soviétique. Des milliers d'autres nazis sont également enrôlés dans les services secrets américains. 

Le 11 septembre 2001, des terroristes intégristes musulmans détruisent les tours WTC et une aile du Pentagone. Tous périssent dans les attentats. L'opinion publique est en état de choc. Plus de 90 % de la population soutient Bush quand, un mois plus tard, il déclenche la guerre contre l'Afghanistan : au moins 5 000 victimes civiles et d'innombrables victimes militaires à ce jour. Les attentats préparent les esprits à la guerre contre l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord. Ils permettent à Sharon de liquider la résistance palestinienne sous la bannière de la lutte contre le terrorisme. Ils permettent à Bush faire passer le budget militaire de 289 milliards de dollars en l'an 2000 à 470 milliards en 2007. 

Aujourd'hui, nous apprenons que le gouvernement Bush était sans doute au courant des plans d'attentats. Il n'a pas réagi. Par incompétence ? Peu probable : les informations transmises étaient précises. Serait-il possible qu'une partie du gouvernement américain ait laissé faire ? Les services secrets américains, mis sur pied par des nazis, n'en sont pas à leur coup d'essai. Ils ont organisé les coups d'État au Chili (3 500 morts), en Indonésie (500 000 morts) et récemment au Venezuela. Le gouvernement Bush, composé en grande partie de représentants du complexe militaro-industriel décidés à maintenir l'hégémonie américaine, a très bien pu juger ces attentats opportuns. Des milliers de personnes sont décidées à empêcher le criminel Bush de passer une journée tranquille lors de son voyage en Europe, cette semaine. Le même sort devrait être réservé aux dirigeants européens qui continuent à collaborer à ses aventures militaires criminelles. Pour que le 11 septembre ne soit pas le début de la Troisième Guerre mondiale.

 

Un ouvrage révélateur sur le 11 septembre

Thomas Blommaert, 3 septembre 2002

Les services de renseignements américains savaient que les attentats du 11 septembre étaient en préparation, ils savaient quels bâtiments étaient visés, ils connaissaient les cadres supérieurs et moyens du réseau de Ben Laden et filaient un certain nombre de pirates. Ils n'ont pas voulu les arrêter et, le 11 septembre, ils ont même refusé de les empêcher d'agir. Les pirates ont eu le champ libre car les attentats arrangeaient bien l'élite militaire et politique des Etats-Unis. Les attentats devaient gagner l'opinion publique américaine à une guerre de longue durée contre les pays qui barrent la route à l'hégémonie des Etats-Unis. Voilà en quelques mots la thèse développée par Peter Franssen, journaliste à Solidaire, et Pol De Vos, président de la Ligue Anti-Impérialiste, dans «11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air». L'ouvrage sera en vente dès la semaine prochaine.

Les services secrets américains n'ont pas voulu empêcher les attentats

Comment est venue l'idée d'écrire un ouvrage sur le 11 septembre ?

Peter Franssen. Dès le 11 septembre même, l'affaire n'a pas semblé très claire. Comment était-il possible qu'un groupe de dix-neuf personnes puisse détourner quatre avions sans que l'appareil de défense le plus sophistiqué et le mieux entraîné de la planète ne réagisse ? Tard dans la soirée du 11 septembre, le Bureau politique du PTB a diffusé un communiqué de presse disant que les attentats n'auraient vraisemblablement pas été possibles sans la collaboration des services secrets et du noyau de l'appareil militaire américains. Mais à ce moment, honnêtement, nous avions peu de preuves pour étayer ces affirmations.

Peter Franssen : «Notre livre prouve que les services secrets américains connaissaient et filaient les pirates de l'air, mais ils ont refusé de les arrêter.»

Nous avons donc réalisé pour Solidaire un premier dossier sur le terrorisme et sur la manière dont l'armée américaine s'en sert depuis 1945. Ce dossier établissait clairement que l'armée et les services secrets estiment pouvoir recourir à la terreur pour pousser l'opinion publique dans une direction bien précise. Et par terreur, on entend: attentats à la bombe, détournements d'avions, assassinats, enlèvements Les Etats-Unis ont engagé ces moyens sur tous les continents, Europe occidentale y compris, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Ce dossier le disait déjà: prenez la version officielle avec prudence, l'éthique compte pour du beurre quand il s'agit d'atteindre un but politique bien précis.

Autour du Pentagone se trouvent quatre batteries de défense anti-aérienne. Personne ne peut expliquer pourquoi elles ne sont pas entrées en action le 11 septembre, alors que l'armée était en état d'alerte maximum

Dans les semaines et les mois qui ont suivi, de nombreux faits ont été révélés qui collaient difficilement avec la version officielle. Un exemple: autour du Pentagone, il y a quatre batteries de défense antiaérienne. Quand l'avion s'est écrasé sur le bâtiment, on le suivait déjà depuis quelques minutes. A ce moment, deux avions avaient déjà percuté les tours du WTC. L'armée était en état d'alerte maximum. Pourtant, cette défense antiaérienne n'est pas entrée en action. Personne ne peut l'expliquer. Autre exemple: le service secret CIA connaissait plusieurs pirates et savait qu'ils étaient aux Etats-Unis. La CIA prétend aujourd'hui qu'elle ne les filait pas et qu'elle ignorait où ils séjournaient. Nous sommes donc censés croire que la CIA a laissé circuler librement aux USA un certain nombre de terroristes potentiels ­ car c'est ainsi qu'elle les avait fichés. Ces gens ne vivaient même pas dans la clandestinité, on peut trouver leurs noms dans l'annuaire téléphonique.

Au mois de mai, on a découvert que le président Bush et les principaux membres de son gouvernement savaient déjà, six ou sept semaines avant le 11 septembre, que des attentats se préparaient. Pas moins de cinq services secrets avaient averti la CIA. Il ne s'agissait pas de vagues informations, mais d'avertissements très précis et détaillés. La seule chose qui manquait était la date exacte. Pour le reste, tout était connu: qui, comment et quoi. Qui? Un groupe d'Al Qaïda. Comment ? Avec des avions détournés. Quoi ? Des attentats kamikazes contre les tours du WTC, le Pentagone et la Maison-Blanche. Là, nous en étions sûrs: il fallait écrire un bouquin sur le sujet.

Ce ne sont pourtant pas les livres «révélateurs» qui manquent. L'effroyable imposture de Thierry Meyssan est devenu un best-seller. En quoi votre ouvrage se distingue-t-il ?

Peter Franssen. Thierry Meyssan a le mérite d'avoir osé aller à contre-courant. Pas si évident car quand son bouquin est sorti, en mars, il régnait encore une atmosphère telle que celui qui mettait en doute la version officielle était taxé de farfelu. Meyssan a mis en lumière des faits que le gouvernement américain aurait préféré passer sous silence. Aujourd'hui, poser des questions est un peu plus facile.

J'estime néanmoins que dans un tel dossier, on ne peut coucher sur papier que des choses qui ont été irréfutablement prouvées. Ce n'est pas le cas chez Meyssan. La thèse centrale de ses deux ouvrages consiste à dire qu'aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone mais qu'une organisation d'extrême droite a commis un attentat à l'aide d'un missile. Mais trop d'éléments viennent infirmer la véracité de cette thèse. Des dizaines de personnes ont vu l'avion ou le prétendent. Meyssan dit que ces gens ont vu un missile, pas un avion Je n'oserais pas écrire ça dans un livre. Ensuite, je trouve regrettable que Meyssan ne dise quasi rien des attentats contre les tours du WTC. Ils ont bien eu lieu avec des avions. Mais ils ne cadrent pas dans sa thèse du groupe d'extrême droite. Cela rend malaisé, voire impossible, de comprendre les motivations des services secrets et de l'armée.

La CIA savait que Al Qaïda préparait des attentats. Elle savait que des avions seraient détournés à cet effet. Elle savait que le WTC, le Pentagone et la Maison Blanche étaient visés

Notre ouvrage s'en tient aux faits. Il compte 185 pages. Quatre-vingt-quinze pour-cent sont remplies de faits bien établis et de déclarations de généraux, de chefs de la CIA et du FBI, de dirigeants politiques. Cinq pour-cent seulement sont des interprétations des faits et des citations. Le livre permet ainsi de se faire une idée sur la signification du 11 septembre, le caractère de l'impérialisme américain, l'offensive de cet impérialisme et ce qui la motive. Je pense que c'est la différence la plus importante avec d'autres livres sur le 11 septembre.

Dans les mois qui ont suivi le 11 septembre, de plus en plus de révélations ont infirmé la version officielle. Comment les services secrets et le gouvernement ont-ils réagi?

Pol De Vos. Ils n'ont cessé de reculer leur ligne de défense. Le 11 septembre même, et les jours suivants, on entendait ceci: «Une surprise totale! Nous ne savions rien!» Tous ceux qui posaient la moindre question à ce sujet se sont vu brutalement imposer le silence. Ils ont pu tenir cette ligne de défense jusqu'au début mai. Puis, tant de choses sont remontées à la lumière qu'ils ont dû dresser une seconde ligne. Qui disait : «Oui, il y a eu des indications. Oui, nous avions été prévenus par d'autres services secrets. Mais ces indications et ces mises en garde étaient terriblement vagues. Nous ne savions pas où, quand, comment» Cette ligne a tenu à peine une semaine. Il s'est avéré qu'ils étaient au courant de tout, hormis la date et l'heure exactes. Et même ça, ce n'est pas sûr. Nous en arrivons à la troisième et dernière ligne de défense : «La CIA et le FBI ne collaborent pas suffisamment, nous avons trop peu de moyens et trop peu de personnel.» Pas très original. C'est le genre de refrain qu'on a entendu en Belgique à propos des tueurs du Brabant wallon et des enfants disparus.

Pol De Vos : «La CIA et le FBI disent qu'ils ont manqué de moyens et de forces pour prévenir les attentats. C'est tout bonnement absurde, nous le prouvons, faits et chiffres à l'appui.» (Photos Solidaire, Salim Hellalet)

Nous révélons dans le livre de quels moyens et effectifs disposent la CIA et le FBI, de même que leur mode de coopération. Le nombre d'agents assignés à la lutte antiterroriste a quadruplé en trois ans. Depuis les attentats contre deux ambassades américaines en Afrique, en 1998, Oussama Ben Laden constituait une priorité absolue. La CIA a créé une section spéciale chargée de le suivre et le FBI a fait de même. Le gouvernement américain, sur décret spécial du président Clinton, a même inventé un service spécial chargé de coordonner ces deux sections.

Prétendre que les services secrets disposent de trop peu d'effectifs est une absurdité. Et qu'ils avaient trop peu de moyens, c'est tout aussi absurde. La seule CIA consacre déjà trois milliards de dollars par an à la lutte contre le terrorisme. A peu près 150 milliards d'anciens francs belges ! C'est-à-dire le budget total de l'armée belge, augmenté de moitié! On ne peut donc vraiment pas dire qu'il s'agissait de mauvais fonctionnement et de manque d'effectifs dans les services. Non, c'est exprès qu'ils ont laissé se produire les attentats.

Ils savaient donc parfaitement que ça allait arriver ?

Peter Franssen. Les services secrets américains disposaient des noms des pirates de l'air, ils en ont même suivi un certain nombre aux Etats-Unis mêmes. A un certain moment, l'un d'entre eux, Mohammed Atta, chef présumé des pirates, est arrêté par la police de la route parce qu'il roule trop vite. Il n'a pas de permis de conduire. Le shérif lui dit qu'il a trente jours pour venir montrer son permis dans un bureau de police. Atta ne le fait pas. Résultat: son nom est encodé dans l'ordinateur, il est signalé comme recherché et à arrêter. Peu après, Atta est à nouveau arrêté, toujours pour excès de vitesse. L'agent qui l'arrête introduit son nom mais il s'avère qu'il a été effacé de l'ordinateur de la police. Assez étrange, non ?

Le Pentagone fumant. Ici se trouvaient quatre batteries de défense anti-aérienne le 11 septembre. Elles ne sont pas entrées en action. Personne ne sait pourquoi. (Photo Ministère US de la Défense)

Encore plus bizarre, c'est l'histoire de deux autres pirates qui, à la demande de la CIA, sont filmés et suivis en Malaisie, mais qui, une fois débarqués aux Etats-Unis, ne sont plus filés, prétend l'agence.

Le 11 septembre, l'US Air Force n'a envoyé des avions de chasse contre les Boeing que très tard et de très loin. En examinant cette composante du dossier, on ne peut se défaire de l'impression que les Boeing ne devaient pas être interceptés. On peut admettre une gaffe, mais quand il y en a dix d'affilée, ce n'est plus une gaffe, c'est un fait exprès. Il est parfaitement possible que les auteurs des attentats avaient un autre motif politique. Mais ce qui compte, c'est de savoir qui en a profité.

La CIA a fait filmer, surveiller et suivre deux futurs pirates de l'air à l'étranger. Mais aux Etats-Unis, ces hommes pouvaient circuler librement

Pol De Vos. En effet, c'est d'une importance capitale. D'un seul coup, la CIA a reçu 42% de plus. Le budget de l'armée atteint des proportions astronomiques. Les grands gagnants du 11 septembre sont sans aucun doute l'armée, les services secrets et tous ceux qui, aux Etats-Unis, veulent la guerre.

Il est difficile de développer une stratégie de guerre agressive quand, dans son pays, on laisse subsister une démocratie, même réduite. Nous citons dans le livre l'ancien conseiller de Carter en matière de sécurité, Zbigniew Brzezinski. Lequel écrivait, déjà en 1997 : «Les Etats-Unis sont beaucoup trop démocratiques chez eux pour être autocratiques à l'étranger et pouvoir dominer le monde.» Il établit donc le lien entre la logique de guerre et la politique intérieure.

Un des exemples de restrictions imposées aux droits civiques est le Patriot Act, une loi approuvée peu après le 11 septembre. Ce Patriot Act aurait-il été possible sans le 11 septembre ?

Peter Franssen. Le 11 septembre a été l'alibi d'une accélération politique et militaire. Le monde a changé fondamentalement en 1989, après la chute du Mur de Berlin et, deux ans plus tard, avec l'effondrement de l'Union soviétique. Le contrepoids à l'impérialisme agressif est parti. Toutes les rênes sont lâchées. Le monde appartiendrait à l'Amérique et à personne d'autre. Depuis 1989, l'Amérique est impliquée dans des guerres contre l'Irak, la Yougoslavie, la Tchétchénie, le Tadjikistan, la Géorgie, l'Arménie/Azerbaïdjan, le Congo, la Somalie et l'Afghanistan. La liste est impressionnante. Mais sur la liste de l'élite américaine, on trouve aujourd'hui pour commencer les prétendus Etats voyous, et le fameux «axe du mal». Après le 11 septembre, Bush, Rumsfeld et Cheney disent: cette guerre va durer une génération. On ne peut déclencher une telle guerre sans avoir l'opinion publique derrière soi et sans avoir unifié son élite autour de cet objectif militaire. C'était le but du 11 septembre, et le démantèlement du peu de démocratie encore existant s'inscrit dans ce cadre.

Je pense que le Patriot Act aurait été possible sans le 11 septembre. Mais avec beaucoup plus de protestations qu'aujourd'hui. Le 11 septembre a permis d'accélérer le processus enclenché en 1989. On a fait croire à l'opinion publique que le pays était menacé. Dès lors, peu de gens estiment qu'il soit très grave de perdre un certain nombre de libertés. Et le secrétaire d'Etat à la Justice, Ashcroft, peut dire aujourd'hui : «Se lamenter sur la perte des libertés, c'est choisir le camp des terroristes.»

Le livre mentionne comment le New York Times rapporte une manifestation pacifiste à Washington, où, selon les organisateurs, il y avait 25 000 personnes et, selon la police, 7 000. L'article est intitulé «Les manifestants veulent la paix avec les terroristes» et commence en ces termes : «Quelques centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Washington.» Que pensez-vous, en général, de l'information dans la presse américaine ?

Pol De Vos. Celui qui ouvre la bouche est un traître. Jusqu'en mai, c'était la ligne générale aux Etats-Unis. Ce qu'on a pu lire dans les journaux américains dans les jours qui ont suivi le 11 septembre frisait la démence : «Flinguez-les entre les yeux», «Qu'on les gaze !», «Que nos bombardiers rasent tout !» Imaginez qu'après l'un des innombrables crimes des Américains dans leur pays, des hommes politiques et des chroniqueurs influents de Colombie, de Palestine, du Vietnam, du Cambodge, du Laos, d'Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Congo,... auraient dit ou écrit : rayez Washington de la carte, grillez-les comme des sauterelles. Il y aurait eu pas mal de réactions ! Mais les Etats-Unis, eux, peuvent se permettre tout cela. Certains journalistes américains réputés disent explicitement que leur tâche consiste à rallier le peuple à la politique belliciste de Bush. Les directions des principales chaînes de télévision se sont rendues chez la conseillère en matière de sécurité, Condoleezza Rice, afin d'y recevoir des instructions sur ce qui pouvait ou ne pouvait pas se faire.

Le 11 septembre a été une mauvaise affaire pour les droits civiques, mais l'armée ne regrettera pas les décisions qui ont suivi.

Pol De Vos. Bien sûr. Quand on voit dans quelles proportions grimpe le budget de la défense En fait, cette évolution s'était déjà enclenchée lors du second mandat de Clinton. Bush a accéléré cette hausse systématique. L'armée et l'industrie militaire étaient parties prenantes. Durant la période qui a précédé les élections présidentielles de 2000, elles disaient que le budget de la défense devait augmenter pour atteindre 4 ou 4,5% du produit national brut. Le général James Jones, commandant des Marines, était un des plus fervents partisans de cette augmentation. Quatre pour-cent, cela revient à 438 milliards de dollars.

Le budget de la CIA a de suite été augmenté de 42%. Celui de l'armée grimpera de 37% d'ici 2007 ! La plus grande hausse depuis la guerre du Vietnam

Après le 11 septembre, Bush a décidé d'accroître de 37% le budget de la défense au cours des cinq ans à venir. Soit 470 milliards de dollars en 2007. Détail piquant: entre-temps, ce James Jones a été nommé commandant militaire de l'Otan en Europe. Il est très probable que l'Union européenne, en partie sous l'influence de l'Otan, suive la même logique que les Etats-Unis. En novembre, au sommet de l'Otan à Prague, les pays européens devront approuver la hausse des budgets militaires européens.

Ce qui me surprend, c'est que vous dites ne pas connaître la réponse à toutes les questions. «Il reste encore des tas d'imprécisions sur ce qui s'est passé le 11 septembre», lit-on. Vous parlez entre autres de Hani Hanjour et de ses talents de pilote.

Pol De Vos. C'est une histoire très intrigante. Selon la version officielle, Hani Hanjour pilotait l'avion qui s'est écrasé sur le Pentagone. Quinze mois avant le 11 septembre, l'homme a suivi des cours de pilotage. C'était un très mauvais élève. Il a dû suivre plusieurs leçons de rattrapage et s'y est pris à trente-sept fois pour réussir son examen Finalement, ils lui ont donné un diplôme l'autorisant à piloter un monomoteur. Un monomoteur et un Boeing 737 ont autant de points communs qu'un vélo et une voiture. Et pourtant, selon le FBI et la CIA, que fait ce Hanjour le 11 septembre, quinze mois après avoir tenu pour la dernière fois le manche d'un petit coucou ? De 2130 mètres d'altitude, il amorce un piqué vertigineux, exécute une spirale, plonge à pas plus de trois mètres du sol, évite arbres, poteaux et fils électriques et fonce à 700 km à l'heure sur le Pentagone. Nous ne sommes pas des aviateurs, nous avons donc dû nous fier à ce que des pilotes expérimentés d'ici et des Etats-Unis ont dit. Eh bien, ces gens disent tous : neuf pilotes expérimentés sur dix, qui savent comment manier un Boeing, ne pourraient exécuter cette manoeuvre, c'est quasiment impossible.

Comment pensez-vous que la population belge aurait réagi en 1944 si un attentat avait été commis contre un bâtiment nazi ? Il est relativement logique que beaucoup de Congolais, Palestiniens, latino-américains ... n'étaient pas tristes le 11 septembre

Nous écrivons que nous ne savons pas ce qui s'est passé exactement. Nous savons bien que l'US Air Force, depuis pas mal d'années déjà, a confié à l'industrie militaire la tâche de développer ce qu'on appelle la technique du «global hawk». Cette technique permet de piloter des appareils sans pilote à bord. Six mois avant les événements du 11 septembre, un test très important a été mené à bien. Un appareil de l'envergure d'un Boeing a décollé aux Etats-Unis et atterri à 13 000 km de là, dans le Sud de l'Australie. Sans personne à bord. Cette technique du «global hawk», l'US Air Force l'utilise d'ailleurs actuellement en Afghanistan.

Nous ne prétendons pas que cette technique ait été utilisée lors de l'attentat contre le Pentagone. Nous n'en savons tout bonnement rien.

Vous écrivez avoir suffisamment de preuves pour pouvoir dire que les services secrets américains sont complices. Que les Américains aient fait leurs preuves à l'étranger avec leur terreur, OK. Mais des attentats terroristes contre leur propre population ?

Peter Franssen. La terreur contre un peuple à l'étranger n'est souvent pas possible sans la terreur contre son propre peuple. Prenons la guerre contre le Vietnam. 60 000 Américains y ont perdu la vie. La guerre des généraux américains contre le Vietnam était donc aussi une guerre contre le peuple américain. Mais la pensée politico-militaire des généraux va encore beaucoup plus loin. L'une des illustrations les plus frappantes en est ce qui s'est passé en 1962, deux ans après le renversement du dictateur Batista à Cuba. Fidel Castro et ses hommes ont commencé à bâtir un pays socialiste indépendant. Ce n'était évidemment pas du goût de l'élite américaine : un pays communiste dans leur jardin, quelle affaire ! D'abord, ils ont organisé l'invasion de la baie des Cochons. Avec 1 400 mercenaires, ils ont voulu chasser Castro. L'opération fut un fiasco complet. Sur ce, l'état-major général a développé un plan censé servir d'alibi à une guerre contre Cuba. C'est à vous faire dresser les cheveux sur la tête.

En 1962, les généraux américains voulaient bombarder leur propre peuple et abattre leurs propres avions. La terreur est une arme que les généraux connaissent bien

De façon unanime, les généraux proposaient d'abattre des appareils américains où se seraient trouvés de préférence des vacanciers ou des étudiants. Ils auraient fabriqué des preuves de l'implication cubaine dans ces attentats. Si, ensuite, les listes des victimes sont publiées dans les journaux, la colère du peuple américain va être énorme et l'opinion publique ne verra aucun problème à ce que l'Amérique entre en guerre contre Cuba. Tel était le raisonnement. Les officiers proposaient de faire sauter des bâtiments, d'abattre des gens dans les rues et de rejeter tout cela sur le dos de Cuba. Finalement, le plan n'a pas été retenu, car Kennedy, le président de l'époque, le trouvait trop risqué. Cela montre jusqu'où les généraux, les services secrets et la Maison-Blanche veulent aller pour atteindre un but politique précis. Tout est permis, même la terreur de masse contre son propre peuple.

Vous parlez aussi d'une nouvelle doctrine de guerre. Qu'entendez-vous par là ?

Peter Franssen. Il y a onze ans, durant la guerre du Golfe, les généraux américains ont discuté à huis clos du recours aux armes nucléaires. On vient seulement de l'apprendre. Maintenant, dans une note adressée au Congrès le 31 décembre, ces mêmes généraux écrivent que les armes nucléaires ne sont pas des armes de dissuasion, mais des armes qu'il convient d'utiliser. (Il se fâche) C'est quand même criminel, quoi ! Ces généraux disent : «Si, à l'avenir, au cours d'un conflit, nous devons subir des revers stratégiques ou si nous risquons la défaite, nous utiliserons les armes nucléaires.» Et ils l'admettent sans sourciller. Tout le monde peut vérifier, le texte se trouve sur internet. C'est un signe que la pensée a glissé vers l'extrême droite. La politique de dissuasion à laquelle les Etats-Unis ont toujours recouru après la Seconde Guerre mondiale n'existe plus. Dans le temps, l'opinion sous-jacente était : nous construisons un appareil militaire et ceux qui oseraient nous attaquer, nous les hacherons menu, tout le monde le sait, donc, ils s'abstiendront soigneusement de nous attaquer. Il y a quelques jours, Henry Kissinger, l'ancien ministre des Affaires étrangères, a déclaré à El Pais : si, quelque part dans le monde, il se produit une évolution qui ne nous plaît pas, nous interviendrons ; les concepts de souveraineté nationale et d'intégrité territoriale sont dépassés, dit-il. Kissinger montre ainsi une fois de plus l'ampleur de la facture que le monde paye pour la chute du Mur de Berlin. Sans cela, Kissinger n'aurait pas osé utiliser un tel langage..

Votre livre contient une phrase remarquable du député républicain Dana Rohrabacher en 1998 : «Les Etats-Unis ont toujours pleinement soutenu les Taliban. Si certaines forces tentent d'aider d'autres groupes en Afghanistan, notre ministre des Affaires étrangères essaiera de leur mettre des bâtons dans les roues.» Pourquoi l'Afghanistan était-il si important que les Etats-Unis ont soutenu les Taliban ?

Pol De Vos. L'Afghanistan a une frontière commune avec la Chine et l'ancienne Union soviétique. Déjà, en 1917, lorsque Lénine et les bolchéviques ont pris le pouvoir, l'Afghanistan était une base d'attaque contre le jeune Etat soviétique. A l'époque, c'était l'Angleterre, qui se servait de l'Afghanistan dans ce rôle et, ensuite, ce fut le tour des Allemands. Après la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont utilisé l'Afghanistan comme base d'attaque contre l'Union soviétique. A partir de 1950, ils l'ont également fait contre la Chine. Les Américains voulaient pouvoir s'assurer le contrôle du pays. Pour y arriver, dès 1978, ils ont d'abord soutenu les moudjahidine et, en particulier, le seigneur de guerre Gulbuddin Hekmatyar. Ils espéraient que cet homme allait pouvoir unifier le pays. Ca n'a pas marché. C'est pourquoi les Américains ont cherché leur salut auprès des Taliban, peut-être à même de stabiliser le pays.

L'Afghanistan est également important parce qu'il est un pays de passage pour le pétrole et le gaz en provenance des républiques d'Asie centrale. La compagnie pétrolière américaine, Unocal, est partie prenante dans ces installations de pipelines. Mais, comme le pays est morcelé en petits territoires où ce sont des seigneurs de guerre qui font la pluie et le beau temps, la situation est naturellement très ennuyeuse. Les Taliban devaient résoudre ce problème, unifier le pays et le pacifier. Mais à partir de 1999, il s'est avéré que les Taliban n'étaient pas capables de contrôler complètement le pays et, de ce fait, les Américains ont souhaité un gouvernement de coalition. Quand les Taliban ont refusé, la guerre est devenue une certitude.

Vous êtes tous deux des communistes affirmés. Ne craignez-vous pas que votre ouvrage soit catalogué de propagande anti-américaine du PTB ?

Pol De Vos. Certains milieux vont sans aucun doute attaquer l'ouvrage. La question est de savoir s'ils vont recourir à la même méthode que la nôtre ou s'ils vont s'en prendre au contenu du bouquin. Nous nous sommes basés sur des documents et des citations. Si nous parlons de l'agressivité des Etats-Unis, nous puisons notre matériel dans les communications et documents officiels du gouvernement américain. Nous alignons systématiquement toutes les sources. La plupart sont sur internet, le lecteur peut donc vérifier lui-même ce que disent les autorités américaines. Nous ne sommes vraiment pas partis de nos opinions idéologiques.

Vous citez aussi le président du PTB, Ludo Martens, qui était à Kinshasa, la capitale du Congo, le 11 septembre. Il semble que les Congolais ont été ravis des événements. Qu'en pensez-vous ?

Peter Franssen. Il faut prendre la peine d'être quelques instants Colombien ou Congolais, et le monde devient tout autre. Dans notre ouvrage figure le récit de Juvénal Sibomana, un Congolais résidant en France. Le 11 septembre, il se trouve par hasard dans la ville congolaise de Bukavu, occupée par l'armée rwandaise qui jouit de l'aide des Etats-Unis. Cet homme a vu l'euphorie de la population lors de l'effondrement des tours du WTC. Avec des yeux occidentaux, on se demande ce que cela signifie, comment une telle attitude est possible. Mais quand on sait que la guerre au Congo, orchestrée par les Etats-Unis, a déjà fait quatre millions de morts, ça change tout non ? (Il réfléchit) Je pense qu'en 1944, bien des gens auraient applaudi si l'on avait commis un attentat contre quelques bâtiments symbolisant le pouvoir nazi en Allemagne. Même si cela avait coûté des vies innocentes.

Pol De Vos. Bien des gens ont été choqués en voyant des images de femmes et d'enfants palestiniens danser dans les rues après les attentats. Mais d'un point de vue arabe, tout cela est très logique. Israël fait la guerre au peuple palestinien depuis cinquante ans et il n'aurait pu le faire sans couverture américaine. Il est donc assez normal que la communauté arabe réagisse avec satisfaction en découvrant que les Etats-Unis ne sont pas aussi invincibles qu'ils en ont l'air. Cela ne vaut d'ailleurs pas que pour la communauté arabe. Notre ouvrage parle d'une manifestation à Rio de Janeiro, au Brésil, où on pouvait lire sur les banderoles : «Une minute de silence pour les victimes de New York, 59 pour les victimes de la politique américaine.»

Le dernier chapitre de votre livre s'intitule L'ultime guerre de l'Amérique. Pourquoi ?

Peter Franssen. Si on examine la liste des pays contre lesquels les Etats-Unis ont fait la guerre depuis 1989 et la liste que Bush mijote dans sa tête, on se dit: voici une superpuissance intouchable qui fait la guerre où et quand elle le désire. J'ai eu cette idée jusqu'au moment où nous nous sommes attelés à ce livre. Mais j'ai dû revoir mon opinion. L'Amérique est une grande puissance mais, en fait, elle est étonnamment faible. Sur le plan économique, les Etats-Unis sont virtuellement en faillite. Leur dette extérieure est la plus grosse de la planète. Ils ne peuvent se permettre qu'un ou plusieurs pays se dégagent de leur assemblage économique. Sur le plan politique aussi, les Américains sont faibles. Au coeur de l'Afrique, ils ont dû organiser la guerre contre le Congo afin de rogner les ailes au mouvement ressuscité en faveur de l'indépendance nationale.

On voit maintenant quelle est la facture que le monde paye pour la chute du Mur de Berlin et l'éclatement de l'Union soviétique. L'agressivité des Etats-Unis ne connaît plus aucun frein

En Asie, de plus en plus de pays se tournent vers la Chine parce que cet immense pays semble immunisé contre la crise économique qui sévit partout ailleurs dans le monde. En Colombie, ils risquent de s'embourber dans un nouveau Vietnam, ce qui leur vaut d'être voués aux gémonies par tout le continent. Et, chez eux, ils doivent faire face à un jeune et puissant mouvement d'antimondialistes. Dans de telles circonstances, Bush et consorts viennent dire que la guerre contre l'Afghanistan n'est que le début d'une guerre de longue haleine contre plusieurs objectifs. Mais, avec chaque nouvelle phase dans cette guerre, la résistance s'accroît de plus en plus. Si l'impérialisme américain ne perd pas sur le terrain, militairement, il finira par être vaincu et chassé par son propre peuple et ses propres soldats.

Il y a quelques jours, j'ai eu un journaliste hollandais au téléphone, en vue d'une interview pour la télévision. Quand je lui ai expliqué ce que signifiait le titre L'ultime guerre de l'Amérique, il est resté un moment silencieux au bout du fil, puis il a répondu : «Héhé ! C'est une vision bien optimiste !» Exactement. Les Etats-Unis sont comme un chat tenu à l'étroit : il feule et il griffe. C'est désastreux pour le monde, mais c'est également un signe que le bout du rouleau est proche. L'optimisme du livre est un optimisme réaliste.

 

 

Chapitre 1 - Des attentats avec la bénédiction de la CIA

Le 11 septembre. Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air

Découvrez on-line le premier chapitre du tout nouveau livre de Peter Franssen et Pol De Vos : "11 septembre : Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air". Avec les réponses à ces 4 questions : Comment les services secrets américains ont été avertis longtemps à l'avance des attentats à venir. Comment ils ont décrypté le réseau d'Oussama Ben Laden. Comment ils suivaient les pirates de l'air. Comment ils ont refusé de les arrêter. Comment ils leur ont laissé le champ libre le 11 septembre 2001. Pour commander le livre : www.epo.be et acheter le livre dès ce lundi dans toutes les bonnes librairies.

Peter Franssen et Pol De Vos, 05-09-2002

Un mois avant le fatal 11 septembre 2001, le président russe Vladimir Poutine charge ses services de renseignements d'avertir le gouvernement américain de la manière la plus urgente et impérative: des terroristes projettent de commettre des attentats de grande envergure visant les sièges du gouvernement US. Et des officiers russes confient à leurs collègues de la CIA que 25 terroristes ont été formés au détournement d'avions et leur usage pour des actions kamikaze. [1]

Dans une interview ultérieure, Poutine confie : «J'ai été stupéfait de la réaction de Washington. Ils ont haussé les épaules et ont répondu : "Que voulez-vous ? Nous ne pouvons rien faire, car les Talibans ne veulent pas extrader Ben Laden." » [2]

Cinq services de renseignements étrangers alertent leurs confrères américains : les services secrets russes, égyptiens, israéliens, français et allemands. En juin 2001, le service de renseignements allemand, le BND, informe la CIA : «Des terroristes en provenance du Moyen-Orient ont l'intention de détourner des avions de ligne, afin d'attaquer des symboles importants pour les États-Unis.» [3]

Mais les avertissements viennent également de l'intérieur, de leurs propres rangs. Le 10 juillet 2001, Kenneth Williams, un officier du FBI, stationné à Phoenix dans l'Arizona, envoie un rapport au quartier général de la police fédérale, le FBI. Il dit avoir remarqué dans son district qu'un nombre anormalement élevé d'Arabes suit une formation de pilote. Il se demande si Ben Laden ne fomente pas un projet de détournement d'avion. Il suggère de rechercher au niveau national si d'autres Arabes suivent des cours de pilotage de Boeing. Williams est appuyé par son superviseur Bill Kurtz, lequel a travaillé auparavant au sein de l'unité «Oussama Ben Laden» du département antiterrorisme au FBI, la police fédérale. Mais le quartier général de celui-ci estime qu'il n'y a pas suffisamment de raisons et d'indices pour étudier l'affaire de plus près. [4]

Un deuxième avertissement «interne» est encore plus alarmant. Le 17 août 2001, le service d'immigration de l'État du Minnesota arrête un ressortissant marocain de 33 ans né en France, un certain Zacarias Moussaoui. L'homme suit des cours de pilotage à la Pan Am International Flight Academy à Eagan, dans la banlieue de Minneapolis. Deux instructeurs de cette école mentionnent au FBI le comportement étrange de Moussaoui, qui apprend à piloter un Boeing jumbo jet 747. Il a payé comptant le droit d'inscription de 6300 dollars. Il tient absolument à piloter un Boeing, alors qu'il n'a aucune expérience de vol. Il déclare aux instructeurs qu'il ne veut pas apprendre à décoller ni à atterrir; tout ce qu'il veut, c'est piloter l'avion en plein ciel. L'instructeur et le directeur adjoint de l'école trouvent cela inquiétant et contactent donc le FBI. Après avoir déjà passé six coups de téléphone, l'instructeur doit encore insister : «Mais vous savez bien qu'un Boeing 747 avec des réservoirs pleins de kérosène peut être utilisé comme une bombe ?». [5]

Le service d'immigration finit par arrêter Moussaoui, parce que ses papiers ne sont pas en règle. L'agence locale du FBI procède à son interrogatoire et estime qu'un examen plus poussé est nécessaire. L'agent chargé de l'enquête rapporte au quartier général du FBI qu'il va réclamer au juge un mandat de perquisition, afin d'étudier le disque dur de l'ordinateur de Moussaoui. L'agent note qu'il s'agit probablement d'un pirate de l'air «qui projette de lancer un avion sur le World Trade Center». [6]

Le quartier général répond qu'on «manque de preuves» et refuse l'autorisation de perquisitionner. Le 26 août 2001, les services de renseignements français informent le FBI que Moussaoui entretient des liens avec Ben Laden et son réseau. Il ne se passe toujours rien. Ou à peine: le FBI et la CIA mettent une équipe commune sur l'affaire, mais celle-ci conclut rapidement à une absence de preuves à l'encontre de Moussaoui. Ce n'est qu'après le 11 septembre qu'il sera transféré d'une cellule du service d'immigration à la prison du FBI. Le New York Times, qui publie les faits le 22 décembre 2001 s'interroge : «Voilà qui soulève à nouveau des questions à propos du FBI et des autres services de renseignements. Pourquoi n'ont-ils pas arrêté les pirates de l'air ?» Plus tard, on apprendra que le FBI a quand même organisé une perquisition chez Moussaoui quelques heures après les attentats du 11 septembre. La police y découvre alors des documents le reliant aux pirates de l'air et à Ramzi Ben al-Shibh, un des lieutenants d'Oussama Ben Laden. [7]

Si on avait laissé les agents du Minnesota mener leur enquête, ils auraient découvert ces liens et auraient probablement pu empêcher les attentats du 11 septembre. Même le grand patron du FBI, Robert Mueller, est forcé de l'admettre. [8]

Il est pour le moins surprenant que ni la CIA, ni le FBI, n'ont pris ces avertissements au sérieux. Les services de renseignements rétorquent: mais qui aurait pu croire que des pirates de l'air utiliseraient des avions comme missiles ? Condoleezza Rice, la conseillère nationale pour la sécurité du président Bush, abonde dans leur sens : «A mon avis, personne n'aurait pu prévoir que ces gens allaient détourner un avion pour le lancer sur le World Trade Center, et détourner ensuite un autre avion qu'ils allaient écraser sur le Pentagone.» [9]

Cette déclaration ne tient pas compte de la teneur des avertissements enregistrés: ceux-ci évoquaient clairement des avions utilisés comme des bombes pour attaquer des bâtiments-symboles de la puissance américaine. L'affirmation ne concorde pas non plus avec les antécédents.

En juin 1994, en effet, une commission du Pentagone, le quartier général de l'armée, rédige un rapport portant sur d'éventuelles actions terroristes. Le rapport mentionne que les terroristes pourraient être amenés à l'avenir à détourner des avions de ligne pour les lancer sur la Maison Blanche et le Pentagone. [10]

En décembre 1994, des terroristes algériens détournent un avion d'Air France. Ils veulent s'en servir pour attaquer la tour Eiffel à Paris. Pendant les pourparlers, une équipe de la police française prend d'assaut l'avion au sol et maîtrise les pirates de l'air.

En janvier 1995 à Manille, aux Philippines, la police examine une maison incendiée. Trois hommes y auraient logé, dont Ramzi Ahmed Youssef, un des responsables de l'attentat à la bombe perpétré en 1993 contre le World Trade Center. Pendant la perquisition, la police découvre un document mentionnant que l'objectif consiste à faire exploser onze avions de ligne ou à les lancer sur des bâtiments tels que le quartier général de la CIA à Langley ou le World Trade Center à New York. Youssef et ces deux compagnons ne sont pas des inconnus. Ce sont des adjudants d'Oussama Ben Laden. [11]

En septembre 1999, une commission de la bibliothèque du Congrès américain rédige un rapport qu'elle adresse au Conseil national de sécurité. Elle se base sur des données historiques et sur l'étude d'organisations terroristes pour conclure : «Des pilotes kamikazes du bataillon des martyrs d'Al Qaïda pourraient faire s'écraser des avions sur le Pentagone, sur le quartier général de la CIA ou sur la Maison Blanche.» [12]

Certaines personnes prennent d'ailleurs tout cela fort au sérieux. Le ministre de la Justice John Ashcroft, par exemple. A partir du mois d'août 2001, le ministre n'emprunte plus aucun avion de ligne. Il estime que c'est bien trop dangereux. [13]

Lorsque cette confidence s'ébruite, les familles des 3 049 victimes sont scandalisées. Comme La-Shwan Clark, qui a perdu son mari : «Cette nouvelle me donne la nausée. Je suis profondément blessée. Notre gouvernement est supposé nous protéger, mais il nous a laissé tomber comme des chiens.» Joan Glick, dont le fils a péri : «Je veux absolument savoir qui savait quoi, quand et pourquoi nous ne pouvions rien savoir.» Kathy Ashton, qui a également perdu un fils : «Il faut que nous connaissions toute la vérité. Sinon, mon fils sera mort pour rien.» [14]

Une première cible, pas trop difficile

Nous n'avons pas vu les signes avant-coureurs et nous n'avons pas tenu compte des avertissements préalables parce que la communication entre le FBI et la CIA est insuffisante, parce que nos services de renseignements et de police manquent de personnel et de moyens. Telle est la ligne de défense avancée depuis juin 2002 par la CIA, le FBI et le gouvernement. La première ligne de défense était : nous avons été totalement surpris. Neuf jours après les attentats, le patron du FBI, Robert Mueller, déclare : «Rien ne laissait supposer que quelque chose de semblable, risquait de se produire dans notre pays.» [15]

En mai 2002, cette position n'est plus défendable, trop d'éléments prouvent le contraire. La deuxième ligne de défense devient : «Nous disposions bien de certains indices mais, si nous les avions contrôlés, cela n'aurait pas empêché les attentats car ces indications étaient trop générales.» Cette seconde ligne de défense ne tient pas plus la route que la première. Les informations indiquaient qui, quoi, où et comment, il ne manquait que la date exacte. Vient alors la troisième ligne de défense: nous manquons d'argent et d'effectifs et nous devons améliorer notre communication.

La police et les services de renseignements manquent toujours d'argent et d'effectifs. Dans les années 80, des terroristes d'extrême droite, la Bande des Tueurs du Brabant, assassinent 28 personnes en Belgique. La gendarmerie, la Sûreté de l'État, la Sûreté militaire et la police disent à l'époque n'avoir aucune piste. Leur ligne de défense ? Nous manquons d'argent et d'effectifs. On leur accorde donc des budgets et du personnel supplémentaires. Mais dans les années 90, ils ne parviennent pas non plus à empêcher les viols et les meurtres de la bande Dutroux-Nihoul. Ils ne retrouvent pas les fillettes enlevées alors qu'ils perquisitionnent la maison de Dutroux au moment où celles-ci y sont encore séquestrées. Pourquoi pas ? «Parce que nous manquons d'argent et d'effectifs et par manque de communication entre la gendarmerie et la police.»

En Belgique, la Bande du Brabant et la bande Dutroux-Nihoul ont servi d'alibi pour renforcer la gendarmerie et augmenter le budget des services policiers. Aux États-Unis, le président Bush profite du 11 septembre pour majorer les budgets de la CIA et du FBI qui obtiennent également les coudées encore plus franches: les frontières de ce qui leur est légalement autorisé reculent de plus en plus, à l'infini.

Dans les années 80, la CIA se trouve en mauvaise posture lorsque sont révélées d'innombrables violations des droits de l'homme au Salvador, au Guatemala, au Panama, au Honduras et au Nicaragua. On découvre un manuel de la CIA pour l'Amérique latine, qui décrit les méthodes de torture les plus efficaces. On reparle alors du programme terroriste de la CIA «Phoenix» qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes au Vietnam. Sous la pression de l'opinion publique américaine et mondiale, le Congrès américain est forcé de recadrer les opérations paramilitaires de la CIA. Mais le 11 septembre, tout bascule. Porter Goss, un républicain de Floride qui a travaillé jadis pour la CIA et préside actuellement la commission de la Chambre des Représentants, supposée contrôler les services de renseignements, confie : «Il y a vingt ans, on n'aurait jamais cru que la CIA aurait repris ses activités paramilitaires. Les attentats du 11 septembre ont entraîné un véritable revirement.» [16]

Illustrant ces propos, la CIA lance, à la mi-mai 2002, un missile Hellfire sur le chef de guerre afghan Gulbuddin Hekmatyar. Dans les années 80, ce dernier était le principal pion américain dans la lutte contre l'Union soviétique en Afghanistan. Maintenant, le rôle assigné à Hekmatyar est révolu. Mais celui-ci ne s'y résigne pas et lutte contre le gouvernement dans la capitale afghane. Donc, la CIA tire pour le liquider. Ce n'est un secret pour personne, c'était dans tous les journaux. La CIA annonce elle-même que le missile n'a hélas pas touché son but. A.B. Krongard, un de ses directeurs, ajoute : «Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une règle, et cette règle, c'est qu'il n'y a plus de règles.» [17]

Les attentats mortels sont à nouveau permis, et on s'en vante !

La CIA et le FBI étaient-ils donc si démunis avant le 11 septembre et la communication était-elle vraiment si déficiente ? Le 7 août 1998, des terroristes, dont on établira plus tard le lien avec Oussama Ben Laden, commettent des attentats à la bombe contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar Es-Salam en Tanzanie. Ces attentats font 224 morts, dont douze ressortissants américains. Samuel Berger, le conseiller du président Bill Clinton pour la Sécurité nationale : «Dès ce moment, nous avons considéré qu'Al Qaïda et Oussama Ben Laden représentaient la pire menace pour la sécurité des États-Unis. Ben Laden est devenu la priorité absolue et les services de renseignements ont pris une série de mesures adaptées.» [18]

C'est ce que fait également le gouvernement américain: il augmente considérablement le budget et les effectifs des services de renseignements. Dans les années 90, le budget des différents services secrets chargés de la lutte antiterroriste est multiplié par quatre pour s'élever ainsi à 7 milliards de dollars. En 2001, la seule CIA dépense 3 milliards de dollars pour ses activités antiterroristes, soit 10 % de son budget global. Au sein du FBI, les effectifs exclusivement axés sur l'antiterrorisme passent de 500 en 1995 à 2 600 quatre ans plus tard. En 1998, le FBI crée dans ses propres rangs une unité spéciale Oussama Ben Laden. La CIA fait de même. Dans les deux cas, ces unités regroupent les meilleurs spécialistes. A la CIA, des cadres supérieurs se rassemblent plusieurs fois par semaine pour analyser les faits et gestes de Ben Laden et de son réseau. Le centre antiterroriste, installé dans les bâtiments de la CIA à Langley, coordonne les opérations. Quelque 1 200 spécialistes de la CIA, du FBI et d'autres services fédéraux, tels que la douane et le ministère des Finances, travaillent dans ce centre créé en 1986. [19]

La tâche spécifique du centre consiste à récolter et à analyser toutes les informations portant sur le terrorisme. Afin de renforcer encore plus la coordination et de s'assurer que les informations sont récoltées, le président Clinton promulgue, en 1998, la Presidential Decision Directive (PPD) 62. Cette directive présidentielle instaure un coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme, dont la tâche principale est la coordination de quarante organismes publics touchant, de près ou de loin, à la lutte antiterroriste. [20]

James Pavit, le directeur de l'espionnage à la CIA, affirme : «Le 10 septembre 2001, nous avions mis plus d'effectifs et de moyens sur Oussama Ben Laden que sur tout autre objectif.» [21]

La CIA recrute également des hommes appartenant au réseau Al Qaida. Le porte-parole de la CIA, Bill Harlow, déclare à ce sujet: «Nous travaillons évidemment avec des personnages au passé douteux et pas toujours net. Car, mieux que personne, nous savons que c'est la meilleure manière d'obtenir des informations en matière de terrorisme.» [22]

Recruter des membres du réseau Ben Laden ou recourir à des taupes ne relève d'ailleurs pas de l'exploit. Les informations récoltées auparavant par les services secrets russes, allemands, français, israéliens et égyptiens sur les attentats proviennent en majeure partie d'indicateurs au sein du réseau. [23]

Deux experts en terrorisme de l'Air Force Academy au Colorado notent six mois avant les attentats, que le réseau Al Qaida est un objectif relativement aisé en ce qui concerne l'infiltration et le recrutement : «Même les groupements terroristes présentant la structure la plus hiérarchisée sont, d'une manière ou d'une autre, forcés de communiquer en cercles concentriques avec leurs sympathisants et leurs supporters. Une extrême prudence et l'utilisation d'un langage crypté pour la communication interne permettent de réduire les risques, mais certainement pas de les exclure. Ainsi, les arrestations qui ont suivi immédiatement les attentats à la bombe perpétrés en 1998 sur les ambassades américaines en Afrique découlent du fait que la structure lâche du réseau de Ben Laden permet à des personnes étrangères d'y récolter des informations.» [24]

Pour les Américains, recruter des espions est encore plus facile que pour les Allemands ou les Egyptiens: les États-Unis se sont en effet penchées sur le berceau d'Al Qaïda et Oussama Ben Laden a travaillé pour eux pendant des années. Ils ne rencontrent donc aucune difficulté à faire travailler pour eux des cadres d'Al Qaïda, qui l'ont déjà fait depuis dix ou quinze ans. Pendant cette phase de recrutement et d'infiltration, les États-Unis peuvent en outre compter sur deux fidèles alliés, avec lesquels ils ont donné forme à Al Qaïda, l'ont structuré, financé et entraîné: l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Le Pakistan surtout a apporté une aide précieuse. Le service de renseignements militaire pakistanais, l'ISI, et l'état-major de l'armée occupent des postes clés au c?ur du régime taliban. Sans l'afflux de combattants provenant du Pakistan, sans les possibilités d'entraînement, l'aide logistique et l'intervention militaire directe de l'ISI et de l'armée pakistanaise, les Talibans n'auraient même pas existé. La création du régime taliban s'est faite avec l'aide directe du Pakistan et sous les bons auspices des États-Unis. Dans le deuxième chapitre, nous découvrirons les raisons d'une telle politique. De toute façon, les Américains ont deux voies d'accès direct aux Talibans et, à travers eux, à Oussama Ben Laden. Il s'agit du président pakistanais Perwez Musharraf et du lieutenant-général Mahmud Ahmad, le chef de l'ISI. Tous deux entretiennent des liens étroits avec des officiers haut placés à la CIA, dans les services de renseignements militaires américains DIA et au Pentagone. Ils entretiennent également d'excellentes relations avec un certain nombre de membres importants du Congrès américain. Ces connexions sont logiques: pendant la guerre froide, l'ISI représentait le principal intermédiaire pour les opérations secrètes de la CIA, de la DIA et du Pentagone dans le Caucase, en Asie centrale et dans les Balkans.

Pendant les mois qui ont précédé le 11 septembre, les relations entre la CIA et l'ISI sont aussi intenses que par le passé. Ainsi, en mai 2001, le patron de la CIA, George Tenet, se rend au Pakistan où il rencontre notamment le président Perwez Musharraf et le lieutenant général Mahmud Ahmad. [25]

Le 4 septembre 2001, c'est Ahmad qui se rend à son tour aux États-Unis. Le commandant Massoud de l'Alliance du Nord afghane est assassiné le 9 septembre. L'Alliance du Nord annonce immédiatement que l'assassinat a été perpétré par l'ISI, le service de renseignements d'Ahmad. Même si les Américains savent pertinemment que les services secrets pakistanais ont d'excellentes relations avec les Talibans et Ben Laden, les entretiens prévus avec le général Ahmad se déroulent malgré tout. Ce dernier a un entretien avec Tenet, directeur de la CIA, et des officiers du Pentagone. Le 11 septembre à 8h30 du matin, Ahmad prend son petit déjeuner en compagnie du sénateur Bob Graham et du député Porter Goss. Graham préside la commission du Sénat chargée de contrôler les services de renseignements, tout comme Goss le fait pour le Congrès. Ce sont deux bons amis du patron de la CIA. Les petits pains sont délicieux et le café corsé à souhait, quand le secrétaire de Graham lui glisse à l'oreille qu'un attentat a touché le World Trade Center. Graham et Goss se lèvent précipitamment. [26]

Le 7 octobre 2001, le président pakistanais Perwez Musharraf relève soudainement de ses fonctions le lieutenant-général Mahmud Ahmad. Ce sont pourtant des amis fidèles: c'est ensemble qu'ils ont perpétré le coup d'État qui a placé Musharraf au pouvoir, en 1999. Mais cette belle amitié a du plomb dans l'aile : The Times of India écrit qu'Ahmad était en contact avec Mohammed Atta, le leader présumé des pirates de l'air du 11 septembre. Les services de sécurité indiens ont envoyé aux États-Unis un rapport qui démontrerait que Mohammed Atta a reçu 100 000 dollars du général Ahmad, par le biais d'un intermédiaire, le dénommé Ahmad Umar Sayeed. Si la Sécurité indienne détient ces informations, c'est qu'elle a mis sur écoute le téléphone de Sayeed, impliqué en 1994 dans le détournement d'un avion de la compagnie Indian Airlines. Musharraf démet son ami de son poste de chef de l'ISI afin que plus personne ne parle des liens étroits entre les services secrets américains et le lieutenant-général Mahmud Ahmad, ni de l'axe CIA-ISI-Talibans-Oussama Ben Laden. [27]

Ne connaissaient-ils pas les pirates de l'air ?

La CIA et le FBI ont voulu faire croire à la population américaine et à l'opinion publique mondiale qu'ils n'avaient aucune prise sur le réseau d'Oussama Ben Laden, qu'ils connaissaient à peine les noms de quelques membres d'Al Qaïda. C'est contraire aux faits. Dès le 12 septembre, le FBI publie une liste de 19 suspects, dont il apparaîtra toutefois ultérieurement que certains ne sont même pas enregistrés sur la liste des passagers ! [28]

Quelle performance remarquable dans l'hypothèse où personne ne savait rien avant le 11 septembre. Le général Wesley Clark, ancien commandant des forces de l'Otan, affirme le 11 septembre, face au Pentagone encore fumant : «C'est l'oeuvre d'Oussama Ben Laden.» [29]

C'est ce qui s'appelle crier haro sur le baudet mais surtout, personne n'éprouve une sensation de déjà-vu. Personne, ni à la CIA, ni au FBI. Et pourtant : le 19 mai 1995, lorsqu'un camion bourré d'explosifs fait 168 victimes devant un immeuble à Oklahoma City, on clame à l'unisson que des terroristes islamistes sont les auteurs de l'attentat. Ce n'est que beaucoup plus tard que l'on dévoilera que l'attentat a été commis par un Américain blanc d'extrême droite, Timothy McVeigh.

Officiellement, la CIA et le FBI ne savent donc rien le 11 septembre, aucune enquête n'ayant été menée. Après les attentats, le FBI et la CIA se mettent immédiatement en chasse. Et... en quelques jours, ils découvrent à peu près tout. Ils déclarent être en mesure de prouver des liens directs entre le chef présumé des pirates de l'air, Mohammed Atta, et le réseau Al Qaïda de Ben Laden. Ils annoncent que les pirates de l'air cohabitaient déjà en Allemagne avant de venir aux États-Unis. Ils savent qui est arrivé quand et où tous ont séjourné, depuis le jour de leur arrivée aux États-Unis jusqu'au 11 septembre. Ils affirment avoir la preuve qu'un cadre d'Al Qaïda, Mostapha Mohammed Ahmad, a effectué un virement de son compte aux Emirats Arabes Unis sur le numéro 573000259772 de la Suntrust Bank, au nom de Mohammed Atta. Cet argent, précise le porte-parole du FBI, a été transféré les 7 et 8 septembre 2001. La somme était apparemment trop importante puisque, le 8 septembre, Atta a reversé 7.860 dollars sur le compte aux Emirats. Le FBI découvre également d'autres transactions financières. Le 19 juillet 2000, un certain Isam Mansour opère un transfert de fonds depuis les Emirats sur le compte d'Atta en Floride : 9 985 dollars. Deux semaines plus tard, nouveau virement de 9.485 dollars. Le 30 août 2000, un certain monsieur Ali verse 19 985 dollars et, le 18 septembre 2000, c'est au tour d'un monsieur Hani de verser 69 985 dollars. Au total, d'après le FBI et la CIA, 238 000 dollars ont été versés aux pirates de l'air. Parallèlement, le FBI fait savoir que la majorité des pirates de l'air ont suivi une formation sur les bases d'Al Qaïda en Afghanistan. [30]

En un rien de temps, le FBI et la CIA ont mis à jour tout ce circuit financier. Ils connaissent, non seulement les noms des pirates de l'air, mais également le passé de chacun d'entre eux. Et qui plus est, ils ont trouvé tellement de preuves que le doute n'est plus permis: les attentats ont été commis par un groupe de terroristes menés par Oussama Ben Laden. Les preuves matérielles apportées par la CIA et le FBI sont impressionnantes. Un peu trop impressionnantes.

Le FBI fournit les détails suivants à propos de Mohammed Atta, le chef présumé des pirates de l'air. Il aurait quitté son domicile de Portland pour se rendre à Boston le 11 septembre 2001 en compagnie d'Abdulaziz Alomari. Atta occupait le siège 8D, son complice le 3C. A Boston, ils prennent alors le vol 11 d'American Airlines, qui sera le premier à s'écraser sur la tour Nord du WTC. D'après le FBI, l'escale de Boston aurait été si courte que la valise d'Atta n'aurait même pas été embarquée à bord du vol 11 et serait restée à l'aéroport. «Nous avons trouvé cette valise et y avons découvert un grand nombre de preuves», déclare le FBI. On peut commencer par se demander pourquoi un homme décidé à commettre une action kamikaze a besoin d'une valise... En tout cas, cette valise fait bien l'affaire du FBI, puisque son contenu renvoie à un pirate de l'air. Elle renferme en effet des uniformes de pilotes, un document comprenant des instructions pour les autres pirates de l'air et un testament d'Atta. [31]

Vous voyez, dit le FBI, l'homme a fait son testament parce qu'il savait qu'il allait commettre un attentat suicide. Mais certaines choses ne collent pas: le testament comprend 18 points, principalement des directives portant sur ce qu'il convient de faire de son corps. D'après le document lui-même, il daterait du 11 avril 1996, soit plus de cinq ans avant le 11 septembre. Ce testament ne peut donc avoir été rédigé en prévision de l'attentat. En outre, il contient des instructions dont Atta devait savoir qu'elles étaient irréalisables. Par exemple, le deuxième point précise : «Ceux qui m'ensevelissent doivent me fermer les yeux et prier pour que j'aille au paradis. Ils doivent me vêtir d'habits neufs et me défaire de ceux que je portais au moment de ma mort.» Et le point 8 : «Ceux qui lavent mon corps doivent être de bons musulmans.» [32]

On en se jette pas sur un gratte-ciel avec un Boeing rempli de kérosène en demandant d'être inhumé bien proprement et selon la coutume. Le prince Naïf Ibn Abd al-Asis, ministre saoudien de l'Intérieur, a fait à ce propos le commentaire suivant : «Tout musulman qui se respecte rédige son testament avant de prendre l'avion. C'est tout à fait normal. Si vous prenez l'avion en Arabie Saoudite, vous entendrez certainement, au décollage, la prière suivante "mon Dieu, je remets mon sort entre tes mains et entre celles de ma famille".» [33]

Le FBI trouve également deux copies de la lettre contenant des directives aux autres pirates de l'air, dont l'original est dans la valise d'Atta. La première est retrouvée dans la voiture abandonnée par le pirate de l'air Nawaf Alhazmi, sur l'aéroport Dulles International de Washington, avant qu'il ne prenne l'avion qui allait s'écraser sur le Pentagone. La seconde est retrouvée dans les débris de l'avion qui s'écrase en Pennsylvanie. [34]

Des découvertes bien pratiques puisqu'elles permettent d'établir la relation entre les groupes de pirates de l'air. Mais la trouvaille la plus étonnante est certainement celle du passeport de Mohammed Atta. Il a été retrouvé dans les ruines du World Trade Center, malgré l'énorme brasier qui a réduit en cendres les dépouilles, le mobilier de bureau, les portes, les fenêtres et les parois. Le Boeing qui, avant le décollage, avait fait le plein de 36 000 litres de kérosène et dont les réservoirs en contenaient encore 31 000 au moment de l'impact a explosé. La température s'est alors élevée à 1 200°C. Et dans cet enfer, le passeport de Mohammed Atta voltige tranquillement avant d'être retrouvé intact ! [35]

Le FBI ne doit même pas rechercher d'indices, ils tombent littéralement du ciel. Certains fonctionnaires de la CIA et du FBI estiment quand même que trop, c'est trop. Le journaliste d'investigation américain Seymour Hersh a interviewé certains de ces fonctionnaires qui lui ont confié : «Les preuves découvertes ont été déposées à dessein, afin que l'enquête ne se fasse que dans cette direction.» [36]

«Mettre la main» sur autant de preuves matérielles et reconstruire en quelques heures les faits et gestes des pirates de l'air dans les mois qui ont précédé les attentats, voilà qui n'est possible que si les services de police et de renseignements connaissaient les pirates de l'air et les avaient à l'oeil. Etait-ce le cas de la CIA et du FBI ?

Depuis 1994, l'American National Security Agency - le plus puissant service secret au monde - intercepte les communications téléphoniques des principaux membres de la maison royale saoudienne, notamment celles du roi Fahd, du prince héritier Abdullah, du prince Turki, chef du service de renseignements et ami intime de Ben Laden, ou encore celles du gouverneur de Riyad et autre proche de Ben Laden, le prince Salman. La NSA apprend par toutes ces écoutes que la maison royale saoudienne représente l'un des principaux bailleurs de fonds d'Al Qaïda. La NSA parvient également à retracer une grande partie de la structure du réseau. [37]

Vers le milieu des années 90, elle place également sur écoute le téléphone satellite de Ben Laden. Dès lors, les enquêteurs suivent de près une bonne partie de son réseau, ils sont d'ailleurs les premiers à le confirmer. Entre 1996 et 1998, Ben Laden a fait usage de son téléphone à 1 100 reprises. 238 appels vers la Grande-Bretagne, les autres principales destinations étant le Yémen, l'Azerbaïdjan, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, le Soudan et l'Égypte. [38]

Un mois après les attentats, le FBI déclare avoir intercepté - en collaboration avec d'autres services de police et de renseignements américains - d'autres communications téléphoniques de Ben Laden, dans les jours qui ont précédé le 11 septembre. Ils en ont conclu qu'une grande opération se préparait. [39]

Même le courrier électronique d'Oussama, pourtant crypté, est décodé. Richard Sale, correspondant de l'UPI, déclare que la NSA y était déjà parvenue depuis février 2001. [40]

Voilà qui explique comment la CIA parvenait, au mois de mai 2002, à avoir une idée aussi précise de la situation: sur les 27 dirigeants d'Al Qaïda, plus de la moitié sont encore en vie et se déplacent librement. Neuf sont morts ou ont été arrêtés, dont le chef des opérations Abu Zubeida et le responsable d'un camp d'entraînement, Ibn al-Shaykh-al-Libi. La liste de la CIA cite également les noms de 65 cadres d'Al Qaïda et de Talibans de moindre envergure qu'elle estime encore vivants. [41]

Voulaient-ils vraiment arrêter les pirates de l'air ?

Il semblerait donc que la CIA et le FBI aient eu connaissance des projets de Ben Laden et de son réseau. En février 2001, la CIA remet un rapport au Counterterrorism Security Group du Conseil national de sécurité, portant sur un entretien récent en Afghanistan entre Ben Laden et le fils du cheikh Omar Abdel Rahman. Ce dernier, aveugle, purge une peine d'emprisonnement à perpétuité aux Etats-Unis, après avoir été condamné en 1995 pour participation au complot visant à faire sauter des ponts à New York. Lors de l'entretien, son fils, Assad Allah Abdul Rahman, parlait des possibilités de libération de son père. D'après le rapport de la CIA, le fils aurait proposé de détourner un avion et d'exiger ensuite la libération du cheikh. Le rapport mentionne également que Ben Laden a refusé la proposition. [42]

Ce qui prouve une fois de plus que Ben Laden était étroitement surveillé.

Sans être arrêté pour autant. Le 31 octobre 2001, Alexandra Richard écrit, dans Le Figaro, qu'Oussama Ben Laden a séjourné à l'hôpital américain de Dubaï - un des sept Emirats Arabes - en juillet 2001, soit deux mois à peine avant les attentats. Il est arrivé par avion en provenance de Quetta, au Pakistan. Il était accompagné de son médecin personnel, de quatre gardes du corps et d'un infirmier algérien. Ben Laden y est soigné du 4 au 14 juillet. L'urologue Terry Callaway y traite médicalement Oussama Ben Laden, lequel souffre depuis plusieurs années d'une néphrite chronique. Dans sa chambre d'hôpital, il reçoit des membres de sa famille ainsi que plusieurs personnalités d'Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis. Il rencontre également le chef de la CIA à Dubaï, que de nombreuses personnes connaissent là-bas en tant que tel. À l'issue de l'entretien, ce dernier évoque ouvertement, auprès de quelques amis, sa discussion avec Ben Laden. Le 15 juillet, il est rappelé au quartier général de la CIA à Langley. La veille, Ben Laden a quitté l'Emirat à bord de son avion privé, sans que personne ne tente quoi que ce soit pour l'en empêcher. [43]

Mais Oussama n'est pas le seul à aller et venir comme bon lui semble. C'est également le cas de Mohammed Atta, le leader présumé des pirates de l'air et pilote probable du premier avion qui a percuté le World Trade Center. Ainsi, le ministre tchèque de l'Intérieur, Stanislav Gross, et le premier ministre tchèque Milos Zeman, affirment que Mohammed Atta a rencontré à Prague, à deux reprises, le diplomate irakien Ahmad Khalil Ibrahim Samir al-Ani. La première fois en juin 2000, la seconde en avril 2001. Les deux hommes disent en être certains car le diplomate irakien était surveillé jour et nuit par différents services secrets. Mieux encore, le duo tchèque sait même de quoi Atta et al-Ani ont discuté. Le premier ministre affirme qu'ils ont parlé d'un attentat visant le bâtiment de Radio Free Europe, dans la capitale tchèque. Après la seconde rencontre en avril 2000, al-Ani est expulsé pour cause d'«activités incompatibles avec son statut de diplomate». [44]

Nous sommes donc supposés croire que deux personnes se sont rencontrées à deux reprises à Prague pour préparer un attentat à la bombe contre un bâtiment où la CIA a installé un poste émetteur de propagande et que plusieurs services secrets - dont la CIA, présumons-nous - sont au courant de ce projet. Un des conspirateurs, le diplomate, est bientôt expulsé du pays. L'autre, porteur d'un visa normal, n'est ni arrêté, ni même entendu. On le laisse repartir pour les États-Unis et il n'est même pas pris en filature !

Le même Mohammed Atta parvient à «s'échapper» une seconde fois. Le 26 avril 2001, Josh Strambaugh, shérif de Broward County en Floride, interpelle Atta qui a conduit imprudemment. Le shérif lui réclame son permis de conduire, mais il ne l'a pas. Le shérif lui notifie alors qu'il a un délai de 30 jours pour se présenter au bureau de police avec son permis. Dans le cas contraire, il sera passible de poursuites. Le 2 mai, Mohammed Atta va chercher un nouveau permis de conduire mais ne se rend pas au bureau de police. Le 27 mai, il fait donc l'objet d'un avis de recherche et est mentionné comme tel dans l'ordinateur des services de police. À partir de ce moment, tous les agents de police de Floride ont le nom de Mohammed Atta dans leur ordinateur. Le 5 juillet 2001, l'agent Scott Gregory de Palm Beach County arrête une voiture qui roule trop vite. Le conducteur n'est autre que Mohammed Atta. Il présente son permis de conduire numéro A300540683210 et, par pure routine, le policier tape le nom de Mohammed Atta. Mais l'ordinateur ne le signale pas comme étant un individu recherché. Plusieurs mois plus tard, le chef de la police locale, John Williams, regrette: «Nous ne comprenons pas comment une telle chose est possible. Merde, dire qu'on l'avait enfin.» Le nom de Mohammed Atta a mystérieusement disparu des fichiers informatiques. [45]

Deux autres pirates de l'air ont également eu affaire aux forces de police américaines. En août 2001, Jim Page, de la police d'Arlington en Virginie, fait stopper la Chevrolet d'Hani Hanjour pour excès de vitesse. Il roulait à 50 miles à l'heure dans une zone où l'on ne peut dépasser les 30 miles/h. Mais lui aussi peut repartir tranquillement: son nom ne se trouve pas dans l'ordinateur. Hanjour se trouvera à bord de l'avion qui va s'écraser sur le Pentagone. Même scénario avec Ziad Samir Jarrah. En janvier 2002, la police du Maryland autorise la publication d'une bande vidéo où l'on aperçoit comment l'agent Joseph Cattalano l'intercepte le 9 septembre 2001, sa Mitsubishi Galant ayant fait du 90 miles/h dans une zone où 65 miles/h seulement sont autorisés. Après avoir payé l'amende, Jarrah poursuit sa route sans le moindre souci, alors que son nom figure sur la liste des personnes recherchées par la CIA. [46]

Le 11 septembre, il sera dans l'avion qui s'est crashé en Pennsylvanie.

La CIA répugne à mettre des bâtons dans les roues des pirates de l'air. En atteste également l'histoire de Nawaf Alhazmi et de Khalid Almihdhar, qui se trouvaient le 11 septembre dans l'avion qui s'est écrasé sur le Pentagone. Pendant l'été 98, quelques semaines après les attentats aux voitures piégées devant les deux ambassades américaines en Afrique, le FBI appréhende un des auteurs à Nairobi: Muhammad Rashed Daoud al-Owhali, un Saoudien issu d'une famille aisée. Ce dernier passe aux aveux et donne au FBI le nom et le numéro de téléphone d'un homme basé au Yémen, qui serait un relais de Ben Laden. Il s'agit d'Ahmed al-Hada, dont on apprendra plus tard qu'il n'est autre que son beau-père. Le FBI transmet l'information à la CIA qui décide de mettre sur écoute le téléphone d'al-Hada. La CIA apprend ainsi qu'al-Hada réceptionne des informations des quatre coins du monde, informations qu'il transmet ensuite à Ben Laden. Fin décembre 1999, la CIA apprend aussi qu'une réunion est prévue au début de l'année dans la maison de campagne d'une connaissance d'al-Hada à Kuala Lumpur, en Malaisie. L'homme en question est un microbiologiste formé aux États-Unis, Yazid Sufaat. Almihdhar et Alhazmi auraient assisté à la réunion. La CIA demande aux hommes du Special Branch malais de surveiller la maison, d'enregistrer la réunion et de photographier les participants - ce qu'ils font. Ils continuent à surveiller la maison durant quelques jours après la réunion. Mais la CIA leur annonce qu'elle n'est plus intéressée. Cette réaction étonne le Special Branch. Le ministre de la Justice Rais Yatim : «Nous ne les intéressions plus avec cette maison. Ils se fichaient apparemment pas mal de savoir qui s'y trouvait.» [47]

C'est fort regrettable, surtout quand on apprend qu'un certain Zacarias Moussaoui y a passé toute une semaine, plus tard dans l'année. Malgré une forte opposition des dirigeants du FBI, le même Moussaoui sera arrêté ultérieurement aux Etats-Unis, pendant sa formation au pilotage d'un Boeing. Après la réunion dans la maison de Sufaat, Alhazmi et Almihdhar réservent un vol pour Bangkok, d'où ils repartent le 15 janvier 2000 vers Los Angeles. Ils séjournent à San Diego, dans un appartement qu'ils avaient déjà loué avant l'intermède de Kuala Lumpur. La CIA laisse entrer les deux hommes sur le territoire des États-Unis et, selon ses propres dires, ne les file même pas. Les deux futurs pirates de l'air disparaissent sans laisser de traces. Et pourtant, ils vivent sous leur vrai nom. Ils ouvrent un compte en banque à leur nom, réclament un numéro de sécurité sociale et des cartes de crédit, à leur nom. Almihdhar fait l'acquisition pour 3 000 dollars d'une Toyota Corolla 1988 bleu nuit, toujours sous sa véritable identité. Quant à Nawaf Alhazmi, son adresse et son numéro de téléphone se trouvent tout simplement dans l'annuaire : 858-279-5919, Mount Ada Road 6401. Disparus sans laisser de traces ? En novembre 2000, le visage d'Almihdhar refait surface. Suite à l'attentat d'octobre de la même année, qui avait pris pour cible le destroyer USS Cole de l'US Navy, le FBI et la CIA contrôlent les faits et gestes d'un certain Tawfiq bin Attash. Lorsque les hommes de la CIA examinent son dossier à Langley, ils découvrent une photo de lui en compagnie d'Almihdhar. Cette photo a été prise lors de la réunion à Kuala Lumpur. Almihdhar est donc, pour la seconde fois, lié explicitement à un terroriste d'Al Qaïda. La CIA sait qu'il se trouve aux États-Unis. Pour y faire quoi ? Pour y profiter du soleil de Californie ? Pour visiter les studios d'Hollywood ? Retrouver Almihdhar n'a rien de sorcier. Il suffit de demander à l'administration fédérale s'il existe un numéro de sécurité sociale à ce nom, pour obtenir immédiatement l'ensemble de ses coordonnées. Mais la CIA ne fait rien. Almihdhar et son ami Alhazmi sont intouchables.

Au début de l'automne 2000, Almihdhar quitte San Diego et voyage pendant plusieurs mois au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. Entre-temps, son visa a expiré. Aucun problème : le consulat américain en Arabie Saoudite lui en décerne illico un nouveau. Le 4 juillet 2001, il rentre à New York. Depuis ce jour et jusqu'au 11 septembre, il longe la côte Est des États-Unis en attendant des instructions. Son complice Alhazmi a, entre-temps, été renvoyé par deux écoles de pilotage. Il tente à nouveau sa chance, cette fois à Phoenix. C'est là qu'il rencontre un autre futur pirate de l'air, Hani Hanjour. Le 1er avril 2001, Alhazmi est arrêté sur une route en Oklahoma, où il fait du 85 miles/h alors que la vitesse maximum autorisée est de 70. L'agent C.L. Parkins lui demande son permis de conduire, contrôle sur l'ordinateur que le conducteur n'est pas recherché et finit - puisque tout semble normal - par lui imposer une amende de 138 dollars avant de le laisser repartir. Ce n'est que le 23 août que la CIA va avertir le FBI de la présence de deux terroristes potentiels dans le pays et communiquer leurs noms. Selon ses propres dires, le FBI démarre alors une enquête sur le terrain qui ne donne aucun résultat. La police fédérale ne s'est pas trop fatiguée, puisque les deux hommes vivent toujours sous leur vrai nom. Le 11 septembre, ils montent ensemble à bord du vol 77 qui va s'écraser sur le Pentagone. Si la CIA et le FBI avaient pris en filature Alhazmi et Almihdhar, ils pouvaient démanteler sérieusement le réseau Al Qaïda aux États-Unis, en faisant les rapprochements suivants. Fin 2000, Alhazmi rencontre plusieurs fois Hani Hanjour, un autre pirate de l'air du vol 77. En mai 2001, Alhazmi et Almihdhar ouvrent un compte dans le New Jersey, avec deux autres pilotes kamikazes: Ahmed Alghamdi et Majed Moqed. En juin, Alhazmi aide deux autres pirates de l'air, à savoir son frère Salem Alhazmi et Abdulaziz Alomari, à ouvrir un compte en banque. En août, Almihdhar rencontre Mohammed Atta, le chef présumé des pirates de l'air. Quelques semaines avant le 11 septembre, un certain nombre de pirates de l'air se sont même réunis à Los Angeles. Par le seul biais d'Alhazmi et d'Almihdhar, il était parfaitement possible de prévenir les attentats du 11 septembre et de sauver 3.049 vies humaines. Quand Newsweek publie, le 10 juin 2002, l'histoire de Khalid Almihdhar et de Nawaf Alhazmi, la CIA, le FBI et le ministre de la Justice ne réagissent pas. [48]

Notes : 1. Interview du président Poutine, MS-NBC, 15 septembre 2001. ; 2. «Taleban warned of US strikes before WTC attack», sur le site www.panindia.com/displaynews.asp?detail=class2=http%3A%2F%2FWWW.rediff.com%2Fus%2F2001%2Fsep%2F22osama.htm, 22 septembre 2001 <http://www.panindia.com/displaynews.asp?detail=class2&newsurl=http%3A%2F%2FWWW.rediff.com%2Fus%2F2001%2Fsep%2F22osama.htm , 22 septembre 2001> . ; 3. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 14 septembre 2001; Patrick Tyler, «Egypt warned US of a Qaeda plot», The New York Times, 4 juin 2002. ; 4. Ron Fournier, «White house plays down hijack report», sur le site www.salon.com, 16 mai 2002; Michael Hirsh, «What went wrong», Newsweek, 27 mai 2002, pp.40-42.  ; 5. The New York Times, 22 décembre 2001. ; 6. Thomas De Frank, «A losing battle to stop damage», The New York Daily News, 17 mai 2002. ; 7. «Notebook of 20the hijacker could have tied him sooner to Qaeda», The International Herald Tribune, 7 juin 2002. ; 8. Neil Lewis, «FBI chief admits 9/11 might have been detectable», The New York Times, 30 mai 2002. ; 9. «Bush defends terror warnings response», BBC-news, 17 mai 2002; Dan Eggen et Dana Priest, «Bush aides seek to containt furor», The Washington Post, 17 mai 2002. ; 10. «A failure to communicate», Newsweek, 27 mai 2002, pp.42-45. ; 11. Die Welt, 7 décembre 2001. ; 12. William Safir, «The William's memo», The New York Times, 20 mai 2002. ; 13. Dana Milbank et Mike Allen, «An image of invincibility is shaken by disclosures», The Washington Post, 17 mai 2002. ; 14. Les témoignages des trois femmes dans «Reopening the wounds», Newsweek, 27 mai 2002, p.47. ; 15. Newsweek, 27 mai 2002, p. 45. ; 16. «CIA's paramilitary scores successes», The New York Times, 20 mai 2002. ; 17. Bob Drogin, «The CIA rebuilds on war footing», The Los Angeles Times, 20 mai 2002. ; 18. «Months before coup Sharif struck a deal with US to get Osama», The Indian Express, 4 octobre 2001. ; 19. Bob Drogin, o.c. ; 20. Mark Kauppi, «Terrorism and national security», NSSQ Perspectives, automne 1998, pp. 3-4. ; 21. Bob Drogin, o.c. ; 22. Rahul Mahajan, «The new crusade, America's war on terrorism», Monthly Review Press New York, 2002, p. 58. ; 23. Patrick Tyler, «Egypt warned US of a Qaeda plot», The New York Times, 4 juin 2002. ; 24. James Smith et William Thomas, «The terrorism threat and US government response: operational and organizational factors», US Air Force Academy Colorado, mars 2001, chapitre 7. ; 25. The Indian Sapra News Agency, 22 mai 2001. ; 26. James Risen, «Rifts pentiful as 9/11 inquiry begins», The New York Times, 4 juin 2002. ; 27. Manoj Joshi, «India helped FBI trace ISI-terrorist links», The Times of India, 9 octobre 2001. ; 28. «Die Krieger aus Pearl Harburg», Der Spiegel, 26 novembre 2001. ; 29. Cité dans Stefan Aust en Cordt Schnibben, «11 september, de aanval, de mensen, hun verhaal», Het Spectrum, Utrecht 2002, p. 186. ; 30. «The investigation and the evidence», BBC, 5 octobre 2001; «Die Krieger aus Pearl Harburg», Der Spiegel, 26 novembre 2001. ; 31. Steven Erlanger, «An unobtrusive man's odyssey», The New York Times, 15 septembre 2001. ; 32. Testament sur le site www.mdr.de/terror/ermittlungen/inhalt_66370@html <http://www.mdr.de/terror/ermittlungen/inhalt_66370@html > . ; 33. «Saudi-Innenminister al-Asis zu Terrorpiloten», Der Spiegel, 15 décembre 2001. ; 34. «Written instructions link hijackers on 3 flights», CNN, 28 septembre 2001. ; 35. www.news.bbc.co.uk/hi/english/world/americas/newsid_1581000 /1581063.stm <http://www.news.bbc.co.uk/hi/english/world/americas /newsid_1581000/1581063.stm> , 5 octobre 2001. ; 36. Seymour M. Hersh, «The CIA and the failure of American intelligence», The New Yorker, 8 octobre 2001. ; 37. Seymour M. Hersh, «How vulnerable are the Saudi royals?», The New Yorker, 22 octobre 2001. ; 38. «Phone bills give clue to terrorists», The Sunday Times Australia, 18 février 2002. ; 39. «The investigation and the evidence», BBC, 5 octobre 2001. ; 40. Michael Rupert, «If the CIA and the government weren't involved, what were they doing?», www.globalresearch.ca/articles/RUP112A.html <http://www.globalresearch.ca/articles/RUP112A.html > , 27 novembre 2001. ; 41. Bob Drogin, o.c. ; 42. Judith Miller, «Sheik's son and bin Laden spoke of plots, officials say», The New York Times, 18 mai 2002. ; 43. Le Figaro, 31 octobre 2001. ; 44. «Terrorpilot», Der Spiegel, 28 octobre 2001; «Czech PM: Atta considered Prague attack», CNN, 9 novembre 2001; «Czechs confirm suspected hijacker met Iraqi», CNN, 27 octobre 2001; «Atta met twice with Iraqi intelligence», CNN, 11 octobre 2001. ; 45. «Das Protokoll des Irrsinns, Was wirklich geschah beim Angriff auf Amerika», Der Spiegel, 3 décembre 2001. ; 46. «Another hijacker was stopped for traffic violation», CNN, 9 janvier 2002. ; 47. Michael Isikoff et Daniel Klaidman, «The hijackers we let escape», Newsweek, 10 juin 2002, p.23. ; 48. Michael Isikoff et Daniel Klaidman, o.c., pp.18-27. 

 

«Nous ne pouvons pas le croire»

11 septembre · Débats enflammés sur le livre «Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air»

Le 11 septembre n'aurait pas pu se dérouler à l'insu des services de renseignements US. Cette hypothèse que confirme le livre «Pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air» n'est pas passée inaperçue dans les médias, qui critiquent une nouvelle «théorie du complot». Réponse des auteurs.

Peter Franssen et Pol De Vos, 25-09-2002

Un certain nombre de commentaires de la presse réfutent la théorie centrale du livre qui dit que la CIA a sciemment laissé faire les pirates de l'air le 11 septembre. Encore une «théorie du complot», lancent-ils. Pour eux-mêmes privilégier une «théorie de la gaffe» : un enchaînement d'échecs dus au hasard.

La même discussion se tient également aux Etats-Unis. Entre-temps, tout le monde s'accorde quand même sur les faits. Un rapport examiné cette semaine au Congrès américain dit que la CIA, le FBI et d'autres instances ont reçu entre 1998 (après les attaques contre les ambassades US en Afrique) et septembre 2001 des rapports répétés qui indiquaient les intentions d'Al Quaida d'attaquer Washington et New York avec des avions de ligne.

En décembre 1998, le directeur de la CIA George J. Tenet dévoilait même une «déclaration de guerre» circulant parmi les services de sécurité. Les mises en garde ont continué à affluer, la commission d'enquête les rassemble toutes dans son rapport.1

 Selon le FBI, le passeport de Mohammed Atta, chef présumé des pirates de l'air, a été retrouvé dans les décombres du WTC, après avoir résisté à une température de 2000 degrés. (Montage Salim)

Sens et non-sens de la «théorie de la gaffe»

Combien de temps encore pourra-t-on soutenir la thèse qu'il s'agissait de «petites erreurs» dans le travail des services de renseignements ? Car les faits sont les faits: primo, la succession de gaffes est tellement importante qu'il est logiquement impossible qu'il s'agisse de gaffes. Des dizaines de gaffes qui se succèdent malgré le fait qu'Al Quaida était «la plus grande priorité» des services de sécurité ? Allons...

Mais secundo, il y a des soi-disant gaffes qui ne peuvent pas en être. Il y a, par exemple, la demande de la CIA aux services de renseignements malais de suivre deux terroristes. Ce qu'ils font. Ensuite, ces deux-là se rendent aux Etats-Unis. Là, ils ne sont ­ du moins officiellement ­ plus suivis. Ce n'est pas une gaffe mais une décision lorsqu'on sait qu'il s'agit de terroristes potentiels.

Tertio, il faut considérer les gaffes dans leur contexte. Comme par exemple le fait de laisser des traces: le passeport d'Atta dont nous devons croire qu'il est le seul objet tombé intact des tours du WTC, après avoir résisté à une température de 2.000°. Ou la valise d'Atta qui ­ par un malencontreux hasard ­ n'a pas pu être embarquée à bord du dramatique vol et est resté à l'aéroport, pleine de «preuves compromettantes».

Etrange aussi la manière dont la CIA et le FBI n'ont cessé de gaffer jusqu'au 11 septembre et sont ensuite devenus incroyablement efficaces... Alors qu'on prétend ne rien savoir le 11/9, on sait tout 24 heures plus tard !

Point important: la CIA est en partie à l'origine d'Al Quaida, a façonné et encadré l'organisation et y a certainement infiltré des gens. Devrions-nous croire que les infiltrés des services secrets russes, allemands, français et égyptiens sont plus efficaces que ceux de la CIA? Car eux étaient bien au courant et ont transmis leurs informations aux Etats-Unis...

Même la commission du Congrès américain s'en tient toujours à la version que les effectifs et les moyens des services secrets étaient insuffisants. Une gaffe, donc. Mais les arguments sur le manque de moyens ont été immédiatement contredits par les gens de la CIA et du FBI eux-mêmes, qui déclarent que «les données du comité du Congrès sont trompeuses». En effet: notre livre donne des chiffres sur les moyens et les effectifs humains qui sont venus renforcer les unités anti-terreur du FBI et la CIA depuis les années 90, précisément pour combattre le terrorisme, et sur les mesures qui ont été prises pour mieux coordonner ces services.

«C'est impossible !»

Deuxième remarque fort entendue dans la presse, comme le professeur Urbain Vermeulen l'a déclaré hargneusement lors d'un débat sur Studio Brussel: «Je ne veux pas le croire, je ne peux pas le croire...» Ce point de vue a été repris par un journaliste de la RTBF-télévision et dans une critique du De Standaard der Letteren.

«Je ne veux et ne peux le croire» est une prise de position politique. On ne peut accepter que la classe politique dirigeante ait créé un Etat de gangsters qui veut persister littéralement à tout prix.

Ces journalistes se révoltent contre l'idée terrifiante que les élites qui gouvernent notre prétendue démocratie ne soient rien d'autre qu'une bande de comploteurs prêts, en cas de besoin, à tuer leur propre peuple pour maintenir leur pouvoir et leurs richesses. C'est ce qu'ont fait Mobutu, Pinochet ou Sharon... Cela ils peuvent encore l'accepter. Mais les dirigeants de «la démocratie occidentale» ? Non. Pourtant, ce sont eux qui ont en grande partie fait les Mobutu, Pinochet et Sharon et qui les ont protégés pendant des décennies.

Dans notre livre, nous arrivons à la conclusion que le marché libre ne va pas de pair avec la démocratie mais bien avec la guerre. Ou comme Thomas Friedman l'a écrit dans le New York Times2 pendant la guerre en Yougoslavie : «La mondialisation ne peut pas fonctionner si l'Amérique n'agit pas comme la superpuissance qu'elle est. La main cachée du marché ne peut pas fonctionner dans un poing caché. Les chaînes de hamburgers McDonald's ne peuvent pas réussir sans McDonnell-Douglas, le concepteur de l'avion de combat F15. Et le poing caché qui protège partout dans le monde la technologie de Silicon Valley s'appelle l'armée des Etats-Unis.»

Nous montrons comment la faillite économique des Etats-Unis et la résistante qui croît partout dans le monde signifient qu'il n'y a pour l'impérialisme US aucune autre voie que celle de la guerre, qui est la seule issue pour essayer de survivre. Dans ce combat sans espoir pour le maintien de leurs privilèges, il semble que les élites soient prêtes à tout, même au fascisme et au massacre de leur propre population.

Notes : 1 New York Times, 19 septembre 2002 · 2 NYT, 28 mars 1999

 

Un menteur invétéré dirigera l'enquête sur les attentats du 11 septembre

Le président Bush a désigné Henry Kissinger comme président d'une commission chargée de mener une «enquête indépendante» sur les attentats du 11 septembre. Une désignation aussi hallucinante que l'aurait été dans notre pays celle de l'ancien ministre de la Défense Vanden Boeynants comme président d'une commission d'enquête sur les tueurs du Brabant.

Peter Franssen, 29-11-2002

La fait que Bush ait finalement décidé de créer une commission d'enquête résulte de la pression constante exercée par les familles des victimes, qui refusent de se taire. Elles veulent savoir pourquoi les services secrets n'ont pas pu ou pas voulu empêcher les attentats. Elles ont organisé des manifestations, des pétitions, des sit-ins, recueillant chaque fois la sympathie du public américain. La nomination de Kissinger est un nouveau camouflet pour ces proches, qui s'étaient déjà vu exhorter à «ne pas mettre le pays en danger» par leur discours critique sur les événements du 11 septembre. A présent, ils se voient imposer un homme dont ils connaissent la connivence avec les généraux, les fascistes dans la Maison Blanche et l'industrie militaire qui précisément avaient besoin du 11 septembre comme prétexte pour lancer leur guerre permanente. Que peuvent-ils attendre d'un tel personnage?

Ne faut-il pas condamner cet homme à la pendaison ?

Kissinger fréquente régulièrement la Maison Blanche. Lui, Bush, Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney sont des âmes sœurs, pour autant que ce genre de personnes aient une âme. Le sénateur Bob Graham, spécialiste du parti démocrate en matière de services secrets, a salué Kissinger comme «un homme respecté de tous et très sage».1

Cet homme sage est en réalité un criminel de guerre et un menteur invétéré. En 1969, alors qu'il était le conseiller du président Nixon en matière de sécurité nationale, il a donné l'ordre d'exécuter les bombardements terroristes contre la population civile du Cambodge et du Laos. Ces bombardements ont coûté la vie à 350 000 civils laotiens et 600 000 civils cambodgiens.2 Deux ans plus tard, le général Telfod Taylor a publié le livre Nuremberg and Vietnam. Taylor était conseiller du gouvernement américain après la deuxième guerre mondiale pendant le procès de Nuremberg contre les dirigeants nazis. Dans son livre, le général Taylor écrit que ce qui s'est passé au Laos, au Cambodge et au Vietnam, devrait donner lieu à un nouveau procès de Nuremberg contre l'élite politique et militaire des Etats-Unis. Le verdict ne serait sans doute pas différent, écrit Taylor: la mort par pendaison.3

Les droits de l'homme ? A ne pas prendre trop au sérieux

Kissinger a fait tout ce qu'il pouvait pour maintenir au pouvoir le shah d'Iran, un despote médiéval qui n'hésitait pas à recourir au génocide, au viol et à la torture. Il a soutenu le régime d'apartheid d'Afrique du Sud et essayé de déstabiliser le régime de gauche en Angola aux dépens de dizaines de milliers de victimes. Il était l'un des architectes du coup d'Etat exécuté par le groupe d'officiers fascistes dirigé par le général Pinochet en septembre 1973 au Chili.

Le 8 juin 1976, Kissinger devait prononcer un discours sur les droits de l'homme à une conférence de l'Organisation des Etats américains. La veille, il avait dit à Pinochet au téléphone : «Je parlerai demain des droits de l'homme. J'évoquerai brièvement le rapport de la Commission des droits de l'homme de l'OEA. Je dirai que les droits de l'homme ont envenimé les relations entre les Etats-Unis et le Chili. J'ajouterai que j'espère que ce problème sera rapidement résolu. Vous savez que je ne peux pas faire autrement, sinon il y aurait de vives réactions aux Etats-Unis. Mon discours n'est pas dirigé contre le Chili. Je voulais vous le dire au préalable. Vous êtes à mon avis la victime de groupuscules de gauche partout dans le monde et la seule faute que vous ayez commise est de renverser un gouvernement qui aurait conduit le pays au communisme. Notre but n'est pas de miner votre position. Nous voulons au contraire vous aider».4

Dans les années quatre-vingts, Kissinger a dirigé la commission d'enquête présidentielle sur la situation dans divers pays d'Amérique centrale. Dans son rapport, il ne souffle pas un mot sur les escadrons de la mort qui étaient dirigés par des officiers formés dans des casernes aux Etats-Unis. L'armée américaine étaient ainsi complice de l'assassinat de 200 000 personnes au Guatemala, de 75 000 au Salvador et 50 000 au Nicaragua.

Kissinger a omis de mentionner ces faits. Il faut s'attendre à ce qu'il fasse de même à présent. Il montrera du doigt les «fautes» et les «gaffes» de la CIA. Mais il est exclu qu'il mentionne aussi les faits qui prouvent que la CIA et le Pentagone savaient longtemps avant le 11 septembre 2001 ce qui se préparait et qu'ils ont refusé d'intervenir. Ils ont sacrifié la vie de 3 049 personnes à New York et à Washington. Aux yeux de Kissinger, ce ne sera qu'un détail dans l'histoire.

Notes : 1. Richard Stevenson, President names Kissinger to lead 9/11 commission, The New York Times, 27 novembre 2002 ; 2. Peter Franssen, 11 septembre, pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air, EPO Berchem 2002, p. 123 ; 3. Cité par Christopher Hitchens, Les crimes de monsieur Kissinger, Saint-Simon Parijs 2001, p. 51 ; 4. Ibidem, p. 102-103

 

En 1962, l'état-major général voulait entamer une campagne de terreur

Des bombes sur le peuple américain même

Dans les années 60, quand Fidel Castro nationalise les secteurs clés de l'économie, c'en est trop pour les Américains : il faut l'éliminer par des moyens militaires. Mais comment convaincre l'opinion mondiale ?

1960 est une année électorale. Le démocrate Kennedy doit s'attaquer au républicain Nixon, alors vice-président d'Eisenhower. En janvier 1959, Castro et ses hommes ont chassé de Cuba le dictateur Batista. Pour Kennedy, Eisenhower et Nixon n'ont pas fait grand-chose pour les arrêter. Le 6 octobre 1960, au cours d'un dîner de charité à Cincinnati, Kennedy déclare que Castro «a transformé le pays en un satellite communiste hostile» et que «Eisenhower et Nixon ont laissé le pays glisser de l'autre côté du Rideau de Fer».1

Le 20 janvier 1961, Kennedy prête serment de président. Dans son discours, il menace : «Nos voisins doivent savoir que nous aiderons tous ceux qui doivent affronter l'agression et la subversion. Et tout autre puissance doit savoir que l'hémisphère nord entend rester maître chez lui.»2

Les jours précédents, les services secrets (CIA) ont informé Kennedy du plan visant à envoyer à Cuba, comme troupes d'invasion, un important groupe d'émigrés cubains, la plupart partisans de Batista. Kennedy confie à la CIA la mission de hâter l'opération. La CIA envoie quelque 1 500 Cubains dans une base militaire du Guatemala, où ils reçoivent un entraînement. L'invasion doit se produire dans la Baie des Cochons et, selon la CIA, provoquer un soulèvement populaire censé renverser Castro.

L'opération de la Baie des Cochons débute le 17 avril 1961 à l'aube et ne durera pas jusqu'au soir. Presque tous les effectifs ­ 1 400 hommes ­ sont tués ou capturés. La défaite des Américains est totale.

La Maison-Blanche est quasi paralysée mais, peu après, elle ordonne à la CIA de déstabiliser Cuba au maximum. L'Agence rassemble alors 400 Américains et 200 Cubains. Elle les équipe d'armes légères, ainsi que d'armes plus lourdes, d'explosifs et de bateaux rapides. Le groupe reçoit un budget de 50 millions de dollars (2,5 milliards de francs de l'époque !). Les membres du groupe posent des bombes dans des hôtels et des usines, coulent des bateaux de pêche, empoisonnent des entrepôts alimentaires et des récoltes de canne à sucre.3

Pour Kennedy et son gouvernement, cela ne suffit pas. En novembre 1961, Kennedy donne à son frère et secrétaire d'Etat à la Justice la mission de résoudre «le problème cubain». Robert Kennedy réunit les hautes instances de l'armée et de la CIA. L'armée, sous la direction du général Lyman Lemnitzer, patron des chefs d'état-major (c'est-à-dire l'état-major général complet de l'armée de terre, des forces aériennes et de la marine de guerre), doit élaborer un plan destiné à faire tomber Castro.

Il nous faut une excuse

Lemnitzer se rappelle brusquement une phrase du général Eisenhower, prédécesseur de Kennedy à la Maison-Blanche. Juste avant la passation de pouvoir, lors d'une réunion d'équipe, Eisenhower avait déclaré, en présence de Lemnitzer, qu'il partirait en guerre contre les Cubains si Castro lui offrait un bon prétexte pour le faire. Hélas ! avait dit Eisenhower, Castro ne fait rien de tel et peut-être «les Etats-Unis devraient-ils penser eux-mêmes à fabriquer une telle excuse sous la forme d'un attentat à la bombe, d'une attaque ou de l'une ou l'autre action de sabotage».4

Quatre jours après la raclée de la Baie des Cochons, Kennedy a également confié à Lemnitzer que l'opinion publique américaine et mondiale «n'accepterait pas d'attaque unilatérale de notre armée à moins que nous-mêmes ou l'un de nos alliés soyons attaqués». 5

Lemnitzer et ses généraux se mettent à l'oeuvre. Peu après, l'Opération Northwoods est prête: un plan visant à déclencher une campagne terroriste sanglante contre le peuple américain même, pour faire accepter une guerre contre Cuba. Tous les membres de l'état-major général approuvent.

Le 20 février 1962, John Glenn devait s'envoler pour l'espace à partir de Cap Canaveral, en Floride. Lemnitzer et ses généraux proposent de faire exploser la fusée de Glenn et de «fabriquer des preuves qu'il s'agit d'un sabotage cubain».4 A la suite de quoi on déclencherait un certain nombre d'actions. Voici ce que dit le plan : «Nous pouvons faire sauter un vaisseau spatial américain et en rejeter la faute sur les Cubains. La publication des listes de victimes dans les journaux américains stimulerait encore l'indignation.»4

D'autres actions proposées par les généraux: «Nous pouvons organiser une campagne terroriste à Miami et dans d'autres villes de Floride, ainsi qu'à Washington. () Nous pouvons détourner des avions. Dans des endroits bien choisis où l'impact sera énorme, nous pouvons poser des charges de plastic. Nous pouvons repeindre les B-26 ou C-46 de nos forces aériennes aux couleurs cubaines et nous en servir pour abattre un appareil de la République dominicaine. Nous pouvons faire en sorte qu'un prétendu appareil de combat cubain abatte un avion de ligne américain. Les passagers peuvent être un groupe de jeunes étudiants ou de vacanciers.»4

Les frères Kennedy et le secrétaire d'Etat à la Défense, Robert McNamara, rejettent le plan. Mais la substance même de l'Opération Northwoods n'est pas mise au placard. En mai 1963, à la demande de Kennedy, le sous-secrétaire d'Etat à la Défense, Paul Nitze, propose un plan disant que «l'on peut organiser des attaques contre des cibles américaines, tant civiles que militaires, de façon à rendre acceptable une guerre contre Cuba».4 L'idée d'atteindre un objectif politique en semant la terreur contre son propre peuple est loin d'être morte.  

Notes : 1. Robert E. Quirk, Fidel Castro, Norton, New York,1995, p.348 · 2. Idem, p.357 · 3. Noam Chomsky, «International terrorism: image and reality» in Western state terrorism, Polity Press, Cambridge, 1991, pp.22-23.· 4. James Bamford, Body of secrets, anatomy of the ultra-secret National Security Agency from the cold war to the dawn of a new century, Doubleday, New York, 2001, chap.4 ·5. Herbert Matthews, Fidel Castro, Seuil, Paris, 1970, p.222.

 

La plus sanglante organisation terroriste de la planète

Depuis cinquante ans, c'est l'organisation terroriste la plus sanglante de la planète. Son réseau est mondial, ses moyens incommensurables, ses forfaits atroces. Bombes à fragmentations, armes nucléaires, agents chimiques, coups d'Etat, génocides... le gouvernement américain ne recule devant rien pour imposer sa folie religieuse : celle du profit des multinationales.  

(Marco Louvier, 10-09-2002)  

« Un nombre (de morts), ça ne m'intéresse pas terriblement » (Général Colin Powell)

Irak : « ...Nous pensons que le prix en valait la peine. » (Madeleine Albright, secrétaire d'Etat US, à propos des 600 000 enfants irakiens morts à cause des sanctions américaines). Lorsqu'elles accouchent, les femmes irakiennes ne demandent pas si c'est un garçon ou une fille mais si le bébé est normal : conséquence des armes US à l'uranium appauvri. Pourtant, Bush veut une nouvelle guerre contre l'Irak.

Vietnam : « Nous étions souvent envoyés en mission ‘‘search and destroy’’... En langage militaire, cela signifie qu'il fallait tirer sur tout ce qui bouge et mettre le feu au village. Les résultats étaient presque toujours catastrophiques. » (Jim Linnen, chef de bataillon US au Vietnam, à propos du massacre de My Lai, 1968 où la consigne était de tout massacrer : enfants, femmes, vieillards). La guerre du Vietnam a coûté au peuple 39 ans d'atrocités et 3 millions de morts.

Hiroshima : « Hiroshima et Nagasaki ont été choisis en raison de leur concentration d'activités et de population. » (Rapport officiel de l'U.S. Strategic Bombing Survey). Cent mille morts à Hiroshima, cinquante mille à Nagasaki, des dizaines de milliers touchés par les radiations. La bombe atomique, comme l'avait dénoncé Albert Einstein, a servi à précipiter la fin de la guerre dans le Pacifique avant l'arrivée des Soviétiques.

Corée : « La guerre de Corée a été une bénédiction. Il fallait qu'il y eût une Corée, ici ou ailleurs dans le monde. » (Général Van Fleet, US Army). En Corée, les Etats-Unis ont utilisé les armes les plus abominables, y compris des bombes bactériologiques causant choléra, peste, méningite, anthrax... Pyongyang a été presque entièrement rasé. La guerre a tué 4,6 millions de Coréens.

Afghanistan : « Le peuple opprimé d'Afghanistan va connaître la générosité de l'Amérique et de nos alliés. (...) Que Dieu continue à bénir l'Amérique. » Discours du président George W. Bush annonçant le début des frappes américaines sur l'Afghanistan. Les enfants qui dormaient sur le toit ont été déchiquetés: le village de Karakak célébrait une noce et l'aviation américaine est passée par là... Au total, les «frappes chirurgicales» en Afghanistan ont tué plus de 3 000 civils. Plus que les victimes du WTC.

Nicaragua : « Ils s'introduisent dans les villages, font sortir les familles. Forçant les enfants à regarder, ils castrent le père. Lui écorchent le visage. Lui mettent en bouche une grenade dégoupillée. Forçant les enfants à regarder, ils violent collectivement la mère. Lui coupent les seins. Et parfois, pour changer, ils font tout ça aux enfants et obligent les parents à regarder. » (John Stockwell, ancien de la CIA et des Marines, à propos des contras nicaraguayens que le président Reagan nommait les « combattants de la liberté ».)

Assassinats : Parmi les dizaines de chefs d'Etat et de personnalités qui ont fait l'objet de plans d'assassinat - réussis ou ratés - de la part des services secrets américains, le dirigeant cubain Fidel Castro a certainement été le plus visé : 600 tentatives.

Armes chimiques et biologiques : Les Etats-Unis ont abondamment utilisé des armes chimiques et biologiques lors de la guerre de Corée. Ils ont couvert le Vietnam, le Laos et le Cambodge d'« agent orange ». Et déverseraient un « agent vert » dans les zones où opère la guérilla colombienne. A l'époque de l'apartheid, ils ont encouragé le régime sud-africain à utiliser de telles armes contre la population noire. Aujourd'hui, Bush accuse Cuba de préparer des armes bactériologiques alors que les USA les ont employées de nombreuses fois contre l'île. Lors de la plus grave contamination, en 1981, des germes de la dengue hémorragique ont touché 344 203 Cubains et en ont tué 158 dont 101 enfants.

Arrestations anti-antiterroristes : Cinq Cubains ont été lourdement condamnés (jusqu'à deux fois la perpétuité) aux Etats-Unis, fin 2001, non pour avoir préparé des actions terroristes, mais parce qu'ils voulaient en empêcher, en infiltrant l'extrême droite anticastriste de Miami.

Bombes à fragmentations : Les bombes à fragmentations sont une des armes les plus sanguinaires de l'arsenal américain. Elles sont remplies de plusieurs centaines de petits morceaux de métal pointus qui déchirent la chair des victimes, leur arrachent une jambe, un bras ou la tête. L'armée US en a larguées des millions sur le Vietnam, le Laos et le Cambodge. Ils en ont aussi lâchées sur l'Irak, la Yougoslavie et l'Afghanistan. Dans ce dernier pays, elles avaient la même couleur jaune que les colis humanitaires jetés par l'aviation US.

Bombes nucléaires : Les Etats-Unis ont été la seule puissance à utiliser l'arme nucléaire dans l'histoire, à Hiroshima et Nagasaki. Et ils ont été prêts à la réutiliser plusieurs fois par la suite. Ainsi, en 1953, lors de la guerre de Corée, le Général Omar Bradley écrivait au président Eisenhower qu'il fallait « entreprendre des opérations aériennes, navales et terrestres, y compris un large usage des bombes atomiques stratégiques et tactiques, de manière à obtenir l'effet de surprise maximum et le plus grand impact militaire et psychologique possible sur l'ennemi. » Après le bouclier antimissile, dont Bush a accéléré le programme après le 11 septembre, les Etats-Unis mettront hors-jeu les bombes de dissuasion de pays comme la Chine, l'Inde ou la Russie. Ce qui signifie qu'ils auront moins de retenue à faire de nouveaux Hiroshima.

Coups d'Etat : On ne compte plus les coups d'Etat fomentés dans le monde par les USA. Parmi les plus récents, celui (manqué) contre le président vénézuélien Chavez - qui contrairement à Bush n'était pas « presque élu » - a fait 41 morts et des centaines de blessés. Parmi les plus emblématiques de la politique pro-dictateur des Etats-Unis, celui commis un 11 septembre, en 1973, contre le président chilien Allende.

Génocides : Si l'on ne compte que ceux ayant fait plus d'un million de victimes, la liste des génocides commis par ou à l'instigation des Etats-Unis sur à peine un demi-siècle est ahurissante : Corée, Vietnam-Laos-Cambodge, Indonésie, Irak, Congo. Dans ce dernier pays, l'agression ougando-rwandaise programmée depuis Washington a tué à ce jour - par les armes ou à cause des conséquences sociales - quatre millions de personnes. Et la guerre continue.

Uranium appauvri : Les Etats-Unis ont utilisé des armes à l'uranium en Yougoslavie et en Irak. C'est dans ce pays qu'on a le plus de recul pour en constater les terribles effets, bien qu'on estime que le pire est encore à venir. Le nombre des malformations congénitales et de tumeurs a explosé. Des filles de quatorze ans font des cancers du sein.

Pour en savoir plus sur le terrorisme des Etats-Unis : http://www.americanstateterrorism.com/

 

 

En Indonésie, les Etats-Unis voulaient provoquer un massacre

Six généraux pro-américains sacrifiés

PTB, 15 janvier 2002

Dans les années soixante, l'Indonésie était dirigée par le président Sukarno. Aux yeux des Américains, c'est un falot : il n'a pas levé le petit doigt pour arrêter la montée des communistes dans son pays. C'est pourquoi les Américains interviennent eux-mêmes.

En 1949, quand l'Indonésie devient indépendante des Pays-Bas, les Etats-Unis essaient d'y étendre leur influence. Le PKI, le Parti communiste d'Indonésie est en train de progresser fortement. Aux élections de 1955, le PKI devient le quatrième parti, avec 18% des voix. En 1965, le parti annonce fièrement trois millions de membres. Il a également créé de puissantes organisations de masse parmi les paysans et les femmes. Tout bien compté, le PKI organise 15 millions de personnes !

Les Etats-Unis ne savent pas très bien comment s'y prendre pour endiguer l'influence communiste. En 1959, le Pentagone et le département de la Défense dévoilent leur jeu : l'armée indonésienne est leur seul espoir. Ils lui proposent donc une aide militaire illimitée. Entre 1960 et 1964, ils forment 2 800 officiers indonésiens. Les programmes de formation et les manuels d'instruction de l'armée sont revus et récrits sur base de ce qui se fait aux Etats-Unis. Vers 1965, presque tous les officiers supérieurs sont de fidèles alliés des Etats-Unis. En fait, tout a été préparé pour une confrontation. Et celle-ci va avoir lieu car le président Sukarno est un populiste qui, en raison de la popularité des communistes, ne leur met guère de bâtons dans les roues. La question est : comment fomenter une grande opération de nettoyage ?

L'armée va de village en village

Le 1er octobre 1965, des inconnus enlèvent sept généraux, dont le commandant en chef, le général Yani1. Ce n'est que des années plus tard que des fuites diront que l'enlèvement a été organisé par quelques officiers du cadre moyen. Les kidnappeurs sont dirigés par le lieutenant-colonel Utung qui, cinq ans durant, avait été le subordonné du général Suharto. Un autre comploteur est le colonel Latief, un proche ami de la famille Suharto. Quelques heures avant le rapt, Latief avait encore un entretien avec Suharto, qui entretient les meilleures relations avec l'attaché militaire et les agents de la CIA de l'ambassade américaine.

Le général Suharto est le véritable responsable du rapt. L'état-major général américain et la CIA sont à tout le moins au courant de ce qui doit se passer, pour autant qu'ils n'aient pas fomenté toute l'affaire.

Six des sept généraux, tous de fidèles amis des Américains, sont liquidés. Le septième, le général Nasution, parvient à s'échapper. Le 4 octobre, on retrouve les cadavres des six généraux assassinés. Au même moment, débute une campagne de propagande minutieusement préparée et, comme l'admettront plus tard les services secrets américains, dirigée par la CIA.

Les accusations pleuvent à l'encontre des communistes. Ils auraient organisé l'enlèvement et les exécutions. La presse de l'armée (tous les autres journaux sont interdits) publie de prétendus témoignages de membres de la section féminine et des jeunesses du PKI qui déclarent être impliqués dans ces exécutions. Ces gens expliquent en détail comment ils ont exorbité certains généraux, leur ont arraché les oreilles et/ou les parties génitales. La colère au sein de l'armée est sans précédent.

L'armée fait autopsier les corps. Vingt ans plus tard, le rapport retrouvé révélera que les généraux ont perdu la vie d'une balle dans la nuque et qu'il ne leur manquait ni oeil, ni oreille ni attribut. Toutefois, en 1965, la campagne de propagande se poursuit.

Suite à cela éclate une orgie de violence contre les communistes. L'armée va de village en village. Toute personne soupçonnée d'être un militant communiste est immédiatement exécutée. Les sympathisants sont déportés en prison2.

Entre novembre 1965 et avril 1966, entre 600 000 et 1 million de personnes sont massacrées. Le 14 octobre, cinq jours après le début de l'orgie de violence, l'ambassadeur américain, Marshall Green, voyant que les choses sont en bonne voie, envoie ce message à Washington : «Nous pensons que l'armée évolue dans la bonne direction.» Le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Dean Rusk, télégraphie la réponse suivante : «La campagne contre le PKI doit se poursuivre. Seule l'armée peut instaurer l'ordre, en Indonésie. Faites savoir aux généraux qu'ils ont le soutien total des Etats-Unis.»3

Notes : 1. On peut lire un rapport détaillé des événements dans Carmel Budiardjo, Indonesia: mass extermination and the consolidation of authoritarian power (Indonésie : extermination de masse et consolidation du pouvoir autoritaire), dans: Alexander George (éd.), Western state terrorism (Terrorisme d'Etat à l'occidentale), Polity Press, New York, 1991, pp.180-211 · 2. Harold Crouch, The army and politics in Indonesia, Cornell University Press, 1978, p.151 · 3. Carmel Budiardjo, op.cit., pp.195-196.

 

 

 

 

L'exemple du Salvador
Un article offert à www.lescommunistes.net/bolchevisme par Mauricio (guerreroalado@yahoo.es), camarade originaire du Salvador
Au nom des habitants du Salvador

El Salvador : portrait de la tragédie d’un pays, d’un peuple
La République de El Salvador est le pays le plus petit de l’Amérique centrale et celui avec la plus haute densité démographique. Une petite langue de terre avec une histoire en commun avec ses voisins latino-américains : une histoire de destruction culturelle, d’imposition impérialiste, de sous-développement, de misère, des nettes différences sociales entre les classes. L’histoire moderne de El Salvador (Salvador pour les francophones) est l’histoire de la lutte entre les indigènes réduits en esclavage et devenus la « classe basse ou pauvre », et les colonialistes étrangers qui se sont autoproclamés comme les propriétaires par droit divin de toutes ses ressources humaines et naturelles.

Les indigènes, qui habitaient la région au moment de l’arrivée des conquérants espagnols, étaient une combinaison de peuples qui avaient migré depuis le nord. Les Mayas qui peuplaient la région avaient disparu déjà dans le IXème siècle de notre histoire sans laisser de pistes, des traces anthropologiques de cette disparition subite. Au XIème siècle une nouvelle civilisation maya s’est développée dans la péninsule du Yucatan au Mexique, la civilisation Maya post-classique dont les limites géographiques étaient presque les mêmes que les Mayas classiques, c'est-à-dire, ce que les anthropologues appellent la « Méso-Amérique » : sud du Mexique (le Chiapas), le Guatemala, le Belize, le Salvador et une partie de l’Honduras. Entre les peuples qui avaient migré depuis le nord, on trouvait une grande série de peuples aztèques et toltèques, parmi eux, les pipiles, qui se sont établis dans les régions du centre et de l’ouest du Salvador. La région d’influence du mixage des peuples pipiles et mayas recevait le nom de CUSCATLAN, mot nahuatl qui veut dire : « Terre de bonheur » nommée ainsi dû à la grande fertilité de ses terres volcaniques. La ville la plus importante de la région était Coxcatlán, une ville de plusieurs milliers de personnes, de belles maisons peintes en blanc de chaux. Si on croit à la légende, le cacique qui gouvernait à l’époque de l’arrivée des espagnols était Atlacatl.
L’histoire de Columbus on la connaît très bien, on l’apprend à l’école. On sait, par exemple, qu’il avait raté son chemin vers les Indes Occidentales, dans son effort d’ouvrir une nouvelle route de commerce entre l’Europe et l’Inde : l’ancienne route fut coupée au XVème siècle par l’empire Ottoman au moment de la chute de la ville de Constantinople, l’idée de Columbus était d’y arriver par l’Atlantique en contournant l’Afrique. Un projet très risqué à l’époque dû à l’idée erronée de que la Terre était plate et pas ronde. Seulement quelques prisonniers, truands et malfaiteurs ont eu le courage d’accompagner Columbus dans cette aventure, surtout pour échapper de la vie en prison. La reine de Castilla et Léon, dite « la Catholique » avait investi ses derniers bijoux pour payer les frais de l’expédition parce que son royaume était en faillite après des longues décennies de guerre contre les « Moros ». Elle avait besoin d’un moyen pour se faire de l’argent et le projet de Columbus l’avait convaincu. En 1492, après beaucoup de problèmes internes avec l’équipage de ses trois bateaux, le 12 Octobre, Rodrigo de Triana crie : « terre ». La tragédie et l’holocauste des peuples amérindiens avaient commencé.
Ce fût Hernán Cortez qui s'en prendra au puissant royaume des Aztèques. L’énorme ville de Tenochtitlan tombera après plusieurs attaques. Le cacique Moctezuma n’eût pas les moyens de résister à la supériorité militaire des espagnols. La conquête de la « Mesoamérique » pu alors commencer.
Cortez décida d’envoyer son capitaine, Pedro de Alvarado pour conquérir le Guatemala et le Cuscatlan. Ainsi, le 6 Décembre de 1523, Alvarado part avec plus de 700 soldats, de l’artillerie, des chevaux et plein de matériel militaire. Sa première mission fût d’éliminer toutes les tribus au Sud de Tenochtitlan. Les quichés, les cakchiqueles, et autres tribus furent complètement exterminées. Quelques courageux caciques ont fait face à l’envahisseur. Le peuple maya de Guatemala se souvient de Tecún Umán, tué en bataille, dans la dernier bataille pour le Guatemala : la bataille de Quezaltenango. Après la morte de Tecún Umán, Alvarado fut prêt à annexer ces vastes terres à la couronne espagnole.
A partir de cette nouvelle conquête, Alvarado était en position de soumettre le cacique Atlacatl. En Juin de 1524, les premiers villages pipiles commencent à tomber, et des milliers d’indigènes furent égorgés. Pendant l’avance des troupes, Alvarado reçoit une invitation d’Atlacatl, cacique de Cuscatlan pour entrer à Coxcatlan sans bataille. Alvarado et les espagnols furent reçus avec beaucoup de soumission. Ils furent alimentés avec les meilleures viandes et logés dans les meilleures maisons. Mais Alvarado, lui, voulait de l’or, et quand il demanda à Atlacatl d’aller le chercher, il ne reçoit que du cuivre, parce que de l’or il n’y en a jamais eu au Salvador. Fâché, Alvarado décide de partir et demande à chacun de ses soldats de se servir de tous les « indiens » qu’ils veulent, ils les ont pris alors, en esclaves. En retournant dans son avant-poste au Guatemala, Alvarado avait subi plusieurs attaques des guerriers qui avaient échappés aux premières recherches, « les premières attaques de guérilla dans la longue histoire de résistance du Salvador !!! ».
Alvarado a eu besoin d’autres campagnes meurtrières pour en finir avec la résistance des pipiles, mais finalement, le Cuscatlan fut vaincu le 6 Août de 1526 et fut annexé au « Virreynato de Guatemala », dont Alvarado fut le premier « Virrey ».
Pendant les siècles qui suivirent, l’impérialisme espagnol contrôlait une région qui commençait dans l’actuel Missouri jusqu’à la Terre du Feu. L’administration de cet empire fut une catastrophe. L’Espagne, ultraconservatrice et ultra catholique stagnait. L’ambition des différents pouvoirs à l’intérieur de l’empire l’affaiblissait et les guerres constantes contre les autres empires colonialistes lui faisaient perdre beaucoup de son butin. Mais aussi, pour les terres soumises, l’ambition espagnole se traduisait en esclavage, en meurtre des populations locales dans les mines et dans les champs. Des millions d’indigènes furent ainsi victimes de l’ambition de l’homme blanc venu de l’autre côté de l’océan. Et comme la main d’œuvre devenait rare et pas assez productive, les espagnols, anglais, français, portugais et hollandais ont commencé avec une autre triste fait du colonialisme : le commerce des esclaves de l’Afrique.
Les peuples mayas, malgré les massacres, n’ont pas été complètement écrasés de la carte (d’autres peuples n’ont pas eu la même chance comme par exemple les Caraïbes) mais ils ont dû payer le prix très haut de renoncer à leur culture et à leur religion. L’impérialisme espagnol imposa par la force la conversion au christianisme des peuples mayas, ceux qui ont accepté ont pu survivre, mais la culture maya a eu de la peine à rester dans les mémoires historiques des peuples, l’élimination des élites, des écrivains, des scientifiques, des stèles, des livres orales, de l’arrivée des esclaves africains, de la migration massive espagnole et européenne, tous ces événements ont dilué la culture maya. Heureusement, dans l’heure actuel, on garde quelque trésors de ce passé, 45% de la population du Guatemala est maya. Mais la misère et l’exploitation de ces communautés sont encore très actuelles, et on y trouve l’origine des mouvements sociaux et militaires qui ont secoué nos pays au long de son histoire.
Dans les premières années du XIXème siècle, la « Capitanía » du Guatemala était composé par le Chiapas et pratiquement toute l’Amérique centrale, un territoire de 634 000 Km2. L’abolition de l’esclavage est arrivé dans l’année 1823 mais pendant 300 ans l’esclavage fut la principale façon d’exploitation humaine. Après, l’exploitation prendrait de nouveaux visages plus « contemporains ». Les classes sociales étaient divisées par le type de mixage sanguin des gens, ou l’origine de la personne. Ainsi, en 1800, les seigneurs de la terre, tous sans exception furent les espagnols, mais entre eux, quelques différences commençaient à se faire sentir, par exemple, l’espagnol né en Espagne, l’espagnol né en Amérique, les espagnols mixés avec les indigènes, avec des africains ou même avec des chinois. L’agriculture était la base économique de la région, mais le commerce international n’était pas possible, le seul acheteur était l’Espagne. La propriété indigène de la terre fut interdite, et une nouvelle type de possession de la terre est née : « la Hacienda » (des grosses exploitations agricoles dont le propriétaire était une seule famille d’origine espagnole), la classe dominante fut alors les « Hacendados », les autres classes étaient bien sûr les employés (espagnols nés en Amérique ou mixés), et au plus bas de l’échelle sociale, les esclaves (appelés « paysans » après l’abolition de l’esclavage).
En 1808 Napoléon avait battu le roi espagnol Fernando VII, et imposa son frère à la tête de la couronne espagnole. Une guerre indépendantiste éclate en Espagne qui la laisse très affaiblie, et oublia (de contrôler) ses colonies américaines et les ambitions des espagnols nés en Amérique, les « criollos ». Ainsi en 1811 les criollos des possessions espagnoles lancent le « premier cri d’indépendance », le but : faire tomber l’asphyxiante domination de la couronne espagnole sur tous les affaires économiques des riches criollos. Les familles les plus aisées sont celles qui ont lancé ces « cris » d’indépendance, mais elles avaient besoin de la « masse », du peuple, alors elles ont promis une « révolution » sociale, une meilleure administration de la richesse de la terre, et surtout…oui, l’abolition de l’esclavage. Le deuxième « cri » fut lancé en 1814. Finalement, le 24 Février de 1821 le Mexique déclare son indépendance, et le 15 Septembre de la même année, à Guatemala, l’émancipation de l’Amérique centrale fut proclamée. Après cet événement une série de guerres entre « criollos » éclatent, par exemple, le Mexique, devenu empire, lança une guerre d’annexion. Au Guatemala et à la ville de San Salvador, deux groupes se sont formés, un contre l’annexion, et l’autre en sa faveur. Les forces impériales d’Iturbide ont attaqué la province du Salvador et ont vaincu. Pendant 40 jours, le Salvador fit partie du Mexique ! Jusqu’à la chute de l’empire d’Iturbide (espagnol insulaire, autoproclamé empereur du Mexique après l’indépendance). En Juillet de 1823 l’indépendance totale des provinces de l’Espagne et du Mexique fut proclamée et le 22 Novembre fut crée la fédération des 5 provinces de l’Amérique centrale : le Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua et le Costa Rica.
Mais comme les intérêts économiques de ces familles neo-féodalistes étaient plus forts, cette union fédérale n’a pas pu durer longtemps. Divers groupes politiques se sont formés et ils ont commencés à s’entretuer. Pour les indigènes, pour les classes « pauvres » la situation n’avait guère changé. Seulement, maintenant, les mines et les Haciendas n’appartenaient pas à la couronne espagnole mais aux criollos ou aux péninsulaires, l’esclavage n’existait plus mais ils n’avaient pas droit à la terre, à leur terre. Ils étaient obligés de travailler dans les Haciendas pour trois fois rien. Ils étaient, en plus, obligés de dépenser leur salaire dans les petits magasins (très chers) de la Hacienda, comme ça, l’argent retournait à l’employeur. Les patrons insistaient surtout pour l’achat de l’alcool, ça rendait les paysans « abrutis » et dépensaient tout leur argent à boire.
Au long des années 1820 une série de guerres a continué à faire ravage, une pour maintenir la fédération, d’autres pour la détruire. Mais ces guerres n’étaient pas entachées du sang des criollos, mais toujours de celui des indigènes et des mixés. Ces guerres ont coûté aussi de l’argent. En 1832 la situation était si précaire pour les paysans, qu’un indigène pipil de la tribu des nonualcos s’est rebellé, Anastacio Aquino, le premier révolté de l’histoire « indépendante » du Salvador, organisa entre 2000 et 5000 indigènes et ils prirent par la force la ville de San Vicente et se proclama « Comandant des armées libératrices du peuple nonualco » en interdisant les impôts, l’alcool et le recrutement obligatoire. La réponse de l’oligarchie ne se fit pas faire attendre, mais la révolte a quand même duré 7 mois de batailles. Finalement, en Février de 1833, Aquino fut fusillé et des milliers de ses compagnons poursuivis et massacrés.
En 1841, le Salvador restait seul dans la fédération, et proclama son indépendance absolue cette année.
Après 1841, l’histoire politique du Salvador est une chaîne de coups d’état entre les familles de l’oligarchie. Le fait économique le plus important de cette époque fut l’introduction dans le pays de la culture du café. Il faut dire que cette culture a enrichi énormément les familles oligarques latifundistes de l’époque, et pendant les premiers années du XXème siècle, ce trésor « rare » attirait une nouvelle vague de migrants : allemands, suisses, juifs, états-uniens, français, etc. Les criollos locaux ont signé un « traité secret » avec ces nouveaux arrivants, puisque, eux, ils apportaient de l’argent pour investir. C’est de cette manière que « l’élite autocrate » qu’on connaît de nos jours est née. Une combinaison dangereuse des différentes ambitions personnelles et familiales.
L’autre fait marquant de l’époque, 1850-1900, fut l’apparition d’un nouveau pouvoir géopolitique. Les Etats-Unis d’Amérique avaient lancé leur plan d’expansion, ainsi, d’énormes territoires avaient été volés au Mexique indépendant, le Nuevo Mexico, la Californie, le Texas, l’Arizona et le Colorado furent perdus par les mexicains, et en 1898 les états-uniens ont fait exploser volontairement le croiseur « Maine » dans la baie de La Havane pour tourner l’opinion publique à faveur d’une guerre éminente contre l’empire espagnol moribond. Cuba, le Puerto Rico, les Philipines et les Iles Mariannes ont pensé à faire partie du nouveau pouvoir mondial. Le président Monroe, déclara « l’Amérique (le continent bien sûr) pour les américains (les états-uniens bien sûr) », et la politique du « grand gourdin » fut inaugurée. De 1900 à 1933 pas moins de 40 interventions armées sont enregistrées dans les Amériques. La plus connue, peut-être, celle de la Colombie qui permettra aux états-uniens de créer un nouveau pays, le Panama, pour y construire le fameux Canal.
Aussi, les années 1800 furent témoins d’une nouvelle théorie économique et politique. La critique ciblée du capitalisme par le philosophe allemand Karl Marx apportait des nouveaux espoirs pour l’émancipation de l’Homme. L’idée du changement révolutionnaire de la société par la prise du pouvoir des ouvriers et paysans trouvait un énorme écho dans les milieux intellectuels des nouveaux pays latino-américains. La révolution bolchevique de 1917 fut absolument une inspiration pour lutter contre les inégalités des criollos et hacendados, parce que, la Russie, à ce moment là était un pays agraire, profondément injuste, presque avec les mêmes caractéristiques féodalistes des pays de l’Amérique centrale.
Au Salvador, dans les années 1913-1927, la famille oligarque des Meléndez gouvernait comme une dynastie. Avec les états-uniens elle avait commencé à exploiter l’industrie de l’électricité. Propriétaires d’énormes extensions de terres cultivées avec du café, elle avait construit un énorme mini empire local. En 1922, la première manifestation féminine du pays avait été massacrée par l’armée, la répression populaire a marqué ces années. Cette situation, devenue insoutenable pour les autres familles oligarques, qui commençaient à avoir des problèmes avec ses propres travailleurs, ont demandé la fin de la dynastie. Les Meléndez ont accepté de quitter le pouvoir politique mais ils ont laissé un de leurs collaborateurs dans le pouvoir, le docteur Pío Romero Bosque, attaché au ministère de la guerre. Bizarrement, pendant les années qu’il gouverna (1927-1931) la liberté de presse (… ?) a connu un vrai boom. Le parti communiste du Salvador est fondé en 1929 par Miguel Marmol et Farabundo Marti. L’oligarchie n’étaient pas à l’aise avec cette nouvelle situation et décida d’en finir avec Romero Bosque avec un coup d’Etat raté en 1927. Cette même année le prix du café chute, et la pire récession capitaliste commence à se faire sentir. Le pays devient très pauvre (ça veut dire que les oligarques gagnaient moins qu’avant, et pourtant les salaires des paysans ont chuté en même temps que le chômage dans les haciendas explosait). Romero Bosque appelle aux élections en 1931, élections qui sont remportées par un riche oligarque éduqué en Angleterre, Arturo Araujo, qui a reçu l’Etat avec un énorme déficit publique dû à la crise du café. Il demanda un prêt aux familles riches pour le payer, mais comme réponse il fut victime d’un coup d’Etat la même année de son élection. Une « junta militaire » prend alors le pouvoir quelques mois pour le laisser après en mains du Général Maximiliano Hernandez Martinez, qui de cette façon inaugurait la dictature « Martinez » qui dura jusqu’en 1944, et les racines de la relation stratégique entre l’oligarchie et les militaires, qui deviendrait une plaie encore pire pour les peuples, pas seulement au Salvador mais dans toute l’Amérique latine.
Le « dictateur » a dû faire face à la terrible situation des paysans. Eux, presque morts de faim, sont organisés par les organisations populaires issues de l’infatigable travail du Parti Communiste avec l’aide du « Secours Rouge International ». En 1932, Farabundo Marti et les autres cadres communistes décident lancer l’assaut contre le système répressif de Martinez. Le mouvement est né faible logistiquement, les limites de la communication entre régions et les services secrets de la dictature permettent de connaître le plan avant sa réalisation. Le mois de Janvier des milliers des paysans pauvres se lancent contre les haciendas et les hacendados, coupent les routes et attaquent les corps policiers, plutôt dans la partie ouest du pays, là où 100 ans avant, Anastacio Aquino s’était révolté, là où les nonualcos étaient forts. Martinez avait tout prévu. Si jamais, les états-uniens avaient envoyés quelques bateaux de guerre aux côtes salvadoriens, en cas « de besoin », mais Martinez n’a pas eu besoins des « marines ». Les paysans, sans guide ni leader, se sont fait massacrer. 1932 occupe dans la mémoire historique des salvadoriens, une page noire. Les historiens racontent des scènes d’horreur. Les témoignages ne dénoncent pas moins de 25 000 paysans assassinés. Une autre « nettoyage ethnique » souffert par les peuples indigènes et la classe « pauvre ». Farabundo Marti et la plupart des cadres communistes furent arrêtés et fusillés le 1er Février. La dictature « Martinez » continua à gouverner avec un bras de fer avec la complicité de l’oligarchie et les Etats-Unis jusqu’en 1944.
En 1944, un gros mouvement populaire poussé par « la grève générale » a fait tomber le régime. Mais une nouvelle série de coups d’Etat, des brèves périodes de vraie démocratie et des élections truquées ont succédé cette dictature. Les militaires s’organisent et fondent divers partis politiques parmi lesquels accèdent au pouvoir. C’est la dictature militaire « teinte » de démocratie. En 1972 une énorme coalition de gauche se forme sous le nom de « Union National d’opposition, UNO », intégré les démocrates-chrétiennes, la social-démocratie et les communistes (le Parti Communiste avait été déclaré illégal depuis 1932, mais il participait sous le nom de « Union démocrate nationaliste »).
En Février, le dimanche 20, jour des élections, la pire farce électorale de notre histoire arrache une nette victoire à la gauche, à l’UNO. Son candidat, le démocrate-chrétien Napoleon Duarte s’est fait faire prisonnier, battu (il a presque perdu un œil), et exilé vers le Venezuela. Le début de la préparation de la révolution pouvait alors être lancé. Diverses organisations populaires politico-militaires étaient nées dans les années 50 et 60, elles travaillaient en silence, en complet anonymat, cachées. Composés par des ouvrières, étudiants et syndicalistes, l’organisation populaire attendait le mûrissement des conditions révolutionnaires du pays. Le travail politique dans la campagne était assez développé, mais il y avait trop de peur, des années de dictature militaire et le souvenir du massacre de 1932 empêchait les esprits de se libérer, surtout ceux des paysans analphabètes pour qui la vie n’était qu’un effort pour survivre jour après jour. La fraude de 1972 avait comme signal, le mûrissement des conditions sociales. Dans la voisine Nicaragua aussi, la révolution se préparait, les révolutionnaires du Nicaragua connaissaient de meilleures conditions, la lutte directe contre une dictature, celle des Somoza. Le Che avait théorisé que la lutte populaire contre un ennemi de classe bien défini comme un dictateur était une condition indispensable pour se lancer dans la révolution. Au Salvador il n’y avait pas un dictateur mais une dictature militaire qui se renouvelait chaque 5 ans à travers des élections truquées. Les révolutionnaires salvadoriens ont dû développer leur propre théorie révolutionnaire, et ils ont montré que la lutte populaire n’avait pas besoin d’un dictateur.
Les protestations populaires augmentaient, la pression sociale était insoutenable. Les années 1972-1977 furent d’une violence et répression atroces. En 1975 une manifestation des étudiants de l’université Nationale fut réprimée, sur un pont de la ville capitale, les manifestants se sont fait piéger par des blindés de l’armée par les deux cotés du pont, des centaines ont péri sous l’armature des chars de guerre, et d’autres en sautant du pont, ils se sont cassés les jambes, la tête, ceux qui, en vie, ne pouvaient pas bouger à cause de leurs blessures se sont fait assassiner par les soldats. C’était le 30 Juillet, qui, à partir de cette année là, est devenu le « jour des étudiants » en mémoire de nos camarades tombés par la rage des militaires et ses chefs, les oligarques. Cette même année, 1975, le Salvador fut l’organisateur de « Miss Universe », pays dont la publicité touristique l’appelait : « le pays du sourire éternel ».
En 1977 des nouvelles élections s’organisaient. Le président sortant, le général Molina avait déjà signalé avec son doigt son successeur, le général Carlos Romero. La société civile avait décidé de se donner une dernière chance à une solution pacifique du conflit social. La température montait à la campagne et dans les syndicats urbains, des premières attaques armées s’étaient déjà produites, le pays était une bombe à retardement prête à exploser. L’oligarchie, dans son arrogance infinie, ne voulait rien savoir, pour elle, l’armée pouvait continuer à diriger le pays sous ses bottes. Une nouvelle UNO s’est organisée pour se battre dans ces élections à hauts risques. Cette fois, un militaire est choisi comme candidat de l’UNO pour essayer d’attirer une partie de l’armée aux côtés de la gauche. Le 28 février, de nouveau, une énorme fraude arrache la victoire à la gauche politique. Cette nuit, le candidat de l’UNO essaie de se révolter en attendant que ses compagnons d’armes le soutiennent, il prend par assaut la place centrale de San Salvador avec quelques milliers des sympathisants. Pas de réponse. Le peuple est de nouveau massacré, le candidat s’est réfugié dans l’église en face de la place, mais les militaires cassent toutes les vitres et lancent des bombes lacrymogènes à l’intérieur du temple. La révolte est finie, le candidat exilé au Costa Rica, et le peuple complètement décidé cette fois-ci à ne plus se laisser faire. Si les années 1972-77 furent dures à cause de la répression, les années 1977-1979 furent encore pires. Les corps des syndicalistes assassinés étaient jetés dans les rues des villes, la plupart d’entre eux, sans têtes, sans bras ou avec des signes de torture atroces. Les enfants de l’époque devaient marcher entre les corps mutilés pour aller aux écoles ou pour revenir chez eux. Un prêtre converti (de l’école traditionnelle catholique romaine aux enseignements de la « théologie de la libération »), Monseigneur Oscar Arnulfo Romero avait été nommé chef de l’église catholique salvadorienne par le Pope. Lui, sensible à la réalité des paysans et des pauvres, il s’est proclamé comme « la voix des sans voix » et ses sermons des dimanches sont devenus la seul critique sociale contre le gouvernement.
En 1979 il y a deux événements majeurs, un régional et l’autre local. Depuis les derniers mois de l’année 1978, les sandinistes au Nicaragua avaient lancé leur offensive finale contre la dictature des Somoza. Lui, Somoza avait lancé tout son pouvoir destructeur contre les guérilleros, sa force aérienne bombardait les villages et villes, c’était la guerre totale. Mais dans le premiers mois de 1979, les troupes somozistes ont réalisé deux erreurs mortelles pour eux, le premier, ils ont tué (devant des caméras cachés) un journaliste états-unien, et le deuxième erreur grave, ils ont tué le journaliste local Pedro Joaquin Chamorro qui était très respecté dans le monde.
Suite à la mort du journaliste américain, le président des Etats-Unis, Carter a gelé toute l’aide militaire au régime, et la mort de Chamorro avait suscité une énorme colère populaire, telle que beaucoup des gens qui restaient calme devant la situation de guerre ont décidé de se révolter contre le dictateur. Les conséquences des ces deux erreurs ont aidé les révolutionnaires du Nicaragua à faire tomber le régime. Le 19 Juillet de 1979, les sandinistes (FSLN : front sandiniste de libération nationale) et les autres groupes qui combattaient Somoza sont entrés dans la place principal (nommé peu après, Place de la Révolution), et ils ont déclaré la naissance d’une nouvelle époque pour le peuple du Nicaragua sans la dictature de la famille Somoza…mais, là, encore, l’histoire est plus longue et ce n’est pas le but de cet écrit de raconter l’histoire des sandinistes ! Cependant, la révolution du Salvador a des liens très étroits avec le FSLN est c’est impossible de connaître la situation de l’époque dans la région en ignorant ces événements indispensables.
L’événement local important fut le coup d’Etat contre le général Romero. Quelques officiers de l’armée se sont révoltés contre son chef pour arrêter ce qu’ils appelaient « la répression incontrôlable ». Et le 15 Octobre de 1979, le Salvador se réveille avec un nouveau gouvernement. Une « junta » composé par deux militaires et trois civils sociales-démocrates s’est formé, la dite « Junta révolutionnaire ». En réalité, et malgré la bonne volonté de quelques jeunes officiers, le but du coup d’Etat fut d’essayer de rétablir l’ordre social, de retarder l’explosion de la bombe révolutionnaire, mais surtout, l’oligarchie avait peur des sandinistes au Nicaragua, elle avait peur de subir la même situation qui avait fait tomber Somoza. De cette manière l’oligarchie essayait de donner un visage démocratique à des siècles d’exploitation, de misère, d’abus, et d’injustices. Cette « junta » avait essayé de lancer quelques réformes sociales, les sociales-démocrates avaient une vision très européenne des réformes à appliquer, mais de toute façon, l’oligarchie était toujours derrière le pouvoir et elle ne se laisserait pas arracher ses possessions. Le pouvoir impossible, les civils renoncent à la « junta » et les Etats-Unis imposent des démocrates-chrétiens ensemble avec les militaires.
Eux aussi, les Etats-Unis se souciaient des événements du Nicaragua, ils avaient peur de voir leur pire cauchemar devenir réel : le communisme qui touchait ses frontières Sud avec le Mexique. Avec Cuba très proche, le Nicaragua avec les sandinistes qui se rapprochaient toujours plus du bloc des pays de l’est, avec le Salvador en flammes, avec le Guatemala en flammes, et avec le Mexique qui pourrait les suivre. Les Etats-Unis se sont investis à fond dans le problème de l’Amérique centrale. Quelques années plus tard ils ont organisé la contre-révolution contre les sandinistes, et au Salvador, ils ont soutenu un certain laisser faire des groupes paramilitaires anti-communistes pour continuer avec la répression contre les forces populaires, en plus ils ont contribué avec un million de dollars journalière en équipement militaire pour l’armée. Les Etats-Unis ont envoyé ses forces spéciales à entraîner les troupes du Salvador, et les élites militaires étaient envoyées à suivre des courses à l’Ecole des Amériques, à Panama, une école militaire réputée à cause de la cruauté de tous ses disciples quand ils retournaient chez eux (l’école des dictateurs militaires latino-américains). Bien sûr que l’élection en 1980 du président Reagan, l’extrême droite américain, avait tourné la situation encore plus difficile pour les mouvements populaires dans l’Amérique centrale. Reagan, il avait juré finir avec le socialisme en Amérique et dans le monde et lui, il s’est pris de tous les moyens pour y parvenir.
En même temps que les américains aidaient à fond militairement, sur le plan politique ils essayaient de lancer les quelques réformes sociales qu’ils pensaient nécessaires afin de diminuer la chaleur révolutionnaire du peuple. La première étape fut d’imposer Napoleon Duarte dans la « junta » (vous souvenez-vous ? le candidat de l’UNO qui en 1972 avait été exilé au Venezuela après s’être fait tabasser par les militaires ?). Ils décident de réaliser des élections en 1984.
Le Salvador ne se calme pas, tout au contraire, les attaques militaires contre les positions de la police et de l’armée annoncent déjà que la guerre est imminente. Malgré les changements démocratiques offerts par l’oligarchie, les démocrates-chrétiens et les Etats-Unis, la répression paramilitaire et policière font de nouvelles victimes parmi les syndicalistes, les étudiants et les paysans pratiquement tous les jours. La société est pratiquement polarisée en deux groupes, impossible de ne pas prendre une position politique.
Quelques jours avant le 24 Mars de 1980, Monseigneur Romero, dans son sermon dominical avait demandé aux soldats « au nom de Dieu, d’arrêter la répression ». Le chef des paramilitaires menace à mort publiquement Monseigneur. Le 24 Mars de 1980, Monseigneur Romero « la voix des sans voix » est assassiné dans une petite chapelle avec un seul tir de sniper calibre 22 explosive qui est entré dans son cœur. Le peuple, les pauvres, ceux, qui étaient chrétiens depuis 500 ans quand les espagnols les avaient imposé sa religion, ces chrétiens qui regardaient Monseigneur Romero comme un vrai envoyé de Dieu, ceux qui n’avaient pas de voix pour réclamer de la justice humaine, eux, ils sont restés orphelins ce jour-là. Depuis, Monseigneur Romero est devenu l’objet d’un culte dans l’Amérique indigène, aimé par des milliers, c’est comme notre « Saint », le saint des pauvres et des sans espoir. Notre martyr.
Une semaine plus tard, Monseigneur fut enterré. Le peuple s’est réuni devant la Cathédrale de San Salvador pour lui rendre le dernier hommage. Des milliers de personnes, des enfants, des grands-mères et grands-pères, des personnes de tous les ages mais pas de riches, pas un seul riche n’était pas présent, ils savaient ce qui viendrait un peu plus tard. Les organisations populaires avaient organisé une manifestation monstre, à ce moment là il existait un front commun de syndicalistes, ouvriers et paysans qui s’appelait « Coordination nationale des masses », pas moins de 200 000 personnes défilaient direction la Cathédrale pour s’unir avec les gens déjà présents à la place.
Au moment que la manifestation entrait par un des côtés de la place, des tirs et des bombes se sont laissés entendre, les premiers corps sans vie sont tombés sur les rues, la panique est totale, la débandade fut mortelle pour beaucoup de vieux et d’enfants.
Quelques membres de la manifestation qui étaient armés ont commencé à tirer en l’air, les journalistes de l’Etat les ont filmé et ils ont envoyé ces images autour du monde. Le gouvernement voulait faire croire que les gauchistes avaient tiré sur la foule. Mais ces personnes essayaient seulement de se protéger et de protéger le gens qui fuyaient. Heureusement, dans la tragédie de ce jour là (des centaines des morts), un journaliste a pu filmer des soldats et des policiers sur les toits de tous les bâtiments autour la place qui tiraient sur le gens et lançaient des petits bombes, ces images ont dû sortir cachées du pays. De nouveau, la mentalité assassine et sans pitié des milieux oligarques donnaient un bon exemple de leur capacité de cruauté.
A la fin de la guerre en 1992, l’armée ou les groupes paramilitaires avaient assassiné des dizaines d’hommes et femmes de l’église, parmi eux, 4 religieuses américaines de l’ordre Maryknoll qui aidaient les enfants orphelins, et 4 prêtres jésuites dont Fernando Ellacuría, un philosophe espagnol fondateur, entre autres, de la « théologie de la libération ».
Le 10 Octobre de 1980, les organisations populaires décident d’abandonner la lutte pacifique et elles fondent le FMLN (front farabundo marti pour la libération nationale) : la RN (résistance nationale), les FPL (front populaire de libération), le ERP (armée révolutionnaire du peuple), le PRTC (le parti révolutionnaire des travailleurs centroaméricains) et le PCS (parti communiste du Salvador), étaient les expressions militaires des organisations de base. Ces 5 organisations se partagent militairement les régions du pays, mais politiquement ils restent comme un seul front uni. Au long de la guerre (1981-1992) quelques différences idéologiques vont apparaître parmi elles. La défaite aux élections des sandinistes en 1990 et la tombée du mur de Berlin furent des coups durs pour les idéologues révolutionnaires qui peu à peu devenaient des apologistes des idées sociales-démocrates et même libérales, en tournant le dos aux idées marxistes et léninistes.
Le 10 Janvier de 1981, la guérilla, formellement organisé dans le FMLN lance l’ « offensive finale » qui marque le début « officiel » de la guerre de libération du peuple salvadorien. La guérilla montre sa capacité militaire et prend quelques villes importantes du pays, mais la réalité est que, l’offensive est un échec. Le FMLN s’attendait à une mobilisation totale de la population pour donner un assaut puissant et court au pouvoir, pour y arriver, ils avaient l’information, évidemment pas réelle, que les troupes des casernes militaires s’uniraient aux troupes des guérillas, puisque ces mêmes soldats n’étaient que des paysans obligés à faire l’armée et à combattre contre ses mêmes frères de classe. Premier coupe dur aux théoriciens révolutionnaires, qui ont dû changer, au cours des mois suivants, leurs stratégies de guerre.
Face à la difficulté d’une victoire courte, l’idée vietnamienne de « guerre populaire prolongée » fut adoptée comme méthode militaire. Dans un premier temps, dans les années 1981-1984, le FMLN va se mêler avec les populations paysannes à la campagne. L’idée politique révolutionnaire était que « la guérilla est l’armée du peuple et elle doit rester toujours avec son peuple ». Les attentats contre l’infrastructure économique du pays comme la destruction des lignes électriques, téléphoniques, des ponts, des routes, etc., fit parti de ce principe de guerre prolongée, aussi comme les attaques des petites unités militaires contre les positions de l’armée. Mais l’armée avait l’avantage du ciel, des avions, des hélicoptères et des satellites espions américains.
Dans cette première étape de la guerre l’armée massacrait les villages paysans sans remords. Noms des fleuves, régions ou villages deviendraient tristement célèbres : « El Mozote », « El Zumpul », « caserío Barrios », etc, parce que dans ces endroits l’armée avait massacré des centaines, voir des milliers de femmes, enfants et de vieux sans armes, sous la suspicion d’aider les guérilleros. La communauté internationale restait muette face à ces atrocités, et les Etats-Unis donnaient encore plus d’argent pour la guerre. La force du FMLN fut pratiquement anéantie pendant ces années. Les populations avaient peur. Alors, presque au bord de la défaite, le FMLN change de stratégie militaire et décide de se séparer des civils, et commence la restructuration de l’armée du peuple qui deviendra « l’armée révolutionnaire », ses tactiques ont changé. Ils deviennent des spécialistes en démolition, des stratèges militaires redoutables qui enchaînent une série impressionnante de victoires militaires. Aussi, la préparation de la guerre urbaine est prête. Beaucoup plus d’attaques dans les villes obligent l’armée à les protéger. En 1987, pratiquement toute la partie nord du pays était une zone libérée. L’oligarchie avait peur dans les grandes villes et avaient laissé tomber la campagne, de toute façon, avec la réforme agraire imposée par les Etats-Unis, beaucoup des anciens hacendados avaient perdu leurs énormes exploitations. Le capital avait été investi dans les grandes villes, un boom de la restauration, d’hôtels et de banalités pour la consommation ont fait leur apparition comme des champignons.
En 1984, les premières élections « libres » s’annoncent. Deux candidats : pour l’extrême droite le chef des paramilitaires et fondateur du parti de l’oligarchie, arena (alliance républicaine nationaliste) Roberto D’aubuisson (l’homme qui avait menacé de mort Monseigneur Romero, l’homme qui était responsable de milliers d’assassinats). Et pour les américains, le démocrate-chrétien Napoleon Duarte. Le FMLN boycotte ces élections mais quand même un bon nombre de personnes votent, pas à faveur de Duarte mais contre l’assassin de Monseigneur. Ainsi, le projet des Etats-Unis peut maintenant bien s’installer avec son allié le plus docile et servile, M. Duarte, qui, pour la honte de notre pays, est le seul président du monde a avoir jamais embrassé le drapeau américain lors d’une visite à la maison blanche et cela pas hors protocole mais devant tous les caméras !
La situation politique du pays dans les années 1984-1989 sous la présidence de Duarte est une confrontation totale contre les milieux oligarques qui sont ses ennemis jurés du fait des réformes sociales. L’oligarchie, devenue contre son gré, de la bourgeoisie industrielle et des commerçants, sont pratiquement les seuls à contrôler la productivité et le commerce du pays, et pourtant les seuls employeurs du pays (sauf pour la machine de l’état). En 1986, les riches lancent une grève patronale qui paralyse le pays. La T.V., les journaux, les magasins, les industries, tout a fermé. Duarte est pris dans une situation très difficile entre une guerre de guérilla et une opposition oligarchique et bourgeoise. Pour s’en sortir, il lance un appel à la paix, et les premières discussions informelles pour signer la paix s’établissent entre le gouvernement et le FMLN. Pour le FMLN c’est le signal de l’affaiblissement de l’ennemi, et ils vont aux conversations avec des sacs pleins des conditions. Les Etats-Unis s’opposent et la situation stagne. En 1989 de nouvelles élections : les deux mêmes partis, l’oligarchie d’arena avec un candidat très riche, le fils d’immigrés suisses : Cristiani, propriétaire de laboratoires et producteur de médicaments, et pour les démocrates-chrétiens, un petit homme sans charisme, Chavez Mena. Mais cette fois la situation est différente, Cristiani est beaucoup plus diplomatique que son prédécesseur. Les relations entre les Etats-Unis et les riches du pays se sont nettement améliorées. Pour les américains, le futur président du pays ne posait pas problème, ni l’un ni l’autre. Le peuple, après presque 10 ans de guerre, avait appris, avec la grève patronale de 1986, qui avait le vrai pouvoir dans le pays, ils se sont rendus compte aussi que s’ils ne travaillent pas, ils ne mangent pas, et après la menace des riches de partir du pays et de fermer tous les industries, les gens ont dû faire un choix. Ainsi, les élections de 1989 sont gagnées par les oligarques d’arena et Cristiani devient président. De cette manière, les riches récupèrent le pouvoir politique qu’ils avait donné en prêt aux militaires depuis 1931, et perdu complètement en 1984.
Pour le FMLN, les élections de 1989 portent un autre signal : l’étape finale de la polarisation de la société salvadorienne. En éliminant les démocrates-chrétiens du « centre » politique, les drapeaux des réformes sociales avec lesquelles les Etats-Unis avaient essayés d’arrêter la révolution tombaient eux aussi. Le FMLN savait que la première chose qu’arena voulait faire c’était de revenir en arrière avec les nationalisations et la réforme agraire. La situation militaire stagnait, et le monde changeait vite. Les sandinistes au Nicaragua, affaiblis à cause de la guerre impérialiste, avaient accepté de participer aux élections démocratiques. Les pays de l’est montraient déjà des signes de fatigue. Alors le FMLN a joué sa dernière cartouche. En Novembre 1989 le FMLN lance la plus grande offensive de la guerre. Pendant des semaines les guérilleros du FMLN se trouvent dans le cœur de la capitale San Salvador, toutes les autres grandes villes étaient sous le feu. Mais une nouvelle fois, le peuple n’a pas répondu à l’appel révolutionnaire. Il faut dire que les grandes villes se sont agrandies démographiquement dû à la migration massive interne. Les paysans quittaient la campagne pour fuir la guerre et les massacres de l’armée. Dans les villes, la guerre semblait lointaine, les gens pensaient qu’elle n’avait rien à voir avec eux, la plupart de ces immigrés seulement voulaient oublier pour recommencer une nouvelle vie. 10 ans de guerre c’est beaucoup aussi. Malgré des attaques militairement impressionnantes et très médiatisées, le FMLN a dû retourner à la campagne, et laisser derrière lui un bon millier de combattants morts. La capacité militaire du FMLN n’était plus un doute, mais de toute façon, de plus en plus de combattants n’étaient pas si sûrs d’une victoire révolutionnaire militaire. Alors le FMLN décida d’aller au fond avec les négociations de paix à travers les Nations Unis.
En Janvier 1990, les sandinistes perdent le pouvoir au Nicaragua. En 1991 la guerre froide est finie. Les Etats-Unis, vainqueurs idéologiques n’ont plus d’intérêt dans les petits conflits de l’Amérique centrale. La sécurité nationale des Etats-Unis n’était plus en jeu dans la région. Alors les conversations pour la paix dans le Salvador peuvent être repris dans des bonnes conditions, un match nul qui a duré 12 ans et plus de 80 000 morts et disparus.
Le 16 Janvier 1992, le FMLN a signé l’accord de paix avec le président Cristiani qui a mis fin au conflit salvadorien. Le 1er Septembre 1992 le FMLN devient un parti politique et participa à toutes les élections depuis ce moment là. Après quelques moments difficiles, (et deux divisions internes du FMLN : le Parti Communiste et le PRTC), dans les dernières élections de Mars 2003, le FMLN est le parti le plus voté et ils ont le plus grand nombre de députés dans l’assemblé législative. La capitale, San Salvador a, depuis 7 ans soit trois élections un maire communiste. Malgré la défaite en 1994 et 1999 dans les élections présidentielles (gagnés par arena), le FMLN est le favori pour gagner celles de 2004. Les milieux oligarques et bourgeois ont repris tout leur pouvoir économique. La réforme agraire impulsée par les Etats-Unis fut un complet désastre, et les paysans ont dû vendre ses terres aux anciens propriétaires pour pouvoir survivre. Le Salvador actuellement est pris dans la spirale néo-libérale et la prise de force des multinationales derrière un pays surpuissant qui menace tous ceux qui ne sont pas avec lui comme des terroristes. L’histoire du Salvador qui est un peu la même histoire des pays pauvres est-elle finie ?...

 

 

 

 

 

En 1948, avec plusieurs intellectuels juifs américains, Einstein signe une lettre au New-York Times qui commence comme suit : « Parmi les phénomènes politiques les plus dérangeants de notre époque figure l’apparition dans le tout récent État d’Israël du « Parti de la Liberté » (Tnuat Haherut), un parti politique très apparenté dans son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et sa recherche de rayonnement social aux partis nazis et fascistes. Il s’est constitué avec le ban et l’arrière-ban de l’ancien Irgun Zvai Leumi, une organisation terroriste, chauvine et d’extrême droite, de Palestine. L’actuelle visite de Menahem Begin, dirigeant de ce parti, aux États-Unis, a manifestement été calculée pour créer l’impression d’un soutien américain à ce parti lors des élections israéliennes à venir et pour cimenter des liens politiques avec les éléments sionistes conservateurs des États-Unis. »

Massacres, bouclage et asphyxie des territoires, chômage à un taux jamais égalé…

Mourad Doubar, 30 mars 2001

La situation des Palestiniens des territoires occupés se dégrade de jour en jour. Le silence de la communauté internationale et l’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir laissent peu de place à l’optimisme et l’espoir.

Déjà en 1987, le peuple palestinien avait proclamé l’Intifada, un soulèvement populaire contre l’injustice de l’occupation et pour la liberté et la dignité. Déjà à cette époque, des civils désarmés avaient été également réprimés par des militaires armés jusqu’aux dents, comme on peut le voir une nouvelle fois aujourd’hui, depuis l’Intifada d’Al Aqsa. Cependant, la répression israélienne est différente de celle employée dans la première Intifada ; hier, c’étaient des balles que l’armée utilisait contre les manifestants palestiniens, aujourd’hui, ce sont des missiles et des chars.

En 1991, lors de la guerre du Golfe, l’application des résolutions de l’ONU avait été invoquée pour justifier l’utilisation de la force contre l’Irak par les Américains ; de ce fait, les Américains se sont sentis quelque peu contraints de chercher des solutions au conflit israélo-palestinien car dans ce cas aussi, des résolutions avaient été votées par l’ONU à l’encontre d’Israël mais, jusqu’à ce jour, jamais respectées par ce dernier. Aucune force internationale n’est jamais intervenue pour en imposer l’application et mettre ainsi un terme à la situation dramatique des Palestiniens, qui dure depuis 52 ans. Les Israéliens ont exigé que le compromis voulu par les Américains ne soit en aucune façon basé sur la résolution 181 des Nations Unies, votée en 1947, qui prévoyait la création d’un État palestinien sur 44% des territoires de la Palestine historique. En 1991, lors de ces premiers pourparlers de paix, Israël occupait alors la totalité de la Palestine et le compromis proposé fut de faire accepter par les Palestiniens l’idée de créer leur État sur les territoires occupés par Israël en 1967, ce qui représente 22% seulement de la Palestine historique.

En 1993, les accords d’Oslo prévoyaient une autonomie palestinienne sur les territoires occupés en 1967, en commençant par Gaza et Jéricho. Ces accords devaient être finalisés, au mois de mai 1999, par le retrait total de l’armée israélienne des territoires palestiniens occupés. Ensuite, avec la fin des accords intérimaires, devaient prendre place les négociations définitives sur le démantèlement de toutes les colonies, le droit au retour des réfugiés, l’établissement d’un État palestinien indépendant et souverain sur toute la Bande de Gaza et la Cisjordanie, en ce compris Jérusalem - Est. Mais jusqu’à ce jour, l’Autorité palestinienne n’exerce la souveraineté totale que sur 18% des territoires occupés, c'est-à-dire 18 % des 22% de la Palestine historique ! En dépit des accords signés par Israël devant le monde entier, la proclamation de l’État palestinien a été repoussée d’abord jusqu’au 13 septembre dernier et, à nouveau, reportée.

Les négociations de Camp-David ont eu lieu au mois de juillet dernier. Avec l’appui des Américains, Israël a, une fois de plus, voulu obliger les Palestiniens à accepter une paix à ses conditions. Ce que les Israéliens veulent, c’est imposer leur version de la paix, c'est-à-dire une paix qui leur permette d’obtenir ce qu’ils n’ont pu acquérir après 52 années de guerre et d’occupation et rendre cette dernière légale. L’État palestinien envisagé par Israël, lors de ces dernières négociations, était amputé de 20% des territoires, composé de trois enclaves et coupé du monde extérieur, donc totalement invivable. Les négociateurs israéliens, dont l’arrogance et le sentiment de supériorité reflètent une mentalité typiquement colonialiste, ont cru qu’ils pourraient sans peine imposer leur conception de la paix israélo-palestinienne et forcer les Palestiniens, à travers leur direction nationale, à renoncer à leurs droits les plus élémentaires, en ce compris le droit au retour des réfugiés expulsés de leurs foyers et contraints à l’exil depuis 52 ans. Cette conception se traduit par la formule « séparation + domination » ou, si l’on préfère, un système d’apartheid. L’échec de Camp - David et surtout l’énorme provocation de Barak sur la question du statut de Jérusalem ont mis fin à sept ans d’espoir des Palestiniens en une paix juste.

La visite du criminel de guerre Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, lieu saint musulman, n’a pu se faire qu’avec l’accord de Barak, dans le but de déclencher l’hostilité du peuple palestinien, ce qui justifierait a posteriori les opérations militaires israéliennes contre les civils palestiniens. L’usage massif de la force, en ce compris des tanks et des hélicoptères de combat, avait été planifié de longue date et tout ce qui a été réalisé sur le terrain était inscrit dans les plans opérationnels de l’armée israélienne.

Depuis plus d’un an, l’état-major avait reçu l’ordre de préparer des plans de riposte au cas où l’OLP déclarerait unilatéralement l’indépendance de l’État de Palestine. Si l’on en croit des journalistes israéliens bien informés, ces divers plans avaient pour objectif de faire payer chèrement aux Palestiniens leur initiative, tout en les obligeant à accepter la paix israélienne. "Le sang devra couler" mentionne explicitement l’un de ces plans et le sang a coulé. L’utilisation massive de tireurs d’élite ne laisse planer aucun doute : l’armée a reçu l’ordre de tirer pour tuer.

Aujourd’hui, la répression israélienne est sanglante contre les civils palestiniens et l’on peut parler de crimes contre l’humanité lorsqu’elle s’exerce ainsi contre un peuple désarmé. L’usage totalement disproportionné d’armes de guerre et d’armement lourd par Israël a causé, depuis environ six mois, la mort de plus de quatre cents cinquante Palestiniens et en a blessé plus de quinze mille autres, dont un tiers resteront handicapés à vie. Ces derniers ont été touchés par des balles dites Dum-Dum, interdites au niveau international, qui explosent dès qu’elles entrent en contact avec le corps. Le prix payé par les Palestiniens est extrêmement lourd et pourtant leur détermination n’a, jusqu’à présent, pas faibli.

Rien qu’en une soirée, l’armée israélienne a tiré une centaine de missiles sur la Bande de Gaza pour venger la mort de deux colons, tués lors d’un attentat palestinien. On pourrait se demander alors combien de missiles les Palestiniens devraient tirer sur Tel-Aviv pour venger leurs nombreux morts. Les Palestiniens, rappelons-le, n’ont ni missiles ni chars, et ce n’est pas une armée palestinienne qui assiège les villes israéliennes. Apparemment, la vie des Juifs vaut cher, elle vaut plus cher que celle des Palestiniens ; l’armée israélienne tue, mais lorsque les Palestiniens, pour se défendre et s’opposer à la violence de l’occupation, causent des pertes en vies humaines parmi les colons, Israël se donne alors le droit de durcir davantage les attaques contre les civils palestiniens. Nous croyons intimement que les morts et les souffrances cesseront le jour où Israël retirera ses troupes des territoires occupés et se résoudra à démanteler les colonies illégalement implantées en Palestine.

La fin politique attendu de Barak est arrivée et l’histoire gardera de lui l’image, non d’un politicien, mais d’un militaire qui, dans une interview à la TV israélienne, a pu déclarer « si le fait de tuer deux mille Palestiniens doit résoudre le problème, nous le ferons » ! 

 

Israël : vers l’occupation totale de la Cisjordanie ?

Israël occupe aujourd’hui pratiquement toutes les villes importantes en Cisjordanie. Après les terres colonisées, les villages encerclées, l’occupation des villes signifie à terme la réoccupation totale d’Israël.

David Pestieau, 24-10-01

Israël passe à l’offensive contre la Palestine. Ramallah, Jénine, Tulkaraym, Bethléem et Hébron sont les principales villes du Nord, de l’Est et du Sud de la Cisjordanie. Seuls Naplouse et Gaza ne sont pas réoccupés à l’heure actuelle. Or, la Cisjordanie a été fortement colonisée surtout ces dernières années pendant le « processus de paix »: aujourd’hui, quasi tous les villages palestiniens sont encerclés par des colonies israéliennes. Avec l’occupation des villes, Israël reprend complètement pied en Cisjordanie.

Selon nos informations, le gouvernement Sharon-Pérès poursuite une stratégie consciente depuis 8 mois pour peu à peu réoccupé la totalité de la Cisjordanie quitte à laisser à l’autorité palestinienne une partie du territoire de la bande de Gaza sous son contrôle. Ce serait le retour à la situation d’avant les accords d’Oslo.

Le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), qui monte en puissance depuis le début de la seconde Intifadah, est le premier visé. 17 de ses militants ont déjà été arrêtés en juillet et son chef assassiné en août. L’aile progressiste du Fatah, représenté par Marwan Bargouti, le chef de sa branche armée, est également visé. Ces forces se préparent depuis plusieurs mois à la résistance contre cette occupation totale.

Un large courant en Palestine est persuadé que la guerre actuelle d’Israël, la guerre en Afghanistan et les menaces qui pèsent sur l’Irak font partie d’une offensive de l’impérialisme américain contre les peuples du Proche et Moyen Orient.

Certains en Palestine, dont le président Arafat, avait cru tirer profit de la guerre contre le terrorisme en Afghanistan pour faire une percée auprès des Américains au sujet d’un Etat palestinien. La réalité aujourd’hui montre tout le contraire, malgré les protestations verbales des Etats-Unis.

 

Les résolutions des Nations Unies sur la Palestine ne servent-elles donc à rien ?

Les Palestiniens exigent que soient appliquées les résolutions des Nations Unies qui ont été ratifiées. Chose apparemment très difficile à mettre en pratique... Voici un aperçu des plus importantes résolutions de l’ONU concernant la Palestine.

Bert De Belder, 05-04-2002

Les Nations Unies ont, depuis la fondation de l’Etat d’Israël en mai 1948, voté des dizaines de résolutions en faveur des Palestiniens. Elles sont toutes restées lettre morte. Israël refuse de les appliquer, et cela en toute impunité. Quelle différence avec des pays comme l’Irak ou la Yougoslavie, qui sont soumis à des sanctions et des bombardements quand ils ne suivent pas les résolutions des Nations Unies immédiatement, complètement et selon l’interprétation des Etats-Unis ?

La résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies, votée le 29 novembre 1947, recommande le partage de la Palestine en un Etat juif, un Etat arabe et une zone qui comprend les Lieux saints, Jérusalem et Bethléem «sous régime international particulier». 14 000 Km2, avec 558 000 Juifs et 405 000 Arabes pour l’Etat juif; 11 500 Km2, avec 804 000 Arabes et 10 000 Juifs pour l’Etat arabe ; 106 000 Arabes et 100 000 Juifs pour la zone internationale. Une union économique, monétaire et douanière devait s’installer entre les deux Etats.

Considérée comme trop injuste, cette résolution a été refusée par les Arabes. Elle est aussi critiquée par les sionistes, qui veulent davantage de terres. La résolution ne sera jamais appliquée. Après cinq mois de guerre judéo-palestinienne, dans laquelle les sionistes arrachent encore des terres aux Palestiniens, les sionistes proclament de manière unilatérale l’Etat d’Israël, le 15 mai 1948. C’est le début de la première guerre israélo-arabe.

Le droit au retour des réfugiés

La résolution 194 est adoptée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle décide, à la suite du départ forcé de centaines de milliers de Palestiniens, chassés par les sionistes: «qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables.»

Après la guerre de six jours en juin 1967, Israël occupe la rive occidentale du Jourdain et la bande de Gaza. Adoptée par le Conseil de sécurité, le 22 novembre 1967, la résolution 242 «exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient», qui passe par «le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant le récent conflit» et le «respect et la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque Etat de la région, et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces et d’actes de force.» La version anglaise est plus ambiguë parlant de retrait «from territories » ce que certains ont traduit par «de territoires», formule plus vague que «des territoires».

Cette résolution, reprise dans toutes les négociations ultérieures, jette les bases de la paix au Proche-Orient: l’évacuation par Israël des territoires occupés et la reconnaissance par les Etats arabes du droit d’Israël à la paix dans des frontières sûres. Une formule de «deux peuples, deux Etats», qui fut acceptée dans le cadre du processus de paix par Yasser Arafat.

Mais des organisations palestiniennes radicales insistent sur le fait que la perspective à long terme demeure: un Etat laïc démocratique sur l’ensemble du territoire historique de Palestine, où tous les peuples et religions – Arabes, Juifs, musulmans et chrétiens - cohabitent sur un pied d’égalité.

Condamnation de la colonisation

Adoptée par le Conseil de sécurité le 22 octobre 1973, durant la guerre du Ramadan (ou Yom Kippour) entre Israël et ses voisins arabes, la résolution 338 réaffirme la validité de la résolution 242 et appelle au cessez-le-feu et à des négociations en vue «d’instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient».

La résolution 3236 de l’Assemblée générale des Nations Unies, du 22 novembre 1974, réaffirme le «droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d’où ils ont été déplacés et déracinés» et demande le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

Le premier mars 1980, le Conseil de sécurité adopte la résolution 465, qui condamne la politique de colonisation d’Israël: «Toutes les mesures prises par Israël pour changer le caractère physique, la composition, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967, Jérusalem y compris, n’ont pas de base légale. La pratique et la politique d’Israël d’établir une partie de sa population et de nouveaux immigrés dans ces territoires constitue une violation flagrante de la Quatrième Convention de Genève, et un obstacle sérieux pour obtenir une paix juste, complète et durable au Moyen-Orient».

Le 7 octobre 2000, alors qu’une nouvelle semaine de l’intifada palestinienne contre l’occupation et la répression israéliennes a débuté, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1322, qui condamne «le recours excessif à la force contre les Palestiniens».

Les Nations Unies ont sur leur site web une page dûment documentée Question of Palestine. Surfez vers : www.un.org/partners/civil society/m-qpales.htm.

 

A propos de l’antisémitisme et du sionisme

Quelle tolérance pour le mouvement pour la Palestine ?

Une vague d’antisémitisme traverserait-elle l’Europe, suite à la guerre en Palestine ? Faut-il ne pas exporter le conflit, « calmer les esprits » et prôner les valeurs de démocratie et de tolérance ? Ou ne s’agit-il pas d’un faux débat pour affaiblir le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien ?

David Pestieau, 15-04-2002

Depuis fin mars, le peuple palestinien résiste à la plus large offensive d’Israël depuis la guerre du Liban de 1982 qui fit 18 000 morts. Une vague de soutien sans précédent à la cause palestinienne a traversé le monde.

En Europe, des cocktails molotovs ont été jetés dans des synagogues d’Anderlecht, d’Anvers et de Marseille. Ces incidents condamnables ont été utilisés par les mouvements sionistes dans toute l’Europe pour développer une campagne en faveur de la guerre menée par Israël, au nom de la lutte contre l’antisémitisme.

A côté de cette imposture ouverte, une autre se cache plus insidieuse. Une imposture qui se présente sous le visage de la laïcité et qui est défendue par les ténors de la social-démocratie européenne. Pour les sociaux-démocrates, au-delà des passions et des discours de haine présentes dans les communautés juive et musulmane des pays occidentaux, il s’agirait de combattre l’exportation du conflit du Proche-Orient en Occident et de calmer les esprits au nom des valeurs occidentales de démocratie, de laïcité et de tolérance.

Ainsi, en France, le Premier ministre, Lionel Jospin affirme rejeter l'«idéologie» et la «tentation» du «communautarisme». Il s'appuie sur l'«idée moderne» de la «laïcité» pour tenir aux communautés juive et musulmane de France un «langage de fermeté, d'unité, de respect et de raison». «Les juifs en France ne sont pas responsables de la politique de Sharon quoi qu'on en pense, et nos concitoyens arabo-musulmans (...) ne sont pas responsables des attentats aveugles menés par des groupes extrémistes», déclare-t-il, avant de condamner «les actes antisémites» perpétrés en France « l’inacceptable n’ayant pas sa place au sein de la République » (Libération, 8 avril 2002)

Faut-il rejeter l'«idéologie» et la «tentation» du «communautarisme» ?

Oui, mais s’il faut s’en prendre au communautarisme (qui vise à diviser les peuples suivant leurs appartenances religieuses ou ethniques), il faut avant tout combattre, partout dans le monde, l’impérialisme qui propage le nationalisme, l’ethnicisme et le racisme pour diviser les travailleurs et les peuples opprimés. Combattre ainsi l’impérialisme français(et belge) qui a créé, soutenu et financé l’ethnicisme des extrémistes hutus au Rwanda à la base du génocide d’un demi-million de Tutsis et hutus modérés en 1994. Combattre les valeurs de cette République française de Mitterand et de Gaulle qui a assassiné de manière inacceptable des millions de Vietnamiens, Cambodgiens, Laotiens, Algériens lors des guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie.

Il faut s’en prendre à Israël, qui est le prototype même de l’état colonial, raciste et communautariste. L’Etat israélien a une constitution raciste, qui accordent des droits ou pas en fonction de l’appartenance religieuse. Israël est un Etat colonial qui a assassiné des dizaines de milliers de Palestiniens, à travers cinq guerres sanglantes et cinquante ans d’occupation. Et qui refusent le droit au retour de quatre millions de réfugiés palestiniens, simplement parce qu’ils ne sont pas de religion juive.

La « laïcité » de Jospin ne sert pas à condamner Israël comme Etat théocratique (Etat dirigé par une religion) mais à masquer la véritable nature de classe de l’Etat israélien.

Car Israël est surtout le porte-avions des intérêts américains et européens dans le monde arabe. Pour garantir la main-mise impérialiste sur les richesses pétrolifères de la région. Pour empêcher le développement de pays indépendants dans le monde arabe, comme l’Egypte de Nasser (dirigeant nationaliste dans les années 50-60) ou l’Irak d’aujourd’hui.

Et les exigences de la destruction de l’Etat d’Israël, comme état raciste et colonial, et la création d’un Etat palestinien réellement indépendant, multinational et laïque, sont les conditions indispensables pour réaliser une réelle unité entre les travailleurs de la région, de quelque origine religieuse qu’il soit.

Aussi quand Jospin parle d’unité et de respect à rétablir, de rejeter la haine et de prôner la tolérance, de quel respect, de quelle haine peut-il s’agir ?

Pour Jospin, dans ce conflit, chacun a ses torts. Les Israéliens sont à condamner pour leurs incursions en territoires palestiniens mais les Palestiniens le sont aussi pour leurs attentats-suicides. L’opprimé et l’oppresseur sont mis sur le même pied. Il s’agit de prôner la réconciliation et la tolérance entre eux.

Ainsi, les Jospin, Di Rupo et consorts prônent la tolérance au sein de l’Internationale socialiste avec Peres et Ben Eliezer, les ministres travaillistes israéliens du gouvernement Sharon. Peres est le ministre qui vend la politique criminelle d’Israël à l’étranger et Ben Eliezer est le ministre de la guerre (de la Défense), directement responsable des massacres de Tsahal. Et cette politique de soutien à l’Etat d’Israël date depuis sa création.

Par contre, Jospin ne tolère pas les « attentats aveugles » commis par des Palestiniens. Mais que doivent faire les Palestiniens qui n’ont pas d’armée et dont les maigres infrastructures sont systématiquement détruites ? Comment s’organiser politiquement et réagir quand on divise les territoires « autonomes » en plus de 250 zones hermétiquement fermées ? C’est la situation d’oppression qui impose à la résistance palestinienne le recours à ce genre d’actions, comme le FLN algérien y recourra contre la France début des années 60.

Et la haine si on veut donner ce mot, la haine qu’exprimait notamment les 25.000 manifestants de Bruxelles pour la Palestine le 7 avril, c’était la haine justifiée de classe contre l’exploitation et l’oppression, contre la politique impérialiste des Etats-Unis et d’Israël, avec la complicité de l’Europe. Une haine qui est partagée par les millions de manifestants du Bangladesh au Caire, en passant par Rome.

C’est la même haine justifiée qu’ont les peuples d’Afrique contre les pays européens qui les ont colonisés. Et qui continuent à le faire à travers l’oppression des multinationales, du FMI et de la Banque mondiale et les guerres du Congo, de la Sierra Leone.

C’est aussi la haine qu’a la grande masse des travailleurs immigrés des pays européens contre les gouvernements qui pratiquent le racisme institutionnel et leur privent des droits élémentaires du travail dans les services publics, de la discrimination dans l’enseignement et du droit de vote même au niveau communal.

 

Représailles ou stratégie d'épuration ethnique ?

Israël, les USA et l'Europe ont imposé aux Palestiniens la création d'un nouveau poste de Premier ministre. Parallèlement, ce peuple compte chaque jour de nouveaux martyrs. En réalité, il s'agit d'une stratégie diabolique pour écraser la résistance palestinienne.

Luc Vancauwenberge, 18-03-2003

Le 6 mars, à l’aube, après une nuit de combats intenses entre l'armée israélienne et la résistance, les chars israéliens se retirent de Gaza. Dans le camp de réfugié Jabalya, un building est en feu. De nombreuses personnes aident les habitants à éteindre l'incendie.

Soudain, un char israélien surgit et tire sur le bâtiment. Jayyab, un jeune de Gaza écrit: «Onze Palestiniens ont été tués. Huit sont morts d'un coup après qu'un char ait tiré un obus sur une foule en train d'aider les habitants à éteindre le feu. C'est un crime terrible! Il y a encore 140 blessés, dont 40 dans un état critique.»

Les Israéliens ont utilisé un obus à fléchettes, diffusant des milliers de pics métalliques autour de son lieu d'impact. Une arme interdite par la Convention de Genève. La théorie des représailles (nos médias ont conclu à des représailles à l’attentat-suicide d’Haïfa, quelques heures plus tôt) ne tient pas la route quand on sait que ces deux derniers mois, alors qu’aucun attentat-suicide n’a été commis, 154 Palestiniens ont été tués.

Le prétendu «Plan de paix» de Bush et Sharon

Le 4 décembre 2002, Sharon prononçait un discours dans lequel il expliquait son plan pour résoudre le problème palestinien: travailler par phases, sans contrainte de délais.

Première phase: arrêt total de la violence (lisez de la résistance palestinienne), réforme de l'Autorité palestinienne, réforme des forces de sécurité palestiniennes avec création d'une nouvelle police capable de démanteler les groupes armés. Un ministre de l'Intérieur doit collecter toutes les armes illégales et les détruire.

Deuxième phase: un Etat palestinien sera institué sur 30 à 40% des territoires occupés (soit moins de 10% de la Palestine historique), mais sans continuité territoriale. Soit plusieurs mini-Etats encerclés par Israël... Cet Etat sera démilitarisé et la police ne pourra disposer que d'armes légères pour maintenir l'ordre. Israël contrôlera toutes les entrées et sorties de cet Etat, de même que son espace aérien. Cet Etat n'aura pas le droit de faire des alliances avec les ennemis d'Israël.

Troisième phase: les frontières définitives seront fixées. Et Sharon de conclure cyniquement: «Israël est prête à des concessions douloureuses pour une véritable paix».

La paix sioniste à l'oeuvre

Le peuple palestinien n'acceptera jamais cette paix sioniste. Sharon et Bush le savent. C'est pourquoi Israël mène une politique de terreur contre la population et tente de liquider les organisations de résistance. Depuis octobre 2000, Israël a abattu 500 résistants. Dix mille autres sont en prison. Deux mille maisons de familles de résistants ont été rasées. C'est trois fois le nombre de victimes israéliennes.

Les bouclages et les check-points ont détruit l'économie. Selon un rapport de la Banque Mondiale, 60% des Palestiniens vivent désormais sous le seuil de pauvreté (soit deux dollars par jour). Les investissements ont chuté de 90%! Les rares ateliers restants ont été détruits sous prétexte qu'on y fabrique des bombes. Israël veut rendre la vie impossible aux Palestiniens et épuiser leur résistance.

Et tout ceci n'est encore qu'un avant-goût, car Sharon se retient pour ne pas gêner Bush dans sa guerre en Irak. Ephraïm Halévy, ex-directeur du Mossad (les services secrets israéliens), déclare : «La première Intifada a été stoppée par la première guerre du Golfe, la deuxième pourrait connaître un sort identique». Les dirigeants israéliens attendent avec impatience cette guerre en Irak car ils espèrent un changement radical des rapports de forces dans la région. Pendant et après cette guerre, ils espèrent pouvoir appliquer avec plus de violence encore leur politique criminelle, notamment en réoccupant Gaza militairement. Ils discutent ouvertement d'expulser massivement les Palestiniens.

Un plan voué à l'échec

Le peuple palestinien va subir de nouvelles épreuves, extrêmement dures. Mais les plans des Israéliens et de ses alliés occidentaux n'ont aucune chance d'aboutir. Avec les peuples irakien, coréen, colombien, philippin, cubain,... le peuple palestinien fait partie d'un front mondial qui affronte l'ordre impérialiste. Ce front ne cesse de s'élargir et mènera à l'éradication de ce système. Le peuple palestinien y occupe une place symbolique, celle d'un petit peuple qui n'acceptera jamais l'injustice et poursuivra la lutte jusqu'à la victoire.

Après le massacre du 6 mars, à Gaza, le journal américain Washington Post a relevé quelques réactions parmi les Palestiniens: «Il n'y a pas de paix, il n'y a pas de solution en dehors de la résistance», déclare Emad Masri, 18 ans. «Chaque jour, il y a de nouveaux martyrs, déclare un autre habitant, chaque jour nous faisons des adieux. Mais nous ne céderons jamais. Nous résisterons toujours !»

Abou Mazan, Premier ministre palestinien à la solde d'Israël

Le parlement palestinien vient d'approuver la nomination d’Abou Mazan, n°2 de l'OLP, comme Premier ministre. Israël, les Etats-Unis et l'Europe exercent depuis des mois des pressions intenses pour réformer de l'Autorité palestinienne jugée trop corrompue.

Le ministre israélien des Affaires Etrangères, Silvan Shalom, déclare qu'il faut donner une chance à Mazen d’arrêter «la terreur et les incitations contre Israël». Quant à Bush, il dit que «les Palestiniens doivent choisir de nouveaux dirigeants comme précondition à un Etat palestinien». Le rôle d'Arafat ne peut plus être que protocolaire.

Il s'agit pour Israël et les gouvernements occidentaux de créer une nouvelle direction palestinienne plus soumise. Arafat est considéré comme trop perméable à la volonté de résistance de son peuple. Abou Mazen a gagné la confiance de Sharon suite à ses appels à «démilitariser l'Intifada». Ce défaitiste est d'avis que le problème ne peut être résolu que par des négociations. Et au lieu de développer les capacités de résistance du peuple palestinien, il les ampute. Ce qui exacerbera encore l'arrogance israélienne.

La nomination d’Abou Mazen a été accueillie avec satisfaction à Tel Aviv, Washington et Bruxelles. Il n'est pourtant «pas très apprécié des Palestiniens, qui ont longtemps raillé ses belles maisons de Ramallah et de Gaza et un entourage accusé d'affairisme». Il est considéré comme «un des profiteurs d'Oslo».

Exaspérée par la corruption de l'Autorité palestinienne, par ses compromissions et capitulations face à Israël, la population palestinienne aspire également à une réforme. Mais elle n'est pas dupe. Voici quelques réactions recueillies par le journal Le Monde du 11 mars : «Le Premier ministre devra se conformer aux intérêts américain (...) La situation ne deviendra pas meilleure avec Abou Mazen, Israël et les Etats-Unis ont poussé à sa nomination et poursuivront leur plan visant à écraser l'Intifada», déclare Ahmed Chahine, 63 ans, paysan d’Hebron. Un étudiant de Bethléem : «La priorité est de mettre fin à l'occupation, d'établir un Etat palestinien et nous pourrons ensuite songer à créer un tel poste (de Premier ministre). Un étudiant de Naplouse : «Je soutiendrais la décision de nommer Abou Mazen s'il s'agissait d'une décision palestinienne, mais elle est américaine et c'est inacceptable.» Un fonctionnaire de Naplouse : «Abou Mazen n'est pas le bon choix pour ce poste car il appartient à l'establishment (palestinien) corrompu».

"Justice sans limites" :

La barbarie n'a en effet guère connu de limites !

 

 

Afghanistan - fiche
Solidaire, 26-09-2001

Si près des immenses réserves pétrolières d’Asie centrale…

L’Asie centrale, au Nord de l’Afghanistan, et principalement le Turkmenistan, renferme des réserves considérables de pétrole. Pour les faire sortir de la région, la voie passant par l’Afghanistan intéresse les compagnies pétrolières américaines, les autres voies étant peu sûres ou trop coûteuses.

En janvier 1998, les Talibans ont signé un accord relatif à la construction d’un gazoduc estimé à 90 milliards de FB, pour transporter le gaz d’Asie centrale vers l’Océan Indien. Il existe un autre projet de construction d’un oléoduc, d’une valeur de 112 milliards de FB. Pour construire cet oléoduc-gazoduc partant de Mary au Turkménistan, transitant par l’Ouest puis le Sud de l’Afghanistan puis l’Ouest du Pakistan pour arriver à l’Océan Indien, il faut traverser la région majoritairement pashtoune-taliban de l’Afghanistan. Les compagnies américaines Unocal, saoudienne Delta, argentine Bridas ont déjà investi massivement dans ces projets. Et investir, cela signifie parier sur une certaine stabilité politique que les Talibans ne peuvent assurer.

Afghanistan, le niveau de vie le plus bas du monde

• Territoire et population. Pays montagneux et aride, l’Afghanistan est dominé par les sommets de l’Hindou Kouch, contreforts de l’Himalaya. Le pays (650 000 Km2) est privé d’accès à la mer. L’Afghanistan n’a jamais connu de recensement de population. On évalue le nombre d’habitants à une bonne vingtaine de millions. Cinq millions d’Afghans vivent en exil dans des camps de réfugiés au Pakistan et en Iran.

• Situation sociale. De toutes les nations du monde, l’Afghanistan a le niveau de vie le plus bas. La mortalité des enfants de moins de 5 ans est de 257 pour mille naissances vivantes. L’espérance de vie est de 45 ans. Le taux d’analphabétisme de plus de 90%.

• Agriculture. Héritage de vingt ans de guerre, les mines antipersonnelles disséminées à travers les terres agricoles rendent l’agriculture et l’élevage extrêmement périlleux. Les terres riches les plus accessibles sont consacrées en priorité à la culture du pavot pour la fabrication de la drogue (qui représente 75% de la production mondiale d’opium en 1999).

• Langues et ethnies. La diversité des populations et des idiomes est énorme. On compte quatre grandes ethnies: les Pashtouns (38%), les Tadjiks (25%), les Hazaras (19%) et les Ouzbeks (6%) ainsi qu’une dizaine de minorités dont les Baloutches, les Kirghizes, les Nouristanis… On y parle une trentaine de langues et dialectes dont le pashto, le dari, l’urdu…

Partis politiques

Les partis encore en place sur l’échiquier politique afghan ont émergé durant la guerre contre l’occupation soviétique. Tous les partis fondamentalistes et traditionalistes ont pu se développer et se maintenir grâce à l’aide financière et militaire extérieure.

• Les quatre partis intégristes ou islamistes sont l’émanation de groupes d’intellectuels influencés et financés par le mouvement des Frères musulmans établi en Egypte et en Arabie saoudite. Ils donnent à leur lutte un sens strictement idéologique : la Jihad, la guerre sainte contre le communisme, l’athéisme. C’est à eux qu’était destiné le plus gros de l’aide internationale, depuis les pays musulmans ou occidentaux. Hezb-e-Islami de Gulbudin Hekmatyar; Hezb-e-Islami de Younes Khalès ; Jamiat Islami de Rabanni (le parti de Massoud) ; Ettehadia Islami de Sayyaf.

• Les trois partis ‘modérés’ ou traditionalistes, constitués autour des mollahs, représentent la hiérarchie traditionnelle. Certains soutiennent l’ancien roi Zaher Shah. Leur projet politique est inspiré autant par l’islam que par le concept de démocratie à l’occidentale. Harakat Enquelab Islami de Maulawi Nabi Mohammadi ; Jhebe Nedjat Melli de Modjadeddi ; Mahas-e-Milli de Gailani.

• Le centre de l’Afghanistan, le Hazaradjat, compte une population Hazara de confession musulmane chiite qui, tout naturellement, trouve une base d’appui en Iran. Les partis chiites principaux sont le Nasr et le Harakat Islami.

• Il existe aussi dans la résistance des forces nationales démocratiques pour qui la guerre d’Afghanistan est une guerre de libération nationale de type anticolonialiste et anti-impérialiste. Dans cette mouvance, on trouve le Front Uni National d’Afghanistan, combattu durement par les fondamentalistes. Son expression politique a été rendue impossible à Peshawar. En Afghanistan même, les responsables islamistes ont fait croire que son nationalisme et son programme de démocratie et de justice sociale pouvaient l’assimiler à une ‘officine athéiste’.

Qayoum, assassiné comme des centaines d’autres progressistes…

Qayoum, président de la Sama (l’Organisation de Libération du Peuple afghan – parti démocratique et progressiste, voie ouverte vers le socialisme) et du Funa (Front Uni National d’Afghanistan), avait la cinquantaine et derrière lui une grande expérience des luttes pour la démocratie et la justice sociale.

D’une intelligence, d’une gentillesse et d’une tolérance surprenante, Qayoum avait le don de regrouper les démocrates pour la cause afghane. Il avait de nombreux contacts avec les comités de soutien en Europe et notamment avec le Comité Afghanistan en Belgique, où il s’était rendu à plusieurs reprises. Il avait voyagé en Amérique latine et contacté de nombreuses organisations révolutionnaires et syndicales. Il était un internationaliste.

Il a été assassiné le 27 janvier 1990 à Peshawar (Pakistan), en compagnie de plusieurs camarades, par les islamistes fondamentalistes. Comme lui, des centaines de progressistes et révolutionnaires afghans ont été torturés, exécutés par les partis fondamentalistes au Pakistan et en Afghanistan, partis qui ont reçu la part du lion des armes et des dollars de la CIA. Ce seul fait suffit à dénoncer les lamentations hypocrites de l’impérialisme occidental contre le fondamentalisme islamique et contre la prétendue ‘absence d’alternative démocratique’ en Afghanistan.

 

Le véritable programme de Bush : La 9ème guerre du pétrole ?

Bush va-t-il vraiment «débusquer les terroristes de leur trou» ? Ou bien l’Occident part-il en guerre parce qu’en fait, il est déjà en guerre depuis longtemps ? Comment qualifier autrement que de «guerre économique permanente», le vol des matières premières, le commerce inéquitable, la dette et l’hyper-exploitation du tiers monde ? Tout ceci prive chaque année le Sud de 3 600 milliards de dollars.1

Bert De Belder, 26-09-2001

Depuis la chute du Mur de Berlin, le capitalisme exhibe une arrogance totale. Economique, mais aussi militaire. Ce ne sont plus seulement le FMI, la Banque mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce qui assistent les multinationales dans leur chasse aux matières premières, marchés et investissements, mais aussi l’Otan.

Bush junior appelle à une nouvelle guerre, de longue durée. En fait, elle a déjà commencé il y a dix ans, quand Bush père a dévasté l’Irak. Pour l’instant, Etats-Unis et Europe marchent de concert. Mais à terme, leur rivalité peut mener à un nouvel embrasement mondial, comme ceux qu’a connus le siècle précédent.

Quel est le véritable but de cette guerre contre le tiers monde ?

1. Le pétrole

Le pétrole demeure une des matières stratégiques les plus convoitées. Regardez où vont les principales routes pétrolières du monde et vous verrez où se trouvent les bases militaires US et les guerres que les Etats-Unis provoquent. Ces dix dernières années, l’Occident a déjà provoqué ou mené huit guerres pour le pétrole: Irak, Tchétchénie, Géorgie, Kurdistan, Asie Centrale, Yougoslavie, Macédoine, Afghanistan…

2. La militarisation des crises

19 000 licenciements chez Ericsson, 30 000 chez Motorola, 19 000 chez Toshiba… Même les nouvelles entreprises technologiques – le cheval de bataille du capitalisme jusqu’il y a peu – sont en crise. Etats-Unis, Europe et Japon sont au bord de la récession. Un million d’emplois ont été perdus aux Etats-Unis cette année.

Tout comme avant la Première Guerre mondiale, le capitalisme cherche à sortir de la crise par de fortes dépenses militaires. Clinton a décidé d’augmenter de 70% le budget militaire des USA (380 milliards de dollars en 2005). Le projet de bouclier anti-missiles coûte 184 milliards de dollars.2 Tout profit pour les sociétés américaines : la firme informatique EDS a réussi à signer un contrat de 6,9 milliards de dollars pour développer le système informatique de la Marine US.3

Après les attentats, le Congrès a voté 40 milliards de dollars supplémentaires pour l’armée. Avec ce montant, on pourrait supprimer d’un seul coup la misère la plus sombre dans le monde.4

3. Briser toute résistance

Partout, croît la résistance à la globalisation impérialiste. Avec un mouvement, nouveau et jeune, au sein même des pays capitalistes. La résistance des peuples du Tiers-monde croît aussi. Les Palestiniens réclament leurs droits et leur pays. Cuba défend son socialisme. Les Coréens veulent la paix et la réunification. L’Irak résiste à l’embargo et aux bombardements. Le nouveau Congo veut un développement autonome. Des révolutionnaires progressent: Colombie, Mexique, Philippines, Turquie, Népal, Inde…

4. S’implanter dans une région stratégique

Le continent euro-asiatique demeure «l’échiquier sur lequel se joue le sort du monde», écrit le stratège US Brzezinski. «Nous devons veiller à ce qu’aucun Etat ou groupe d’Etats ne soit en mesure de chasser les Etats-Unis d’Eurasie ou d’y affaiblir leur rôle dirigeant.»5

Dès lors, les Etats-Unis entendent aussi s’en prendre aux deux colosses de la région : Chine et Russie. Leurs deux objectifs : empêcher que la Chine socialiste continue à se développer en une puissance économique et militaire capable de tenir tête. Et empêcher la Russie de se rapprocher de la Chine et d’autres pays du Tiers-monde. Pakistan, Afghanistan et Tadjikistan forment un pont entre la Chine et la Russie. Voilà qui aiguise les appétits des Etats-Unis...

Notes : 1 Marc Vandepitte, De kloof tussen arm en rijk. 11.11.11, 2001 • 2 Voir http://idrp.citeglobe.com/antimissile.html3 Voir http://www.grip.org/bdg/g1001.html%20&#8226; 4 Marc Vandepitte, op.cit. • 5 Zbigniew Brzezinski, Le Grand Echiquier. Editions Bayard, Paris, 1997.

 

 

Suivez les routes du pétrole et vous trouverez les bases militaires des USA et les guerres qu’ils provoquent…

1.Irak 1991. Bush père, baron pétrolier du Texas, décide de «ramener l’Irak à l’âge de la pierre» pour maintenir l’emprise des multinationales US sur le Moyen-Orient via les «démocraties» d’Israël, du Koweït et d’Arabie saoudite.

2. Tchétchénie 1996, puis 1999. Soutenus par Washington, les rebelles tchétchènes détruisent le pipeline russe qui transfère le pétrole de la Mer Caspienne vers la Mer Noire.

3. Géorgie Guerre civile larvée depuis 1991, quand les Etats-Unis font main basse sur le régime géorgien en vue de contrôler le deuxième pipeline provenant de la Caspienne.

4. Kurdistan Pour s’approprier l’exclusivité de l’acheminement vers l’ouest, les multinationales pétrolières US cherchent depuis des années à imposer un pipeline kurde, loin de la Russie. D’où leur soutien aux généraux turcs.

5. Asie centrale Washington et Eltsine ayant fait éclater l’URSS, de nombreuses guerres islamistes ensanglantent cette région. Enjeu: contrôler ses énormes réserves pétrolières et gazières. La CIA soutient aussi des forces islamistes contre la Chine (route Est).

6. Yougoslavie La route pour amener le pétrole vers l’Europe occidentale passe par le Danube. Depuis 1990, les grandes puissances veulent donc absolument contrôler Belgrade.

7. Macédoine Les multinationales US projettent un pipeline de la Mer Noire vers la Méditerranée. «Nous resterons longtemps en Macédoine afin de contrôler les corridors énergétiques», déclare le commandant en chef de l’Otan en 1999.

8. Afghanistan Pour contrôler la route menant le pétrole d’Asie centrale vers le sud et l’Océan Indien, Washington finance la guerre en Afghanistan depuis 1979.

 

 

Stop à la guerre des Etats-Unis et de l’Europe contre l’Afghanistan

Réaction du Parti du Travail de Belgique, 07.10.2001

Bush et sa coalition internationale composée des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la France ,du Canada, de l'Australie, et de quelques autres pays viennent de lancer des frappes militaires contre l’Afghanistan. Cet acte unilatéral, sans même consultation de l’assemblée de l’ONU, est un acte de barbarie contre un pays déjà complètement détruit par la guerre. Cette guerre va provoquer des dizaines de milliers de morts par les bombes, les déplacements de population...

Bush et consorts utilisent la lutte contre le terrorisme « islamiste » (qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer et à se développer) comme prétexte pour réaliser leur agenda caché qui est :

  1. de mettre la main sur les oléoducs pétroliers entre les républiques d’Asie centrale et l’Océan Indien ;

  2. d’installer des bases militaires dans la région en vue d’encercler la Chine et la Russie, adversaires potentiels à la domination mondiale occidentale ;

  3. sortir de la crise du système par la militarisation de l’économie ;

  4. briser toute résistance anti-impérialiste dans le monde.

Des voix se sont élevées au Congrès américain pour élargir l’attaque à l’Irak, voire au Soudan. Même si les chefs militaires et politiques de l’impérialisme américain ne suivent pas cette voie dans l’immédiat, il est plus que probable qu’ils s’y engageront néanmoins dans les mois à venir.

Seul le mouvement populaire dans le monde entier peut arrêter la folie meurtrière de cette coalition impérialiste. Les 5000 manifestants de Bruxelles ont eu raison de manifester cet après-midi comme avant eux, ceux de Washington, Athènes, Bagdad, Amsterdam... Demain, ils continueront avec beaucoup d’autres pour dire non à la guerre contre l’Afghanistan des Etats-Unis et de l’Europe, pour exprimer leur solidarité avec les peuples agressés et pour exiger le retrait de leur pays de cette coalition impérialiste.

Plus que jamais, le mouvement contre la mondialisation impérialiste et celui qui se construit contre la construction européenne, autre bloc hégémoniste, auront à développer le mouvement pour la paix, la dissolution de l’Otan et de l’armée européenne et à soutenir les mouvements de libération nationale dans les pays opprimés.

Le PTB soutient toutes les actions contre la guerre en Afghanistan.

 

À bas la guerre impérialiste ! Non à la participation de la France !

Coordination Communiste, Dimanche 7 octobre 2001

Les cohabitants Chirac-Jospin ont parlé d'une seule voix: la France soutiendra logistiquement la guerre des États-Unis. Le Président de la République déclare "notre participation à l'action implique bien évidemment que nous participions à la définition des objectifs et des moyens", pour aussitôt affirmer que les autorités françaises ne connais-saient pas encore les dispositions prises par l'administration Bush! Quant à Lionel Jospin, il s'est prononcé pour un en-gagement total aux côtés des États-Unis. Pire, la France livre son espace, aérien aux bombardiers des États-Unis.

La Coordination communiste condamne fermement tout chèque en blanc à l'agression décidée par Was-hington. Dans le sillage de la Grande-Bretagne de Blair, héritier actif des pires traditions colonialistes, la France, pas en reste, se déclare prête à jouer les troisièmes couteaux. La Coordination communiste a d'autres ambitions immédiates pour son pays et le monde: la paix, la sécurité, la souveraineté nationale, le progrès social. "La guerre de 10 ans" contre "le terrorisme" n'est qu'un prétexte comme autrefois l'assassinat de l'archiduc à Sarajevo*. À qui fera-t-on croire qu'il faut une coalition de toutes les grandes puissances, une conflagration d'ampleur mondiale pour mettre hors d'état de nuire une quelconque bande armée; à qui fera t'on croire qu'il faut des bombarde-ments et la mort des populations civiles en Afghanistan pour capturer les présumés terroristes. Concernant Ben Laden, désigné, dès les attentats commis, comme leur inspirateur, avant même les résultats de l'enquête, Blair et les autres prétendent détenir des preuves... qu'ils n'ont pu encore communiquer !

Les puissances impé-rialistes sont amnésiques quant à leurs responsabilités. Qui a armé, formé Ben Laden et ses hommes ? sinon la CIA et les services occidentaux quand il s'agissait de combattre le communisme, l'URSS et la révolution démocratique anti-féodale afghane de 1979.

En réalité, les sources matérielles du conflit sont à rechercher dans la crise accentuée du système capitaliste, dans le krach rampant et la récession afférente. Une fois de plus, l'oligarchie financière ne voit d'autre solution pour as-surer la maximalisation de ses profits que la guerre pour le repartage du monde qui, après l'Iraq et la Yougoslavie, se poursuit par l'occupation de l'Afghanistan plaque stratégique de cette partie du monde. Autres preuves du choix durable de la guerre, aux États-Unis, un néolibéral comme Bush pratique la régulation étatique pour stimuler le complexe milita-ro-industriel, en France, les restrictions aux libertés civiles avec l'extension du plan Vigipirate, au-delà des auteurs d'at-tentats, tout est en place pour réprimer les travailleurs qui combattront les conséquences lourdes de la crise, les peuples qui ouvreront à la sauvegarde de la souveraineté nationale et de la paix.

Les États-Unis dont l'hégémonie mondiale est menacée à terme, ont choisi de recoloniser le Tiers Monde, de vassaliser ses rivaux: Union européenne, Japon, Russie etc., d'écraser les résistances des peuples "qui n'est pas avec nous, est contre nous" (Bush). La Coordination communiste appelle à refuser d'être un pion du nouvel ordre mondial impérialiste dans sa politique de la canonnière.

Dans les entreprises: à l'action pour défendre les salaires, l'emploi, les conditions de travail. Non, les tra-vailleurs ne doivent, ni contribuer à l'effort de guerre, ni payer ses frais !

Dans les quartiers: à l'action pour unir largement tous les partisans de la paix, pour arrêter le bras guerrier des Bush, Blair, Chirac, Jospin, pour faire stopper l'agression contre le peuple afghan doublement victime: de l'islamo-fascisme et des visées de l'impérialisme nord-américain.

Dans le pays: alors que le capitalisme c'est la guerre, que ce système montre son incapacité à satisfaire les besoins, à assurer paix et souveraineté, l'absence d'un authentique Parti communiste, après la trahison du groupe Hue, pèse lourdement, notamment sur la possibilité d'une alternative révolutionnaire, socialiste à la politique d'exploitation et de guerre.

Non, la France ne doit ni soutenir, ni participer à la guerre impérialiste ! Arrêt des bombardements ! Solidarité avec la nation afghane !

* L'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche le 28 juin 1914, fut l'incident qui déclencha la Première Guerre mondiale.

Coordination communiste ; B.P. 170 ; 75623 PARIS cedex 13

 

 

Afghanistan - Les négociations secrètes USA-talibans
Michel Collon, Solidaire 21-11-2001

Les négociations secrètes USA-talibans

Jusqu'au dernier moment, Bush a tout fait pour maintenir les talibans au pouvoir et s'arranger avec eux afin de construire le pipeline afghan tant désiré. Cela ressort du nouveau livre Ben Laden-La Vérité interdite1, dont les auteurs sont proches des services de renseignements français.

A toutes les étapes, la cause profonde des souffrances du peuple afghan se trouve à Washington.

Pourquoi donc George Bush bloqua-t-il, en été 2001, une enquête du FBI sur les réseaux terroristes de Ben Laden et de ses complices ? Pour ne pas gêner ses amis saoudiens qui finançaient Oussama depuis longtemps ? Oui. Mais aussi pour d'autres raisons.

«Depuis 1998, pétroliers et diplomates américains étaient convaincus qu'une victoire totale des talibans ­ qu'ils avaient souhaitée pour stabiliser l'Afghanistan ­ n'était plus envisageable.» (chapitre 6) Et pourquoi les démocratiques Etats-Unis souhaitaient-ils la victoire de ces ultra-fanatiques aux crimes bien connus ? Parce que la firme pétrolière US Unocal misait sur eux pour construire un très profitable gazoduc. Du Turkménistan à l'Océan Indien et aux marchés prometteurs d'Asie du Sud.

En 1998 déjà, l'administration Clinton négocie avec les talibans, pour obtenir l'extradition de Ben Laden, dit-on, en échange de la reconnaissance de leur régime. Dès son arrivée au pouvoir, l'administration Bush accélère et intensifie ces négociations. Pourquoi ? Parce qu'elle est directement importée des multinationales pétrolières.

Bush ? Une grande famille du pétrole texan. Le vice-président Cheney ? Longtemps directeur d'Halliburton, une des plus grosses firmes de services pétroliers du monde. Condoleeza Rice (Conseil National de sécurité) ? Neuf ans chez Chevron. Donald Evans (secrétaire au Commerce) ? Toute sa carrière dans le pétrole. Sa sous-secrétaire Kathleen Cooper ? Chef économiste d'Exxon.

Quatre jours après la prestation de serment, Cheney, crée l'informelle Energy Policy Task Force «pour organiser une politique énergétique conquérante» (chap. 6). Structure si secrète que le Congrès devra menacer de poursuite judiciaires pour obtenir la liste des participants.

Tout de suite, l'administration Bush cherche à s'arranger avec les talibans. Au placard les dénonciations des organisations des droits de l'homme ! En mars et en juillet 2001, des réunions discrètes ont lieu à Berlin. Le marché reste : livrer Ben Laden, élargir un peu leur gouvernement et profiter d'une manne financière. N'oublions pas qu'en 2001 encore, les Etats-Unis ont été le principal bailleur de fonds des talibans, sous couvert d'aide humanitaire.

Et s'ils ne se soumettent pas ? «Un Américain aurait dit en juillet aux Pakistanais que si les talibans acceptaient de livrer Ben Laden et de signer la paix avec le front uni, ils auraient un "tapis d'or", mais que s'ils refusaient, ils s'exposaient à "un tapis de bombes"» indique Le Monde, ce 13 novembre.

On se doutait bien que l'affaire n'avait pas commencé le 11 septembre. A France 3, (Pièces à Convictions, 18 octobre), l'ex-ministre pakistanais des Affaires étrangères, présent aux discussions de Berlin, révélait : «L'ambassadeur US Simons a indiqué qu'au cas où les talibans ne se conduiraient pas comme il faut, () les Américains pourraient utiliser une opération militaire.»

La boucle est bouclée. Beaucoup de choses nous sont encore dissimulées, mais le vrai scénario a probablement été ceci. 1. Voulant absolument son gazoduc, Bush menace les talibans. 2. Ben Laden prend les devants en tuant Massoud, chef de l'Alliance du Nord rivale des talibans, puis avec les attentats aux USA. Une attaque surprise, même s'il reste des zones d'ombre sur le rôle des services secrets US. 3. Bien que mise en difficulté tactiquement, l'administration Bush en profite pour mettre en place le plus vite possible son vieux projet : installer des bases militaires en Asie centrale, entre Russie et Chine, à côté des républiques pétrolières et gazières convoitées.

Conclusion : à toutes les étapes, la cause profonde des souffrances du peuple afghan se trouve à Washington. C'est l'ingérence colonialiste, la volonté de mettre au pouvoir des agents dociles pour les intérêts des multinationales, puis de les retirer s'ils ne conviennent plus. Le jeu continue puisque Washington essaie d'imposer des talibans dits «modérés» dans le nouveau gouvernement afghan qu'elle entend toujours contrôler. Le monde est malade de l'ingérence néocolonialiste.

Note : 1 La Vérité interdite, de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Denoël, 20 euros. librairie.internationale@skynet.be

 

 

Faut-il pleurer le commandant Massoud ?

Afghanistan · L'ombre du «lion du Panshir» plane sur le nouveau gouvernement

Alors que ses héritiers spirituels détiennent les postes clés du nouveau gouvernement afghan, feu le commandant Massoud est auréolé comme un résistant démocrate éclairé, aux antipodes des talibans. Pourtant, les trois traits les plus marquants du «lion du Panshir» sont son fondamentalisme islamique, ses tendances dictatoriales et son ethnicisme.

Annelise Arcq et Marco Van Hees, 18 décembre 2001

Le commandant Massoud, fils d'un colonel de l'armée du roi Zaher Shah, a fait ses études au lycée français de Kaboul et à la Faculté Polytechnique. Ces antécédents lui ont donné une aisance avec les Occidentaux qui contraste avec l'âpreté des autres commandants de la résistance islamique afghane. L'adulation des médias ­ notamment français ­ à son égard remonte au début des années 80. On peut pourtant difficilement considérer Massoud comme un modéré. Le Monde rapporte que «dans son fief de la vallée du Panshir, les femmes portent la burqa (robe traditionnelle recouvrant tout le corps avec un filet à hauteur des yeux) []. La femme de Massoud, mère de leurs cinq enfants, respecte le purdah (réclusion) et vit dans le village d'origine de Massoud.»1

Durant ses études à Kaboul, il adhère au mouvement étudiant islamiste fondamentaliste, alors dirigé par un jeune professeur en théologie, Burhanuddin Rabbani. Le président Daoud, qui a démis le roi Zaher Shah et s'est emparé du pouvoir en 1973, combat ces fondamentalistes. Certains sont emprisonnés, d'autres ­ parmi lesquels Gulbuddin Hekmatyar, Burhanuddin Rabbani et Ahmad Shah Massoud ­ fuient au Pakistan, où ils reçoivent l'aide du Premier ministre Ali Bhutto. Ces opposants afghans étaient en effet un bon moyen pour le Pakistan de fomenter des troubles contre Daoud, qui réclamait du Pakistan la restitution de territoires pachtounes, devenus pakistanais lors de l'établissement de la frontière par le colonisateur anglais.

Ces fondamentalistes vont chercher leur inspiration auprès des Frères Musulmans, une confrérie fondée en Egypte en 1928 dans le but de susciter une révolution islamique et d'instaurer un Etat islamique. Leur islamisme se caractérise par des conceptions fort éloignées de la démocratie. «L'histoire des Frères musulmans est traversée et fascinée par l'idéologie fasciste», écrit Muhammad Saïd al-Ashmawy.2 Leur modèle politique se fonde sur une figure charismatique. L'obsession de ces fondamentalistes ­ et donc de Massoud: «Le caractère et la pureté du dirigeant, ses vertus et ses compétences, et le fait de savoir si sa personnalité égale celle du prophète Mahomet. () Ce modèle est inévitablement favorable à la dictature.»3

Une surenchère intégriste profitant aux Etats-Unis

Daoud est renversé par un coup d'Etat du parti communiste afghan. Les réformes agraires et autres mesures progressistes se heurtent à une forte résistance armée. Lorsque le gouvernement afghan fait appel aux troupes soviétiques, le Pakistan a déjà sous la main des dirigeants islamiques radicaux, capables de diriger la jihad, la guerre sainte contre le communisme et l'athéisme.

Rabbani devient le chef du parti Jamiat Islami, dont Massoud, parent de Rabbani par alliance, sera un des dirigeants. Gulbuddin Hekmatyar prend la tête du Hezbi Islami. Notons en passant que Bin Laden rejoint le Hezbi Islami au début des années 80, fasciné par le charisme d'Hekmatyar.

Ces partis peuvent compter sur un soutien financier et militaire croissant des Etats- Unis. L'anticommunisme des éléments les plus fondamentalistes en font les meilleurs alliés des Etats-Unis. En 85, l'aide annuelle de la CIA s'élève à 285 millions de dollars, montant doublé par l'Arabie saoudite. Ajoutons qu'à cette époque, le Shah d'Iran vient d'être renversé et remplacé par gouvernement des Ayatollahs, d'obédience musulmane chiite. Les Etats-Unis ont d'autant plus de raison de soutenir la connexion sunnite qui va de l'Arabie saoudite à l'Afghanistan, se livrant à une surenchère islamiste pour contrer l'influence iranienne.

La convergence des intérêts américains et des islamistes va plonger l'Afghanistan dans le chaos.

Des centaines de Hazaras capturés, violés, tués

Les «vertus» de Massoud ne s'arrêtent pas là : son ethnicisme a coûté la vie à des milliers de personnes. Pendant l'occupation soviétique, la guerre contre l'occupant soviétique se doublait d'une guerre entre partis fondamentalistes, pour gagner du terrain sur l'autre. Dans diverses interviews, Massoud prétendait que lorsque les Soviétiques attaquaient la vallée du Panshir par le Nord, les milices du Hezb Islami l'attaquaient par derrière. A la chute du gouvernement prosoviétique et la constitution de la république islamique, en 1992, ces oppositions entre partis et entre fractions rivales au sein de ces partis redoublent d'intensité. Les milices ne désarment pas et les différents camps ne cessent de s'affronter politiquement et militairement, faisant des milliers de victimes.

En février 1993, Massoud, devenu ministre de la Défense, va faire massacrer par l'armée des centaines de Hazaras4 à Afshar et Karteh Sahe, à l'Ouest de Kaboul. Les habitants sont assaillis dans leur lit à une heure du matin. Durant les 24 heures qui suivent, les forces gouvernementales tuent, violent, incendient les maisons, capturent les jeunes filles et garçons. On fait alors état de 700 tués et disparus. Un an plus tard, on découvrira encore des charniers5.

Toujours en 1993, Massoud va détruire un quartier chiite (les Hazaras sont chiites) de Kaboul, faisant des milliers de mort, note Le Monde, qui précise : «Dans un conflit devenu de plus en plus ethnique, Massoud est d'abord un Tadjik et, dans son entourage immédiat, les autres ethnies (Pashtouns, Ouzbeks, Hazaras) sont absentes.»6

«Chef de guerre tadjik, représentant les siens dans un combat fratricide et tribal»7, l'aura de Massoud se ternit à l'analyse.

Notes : 1 http://www.lemonde.fr/ dossier «Afghanistan sous la menace» · 2 Cité dans Richard Labévière, Les dollars de la terreur, Ed. Grasset, 1999, p. 130. · 3 Ahmed Rashid, Taliban, Ed. Atlas, 2000, pp 128-129. · 4 L'Afghanistan est constitué de diverses ethnies: Pashtouns (38%), Tadjiks (25%), Hazaras (19%) Massoud fait partie de l'ethnie tadjik. · 5 www.hazaraonline.f2s.com/massacres.htlm · 6 http://www.lemonde.fr/, dossier «Afghanistan sous la menace» · 7 Idem.

 

Une colline attaque un avion US ?

Michel Collon, 10.01.02

Il se passe des choses curieuses en Afghanistan. Si l'on en croit Le Soir de ce jeudi 10 janvier, un combattant arabe se serait "suicidé" au cours d'une tentative de fuite. Tout est possible, mais n'est-ce pas bizarre ? Si l'on tente de s'enfuir, cela ne semble-t-il pas en contradiction avec la volonté de se tuer ?

Un peu plus loin, nous apprenons qu'un "avion de ravitaillement KC-130 du Corps des Marines (US) s'est écrasé mercredi au Pakistan avec sept militaires à bord après avoir heurté une colline".

Tout est possible, bien sûr, et nous ne sommes pas sur place. Mais peut-être certains médias, s'ils voulaient se montrer un peu critiques, pourraient-ils poser une question : Pourquoi lorsque l'armée US subit des pertes, est-ce toujours la faute à "une colline" ou un "incident technique", et jamais à une attaque militaire, par exemple ?

Ce qui semble pourtant logique dans le cas d'une armée. Surtout d'une armée exposée à la haine d¹un peuple bombardé, martyrisé, occupé et humilié par les "maîtres du monde". Tout est possible, bien sûr. Mais dans chaque guerre - même si on voudrait nous faire croire que celle-ci est terminée - dans chaque guerre, les militaires US affirment toujours ne pas subir de pertes et bien traiter les prisonniers.


Les semeurs de bombes se muent en humanitaires

Julien Versteegh, 23.01.02

Au cours des premières journées de la conférence réunie au Japon, ces 21 et 22 janvier, sur la reconstruction de l’Afghanistan, 60 pays et 20 organisations internationales ont promis une aide de 4,3 milliards € sur les cinq prochaines années. L’Union Européenne se présente en déesse de la générosité en s’engageant à participer à raison de 1 milliards €, le quart du total. Ou comment se racheter une image honorable.

En s’engageant dans le processus de reconstruction de l’Afghanistan, l’Union Européenne travaille son image de marque, bien décidée à atteindre par des moyens " humanitaires ", ce qu’elle n’a pas eu la possibilité de conquérir par les moyens militaires. De prime abord, l’Union Européenne sort grandie de cette première journée de conférence. D’autant plus que certains états de l’Union Européenne se sont également engagés à des contributions bilatérales, comme la Belgique qui promet 30 millions €.

Les Etats-Unis de leur côté font pâle figure avec une aide s’élevant à un peu plus de 300 millions €. Il est vrai que toutes ses dépenses ont consisté à bombarder l’Afghanistan. D’ailleurs la participation de l’Union Européenne à la reconstruction ne représente plus grand chose comparé aux dépenses de guerre des Etats-Unis qui s’élèvent depuis octobre 2001 à 2,27 milliards € par mois, soit 9,08 milliards € en 4 mois de guerre. L’Union Européenne n’a sans cesse rappeler son soutien aux actions militaires des Etats-Unis et se targue aujourd’hui d’offrir 1/10 de ce qui a été nécessaire pour ravager le pays.

Les bombardements anglo-américains, avec la bénédiction de l’Union Européenne on détruit des barrages, des centrales électriques, l’approvisionnement en eau, des hôpitaux, des écoles… Enfin, ils ont saboté le travail de l’ONU et des ONG qui tentaient de venir en aide aux populations, bombardant quatre des cinq entrepôts de la Croix-Rouge.

Etablir le montant de l’aide " s’apparente à une partie de poker "

Michel Collon, journaliste à Solidaire, faisait récemment ce constat : " A présent, ils prétendent ‘secourir les population afghanes’. Mais les années précédentes, quand les ONG actives en Afghanistan criaient au secours, elles n’ont reçu aucune aide. Aujourd’hui, touchées par la grâce sans doute, l’armée US, l’armée britannique, l’armée allemande, l’armée française, l’armée belge et quelques autres se bousculent pour remplir leur devoir humanitaire. Ne veulent-elles pas en réalité occuper le terrain pour partager richesses et les zones stratégiques ".

Concernant les promesses d’aide financière, Le Monde souligne à ce sujet : " Les Quinze savent aussi que leur rôle dans la région sera accepté et reconnu notamment à l’aune des efforts financiers qu’ils consentiront pour aider à la reconstruction du pays. Bien des donateurs, y compris les organisations financières internationales, comme la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement, se sont montrés réticents à annoncer des chiffres avant le début de la conférence ".

Un expert européen précise : " Il faut comprendre qu’un tel exercice (l’établissement du montant de l’aide) s’apparente à certains égards à une partie de poker ; personne ne veut se  ‘découvrir’ en premier, de peur de se montrer trop généreux, ou pas assez. De plus, tous les pays souhaitent que leur drapeau soit bien visible, et certains raclent les fonds de tiroirs pour réaliser un effet d’annonce. La réalité est toujours plus modeste ".

Se donner un visage humanitaire n’a rien de nouveau. Tous les conflits de ces dix dernières années ont été justifiés par des prétextes humanitaires. En 1991, il s’agissait de libérer le Koweit des méchants irakiens, puis pour justifier l’embargo, on a sorti le danger des armes de destruction massive. En Yougoslavie, l’Union Européenne et les Etats-Unis ont justifié leur intervention pour venir en aide aux minorités ethniques persécutées, tous en finançant eux-mêmes les nationalistes bosniaques, croates,…

L’importance (relative) de la participation européenne ne peut que s’expliquer que par sa position de faiblesse dans cette affaire. N’ayant aucun moyen militaire, il s’agit d’assurer un présence en investissements importants en Afghanistan. Et de fait, les joyeux milliards annoncés en grande pompe ne sont pas encore dans les poches des Afghans. La déclaration finale de la conférence précise que l’aide sera " conditionnée à ce que toutes les parties afghanes contribueront positivement au processus de Bonn qui est d’établir la paix, un gouvernement représentatif, la stabilité de l’Afghanistan et l’élimination du terrorisme, de la production et du trafic de narcotiques ".

Entendez, un régime stable dans lequel les multinationales peuvent aisément se développer.

(Sources : Le Soir, 22/01/2002 et Michel Collon, Afghanistan, à nouveau le prétexte humanitaire, publié sur http://www.solidaire.org/, 26/11/2001)

 

 

Une étude américaine sur les conséquences des bombardements

Au moins 3 972 victimes civiles en Afghanistan

La lutte américano-européenne «contre le terrorisme» n'a jusqu'à présent donné que peu de résultats. Aucun des gros bras supposés des attentats du 11 septembre n'a été retrouvé. Ni Oussama Ben Laden ni les dirigeants d'Al-Qaïda n'ont été débusqués. En attendant, ce sont les simples citoyens afghans qui ont souffert le plus des bombardements américains.

Frank Sonck, 2 avril 2002

Les raids aériens sur l'Afghanistan ont débuté le 7 octobre à 20 h 57. Au cours des semaines qui ont suivi, les médias traditionnels se sont tus sur les conséquences des bombardements pour la population civile. Les journaux télévisés ont montré de vagues prises de vue nocturnes parsemées d'éclairs verts ou des images aériennes prises à très haute altitude et montrant des bâtiments noirs et blancs se désintégrer brusquement. Cela rappelait les «frappes chirurgicales » sur l'Irak, dont il s'avéra qu'elles étaient avant tout dirigées contre la population civile. Quant aux rares infos en rapport avec les victimes civiles, le Pentagone américain les a simplement écartées en prétendant qu'il n'y avait pas de «confirmation indépendante de ces allégations», ou a tout simplement nié qu'il y en ait eu.

Cette tactique est devenue beaucoup plus malaisée depuis que Marc Herold, un professeur américain d'économie de l'Université du New Hampshire, a mené une étude systématique et indépendante sur le nombre des victimes civiles tombées en Afghanistan. Notre homme s'est appuyé sur des journaux indiens, pakistanais, canadiens, britanniques et autres, sur l'Agence de Presse islamiste de l'Afghanistan, sur les infos de l'émetteur arabe Al-Jazeera ainsi que sur des dizaines d'autres sources que les Etats-Unis réfutent comme «propagande hostile».

L'estimation minimale

Herold en est venu à la conclusion déconcertante qu'entre le 7 octobre et le 10 décembre, les bombes américaines ont tué au moins 3 767 civils. Cela fait, en moyenne, 62 chaque jour, soit plus que les 3 234 personnes dont on pense, pour l'instant, qu'elles ont perdu la vie dans les attentats de New York et de Washington.

Les chiffres de Herold ne sont qu'une estimation mais constituent néanmoins une indication de poids parce que, pour chaque bombardement rapporté, il a effectué des doubles contrôles par le biais des diverses sources dont il disposait. En outre, il a chaque fois pris les chiffres les plus bas comme points de départ. Le nombre réel de victimes est donc, selon toute vraisemblance, nettement supérieur à celui qu'il avance. D'autant plus qu'il n'a pu tenir compte des victimes qui, après le 10 décembre, ont succombé à leurs blessures, ni de celles mortes de faim et de froid suite à l'arrêt de l'aide, ou qui sont mortes durant les exodes provoqués par les bombardements. Le chiffre ne tient pas compte non plus des victimes militaires (estimées à plus de 10 000 par certains analystes, s'appuyant en partie sur les précédentes expériences en matière de carpet-bombing), et encore moins des prisonniers massacrés à Mazar-i-Sharif, Qala-i-Janghi, à l'aéroport de Kandahar ou ailleurs.1

De plus, les bombardements se sont poursuivis après le 10 décembre, faisant chaque fois des dizaines de nouvelles victimes. Ainsi, le 20 décembre, des appareils ont bombardé un convoi de dignitaires locaux afghans en route pour la cérémonie d'inauguration du nouveau gouvernement. 65 notables au moins ont perdu la vie dans cette opération.

Dans la nuit du 26 au 27 décembre, le village de Naka a été bombardé. On prétend qu'il y a eu 40 morts. Le 30 décembre, c'était au tour du village de Niazi Qala, pour lequel des témoins parlent d'une centaine de morts au moins.2 Selon des sources gouvernementales américaines, le village aurait abrité un dépôt d'armes, ce que nient des témoins locaux.

Le 6 janvier, les bombardements reprenaient pour la première fois cette année dans l'Est de l'Afghanistan. Cette fois, il semble que les cibles aient été un camp d'entraînement supposé des combattants d'Al-Qaïda, ainsi qu'un réseau de tunnels. On se demande quel aura été le nombre de tués, cette fois.

Notes : 1 On peut trouver l'étude du professeur Herold sur http://http://pubpages.unh.edu/~mwherold/ · 2 De Standaard, 1er janvier, et La Libre Belgique, 2 janvier.

 

 

Afghanistan : Crimes sans châtiments ?

En plein préparation pour une nouvelle guerre contre l'Irak les Etats-Unis tentent à tout prix de protéger les crimes de leurs soldats en Afghanistan. Des charniers entiers d'Afghans sauvagement assassinés ont été trouvés dans la région, l'implication US est-elle établie ? Pourquoi les Etats-Unis refusent-ils de reconnaître la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye ?

Annelise Arcq, 09-09-2002

Nous en faisions état déjà le 26 juin dernier : lorsque la ville de Kunduz est tombée aux mains de l'armée du général afghan Abdul Rachid Dostom, allié des Etats-Unis, le 24 novembre 2001, des milliers de talibans et de combattants d'al-Qaïda se sont rendus aux nouveaux maîtres du pays. Des négociations, menées en présence d'Américains, ont fixé les termes de la reddition : les talibans pourraient rentrer chez eux et les hommes de Ben Laden pourraient quitter l'Afghanistan et rentrer dans leur pays.

Mais Dostom n'avait pas l'intention de respecter les termes de la reddition. Les prisonniers ont été chargés dans des containers hermétiques. Des centaines d'entre eux sont morts d'asphyxie, dans d'atroces souffrances, ou ont été abattus.

Une odeur de charnier

Dans un documentaire présenté en juin dernier devant des membres du parlement européen, Jamie Doran, journaliste indépendant, avait enquêté sur ce «convoi de la mort». Selon son documentaire Massacre à Mazar, des soldats américains ont demandé aux Afghans de se débarrasser des containers remplis de prisonniers, pour éviter que cela n'apparaisse sur des photos satellites.

Doran a recueilli les témoignages de chauffeurs de camion et de soldats afghans selon lesquels certains prisonniers avaient frappé contre les parois, hurlant, suffoquant, devenant à moitié fous pour une goutte d'eau ou un filet d'air. Des soldats afghans affirment que des officiers US ont donné l'ordre aux militaires afghans de tirer dans les containers.

L'un d'eux rapporte avoir vu un soldat américain briser la nuque d'un prisonnier et arroser d'acide d'autres prisonniers. «Ils faisaient ce qu'ils voulaient, nous n'avions pas le pouvoir de les empêcher», affirme-t-il. Doran demandait que le site des fosses communes soit protégé, car le risque était grand que les traces de ces crimes de guerre soient nettoyées par l'Alliance du Nord ou les Américains.

Les révélations de Jamie Doran ont été confirmées par des journalistes du journal allemand Die Zeit, qui fait encore état d'un autre massacre dans la ville de Mazar-i-Sharif lorsqu'elle était occupée par les troupes de l'Alliance du Nord. Des combattants talibans s'étaient retranchés dans une école du centre ville d'où ils défendaient leurs positions. L'aviation américaine est entrée en action pour vaincre cette résistance. Après l'action, la Croix Rouge a dénombré 570 corps. On se souviendra aussi de l'assaut donné contre la prison de Qala Jangi, la forteresse où éclata le 25 novembre une émeute très meurtrière, où plus de 600 prisonniers talibans ont péri en présence et avec l'aide de troupes américaines.

En janvier et février, une équipe de Physicians for Human Rights (PHR), une organisation basée à Boston, avait enquêté sur les «convois de la mort» et découvert les charniers, à Dasht-e Leili.

L'hebdomadaire Newsweek revient largement sur ces convois dans son édition du 26 août. Selon Newsweek, un mémorandum confidentiel des Nations Unies estime que les découvertes faites dans les fosses communes «suffisent pour justifier une enquête criminelle officielle.» «Considérant la sensibilité politique de cette affaire, et pour des raisons de sécurité, il est fortement recommandé que toutes les activités relevant de ce cas soient arrêtées jusqu'à ce que soit prise une décision concernant la finalité : procès criminel, commission vérité ou autre.» Mais ce mémorandum est resté sans suite. Des responsables genevois de la Croix Rouge, rencontrés à Kaboul par l'équipe de PHR, avaient confié avoir de «graves inquiétudes» quant au traitement des prisonniers par les troupes US et leurs alliés. Et dans son bureau de Kandahar, la Croix rouge a présenté aux journalistes un survivant d'un des containers, Sardar Mohammed, 23 ans, qui affirme avoir compté plus de 1 000 victimes n'ayant pas survécu au convoi.

Accusations de crimes de guerre

«Des forces US étaient présentes dans la région à cette période, dit Jennifer Leaning, professeur à l'Ecole de santé publique de Harvard et membre de l'équipe de PHR. Que savaient les Américains, quand, et où, et qu'ont-ils fait ?»

Newsweek rapporte que la A-team 595 des Special Forces ­ les troupes de choc de l'attaque US contre les Talibans ­ avait été assignée pour travailler avec le général Dostum (chaque A-team est assignée à un commandant local). Elle a établi le contact avec Dostum le 19 octobre dans ses quartiers généraux, au sud de Mazar-i-Sharif.

Le 4 novembre, l'Alliance du Nord a donné l'assaut à Mazar, un assaut orchestré notamment par les Special Forces, dont deux A-teams. A-team 595 a assisté Dostum lors des négociations qui ont entouré la reddition des prisonniers talibans. Les jours où les convois de la mort sont arrivés à Shebergan, des troupes des Special Forces étaient dans la région et s'occupaient principalement de la sécurité dans la prison.

Une équipe des services secrets US, en tenue de combat, était présente dans la prison et opérait la sélection des membres d'al-Qaïda. Le colonel Mulholland, commandant du Fifht Special Forces Group, rapporte que la A-team savait qu'un nombre important de prisonniers talibans étaient morts sur le trajet vers Shebergan. Mais bien entendu, l'armée américaine nie toute implication : «Nos soldats affirment qu'ils n'ont vu transporter des prisonniers que dans des camions découverts et que les détenus recevaient eau et nourriture [...]. Tous ont appris que s'ils étaient témoins d'atrocités, ils devraient agir pour y mettre fin», a déclaré au Monde l'un de ses porte-parole, le lieutenant colonel David Lapan. Ce peloton d'élite suivait pas à pas le seigneur de la guerre Dostom, devenu ministre. Des bérets verts si efficaces et héroïques que leur capitaine a reçu, en avril, les honneurs officiels de son Etat du Kansas.

Les accusations de crimes de guerre se multiplient donc envers les Américains et leurs alliés afghans. Depuis que les troupes US sont arrivées en Afghanistan en octobre dernier, l'administration Bush considère sa campagne comme une guerre américaine contre le terrorisme, une guerre contre les Talibans pour laquelle elle fait appel aux services de l'Alliance du Nord, son allié sur le terrain. Ce sont clairement les Américains qui ont le contrôle. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld décrivait en ces termes les relations des forces armées US avec l'Alliance du Nord : «Dans le Nord, les Special Forces US sont enrôlées dans des éléments de l'Alliance du Nord, et les ont assistés dans les communications afin d'apporter de la nourriture, des munitions, des équipements médicaux, des tenues d'hiver, ainsi que pour communiquer avec la force aérienne que fournissent lkes Etats-Unis.»

Depuis des mois, l'Afghanistan est sous surveillance militaire intense, avec du matériel électronique hypersophistiqué utilisé pour surveiller les déplacements de troupes. Comment le mouvement d'un convoi de containers n'aurait-il pas été repéré ? Comment la mort de centaines sinon de milliers de prisonniers et leur déchargement dans le désert auraient-ils pu passer inaperçus ? D'une part, les Américains se vantent d'aller chasser le terroriste en Afghanistan, mais lorsque l'évidence de massacre se fait de plus en plus présente, l'administration Bush prétend qu'elle n'a rien à voir avec cela ?! L'Alliance du Nord agissait à l'initiative de l'administration Bush. A plusieurs reprises, la Maison Blanche a répété que les combattants talibans, assimilés à Al-Qaïda, étaient des «combattants illégaux» qui n'étaient pas protégés par les Conventions de Genève.

Plusieurs enquêtes, dont celle de Newsweek, rapportent l'évidence que des crimes de guerre ont été commis. Toutes confirment la présence de personnel militaire américain sur le terrain à différents stades des atrocités. Une enquête pour crimes de guerre, non seulement envers l'Alliance du Nord mais aussi à l'encontre de militaires américains et de l'administration Bush est nécessaire. Et tôt ou tard, ces derniers pourraient être amenés à devoir répondre de leurs actes devant la Cour Pénale Internationale. Ce dont ils tentent actuellement de se prémunir.

Pourquoi les Etats-Unis refusent-ils de reconnaître la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye ? Pourquoi multiplient-ils les pressions sur les pays ayant signé le traité fondateur de la Cour, pour signer des accords bilatéraux ?

Sur base de l'exemple afghan, on comprend mieux pourquoi. Dans ces accords, les deux signataires s'engagent à ne pas livrer leurs ressortissants à la CPI. Les citoyens américains seraient ainsi assurés de ne jamais se retrouver devant la CPI, qui poursuit des individus soupçonnés de crimes de guerre ou de génocide. Pour inciter les pays tiers à signer les accords proposés, le Congrès américain vient d'adopter une loi que le président Bush a signée dernièrement. Cette loi prévoit de stopper l'aide militaire aux pays qui refuseraient d'accepter le pacte de non-extradition mutuelle. Ce que craignent les Etats-Unis, c'est que l'administration et les militaires américains en mission à l'étranger soient l'objet de procès «politiques», mais surtout qu'une instance internationale vienne jeter un grain de sable dans le sale jeu de la grande puissance américaine. Surtout que personne ne vienne mettre son nez dans les affaires puantes de l'administration américaine !

 

 

Les Américains ne parviennent pas à contrôler l'Afghanistan

(Peter Franssen ; 21-05-2003)

Le 1er mai, Rumsfeld était en visite en Afghanistan. La guerre dans ce pays est définitivement terminée, a-t-il déclaré : «La quasi-totalité du pays est sûre et tranquille.» 1 En réalité, les Américains ne contrôlent rien ni personne, dans ce pays, en dehors du gouvernement de collabos de Karzaï.

Les Taliban ont remis sur pied une structure de commandement. Ils ont divisé le pays en provinces militaires et conclu la formation d'un front avec leurs anciens ennemis, les moudjahiddin et Gulbuddin Hekmatyar. Chaque jour, les Américains sont exposés au feu. Un ONGiste, qui travaille dans les environs de la ville de Gardez, dans l'Est du pays, explique, non sans cynisme : «Dans notre coin, la semaine dernière, c'était tranquille. On n'a tiré que cinq roquettes contre les installations américaines.» Dans le Sud, les Américains et l'armée gouvernementale ont dû abandonner deux districts. A Kaboul, un fonctionnaire du gouvernement se désespère : «La situation est tout bonnement sans espoir et cela s'aggrave chaque jour.» 2

Petit aperçu des passes d'armes de la semaine dernière :

Notes : 1 Violence in Afghanistan continues (La violence en Afgh. se poursuit), Associated Press, 2 mai 2003 ; 2 Simon Denyer, Reality in Afghanistan belies US rhetoric (La réalité afghane dément les beaux discours américains), Dawn, 9 mai 2003.

 

Le «Syndrome de l’Otan» :

Dix ans de mensonges sur l’uranium appauvri

Sommaire :

26 000 soldats US souffrent de ‘maladies inconnues’

Qui ne cherche rien ne trouve rien

Deux femmes admirables, Sara et Carol, ont démarré la résistance

Encore une histoire de fric ?

Paris et Londres produisent aussi des armes à l’uranium et ont aussi étouffé la vérité

Ils savaient… et ils n’ont rien dit

L’embargo empêche de secourir la population irakienne

Pourquoi l’Otan ne respecte aucune vie…

Pour faire justice

Pour (s’) informer

Après des années de souffrance, des soldats belges déposent plainte contre leur gouvernement. Mais pourquoi l’Otan cache-t-elle la vérité depuis dix ans ? Si le scandale de l’uranium éclate enfin, c’est grâce à la lutte acharnée menée depuis dix ans - aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne et en France - par des associations de soldats victimes et par une poignée de scientifiques et de militants courageux. Dont Christine Abdelkrim-Delanne qui vient de publier "La sale guerre propre"1. Historique de ce combat.

(Michel Collon)

26 000 soldats US souffrent de ‘maladies inconnues’

Cancers, lésions cérébrales, malformations de nouveau-nés... L’Otan persiste à nier le danger de l’uranium appauvri, en dépit des souffrances des vétérans de la guerre du Golfe comme de la population irakienne…

«J’ai été blessé le 26 février 1991 par un ‘tir ami’ impliquant des munitions à l’uranium appauvri, raconte Jerry Wheat (3ème division blindée US dans le Golfe). En octobre, j’ai ressenti des douleurs abdominales violentes. J’ai quitté l’armée. J’ai envisagé de me suicider car il n’y avait aucune réponse ni traitement. On m’a dit que ma maladie, c’était dans ma tête. Notre gouvernement devrait arrêter d’utiliser l’uranium appauvri. S’il ne le fait pas, qu’il assure au moins le suivi médical de ceux qui en ont besoin. Ce triste héritage des fautes du gouvernement n’est pas nouveau. Il y a environ 50 ans, des vétérans ont été utilisés comme cobayes humains pour les essais nucléaires. Puis le gouvernement a testé le LSD sur d’autres. Puis ils ont utilisé l’agent orange au Vietnam.»

Au retour de la guerre du Golfe, en 1991, de nombreux soldats américains et britanniques constatent certains troubles: cancers, maladies des poumons et de la peau, lésions cérébrales. Et malformations monstrueuses chez des enfants nouveau-nés.

On observe les mêmes pathologies dans la population irakienne, constate le professeur Selma Al Taha, directeur d’un laboratoire de génétique : «Depuis la guerre, nous enregistrons une augmentation importante de malformations congénitales : hydrocéphalies (présence d’une quantité anormalement grande de liquide dans les cavités du cerveau), encéphalites, spina-bifida (fissure d’un ou de plusieurs arcs vertébraux), mais aussi malformations monstrueuses des bras et des jambes, absence de cœur et de tête.»

Son collègue Al Askri, spécialiste en médecine nucléaire, souligne «une forte augmentation des problèmes de thyroïde et des cancers. Nous voyons quotidiennement environ cinquante patients présentant un cancer.» C’est dans le sud, foyer intense de la guerre, qu’on trouve le plus fort taux de leucémie des enfants.

Une enquête scientifique approfondie et indépendante est indispensable

Les symptômes du «syndrome de la guerre du Golfe» étant très divers, plusieurs causes possibles ont été avancées: uranium appauvri, pesticides, bombardements d’usines chimiques, vaccins, stress… Complexe, la question nécessiterait une recherche scientifique approfondie et coûteuse. Les Etats-Unis et l’Otan nient tout lien avec l’uranium appauvri ou toute autre faute de leur part. Mais c’est justement leur refus d’entreprendre cette recherche qui leur a permis de nier le syndrome du Golfe depuis dix ans.

Pourtant, l’armée américaine a dû reconnaître récemment que 132 749 anciens combattants étaient «inaptes au service» dont 20% atteints de «maladies inconnues». Mais elle rejette toutes les études, notamment du très officiel département des Vétérans ou du centre de recherche des forces navales de San Diego, et continue à prétendre qu’il s’agit de «victimes du stress de guerre».

Qui ne cherche rien ne trouve rien

Malgré l’obstruction systématique de l’armée US, qui continue encore à semer le doute pour gagner du temps, la vérité fera lentement son chemin…

Le 7 mai 1991, le professeur allemand Sigwart Gunther découvre des débris de projectiles de formes et de poids bizarres sur l’autoroute, dans le désert irakien. «J’ai vu des enfants jouer avec ça. J’ai appris qu’une petite fille qui en possédait était morte de leucémie.»

Quatre instituts allemands différents y découvrent une radioactivité énorme. La police fait disparaître le projectile, mais ne peut empêcher Gunther de sonner l’alerte. Peu entendue, hélas.

En 1992, une étude du Bureau d’évaluation technologique du Congrès US, constate que, sur 148 tués officiellement reconnus, 34 l’ont été par des «tirs amis». Et conclut : «Impossible de prévoir le nombre de décès ultérieurs parmi les soldats portant des éclats d’uranium appauvri dans leur corps».

Serait-ce pour cela que l’armée US aurait, après la guerre, ramené en secret aux USA des matériels américains et irakiens contaminés ? En tout cas, en janvier 92, sous la pression des associations de vétérans, le Bureau d’investigation du Congrès américain lance une enquête.

Et en mars, le service de santé de l’armée recommande d’identifier les soldats portant des éclats dans leur corps «pour observer et cataloguer les signes de toxicité rénale chronique et de cancer». Mais pendant cinq ans, le nombre de soldats contaminés ne sera jamais publié.

L’armée US en flagrant délit de mensonges répétés

Systématiquement, l’armée US cache les informations alarmantes. Ainsi, cinq mois après la guerre, un incendie fait rage à la base US de Doha, près de Koweït City, détruisant 4 chars Abrams, 660 obus de 120 mm et 9 720 de 25 mm, tous chargés en uranium appauvri. 3 500 soldats sont présents et on détecte une contamination supérieure aux normes admises. Une note précisant le danger d’inhaler des particules n’est pas distribuée au personnel qui nettoiera le hangar sans aucune protection, buvant même l’eau d’un jerrycan proche.

Mais à la fin de la journée, des officiers viennent coller des étiquettes «radioactivité» sur les débris de munitions. Et deux mois plus tard, les équipes chargées de décontaminer porteront toutes des masques, gants et combinaisons de protection.

Pendant sept ans aussi, l’armée US refusera de révéler combien de soldats ont été contaminés parmi les équipes réparant les véhicules endommagés par les «tirs amis».

Depuis 1992, vétérans et autorités US se sont livrés à une bataille de chiffres. Jusqu’en mars 98, le Pentagone maintient que la contamination à l’uranium ne concerne que 35 personnes. Mais des documents secrets déclassifiés permettent au chercheur Dan Fahey d’obliger finalement le Pentagone à reconnaître publiquement son «erreur». Il y en aurait 113. Au moins.

La détermination des vétérans a été décisive pour contrer la mauvaise foi des autorités US qui, aujourd’hui encore, ne cherchent qu’à gagner du temps et semer le doute. Ce que Fahey résume ainsi : «Qui ne cherche rien ne trouve rien».

Deux femmes admirables, Sara et Carol, ont démarré la résistance

Sara Flounders est cofondatrice de l’International Action Center, une organisation présidée par Ramsey Clark (ex-ministre américain de la Justice) qui lutte contre toutes les guerres impérialistes des Etats-Unis : Vietnam, Grenade, Panama, Nicaragua, Libye, Somalie et bien sûr la guerre du Golfe. Dès 1992, Sara Flounders auditionne plus d’une centaine de soldats et commence les premières recherches sur le lien avec l’uranium.

En 1997, dans son livre Metal of Dishonour (Le Métal de la honte), elle publie un des premiers témoignages de vétérans : «J’étais volontaire par patriotisme, raconte Carol H. Picou (photo) , je voulais aider. Infirmière militaire, j’étais dans le premier hôpital de campagne à entrer en Irak (…) dans le désert irakien. Il y avait des munitions partout, des obus, des bunkers soufflés, et notre unité médicale de 150 personnes a traversé tout cela sans aucune protection. Nous étions sept femmes. Nous sommes toutes malades. D’autres membres de l’unité sont morts. Les chars (irakiens) étaient brûlés et les corps carbonisés. Je n’avais jamais vu une chose pareille. J’ai arrêté mon véhicule et pris des photos. Nous nous sommes dits : ‘C’est la route de l’enfer.’ On ne nous avait pas avertis de la contamination.

«Je ne pouvais plus contrôler mes intestins, ni mon sphincter»

En Irak, j’ai commencé à remarquer des taches noire sur ma peau. Je sentais un changement en moi. Je ne pouvais plus contrôler mes intestins, ni mon sphincter. Ils m’ont dit que c’était mécanique et que je devrais faire des examens en rentrant. A mon retour, j’ai commencé à poser des questions et j’ai eu peur pour ma carrière militaire. Un ‘Vétéran atomique’ (ndlr : c’est ainsi que l’on nomme les 250 000 soldats – chiffres américains officiels – irradiés durant les expériences nucléaires américaines entre 1942 et 1963) m’a dit que j’étais empoisonnée par l’uranium appauvri. Un médecin civil a diagnostiqué: encéphalopathie due à l’exposition à une substance toxique, anomalies du système immunitaire, etc.

L’armée n’a retenu pour mon invalidité que ‘l’incontinence urinaire et intestinale d’origine inconnue’. On m’a licenciée, on a évidemment supprimé mon assurance maladie militaire. En février 94, un contrôle a révélé la présence d’uranium. Je suis allée à Washington et je me suis publiquement exprimée. Aujourd’hui, j’ai un grave problème de mémoire. J’ai une encéphalopathie d’origine toxique, une détérioration de la thyroïde, une dégradation musculaire. Je souffre d’incontinence de la vessie et des intestins et je ne peux pratiquement plus me servir de mes mains et de mes pieds. Le bébé d’un membre de notre unité est né sans oreilles, sans yeux et le cœur à droite.»

Depuis lors, Carol a beaucoup témoigné à travers le monde. Son courage, ainsi que l’action de Sara Flounders et de l’International Action Center ont fait reculer le mur du silence.

Encore une histoire de fric ?

A qui profite le crime ? Qui a intérêt à ce qu’on emploie des tonnes d’uranium appauvri ?

En septembre, un colonel de l’armée yougoslave, chargé de l’enquête sur les sites bombardés par l’Otan et de la protection des soldats, me disait qu’il existe des métaux autant ou plus performants pour percer les blindages que l’uranium appauvri. Mais l’employer permet de résoudre l’épineux problème du traitement de ces déchets nucléaires (qui restent radioactifs pendant des milliards d’années). L’industrie nucléaire transformerait donc certains pays - et certains peuples - en poubelles nucléaires.

N’étant pas expert, je ne peux juger des ‘mérites’ des divers composants possibles. Il serait important que des chercheurs honnêtes et indépendants creusent cet aspect. Quand on voit employer des armes aussi criminelles, ne faut-il pas chercher quels intérêts se cachent derrière ?

La faute aux vaccins ? A la pilule antisommeil ? Ou au business ?

Diverses hypothèses tentent d’expliquer le «syndrome du Golfe et des Balkans»… Selon Pamela Asa, chercheur en biologie nucléaire, l’armée US aurait clandestinement introduit une substance non autorisée, le squalène, dans le cocktail de vaccins administrés à ses soldats. Réaction ? D’abord, l’armée US nie que ses laboratoires disposent de squalène. Puis, elle admet son utilisation mais après la guerre. Enfin, elle avoue l’avoir expérimenté avant la guerre, mais refuse d’ouvrir ses archives. Or, une enquête du Congrès américain montre que le nombre de vaccinés est septante fois supérieur aux chiffres officiels. Les soldats auraient servi de cobayes pour des tests secrets.

Même accusation contre l’armée française. Ses comprimés de pyridostigmine (prévention contre les gaz de combat) auraient été imposés aux soldats sans autorisation légale, malgré leurs dangereux effets secondaires. Aux USA, ce produit n’a toujours pas autorisé par la Food and Drug Administration.

Autre suspect : le Canard enchaîné a découvert que «dans le plus grand secret, l’état-major français a expérimenté une pilule anti-sommeil alors interdite à la vente». 14 000 boîtes de Modafinil, acheminées sous un faux nom en refusant de dire aux soldats ce qu’ils avalaient (beaucoup refusèrent). Une telle pilule magique antifatigue promet évidemment de juteux bénéfices. Mais la loi française interdit, sous peine de prison, tout test pratiqué sans informer le sujet de la nature du produit et des risques. L’armée française se serait-elle mise hors la loi pour servir de gros intérêts financiers ?

Le livre d’Abdelkrim examine encore divers suspects dont un pesticide. Que conclure ? D’abord, que la conspiration du silence, organisée par les Etats-Unis et l’Otan, est responsable de cette incertitude qui exacerbe l’angoisse des victimes.

Deuxièmement, que les symptômes des soldats occidentaux pourraient provenir de différents facteurs: uranium, vaccins, médicaments spéciaux ou pollutions locales. Mais, dans chacun de ces cas, ce livre démontre que les armées occidentales ont utilisé des produits dangereux en cachant les risques. Elles s’accrochent donc à la théorie des ‘malades dans leur têtes’, car toute enquête révélerait des fautes gravissimes.

Troisièmement, les populations d’Irak et des Balkans n’ont pas reçu ces vaccins ou autres produits, c’est donc bien l’uranium qui cause ces cancers et ces malformations monstrueuses, il faut donc interdire sur le champ cette arme criminelle.

Paris et Londres produisent aussi des armes à l’uranium et ont aussi étouffé la vérité.

En 1993, la petite anglaise Kimberley Office meurt dès sa naissance de malformations congénitales graves. Son père, soldat dans le Golfe, et sa mère, soutenus par les associations de vétérans, forceront finalement l’armée britannique à entamer une étude pilote en 1998. Résultat officiel : rien.

Mais les autorités britanniques sont-elles fiables ? Elles produisent ce type d’armement depuis 1979, ont mis très longtemps à le reconnaître et ont d’abord nié publiquement avoir utilisé des armes à l’uranium pendant la guerre du Golfe.

Les autorités françaises ont longtemps nié produire ou utiliser ces armes. Illégales et discrètement condamnées par l’ONU en 1996. Mais, en 1994, la revue française pacifiste Damoclès relève la présence de déchets lors d’essais d’armes. En 1998, elle révèle que Giat Industries produit 60 000 obus de 120 mm à l’uranium.

En 1998, Christine Abdelkrim-Delanne, l’auteur du livre récent La Sale Guerre propre, interroge les autorités françaises. A-t-on analysé la terre et l’eau dans les zones d’essai des armes à l’uranium ? Le personnel était-il protégé ? Comment peut-on être certain qu’aucun soldat français n’a été contaminé ? Sans réponse.

En août 2000 encore, le ministre de la Défense, Alain Richard, affirme solennellement qu’aucun soldat français n’a été victime de munitions à l’uranium dans le Golfe. Riposte : l’association Avigolfe publie une longue liste : Frédéric Bissérieix, décédé de tumeurs à 32 ans ; A.N., mort à 43 ans de cancer généralisé ; M.C. décédé de lymphome ; M.L., mort en 1992 d’un cancer du poumon… Les autorités militaires françaises ont, elles aussi, refusé de répondre aux angoisses des soldats, de leur transmettre des dossiers médicaux complets ou de mener des recherches sérieuses. Le livre d’Abdelkrim épingle les nombreux mensonges et dissimulations du ministre Richard et de l’armée.

A présent, certaines puissances européennes tentent de rejeter la faute sur les seuls USA et d’en profiter pour promouvoir leur projet d’Euro-armée. Mais elles ont fait pareil.

L’avion A10 thunderbolt est un grand utilisateur d’obus à l’uranium appauvri.

Ils savaient… et ils n’ont rien dit

Quatre mois avant la guerre du Golfe, l’état-major US diffuse des «consignes en cas d’accident de transport des munitions à l’uranium appauvri». Révélatrices !

«Si les emballages sont endommagés, ils doivent être remplacés avant de poursuivre le transport. Un contrôle de contamination radioactive doit être effectué. S’ils sont contaminés, ils doivent être décontaminés selon les méthodes décrites au chapitre 7 …» On notera que ces mesures strictes visent un accident de transport, même pas une explosion ! Il y avait donc bien un danger grave ?

Bien sûr, et ils le savaient. Le 22 juillet 1990, le lieutenant-colonel Ziehm avait écrit dans un rapport officiel : «Il y a eu et il continue d’y avoir une inquiétude quant à l’impact de l’uranium appauvri sur l’environnement. Si personne ne doute de l’efficacité de l’uranium appauvri sur le champ de bataille, ces munitions peuvent devenir politiquement inacceptables et susceptibles d’être, en conséquence, retirées de l’arsenal.» (p. 202). C’est donc en parfaite connaissance et pour éviter la protestation que les dirigeants militaires US ont organisé la conspiration du silence !

Cette conspiration dure toujours. Asaf Durakovic, professeur de médecine nucléaire, chargé d’examiner les soldats du 144e New Jersey Transport Corps, en avait envoyé 24 à la clinique des Vétérans de Boston. Les recherches avançaient, mettant en évidence des traces de radioactivité. Brutalement, ses dossiers et échantillons sont détruits et, en février 97, son poste est supprimé pour «raisons budgétaires». A la même époque, les docteurs Burroughs et Slingerlan perdent aussi leur poste pour avoir demandé du matériel de recherche performant. Durakovic écrira à Clinton pour «dénoncer le complot dont sont victimes les vétérans». Sans réponse.

Mais en Europe aussi, la protestation s’organise. A Manchester, en janvier 99, un ensemble d’organisations non gouvernementales lancent une grande campagne d’information. Et certains pays finissent par s’inquiéter. En août, le ministre finlandais de l’Environnement organise une équipe d’enquête au Kosovo. L’Otan refuse de collaborer, mais l’équipe persévère et conclut que les risques sont sérieux. En novembre, le gouvernement italien approuve une note très critique. En Belgique, une série d’articles de Frédéric Loore fait grand bruit dans le Journal du Samedi. Le ministre de la Défense Flahaut tente d’abord de minimiser, puis doit reculer…

Messieurs nos ministres, que saviez-vous exactement ?

Ce 8 janvier, ce même Flahaut avoue au Morgen que les avertissements de l’Otan n’ont pas été portés à la connaissance du public car il s’en serait suivi un mouvement contre l’envoi de soldats en Bosnie.1 Cette déclaration ahurissante exige un débat pour établir la vérité.

De deux choses l’une. Ou bien les ministres belges successifs n’ont pas été informés par les Etats-Unis des dangers de l’uranium appauvri. Et alors la Belgique ne devrait-elle pas quitter une organisation qui méprise à ce point la vie humaine, y compris de ses propres soldats ? Ou bien ils étaient au courant, et dans ce cas ne devraient-ils pas être jugés pour complicité ?

Notes : 1 De Morgen, 8 janvier 01.

L’embargo empêche de secourir la population irakienne

Outre les soldats occidentaux, des millions d’Irakiens sont atteints ou menacés. Et l’embargo empêche de les secourir. Un crime après tant d’autres…

«Nous ramènerons l’Irak à l’âge de la pierre», avait annoncé le président US Bush. On a bombardé de multiples sites civils : centrales électriques, stations de pompage et d’épuration de l’eau, sites pétroliers, silos de céréales, entrepôts alimentaires… Une cruauté délibérée. En octobre 90, l’Institut de Washington pour le Moyen-Orient recommandait de frapper «les stations de pompage et d’épuration des eaux de Bagdad sans lesquelles la population urbaine devra passer plusieurs heures par jour à chercher l’eau et à la purifier».

On a aussi bombardé, sans se préoccuper des effets sur l’environnement, les sites de production d’agents chimiques et biologiques, les centrales nucléaires, les usines d’armements, les complexes pétrochimiques et leurs produits hautement toxiques.

La liste des crimes commis est longue: usage des effroyables — et illégales — bombes à fragmentation (dont chacune sème des centaines d’éclats meurtriers pour les populations), milliers de soldats irakiens ensevelis vivants dans le désert, massacre de milliers de soldats en fuite sur l’«autoroute de la mort»… Quinze ans après le Vietnam, l’armée US ne fut nullement plus ‘civilisée’.

Mais le pire crime est certainement l’embargo. Aujourd’hui encore, tout un peuple est privé des moyens de se nourrir et de se soigner. C’est aussi dans la population irakienne que l’uranium a fait le plus de victimes. Toute une génération est en péril. Il faut d’urgence les secourir en finançant les recherches et les soins nécessaires.

Christine Abdelkrim a visité l’Irak, «enfer empli de cris et de souffrances». Son livre montre qu’uranium appauvri et embargo sont deux aspects d’une même guerre barbare.

En Serbie, les sites contaminés à l’uranium sont délimités et interdits d’accès. Mais pas au Kosovo occupé, où l’Otan nie tout danger.

Pourquoi l’Otan ne respecte aucune vie…

A nouveau, l’Otan est prise en flagrant délit. Mais a-t-elle menti seulement sur ses armes perverses et sa ‘guerre propre’ ? Ou aussi sur ses véritables objectifs ?

Souvenez-vous : les guerres contre l’Irak, en Bosnie ou contre la Yougoslavie étaient toutes ‘humanitaires’. Mais aujourd’hui, le peuple irakien reste soumis à un embargo impitoyable, rien n’est réglé en Bosnie, transformée en protectorat occidental corrompu et invivable, tandis qu’en Yougoslavie deux mille civils ont été tués par les bombardements de l’Otan. Quant au Kosovo, il est ethniquement ‘nettoyé’ par ses protégés de l’UCK.

Et transformé en poubelle nucléaire. En octobre dernier, j’invitais à Bruxelles Snezana Pavlovic, experte nucléaire de Belgrade, pour un grand débat sur l’uranium. Cette Serbe nous a dit : «Notre gouvernement avait prévu l’usage d’armes à l’uranium et organisé la protection des soldats visés. En Serbie, les sites contaminés sont délimités et interdits d’accès. Mais pas au Kosovo occupé, où l’Otan nie tout danger. En fait, ce sont surtout les civils albanais, particulièrement les enfants, qui seront victimes de l’uranium.»

De la santé des Albanais, l’Otan s’en fichait complètement. Et aujourd’hui, le nombre de cancers augmente fortement au Kosovo. Ainsi qu’en Bosnie. Par exemple, à Bratunac, où se sont réfugiés les civils serbes issus de zones bombardées par l’Otan en 95 dans les faubourgs de Sarajevo, le cimetière est trop petit car, tous les trois jours, quelqu’un meurt de cancer.

«Faisons la guerre pour vendre» (Bill Clinton)

Ce terrifiant constat d’échec amène à se demander : quels étaient leurs véritables objectifs ? En vérité, la guerre de l’Otan n’avait rien d’humanitaire, avouait Bill Clinton (en privé) à la veille de la guerre : «Si nous voulons des relations économiques solides, nous permettant de vendre dans le monde entier, il faut que l’Europe soit la clé. C’est de cela qu’il s’agit avec toute cette chose (sic) du Kosovo.»

Un de ses proches confirmait : «Pour que la globalisation marche, l’Amérique ne doit pas craindre d’agir comme la superpuissance omnipotente qu’elle est. La main invisible du marché ne fonctionnera jamais sans un poing caché. McDonalds ne peut être prospère sans McDonnell Douglas, le constructeur de l’avion F-15.» 1 C’était donc bien une guerre pour les superprofits des multinationales, pour briser la résistance d’un pays prétendant garder une économie indépendante. Pour ceux qui veulent dominer et exploiter le monde, une vie humaine ne vaut rien. Ni celle des soldats américains ou européens, ni celle des Irakiens, des Serbes et des Albanais, tous délibérément contaminés.

Voilà pourquoi Javier Solana, responsable hier de l’Otan et aujourd’hui de la future Euro-armée, a imposé cet été le ‘secret défense’ sur tous les projets et analyses militaires européens. Provoquant la colère, mais en vain, d’une majorité des europarlementaires privés de tout contrôle. Est-ce aux peuples de juger s’il faut faire la guerre ou est-ce aux multinationales et aux généraux ? Monsieur Solana a répondu. Aujourd’hui, nous payons les conséquences. Il faut arrêter l’Otan !

Notes : 1 Cités et commentés dans Michel Collon, Monopoly, EPO, 2000, p. 90.

Pour faire justice

L’ancien ministre américain Ramsey Clark a bien défini ce qu’il faut exiger : «Les armes à l’uranium appauvri représentent une menace inacceptable pour la vie, une violation de la loi internationale et une atteinte à la dignité humaine. Pour sauvegarder le futur de l’humanité, nous exigeons l’interdiction internationale inconditionnelle de la recherche, la production, les essais, le transport, la détention et l’utilisation de l’uranium appauvri à des fins militaires.

De plus, nous demandons que toutes ces armes et tous les déchets radioactifs soient immédiatement isolés et stockés, que l’uranium appauvri soit classé ‘substance radioactive à risque’, que les zones contaminées soient nettoyées et que ceux qui ont été exposés puissent recevoir des soins médicaux appropriés.»

Et qui doit payer ? Le principe ‘pollueur = payeur’ n’est que simple justice. L’Otan, les firmes privées qui ont produit ces armements et les divers gouvernements qui ont produit, utilisé ou laissé utiliser ces armes doivent prélever sur leurs budgets militaires de quoi financer:

1. Des recherches scientifiques approfondies et indépendantes sur les effets de l’uranium appauvri et sur les symptômes constatés.

2. Une campagne d’information des populations d’Irak, de Bosnie et de Yougoslavie, ainsi que des soldats et autres personnels menacés.

3. Des mesures d’isolement immédiat des zones contaminées, ainsi que d’évacuation et de traitement des déchets et équipements suspects.

4. Des soins de qualité et des dédommagements pour toutes les victimes: populations locales ou soldats occidentaux.

5. Une commission d’enquête indépendante, constituée de personnalités scientifiques non liées à l’industrie de l’armement ou à l’armée, afin de rechercher les responsables des actes commis dans ces guerres et ceux qui ont étouffé l’information sur les dangers de l’uranium.

De plus, le gouvernement belge arrêtera immédiatement, unilatéralement et inconditionnellement toute politique d’embargo qui aggrave la situation de la population irakienne et empêche de la secourir.

Pour (s’) informer :

• Christine Abdelkrim-Delanne, auteur du livre La sale guerre propre, sera au Forum Festival Irak ce samedi 20 janvier, Passage 44, Bruxelles. 16h débat, 19h spectacle

• Débat à Tournai le 9 février, organisé par la Coalition pour l’interdiction des armes à l’uranium appauvri. A19h30, à l’EPI, rue Duquesnoy 21. Avec Frédéric Loore, journaliste à l’origine des révélations en Belgique et auteur de La guerre invisible (sortie début février) et Pierre Pierart, professeur honoraire de l’Université de Mons. Infos : didier.caluwaerts@wol.be. La Coalition peut vous fournir documentation et conférenciers partout en Belgique. Elle prépare un grand débat avec des soldats victimes et des experts à l’Université de Bruxelles le 15 février. Infos: 02/511.63.10. oumailto:%20csotan@caramail.com .

• Trois livres de Michel Collon exposent les médiamensonges du Golfe : Attention, médias !, ceux de la Bosnie : Poker menteur et ceux du Kosovo : Monopoly – L’Otan à la conquête du monde. Editions EPO. Diffusés notamment à la Librairie Internationale 02/513.69.07.

• Le film Sous les Bombes de l’Otan – 15 Belges en Yougoslavie ( 43 minutes) révèle également des médiamensonges importants et le vrai visage de la guerre dite propre. 350 FB. Diffusion : Ligue Anti-Impérialiste, rue de la caserne 68, 1000 Bruxelles, 02/50 40 140.

• La vidéo Otan, Kosovo et médias présente le seul débat contradictoire accepté par Jamie Shea, porte-parole de l’Otan. Avec Olivier Corten, professeur à l’ULB et Michel Collon, journaliste. Révélateur. Même diffuseur.

• Le film La Guerre radioactive secrète du Français Martin Meissonnier sera projeté au week-end Globalisation et santé, organisé par Médecine pour le Tiers Monde le 4 février à 14h, à Dworp (Brabant). Avec Pierre Piérart (Médecins pour la Prévention de la Guerre nucléaire) et le docteur Colette Moelaert (Médecine pour le Tiers Monde) Infos et inscriptions : tél. 02/50 40 147, fax 02/513 98 31, g3w@ngonet.be. Ce film, excellent pour introduire un débat, est disponible à l’asbl Projet Vidéo : 02 / 50 40 156.

• Sites internet : http://www.lai-aib.org/balkans ; http://www.stopnato.org.uk/ ; http://www.emperors-clothes.com/.

• Solidaire prépare plusieurs dossiers et témoignages exclusifs sur l’uranium. Michel Collon prépare un film documentaire sur la situation générale au Kosovo. Infos et réactions: michel.collon@skynet.be

 

 

 

Retour au sommaire des dossiers